
1) La guerre de la Russie contre l'Ukraine bénéficie d'une couverture médiatique importante, même si elle est forcément biaisée, imparfaite. On n'a jamais dépêché autant de journalistes et reporters sur un conflit armé. On les évalue grossièrement au nombre de 2 000. Mais à côté des officiels, pris en charge et soutenus par un grand diffuseur (télévision, presse), de nombreux "indépendants" viennent tenter là-bas leur chance dans l'espoir d'amorcer une carrière dans les médias: réaliser le reportage choc qui ébranlera l'opinion, faire la photo qui fera le tour du monde. Ca illustre d'abord la difficulté et la précarité du métier de journaliste : il faut quand même être un peu désespéré pour aller là-bas.
Ce qui est triste, c'est que ça se passe souvent mal pour ces "aventuriers" qui disparaissent parfois brutalement dans un total anonymat. Même moi qui connais certaines régions comme ma poche, j'avoue que je me verrais mal errer là-bas aujourd'hui compte tenu de mon ignorance totale des affaires militaires. Du côté ukrainien, on se méfie d'abord beaucoup de vous parce qu'on peut penser que vous êtes un "saboteur" travaillant pour les Russes. Et si vous tombez dans les pattes des Russes, on vous soupçonne alors d'être un mercenaire des Brigades Internationales et vous risquez alors d'être immédiatement fusillé.
Et surtout, sur place, ce n'est pas le scénario d'une guerre classique avec des combats directs qui se déroule. Il y a peu de hauts faits d'armes à rapporter. Il faut en effet d'abord subir la tactique russe qui est tout sauf héroïque: on submerge d'abord les villes sous un déluge de bombes et on se "risque" ensuite à intervenir au bout de longues semaines, quand tout est détruit et que la population est terrorisée, affamée, épuisée. C'est une "sale guerre" frappant indifféremment et dans ces conditions, votre survie ne dépend pas de vos initiatives personnelles mais de la simple loterie. La tactique russe, c'est vraiment "l'effort pour rendre l'autre fou", le démoraliser profondément, le convaincre de sa totale impuissance.
2) Plus de 3,5 millions d'Ukrainiens ont déjà quitté leur pays et ça n'est pas près de s'arrêter. Tout le monde a remarqué quelque chose d'inédit : aux femmes et enfants franchissant les frontières s'ajoute une foule d'animaux domestiques, des chiens, des chats, des lapins nains et même des hamsters. Beaucoup jugent cela absurde, de la sentimentalité idiote et déplacée d'autant que cela complique beaucoup les conditions d'accueil et d'hébergement. J'y vois plutôt le signe d'une compassion supérieure étendue à l'ensemble du vivant et surtout du refus absolu d'abandonner qui que ce soit à son sort. C'est la solidarité familiale très forte chez les Slaves et la famille, ça comprend aussi les animaux.
3) La Pologne accueille la majeure partie des réfugiés ukrainiens : 2 millions aujourd'hui qui s'ajoutent à la récente communauté de ces dernières décennies (1,5 M), c'est tout à l'honneur d'un pays de 38 M d'habitants. Ca permet de rappeler, n'en déplaise à Poutine, que les Polonais et les Ukrainiens ont longtemps vécu unis. Mais je m'interroge quand même : dans la seule Varsovie, 300 000 Ukrainiens viennent de s'installer. Rapporté à la population de la capitale (1,1 million d'habitants), c'est monstrueux. C'est comme si 600 000 Ukrainiens débarquaient tout à coup à Paris. Que se passerait-il alors ? J'entends déjà les cris d'orfraie de la Droite. Est-ce qu'on essaierait de faire face de la même manière en France sans protester, hurler ?
Ou alors, question encore plus dérangeante : en cas d'attaque étrangère, les Parisiens défendraient-ils leur ville comme comme à Kyïv ? On peut en douter tant il semble y avoir un consensus général pour ne surtout rien faire, pour se montrer d'emblée capitulards. On se déclare "pacifistes", on est même opposés à la livraison d'armes à l'Ukraine (Mélenchon). Ou alors, on est cyniques : il ne faudrait surtout pas ponctionner le pouvoir d'achat des Français, il faut qu'ils puissent continuer à rouler et se chauffer comme avant (Mélenchon, Le Pen). La France est parfois vraiment "moisie".