samedi 21 juin 2025

Addictions

 

Les addictions, on ne parle que de ça aujourd'hui et on en voit à peu près partout: depuis la simple dépendance à l'alcool, au tabac, aux drogues, à la nourriture (boulimie, anorexie), au sport, au jeu, au sexe, jusqu'à, aujourd'hui, aux fameux écrans de smartphones.











On serait finalement tous addicts et le sujet est devenu tellement immense qu'on ne sait plus si toutes ces conduites ont un point commun.

Pourtant, on ne se préoccupe de la question que depuis assez peu de temps. Baudelaire a bien sûr parlé des "Paradis artificiels" et Dostoïevsky du "joueur" mais ça n'était perçu que comme des conduites singulières, presque marginales.

Il a fallu attendre Freud, en réalité, pour que la dépendance commence à être théorisée. Et il est vrai qu'il était lui-même concerné. Il a d'abord expérimenté, sur lui-même, la cocaïne. Et il était surtout un fumeur compulsif (20 cigares par jour! On admire la compréhension de l'entourage) qui n'envisageait absolument pas un arrêt du tabac:  c'eût été se priver d'un plaisir essentiel. Et il a continué de fumer jusqu'à sa mort alors même qu'un cancer de la mâchoire lui faisait souffrir un martyre.

Freud a finalement peu écrit sur les addictions. Mais il a fourni, me semble-t-il, la clé de compréhension essentielle de leur mécanisme. Ce qui se joue, à travers elles, c'est le conflit entre le plaisir et la réalité, entre la pulsion de vie et la pulsion de mort.

Ca a toujours été très fort chez moi. J'ai d'abord vu la vie comme un immense terrain de jeu à expérimenter et je n'avais pas peur, pas froid aux yeux. J'ai donc à peu près tout expérimenté, j'ai fait jouer le principe de plaisir à plein.

Heureusement, l'alcool, le tabac, les drogues, ça ne me plaisait pas trop. Sans doute parce que je suis trop narcissique, trop attachée à l'image que je donne de moi-même pour en donner une vision dégradée d'abandon et de laisser-aller. 

Fondamentalement, je suis addict au désir des autres, je désire être désirée; par les hommes, bien sûr, mais pas seulement, c'est plus général, ça relève d'une volonté de puissance soigneusement masquée.

Ca explique le souci que j'ai de mon apparence. Pas question d'apparaître négligée. Et puis le souci extrême que j'ai de mon corps qui s'exprime au travers de mon idéal de minceur et de légèreté. Ca explique ma folie du sport et mon attention à tout ce que je mange (je suis une adepte du régime méditerranéen). Et ça va jusqu'à orienter mon attitude générale: mon élocution appliquée, mon comportement réservé et distancié.

Mais cette belle image ultra-maîtrisée que je m'efforce de donner de moi-même, je m'attache, parfois aussi, à la détruire, je cherche à me punir. Je ne suis pas nymphomane mais je cède à des types peu recommandables, des manipulateurs bas de gamme dont j'ai pourtant immédiatement décrypté le jeu.

C'est sans doute parce que je ne me sens jamais complétement à ma place, que j'éprouve, moi la minable Ukrainienne, un sentiment d'imposture. J'ai alors besoin de me faire mal, de me salir. Les nazes, je les cherche bien. Mais se débarrasser des nazes est ensuite éprouvant, harassant. 

On disserte beaucoup aujourd'hui sur le consentement. Mais je dirais aussi que l'on consent aussi pour s'infliger une punition, pour éprouver la sombre honte de l'humiliation. C'est la pulsion de mort qui s'attache à ravager l'identité qu'on s'est forgée. On est tous hantés par une fureur auto-destructrice.

C'est aussi mon point de vue, sans doute iconoclaste aujourd'hui, sur la relation entre les sexes. Une femme est moins attirée par un homme pour ses qualités supposées que par la capacité qu'elle perçoit en lui de la faire sombrer, de faire voler en éclats la cage de son identité sociale. Qu'importe alors l'humiliation ! Mais ça joue peut-être pareillement du côté des hommes. Même si c'est un cliché, l'amour et la mort sont étroitement liés. On a tous un peu envie de se faire du mal.

Mais l'addiction n'est pas allée, chez moi, jusqu'au point de prendre possession de ma vie entière. Je suis quand même très maîtrisée, en règle générale.

Et sur ce chapitre de la dépendance, il faut évidemment évoquer la forme extravagante prise par une récente addiction: celle aux smartphones et aux réseaux sociaux. On accepte un détournement et une captation de notre attention au monde. Un hold-up complet auquel on consent d'autant plus qu'on est pris dans une fièvre émotionnelle et que toute privation nous plonge dans l'état de manque du drogué.


D'ores et déjà, beaucoup de jeunes consacrent plus de temps à ce monde virtuel qu'à la vie réelle. Et le rôle de l'éducation parentale devient secondaire, insignifiant. D'ailleurs, les jeunes ne vivent plus en famille ni même à l'école (les vrais profs, ce sont les "penseurs" du smartphone) mais entre eux. 

Entre eux, c'est-à-dire en meutes et en bandes, au gré des humeurs et rumeurs d'un caïd, de ses exclusions et vénérations. On en revient à l'état de guerre de Hobbes ou à la horde primitive de Freud conduite par un grand mâle dominant.

Mais je ne veux pas non plus moraliser à ce sujet. Certes, la situation est récente et complétement nouvelle mais est-ce qu'elle va forcément conduire à la production d'une génération d'abrutis ? Les addictions, on en guérit et on en sort parfois aussi. Et on est alors renforcés. La pulsion de vie triomphe quand même, généralement, de la pulsion de mort. C'est le processus de la civilisation.

Images relevant de l'imaginaire européen du début du 20ème siècle, principalement d'Europe Centrale.

Je recommande :

- Yann DIENER: "La mâchoire de Freud". Un étrange bouquin dont on a trop peu parlé. Il parle d'abord de la lourde prothèse que Freud a du supporter pour pouvoir parler durant les 15 dernières années de sa vie. Quel paradoxe pour celui qui faisait des mots et de la parole l'instrument de la libération de l'homme ! Le livre débouche ensuite sur une réflexion très pertinente sur l'intelligence artificielle. On utilise tous, de plus en plus, des mots informatisés. On devient des Frankenstein du langage.

- Laura POGGIOLI: "Epoque". J'avais beaucoup aimé son 1er bouquin où elle évoque son expérience russe. Cette fois-ci, elle parle des addictions: celle aux réseaux sociaux et au smartphone et aussi celle au sexe particulièrement quand on est une femme. Qu'est-ce qui nous agite, nous remue, dans ces pratiques déviantes ? Le tour de force, c'est que Laura Poggioli parvient à évoquer ces dérives complexes avec force et simplicité.



samedi 14 juin 2025

De la Santé mentale


On vient de faire de la santé mentale, en France, une grande cause nationale. Tout le monde réclame désormais, à cor et à cris, un renforcement des structures psychiatriques, notamment en milieu scolaire. Les jeunes, en particulier, iraient mal, dit-on. Et les violences à l'école, il faudrait davantage de médecins scolaires pour les prévenir. 


Visiblement, le sujet accroche. Presque tout le monde a sa petite idée sur la question et, d'ailleurs, presque tout le monde se croit grand psychologue. On adore catégoriser les autres, bavasser sur leurs failles et insuffisances. Pire: on aime les "tuer psychiquement" en leur faisant part de notre diagnostic sans appel.


Et puis, dans les médias, on multiplie les émissions recueillant les confidences, on organise des débats d'"experts" qui viennent asséner un diagnostic. On rend public le trouble mental parce que l'on pense qu'il faut d'abord parler et que la plus mauvaise chose, c'est de garder pour soi sa souffrance. Nul ne s'avise de ce que porter en place publique son malaise, ça peut aussi être le meilleur moyen de se retrouver définitivement enfermé dans un statut de victime. 


Le contraste est immense avec les décennies passées, cette époque de l'anti-psychiatrie et de la fin proclamée des structures asilaires. On parlait même des "flickiatres" et on faisait la promotion de la schizophrénie révolutionnaire. C'était l'époque glorieuse de la psychanalyse, de Cooper, Laing, Lacan, Foucault, Deleuze. Thomas Szasz allait jusqu'à parler du mythe de la maladie mentale (qui n'existerait tout simplement pas) et d'une véritable fabrique de la Folie.


Enorme retour de bâton aujourd'hui. On voue désormais aux gémonies ces penseurs. La psychiatrie est réhabilitée et la psychanalyse discréditée. Presque tout le monde s'en félicite et rares sont ceux qui s'interrogent et expriment des réserves. 

Personnellement, je suis sceptique. Peut-être parce que j'ai vécu dans des sociétés slaves où les gens étaient nettement plus dingos qu'ici sans que ça suscite de réprobation ou inquiétude particulières. Mais  aujourd'hui, les sociétés occidentales semblent de plus en plus en quête d'ordre et de normalité. Un ordre pas seulement politique mais aussi mental. On voudrait vivre dans un monde à la Orwell composé de gens sains et équilibrés. 

En adepte de la pensée des Lumières, ça me heurte profondément. Qu'en est-il de mon libre arbitre quand j'abandonne le cours de ma vie pour le confier à des spécialistes ? Et ces spécialistes, j'ai l'impression qu'ils n'ont pas tellement évolué dans leurs thérapies si j'en juge par le nombre effrayant de leurs prescriptions d'anti-dépresseurs (près de 5 millions annuellement) et d'hypnotiques-anxiolytiques (près de 10 millions). Presque 15 millions de Français vivent ainsi comme des zombies, dans une espèce de coton-brouillard permanent. 

Cette grande camisole chimique à la quelle à peu près personne n'échappe, ça n'émeut pas grand monde. On est tous des dépressifs, virtuels ou réels, et on se satisfait de cet assujettissement à la psychiatrie. Mieux, on en redemande ! Le renversement est complet: personne n'est malade mental, proclamait-on autrefois; on est tous de potentiels malades mentaux, dit-on aujourd'hui.

Je veux pour preuve de ce grand retour de la psychiatrie, le succès du récent bouquin du journaliste de France-Inter, Nicolas Demorand. Il n'hésite pas à déclarer: "je suis malade mental". Il se déclare "bipolaire", l'appellation plus chic des anciens maniaco-dépressifs. C'est-à-dire qu'il vivrait, en quelque sorte, sur courant alternatif permanent: à des phases de créativité et d'exaltation succèderaient des périodes de prostration et d'abattement. 


Des milliers de lecteurs se sont reconnus en lui, se sont diagnostiqués, eux-mêmes, bipolaires, et l'ont remercié d'avoir publiquement évoqué sa maladie. Ca les aurait déculpabilisés: se pensant autrefois minoritaires, ils ont maintenant le sentiment de relever d'une grande communauté, celle des hyper-sensibles qui créent dans la souffrance.

Les déprimés créatifs, finalement on les aime bien. Ils correspondent bien à l'air du Temps, misérabiliste et victimaire. 

Emmanuel Carrère a adopté un peu la même posture dans son bouquin "Yoga". Le vague à l'âme, le coup de blues, les affres existentiels, ça parle à tout le monde. Ca a un côté héros romantique en butte à l'absurdité du monde, cherchant à donner un sens à sa vie.

Moi, je ne me m'associerai pas au concert de louanges qui a entouré la publication du livre de Nicolas Demorand. Je dirai que c'est un simple "torchon" même si je ne l'ai que feuilleté en librairie. Significativement, il l'intitule "Intérieur nuit". Comme s'il y avait, en chacun de nous, un gouffre intérieur, indicible, incompréhensible. Comme si on était tous des hommes malades à la Dostoïevsky ("Carnets du sous-sol"), irrésistiblement emportés par les démons et l'irrationnel.

Nicolas Demorand s'interdit, en fait, de chercher à comprendre son mal-être. Et c'est sans doute pour cette raison qu'il n'envisage pas d'autre thérapie que médicamenteuse pour faire face à ses obligations sociales et professionnelles. De sa vie personnelle, de ses accidents, de ses traumatismes, il ne nous dit rien. Il est plutôt dans le registre continu de la plainte, sans cesse dans la recherche de la bonne molécule qui le remettra à flots. La "maladie" bipolaire épouse ici les intérêts de l'industrie pharmaceutique. C'est aussi l'illustration de la société libérale et de ses affres avec les oscillations, à la Fitzgerald, entre la gloire et la déchéance.


Mais le gouffre noir qui serait en nous, je n'y crois pas. Il n'y a pas, chez nous, d'un côté le rationnel et de l'autre l'irrationnel. Ce qu'a plutôt démontré Freud et la psychanalyse, c'est que même les phénomènes les plus illogiques sont justifiables d'une analyse rationnelle. Rien n'est absurde ou anecdotique dans le cheminement de nos vies, tout est cohérent, tout s'explique : sous une apparence complexe et tortueuse, tout est message. Il faut simplement faire effort, savoir lire, lever les résistances à la révélation de notre vérité. Mais on préfère souvent vivre dans le déni de notre grammaire profonde.


C'est donc d'abord une illusion de croire que la maladie mentale, ça existe à l'état brut. Que ça serait presque inscrit dans une espèce de fragilité ou de prédisposition psychologique naturelles. C'est plutôt un parcours semé d'embûches, de troubles et d'agressions subies avec les quels on essaie de composer tant bien que mal.


Et puis, la Santé Mentale, on ne sait pas non plus à quoi ça peut correspondre. Un monde dans le quel personne ne serait malade est aussi, voire plus, effrayant qu'un monde dans le quel tout le monde est  malade (ce qui caractérise peut-être le monde contemporain). 

La réalité, c'est plutôt que l'identification des maladies mentales résulte simplement de la ligne de partage qu'une société établit entre le normal et le pathologique. Les "fous" d'hier ne sont plus les "fous" d'aujourd'hui. Il y avait autrefois plein d'hystériques, de névrosés et de paranoïaques. Ces gens là semblent avoir disparu et, sur le devant de la scène, on promeut plutôt les bipolaires, les pervers (notamment narcissiques), les manipulateurs et les incestueux. Mais ces catégorisations nouvelles ne sont-elles pas réductrices et stigmatisantes ?

Images de S.I. Witkiewicz, Emil Nolde, Egon Schiele, Jean Dubuffet, Wilfredo Lam, Yayoi Kusama.

Je recommande :

- Etienne Fabre: "Un certain Louis Wolfson". En 1970, est paru, en France, un livre Ovni: "Le Schizo et les langues", préfacé par Gilles Deleuze. Son auteur est américain et se déclare schizophrène. L'écriture du livre est fulgurante, d'une nouveauté radicale. Mais aussitôt après la publication de son livre, Louis Wolfson disparaît. Qu'est-il devenu ? Dans ce livre, Etienne Fabre part sur ses traces et dresse un portrait incandescent de Louis Wolfson. Un livre puissant et passionnant.

- Alice Carrière: "Tout Rien Quelqu'un". Un autre livre absolument singulier. Alice Carrière est la fille de la peintre américaine Jennifer Bartlett et de l'acteur franco-allemand Mathieu Carrière. Une mère trop distante et un père trop proche: un mal-être continu. Un parcours de vie entre soirées underground et branchées à New-York et établissements psychiatriques. Un bouquin vertigineux et remarquablement écrit.

- Patrick Lemoine et Sophie Viguier-Vinson : "La santé psychique des écrivains et de leurs personnages". Un bouquin dont je me méfiais d'abord avec ses "diagnostics du psychiatre". Mais il est bien souligné que l'auteur, l'écrivain, ne se confond pas toujours avec ses personnages. Et il est vrai que les grands troubles psychiques sont omniprésents dans la littérature. Ce bouquin se révèle très clair et pédagogique avec plein de petites remarques incisives. C'est un autre regard auquel on n'est pas obligés d'adhérer mais chacun pourra tirer profit de cette approche de la littérature.



samedi 7 juin 2025

Effet Trump en Pologne


Très mauvaise nouvelle cette semaine. Alors qu'on avait assisté, il y a 15 jours, à un sursaut démocratique en Roumanie, l'élection présidentielle en Pologne a porté au pouvoir, avec une marge infime, un abruti trumpiste ouvertement soutenu par les USA. C'est un véritable coup de tonnerre en Europe et une source d'inquiétude supplémentaire pour l'Ukraine.


Je vais me permettre d'en parler aujourd'hui parce que je connais tout de même la Pologne: j'en parle pas trop mal la langue comme beaucoup de gens de Lviv (même si c'est un polonais vieillot et avec un accent) et j'y ai séjourné maintes et maintes fois. Et puis, contrairement à ce qu'on raconte, l'Ukraine a, dans son histoire, davantage été polonaise que russe. 


L'élection polonaise de dimanche dernier, ça me fait donc frémir. L'ancien Président, Andrzej Duda, était un catho conservateur, un peu bêta mais pas méchant et, surtout, poli et éduqué. Et puis, il affichait un soutien inconditionnel à l'Ukraine. Duda, il était surtout le représentant d'un catholicisme rétrograde, celui des campagnes et de l'Est du pays, effrayé par les évolutions sociétales (mouvement LGBT, mariage pour tous, avortement, invasion islamique).


A titre d'illustration, je me souviens d'une conversation avec un chauffeur de taxi de Varsovie l'an dernier. Apprenant que je venais de Paris, il m'a aussitôt plainte: une ville qui lui avait fait peur, un Enfer submergé de Musulmans qui entretiennent désordre et insécurité. L'Islam, c'est ce qui semble faire, unanimement, peur aux Polonais, comme s'il fallait rejouer la victoire de Jan Sobieski sur les Turcs devant Vienne (en 1629).


Mais ça n'est qu'une opinion banalement réac, provinciale, comme on en entend souvent en France même. Avec le nouveau Président, Karol Nawrocki (prononcer navrotski en accentuant sur le o), on passe vraiment à autre chose. Il est d'abord, comme son mentor Donald Trump, bête et méchant. 

Etonnamment même, dans ce pays affichant un rigorisme moral, c'est quelqu'un de très peu recommandable, voire un véritable bandit. Le journal "Le Monde", qui affabule tout de même rarement, rappelle ainsi son enfance pauvre à la J.D. Vance et son passé de hooligan avec sa passion pour la boxe et la bagarre ("un combat noble et viril"). Il aurait aussi participé à un trafic de prostitution dans un grand hôtel de Sopot (la grande station balnéaire de Pologne).

 Ces dernières semaines, une sordide affaire d'escroquerie portant sur l'appartement d'une personne âgée et handicapée aurait normalement dû le disqualifier dans la course à la présidentielle. Mais il n'en a visiblement rien été et, comme Trump, ces scandales l'ont plutôt conforté.


Pour donner une idée de la subtilité de Nawrocki, il pratique d'abord, comme Trump, l'insulte et la querelle. Il a déjà déclaré de Zelenski qu'il était "insolent" et ne "savait pas remercier". 


Il faudrait remercier de quoi ? De recevoir un minimum d'équipements militaires de survie tout en se se faisant écraser sous les bombes ? Et plutôt qu'être insolent, il faudrait avoir l'humilité de reconnaître qu'on l'avait bien cherché ? C'est un peu comme si on demandait aux Polonais de continuer de remercier l'Armée Rouge de les avoir "libérés" alors même que, comme l'a précisé Vladimir Poutine, ils avaient provoqué  l'Allemagne (l'incident de "Gleiwitz") ? Attention à ne pas réécrire l'histoire.

Avec un zèbre du calibre de Nawrocki, l'Ukraine n'a pas fini d'avoir des ennuis. Il s'est déjà engagé à ne pas accepter son adhésion à l'UE. S'il est pourtant un pays dont on devrait suspendre la participation à l'Union Européenne, c'est bien la Pologne qui ne respecte pas l'Etat de Droit et l'esprit européen. 

Le vote polonais est d'autant plus incompréhensible qu'à la différence du reste de l'Europe, le pays bénéficie d'une forte croissance économique. Il a donc besoin d'une main d'œuvre étrangère, une main d'œuvre que lui fournissent, justement, les Ukrainiens. C'est vrai qu'ils sont très nombreux mais je crois qu'ils passent complétement inaperçus tant les modes de vie et les langues sont proches. Ils ne vivent même pas au crochet des systèmes sociaux puisqu'il n'y a quasiment aucun chômage en Pologne.

Tout cela est consternant et j'ai vraiment la Rage. C'est étrange, on assiste à un bouleversement des perceptions politiques pas seulement en Pologne mais dans l'ensemble du monde occidental. D'abord, les électeurs choisissent de ne pas entendre les informations sordides sur les malversations de leur candidat. Ils les imputent simplement à la malveillance et crient au complot. 

En second lieu, enfreindre la Loi semble valoir aujourd'hui brevet de courage. C'est presque le héros qui se dresse contre "le système" qui nous accable, brime nos libertés. Ce que l'on déteste avant tout maintenant, c'est le Droit et les réglementations. L'abomination absolue, c'est devenu Bruxelles et ses technocrates hors sol dont le passe-temps favori est de nous embêter.

La grande gueule qui tape du poing, le hooligan anti système qui prend des décisions brutales et imprévisibles, sur une impulsion, c'est maintenant, dans le sillage de Trump, la figure du héros politique moderne.

J'essaie de me consoler en me disant que ça ne pourra pas durer longtemps en Pologne. La société y est, en effet, profondément divisée, à 50/50. Et les deux camps se détestent absolument. Ca va d'abord chauffer avec de multiples manifestations et contre-manifestations. Les jeunes femmes, en particulier, sont violemment remontées. Et puis, je ne parviens pas à croire que les cathos traditionnels polonais se reconnaissent vraiment dans cette brute de Nawrocki. Comme celui-ci est violent et outrancier, ça risque donc d'exploser rapidement.

Quelques images de l'Art de l'affiche en Pologne: Franciszek Starowiejsky, Wiktor Sadowski et Wieslaw Walkuski. J'en suis une grande fan et j'ai eu la chance de pouvoir en acheter à l'occasion de mes différents séjours.

En littérature, je rappelle que les deux grands écrivains polonais de dimension internationale sont Olga Tokarczuk et Andrzej Stasiuk. Leurs deux derniers bouquins : "Le banquet des Empouses" et "Le passage".

Et aux très initiés, je recommande deux parutions récentes:

- Tomasz ROZYCKI: "Les voleurs d'ampoules". La vie dans une barre d'immeubles à l'époque communiste. Toute une vie sociale s'y jouait. Les voisins se rendaient visite, de manière impromptue, les uns les autres. Problème: on n'y voyait rien dans les couloirs parce qu'en raison de la pénurie générale, les ampoules étaient systématiquement volées.

- Hubert KLIMKO: "Les voleurs de sureaux". L'histoire, pleine d'humour, d'une famille de paysans polonais de la région de Lviv, depuis les années 30 jusqu'au transfert, après la guerre, en Silésie.