dimanche 29 décembre 2013
Les âmes baltes
Me voilà tout juste revenue !
Comme je suis trop hébétée pour m'exprimer, je me contente de vous livrer aujourd'hui quelques images d'un photographe lituanien : Tomas Griskevicius. Elles traduisent bien, à mes yeux, l'ambiance du pays.
Mes propres photos, ce sera la semaine prochaine mais ça n'est évidemment pas du même niveau.
samedi 21 décembre 2013
6 ans
En ce
moment, je prépare ma petite valise.
Je vais
passer les fêtes de Noël à Vilnius, en Lituanie.
Malheureusement,
je sais déjà que je n’y trouverai ni froid, ni neige; c’est décevant.
Ce sera
aussi le sixième anniversaire de mon blog que j’ai, presque imperturbablement,
alimenté chaque fin de semaine.
6 ans à
l’échelle d’une vie, fût-elle de vampire, ça devient beaucoup. Ca a été
évidemment traversé de joies, d’amours, de triomphes mais aussi de tristesse,
de ruptures, de deuils, d’échecs, de maladies, d’angoisse, bref le lot commun...
Je ne sais pas si tout cela a pu transparaître dans mon blog qui en raconte
beaucoup sur moi, mais évidemment pas tout.
Ce qui vous
surprendra peut-être, c’est qu’il y a 6 ans, quand j’avais pensé à un blog, j’avais
d’abord envisagé un truc économico-financier ce qui est, quand même, ma vraie
spécialité. Et puis, je me suis dit que ce serait la barbe et que ça ne me
changerait pas beaucoup. Alors j’ai plutôt choisi un domaine pour le quel je n’ai
aucune compétence reconnue, celui de la culture et du débat d’idées. Etre
généralement perçue comme forcément inculte en la matière me donne d’ailleurs, peut-être,
une certaine audace, accroît, sans doute, mon impertinence.
Et puis, je
portais en moi cette figure très prégnante de Carmilla la vampire dans la
quelle je me reconnais beaucoup: une femme forte, une espèce d’aventurière, une
séductrice subtile et vénéneuse. Pour moi, une image très moderne, affirmative,
de la femme, complètement à rebours du féminisme victimaire contemporain que j’ai
en horreur.
Le blog, ça tombe en désuétude, ça devient ringard, mais moi, j’aime bien. Ca vous force à écrire rapide, synthétique, simple. Et puis l’anonymat vous autorise liberté de pensée et de création.
Je n’ai pas
trop de problèmes pour rédiger mon petit billet hebdomadaire mais, quelquefois,
j’ai peur de commencer à radoter.
Ce qui me
soutient néanmoins, c’est que la fréquentation de mon site se maintient à un
niveau honorable et, surtout, je reçois de plus en plus de lettres de soutien.
Tous ces
témoignages de sympathie, ça me fait bien sûr très plaisir mais ça ne me prend
pas non plus la tête parce que je suis très critique vis-à-vis de moi-même:
l’originalité que l’on me concède est très relative, je réinjecte surtout des
éléments de culture d’Europe Centrale. Pour le reste, je sais que ça ne va pas
bien loin. Ce qui me préserve d’ailleurs de toute mégalomanie, je crois, c’est
d’être complètement étrangère aux milieux artistiques et intellectuels.
Qui lit
Carmilla ? Principalement, si j’en juge d’après le courrier reçu, des
jeunes femmes, des étudiantes. Mais j’ai aussi beaucoup de lectrices
cinquantenaires et plus, dont j’aurais pu penser que mon blog avait tout pour leur
déplaire.
J’ai quand
même aussi beaucoup de lecteurs masculins, des étudiants, des profs, des
artistes mais il faut reconnaître que leurs réactions sont beaucoup plus
nuancées : autant les femmes sont laudatrices, autant ils sont critiques.
Ils me lisent avec intérêt, me disent-ils généralement, mais ils me jugent
aussi énervante, irritante et ne partagent pas mes idées.
Je trouve
ça quand même positif : c’est du différend que naît le dialogue. Mais c’est
vrai aussi que ces critiques sont justifiées: dans la vie réelle, je suis
effectivement très orgueilleuse et arrogante. J’ai ma manière à moi d’abaisser quelqu’un,
de lui faire sentir qu’il n’est pas à la hauteur. Se frotter à moi n’est
sûrement pas gratifiant.
Ce qui est
sûr, c’est que tous mes lecteurs semblent de grands rêveurs, probablement pas
bien adaptés à la discipline de la modernité. Vous n'êtes sûrement pas des gens que je pourrais recruter en Finances-Comptabilité. De prime abord, on est complètement différents; moi, je suis plutôt suradaptée
mais j’ai ma face cachée et c’est pour ça que je vous aime; c’est là que se situe
notre véritable point de rencontre.
A bientôt ... au retour de mes pérégrinations baltes.
A bientôt ... au retour de mes pérégrinations baltes.
Tableaux du
peintre symboliste Louis Weiden HAWKINS (1849-1910) complètement tombé dans l’oubli.
D’origine allemande et anglaise, il a, pourtant, choisi la nationalité
française.
samedi 14 décembre 2013
Peut-on vivre plusieurs vies en une ?
« Peut-on
vivre plusieurs vies en une ? », c’est la question que pose, ce mois
ci, la revue « Philosophie Magazine ».
Ca me
passionne. Ca a notamment pour aspects : est-ce qu’on a une personnalité
monolithique, d’un bloc, ou est-ce qu’on est des papillons, sans cesse en
mouvement et sans cesse changeants ? Est-ce qu’il y a vraiment une
continuité, une cohérence, dans tout ce que l’on fait ?
Ce qui m’a
le plus étonnée, c’est l’interview de Florence Aubenas qui déclare qu’elle n’a
qu’une seule et unique vie, pleine et entière, complètement homogène, sans cloisonnements, sans séparation
de la vie professionnelle et privée. C’est comme ça qu’elle arrive à turbiner
et carburer à plein. Avoir plusieurs vies, ça lui semble une foutaise.
Ca tranche
nettement avec l’idéologie en cours qui voudrait que notre travail n’envahisse
pas notre vie, qu’on puisse toujours préserver son intimité des intrusions de
la vie professionnelle. C’est aussi l’idéologie, tellement en accord avec les impératifs du capitalisme, de la « résilience »,
de la capacité à changer, à être autre, à rebondir.
Je trouve formidable
le point de vue de Florence Aubenas; c’est sûrement un signe de grande santé.
Il faut bien reconnaître, en effet, que si on se sent généralement malheureux
aujourd’hui, c’est parce qu’on vit les
souffrances d’un moi clivé, d’une séparation entre notre travail et notre vie
personnelle. C’est ce que l’on appelle l’aliénation.
Je voudrais
donc vraiment bien être comme Florence Aubenas, c’est sûrement la recette du
bonheur. D’ailleurs, il ne me viendrait pas à l’idée de me ranger dans la
catégorie des gens malheureux de leur boulot, même si je ne rigole pas tous les
jours. Le travail, c’est quand même une expérience intellectuelle, humaine,
relationnelle irremplaçable.
Simplement,
je n’arrive pas à me déprendre de l’idée que j’ai plusieurs vies et surtout je
n’aime pas qu’on me réduise à ma profession.
Les
finances, les chiffres, la logique, c’est bien sûr très fort chez moi et ça me
structure largement. Mais j’avoue que ce qui m’énerve au plus haut point, c’est
qu’en général, ça me catégorise définitivement : on considère que je n’ai
que ça dans la tête et que ma vie doit être à l’image de mes tableaux
financiers, sèche et ordonnée.
Il est vrai
que je ne fais pas grand-chose pour détromper les autres. De ma vie
personnelle, des langues et des cultures qui me traversent, de mes lectures, de
mes voyages, de mes amours, je ne parle jamais à personne dans mon milieu
professionnel. Je suis très distante, peut-être hautaine, mais c’est, pour moi,
une indispensable question de sécurité. L’un de mes rares lieux d’expression, c’est
mon blog.
Je vis donc
largement dans le « split ». J’ai bien deux vies : une vie
asservie, celle du travail, et une vie affective, émotionnelle à la quelle je
m’adonne en dehors ou en superposition.
Mais le
cloisonnement n’est quand même pas complet. Il y a bien des prolongements de ma
vie professionnelle dans ma vie affective. Mon goût pour la transgression, pour
l’expérimentation, mon papillonnage sentimental, je relie ça, en particulier, à mon goût pour
les chiffres et les constructions financières. Mais j’expliquerai peut-être ça
un autre jour.
Images de
la grande photographe américaine Francesca Woodmann (1958-1981)
samedi 7 décembre 2013
Des animaux
Je ne suis pas vraiment végétarienne mais de la viande, je n’en mange quasiment pas. Ce qui est sûr, c’est que s’il n’y avait que des gens comme moi, tous les bouchers feraient immédiatement faillite. J’ai surtout en horreur les steaks, les rôtis, les blanquettes et la simple idée de manger des animaux comme le cheval, le lapin, le canard, le gibier me révulse.
Je ne mange en fait que du poisson et des coquillages, je suis ichtyophage comme on dit, parce que j’ai tendance à penser qu’un turbot ou une huître, ça n’est tout de même pas vraiment un être sensible, ça n’a pas conscience de soi. C’est notamment pour ça que je me plais tant au Japon mais dans une région comme la Normandie, je trouve aussi une nourriture à ma convenance.
J’ai à vrai dire été influencée par le grand écrivain yiddish Isaac Bashevis Singer qui a traversé les périodes les plus sombres de l’histoire mais qui a déclaré que le moment le plus important de sa vie avait été celui où il était devenu végétarien. L’un de ses souvenirs les plus bouleversants était aussi celui d’une misérable vache maltraitée dans une rue de Varsovie. Il faisait un parallèle entre notre cruauté envers les animaux et l’attitude des nazis envers les sous-hommes, les « untermenschen ».
C’est vrai qu’on est là-dessus d’une indifférence quasi-absolue. On est le pays des 30 millions d’amis, on adore, paraît-il, les animaux mais on exterminerait chaque année, dans des conditions épouvantables, 7 millions de bovins, 21 millions de porcs, 9 millions d’ovins, 950 millions de volailles, 4 millions de lapins. Des chiffres ahurissants (cités par Jean-Pierre Digard dans « Les Français et leurs animaux »), que presque tout le monde ignore, qui en disent long sur l’effroyable non-dit de la condition humaine. C’est peu dire qu’on est des prédateurs, ça interroge toutes nos convictions humanistes.
Du reste, le nombre d’espèces animales survivantes se réduit dramatiquement. Il ne restera bientôt plus que des animaux de compagnie et des animaux de consommation. Comme l’écrivait Marie Darieussecq, la semaine dernière dans « Libération », le temps est maintenant très proche de l’élimination complète de tous les « nuisibles » : les rongeurs, les rats, les souris, les insectes, les moustiques, les araignées, les rampants, etc...
Le monde vivant se contracte sans cesse et bientôt l’homme sera enfermé dans son absolue solitude, confronté uniquement à lui-même. Pourtant les animaux, tous les animaux, ont sans doute quelque chose à nous apprendre et on sait bien qu’une relation d’échange, fût-elle symbolique, s’établit aisément avec eux.
Il faut le rappeler : Sigmund Freud entretenait un lien très fort avec ses chiens, de grands Chow-Chow. Il y trouvait l’expression d’une relation affective désintéressée et dépourvue d’amertume.
Quant au philosophe Jacques Derrida (dont je n’ai, à vrai dire, pas réussi à lire plus de 2 ou 3 pages), il s’intéressait beaucoup, avant sa mort, au monde animal. Son chat, la façon dont celui-ci percevait le monde, était ainsi devenu un objet d’interrogation essentiel.
Tableaux de Franz Marc (1880-1916), grand peintre expressionniste allemand.
Sur la question animale, j’ai bien aimé : Jean-Pierre
Digard « Les Français et leurs animaux »; Marcela Iacub : « Confessions
d’une mangeuse de viande » ; Isabelle Sorente : « 180
jours ».
J’écoute aussi, parfois, Elisabeth de Fontenay, le
dimanche après-midi, sur France-Inter.
dimanche 1 décembre 2013
Berlin tut gut
Une semaine passée à Berlin.
C’est sans doute l’une des capitales que je
connais le mieux. Plus que Vienne, elle est devenue la capitale de l’Europe
Centrale. Si on veut faire des progrès en langues slaves, il suffit d’aller à
Berlin. Je n’y suis vraiment pas dépaysée.
Surtout, c’est une ville très agréable à
vivre, à la fois calme, reposante, bon marché mais aussi trépidante, bigarrée.
Et puis, toujours des relations polies, policées entre les gens; on est bien
loin de l’agressivité parisienne.
Certes, c’est sans doute l’une des villes qui
a le plus changé au cours de ces 25 dernières années. J’ai quelques souvenirs d’enfance du Berlin divisé mais de cet ancien monde, il me semble qu’il ne subsiste à peu
près rien, ni dans l’aspect, ni dans l’ambiance. Aujourd’hui, c’est un
impressionnant chantier de reconstruction et Berlin est devenu la grande
capitale de l’architecture.
Ce que j’aime en Allemagne, c’est l’importance
de la « kultur » qui est sujet de fierté et d’orgueil. C’est le pays
par excellence de la pensée abstraite et je crois vraiment qu’il faut passer
par le détour de ses écrivains, de ses philosophes, de ses peintres, de ses
musiciens, de ses cinéastes pour le comprendre un peu.
S’intéresser à l’Allemagne, c’est aussi pour moi
une manière de résister à l’hégémonie culturelle anglo-saxonne. Je me retrouve
tout de suite dans un roman, un film, un peintre allemands alors que s’il s’agit
de productions américaines ou britanniques, je m’ennuie tout de suite et je
trouve ça kitsch.
J’ai donc passé mon temps à me balader, à
rêvasser, à boire de la bière, à manger des poissons de la mer du Nord.
Contrairement à la plupart des touristes qui choisissent des tenues « cool »,
je fais au contraire des efforts vestimentaires accrus quand je suis en
vacances. Je mets ce que je n’ose pas porter quand je travaille. Je redeviens
une vraie vampire et c’est ça qui est très agréable : il y a quand même un
plaisir fou et inavouable à se sentir regardée, scrutée.
Photographies de Carmilla le Golem. Elles n’on
bien sûr aucun caractère touristique mais correspondent simplement pour moi à quelques
instants de vie.
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