Les troubles mentaux, on en fait maintenant une priorité politique nationale et ça ne semble guère soulever d'interrogations. Comme si c'était évident, urgent, indispensable. Pourtant, on ne sait déjà pas trop bien les définir, ni en établir les frontières. Quels symptômes, quelles pathologies, quelles gradations ? Du déprimé au schizophrène, y a-t-il un continuum ?
Comme de coutume, on ne cesse de dresser un panorama effroyable de la santé mentale des Français. Et puis, on évoque une progression forte et continue des troubles psychiques, notamment chez les jeunes. Une majorité de personnes, adultes et adolescents, serait au bord du gouffre, de la rupture. Il est réclamé à l'Etat protecteur et maternant de les sauver. Et en fait, tout le monde est potentiellement concerné parce qu'on ne reconnaît pas tous ou n'avoue pas toujours son malaise, alors qu'on est tous à la merci de cette affection sournoise, tapie en nous, qui, un jour, brutalement, s'éveille.
On réclame donc, à cor et à cri, des moyens supplémentaires: structures de prise en charge et thérapeutes de l'âme (psychologues et psychiatres). Mais les institutions se révèlent rapidement débordées par une clientèle sans cesse croissante.
En France même, près de 350 000 personnes seraient ainsi, chaque année, hospitalisées à temps complet dans un établissement psychiatrique. S'y ajoutent près de 30 millions d'actes et consultations réalisés dans les secteurs public et libéral de la psychiatrie. On va jusqu'à estimer que 13 millions de Français (dont 1,6 million enfants et adolescents), soit un cinquième de la population, sont touchés par des troubles psychiques. Et que dire des 16 millions de personnes qui prennent des psychotropes et anti-dépresseurs ?
Qu'est-ce qu'on peut penser de cette complaisance à se considérer tous malades, de cet empressement de l'Etat à se préoccuper de notre santé mentale ? Face aux chiffres évoqués, on se dit, en effet, qu'il n'y a plus de séparation du normal et du pathologique. Ou plutôt qu'il n'y a plus que du pathologique et qu'à l'exception de quelques réfractaires, tout le monde a besoin d'une assistance médicale et médicamenteuse. C'est la zombification progressive de nos sociétés. Elles seront bientôt majoritairement composées d'individus qui ne tiennent, ne survivent, que grâce à des béquilles psychologiques, à grands coups de stimulants puis de sédatifs alimentés par des consultations chez un "spécialiste". "Tous dépressifs", c'est la nouvelle bannière de ralliement.
Loin de moi l'idée de dire que la maladie mentale, ça n'existe pas. Que s'il y a des fous, c'est parce qu'il y a des psychiatres, que l'institution produit la pathologie. Mais entre le déprimé et le schizophrène, il y a tout de même bien un gouffre. Pourtant, on semble considérer aujourd'hui la maladie mentale comme une vaste pathologie homogène dont les variations ne sont affaire que de degrés.
La déviance, elle s'exprimait autrefois à travers la figure asociale du Fou. Dès la fin du Moyen-Age, ont ainsi été donnés une expression sociale et un miroir à la Folie. Tout l'Art pictural, jusqu'aux vitraux des cathédrales, est alors envahi par la figure insolente et colorée du Fou. Il y a aussi les nombreux carnavals des fous dans les quels tous les rôles sociaux sont inversés. Le Fou, c'était le miroir et la figure clé du passage aux temps modernes, le porteur d'une nouvelle Liberté (il est même le seul autorisé à ridiculiser les puissants).
Le Fou, c'était l'Autre et le Proche. Et cette figure duplice, elle a encore été renforcée au 19ème siècle, celui d'une accélération de la modernité et de la naissance de la psychiatrie. Et cela s'est prolongé jusqu'au surréalisme et à l'Art brut.
Mais depuis, la figure du Fou, comme étrangeté/familiarité, s'est effacée de la production picturale. L'Art contemporain est absorbé dans son formalisme, il est dépourvu d'extravagance et de sensualité. L'œuvre se suffit à elle-même, il n'y a plus d'ailleurs, d'hétérogénéité. Nos sociétés sont devenues monochromes, une espèce de gris-bleu généralisé, convenable et bienséant.
Et de déviance, il n'y a plus ou plutôt, la déviance, elle est en passe de devenir aujourd'hui la normalité sous la forme de la dépression, du mal-être, de l'anxiété. C'est le grand "spleen" de la modernité. Le monde apparaît plat, atone, sans intensité. On est enfermés dans des sociétés dites de consommation sans profondeur, dans les quelles tout est réglé par la valeur marchande. En fait, tout se vaut, tout est interchangeable, tout est hyper réel, plus réel que le réel.
On a potentiellement accès à tout mais tout est neutre, indifférent. C'est le paradoxe de la fausse liberté des temps modernes qu'avait dénoncée Dostoïevsky. Si plus rien n'est interdit, plus rien n'est également permis, car sans interdit, il n'y a plus rien à désirer, plus rien dont on puisse rêver. On ne cesse de se cogner, de buter, sur le Réel.
C'est dans cette ambiance générale que le mélancolique et le dépressif sont devenus les deux grandes figures de notre modernité. Leur drame, c'est qu'ils vivent dans la platitude de l'existence, son apparence cotonneuse, indistincte, atone. Leur attitude générale, elle s'apparente alors à la catatonie: négativisme, passivité, inertie. Cela parce qu'ils n'éprouvent pas "cette joie pure, essentielle, que certains ressentent du seul fait d'être en vie". Et le plus troublant, c'est que rien, aucun accident, aucune carence, n'expliquent généralement leur état. Leur vie se caractérise, au contraire, par sa banalité. Les dépressifs sont souvent même des gens qui n'ont manqué de rien, y compris de parents aimants.
Et peut-être que c'est justement de cette excessive normalité et de ses injonctions dont ils souffrent le plus. Rien n'est plus triste, en effet, que de devoir reproduire le modèle qui vous a été tendu. On sent tout de suite un décalage, un hiatus, entre l'image proposée et ce que l'on vit intimement. Et le gros problème, c'est qu'on n'a généralement pas de réponse parce qu'on est infichus d'identifier et d'exprimer ce que l'on désire. La clé de son Destin, on n'est pas capables, ou on refuse, de l'identifier.
Et j'ai bien peur que les prises en charge médicamenteuses ou les thérapies du "feel good" aujourd'hui proposées ne permettent pas au déprimé de sortir vraiment de la nasse. A trop vouloir son bien-être, à lui demander d'évacuer ses mauvaises pensées, on l'inhibe encore plus.
La normalisation de la vie à force d'anesthésie médicamenteuse et d'humeurs positives, ça me fait plutôt frémir. On fabrique des gens dont on ne sait pas s'ils sont vivants ou morts. Des obsessionnels bétonnés, fortifiés, caparaçonnés de leurs doutes, leurs incertitudes, leurs interdits. Souvent sur adaptés, des bureaucrates modèles, mais évidemment sans joie de vivre, mortellement ennuyeux.
C'est cela justement qui m'inquiète. Moi, j'ai eu la chance d'avoir une vie plutôt chahutée et je n'aspire pas, en conséquence, à devenir quelqu'un de normal, d'équilibré. Mon mal-être, mon anxiété, j'y tiens. Ils sont aussi le carburant de ma vie et ce qui signe peut-être mon originalité. Ma part d'ombre, ma dinguerie, je les aime, elles me constituent, je ne veux pas les refouler.
A l'opposé des obsessionnels, j'ai, comme beaucoup de femmes, des côtés hystériques: notamment une théâtralité étudiée qui peut être horripilante. Mais disons que je carbure au Désir, même si (et probablement parce que) j'en ignore le véritable objet. Du Désir, je fais ma boussole et j'échafaude sans cesse, à son sujet, des montages complexes. Evidemment, j'irrite, je suscite rancune, je passe pour une allumeuse compliquée parce qu'on se méprend sur mes tactiques. C'est la rançon compréhensible de ma belle indifférence.
Mais qu'importe ! A l'encontre de l'anesthésie générale des esprits, je revendique, avec vigueur, le droit à une certaine anormalité. Le droit, pour ce qui me concerne, à être une hystérique exaspérante qui ne sait pas quel est son désir.
C'est ce dont on manque le plus aujourd'hui: d'altérité, de différence. Plus rien, ni personne, pour nous apporter la contradiction, nous bousculer, nous retourner, nous rentrer dedans. On est tous polis, on évite les conflits, on se fait tout petits, on est tous des zombies dépressifs. On a tous rendu les armes même si on continue de s'entredéchirer de manière feutrée.
Retrouver l'esprit de la confrontation, du combat, c'est peut-être la solution. Le combat pour la reconnaissance, l'affirmation de soi, le désir d'être désiré, c'est ce qui nous empêche de nous noyer et nous permet de retrouver notre souffle. De retrouver l'essence de la vie.
6 commentaires:
Bonjour Carmilla
« C'est dans cette ambiance générale que le mélancolique et le dépressif sont devenus les deux grandes figures de notre modernité. Leur drame, c'est qu'ils vivent dans la platitude de l'existence, son apparence cotonneuse, indistincte, atone. Leur attitude générale, elle s'apparente alors à la catatonie: négativisme, passivité, inertie. Cela parce qu'ils n'éprouvent pas "cette joie pure, essentielle, que certains ressentent du seul fait d'être en vie". Et le plus troublant, c'est que rien, aucun accident, aucune carence, n'expliquent généralement leur état. Leur vie se caractérise, au contraire, par sa banalité. Les dépressifs sont souvent même des gens qui n'ont manqué de rien, y compris de parents aimants. »
Carmilla
Plus nous serons nombreux sur cette planète, plus nous découvrirons des malaises, des maladies, des dysfonctionnements, savoir deviendra peut-être une dure réalité sans offrir de solution. Qui sait, il y a peut-être maintenant plus d’anormaux que de personnes normales? Les anormaux sont-ils en train d’occuper tout le territoire? Est-ce que les anormaux poussent vers la sortie les soi-disant (normaux)? Est-ce que nous sommes en train de changer les rôles? Sommes-nous tous des malades mentaux en puissance? Dans un tel scénario avons-nous un avenir entre les substances illicites et les potions légales sous ordonnances des pharmaciens? Faut-il entretenir jalousement nos anormalités? Comme vous le dites si bien, une normalisation de la déviance? Et, si vous vous retrouvez face à un type qui pointe un énorme couteau de chasse dans un coin sombre du métro, se sera votre affaire. Comment définir ce type? Comme vous l’exprimez si bien on ne sait pas trop bien les définir? Nous sommes dans des zones d’ombres perpétuelles. La psychiatrie ce n’est pas une science exacte, je dirais même que c’est un genre de navigation à l’estime. Il ne faut pas se surprendre que nos dirigeants s’intéressent fortement à ces genres de malaises qui apparaissent dans nos sociétés. Et, malgré les chiffres, nos sociétés fonctionnent, vous-mêmes, vous en avez fait largement l’éloge comme des sociétés des plus tranquilles et progressistes. Malgré vos folies et vos humeurs, vous parvenez cinq jours par semaine à remplir vos devoirs, vos responsabilités, et vos rendements. On en vient à une question de fonctionnement de nos sociétés, où il nous faut établir les responsabilités des travailleurs, qui rentrent ou ne rentent pas au travail le matin. Qui est fiable? Qui ne l’est pas? Ce qui me rappelle cette douloureuse fin d’un copilote allemand qui avait planté son appareil dans les Alpes après s’être enfermé dans le cockpit entraînant la mort de tous les passagers. Lorsqu’on s’assoie dans un espace public on ne sait pas très bien près de qui nous prenons place. C’est peut-être l’être le plus charmant au monde, mais cela peut être aussi votre meurtrier. Est-ce que le meurtre est une maladie mentale? Est-ce que le meurtrier est un malade mentale? Voilà des questions qui sont souvent débattues dans la tenu d’un procès. Ce qui implique la responsabilité ou la non-responsabilité. C’est la différence entre la prison ou l’institue psychiatrique dans nos sociétés occidentales; ailleurs c’est plus expéditifs!
Passons aux statistiques, il faut bien chiffrer l’affaire autrement nous risquons qu’ils doutent de notre sérieux.
Convenons qu’il y a accroissement du nombres de malades mentaux, 350,000 personnes en France seraient hospitalisées, ça déborde même des institutions, n’oublions pas que nous sommes de plus en plus nombreux, alors nous retrouvons une augmentations de malades de toutes sortes et surtout des malades mentaux, (ou bien imaginaires), comment ne pas évoquer Molière…? Un cinquième de la population française serait touchée par des troubles psychiques. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement en Italie, en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Ne vous désolez pas, il y a pire :
« 50% de la population américaine en âge de voter, s’apprête à élire un pur imbécile, qui à ce que je sache, n’a pas encore été enfermé dans un asile. »
Est-ce que ce 50% de la population se serait tous des imbéciles, des malades mentaux, des fous furieux? Je ne suis pas un spécialiste en maladie mentale, mais la question se pose, du moins elle devrait être posé, surtout à voir agir le Blondinet de Washington lorsqu’il évoque que certains de ses citoyens se nourrissent de chiens et de chats. Publiquement, personne n’ose affirmer que ce type est dérangé, qu’il y a quelque chose qui ne fonctionne pas chez lui. Pourtant il a osé l’affirmer en plein débat politique. C’est étrange que nous parlions de maladies mentales; mais lorsqu’on voit ou entend un malade mentale, nous tournons le dos comme s’il n’existait pas. Étrange réaction dans un manque de discernement, au pire on s’apprête à voter pour lui. Mais qui faut-il accuser, et qui faut-il condamné? Pour paraphraser une de vos connaissances Carmilla : Y a-t-il malaise dans la civilisation?
Quel état mental faut-il pour exercer sa responsabilité citoyenne? Suffit-il de seulement faire la différence entre le bien et le mal? À partir de quand devient-on un malade mental, ou bien un fou furieux? Elle où la ligne? Est-ce que ça se soigne? Est-ce qu’on laisse faire?
Que doit-on penser de cette complaisance, ou bien de cette indifférence? Est-ce que nous allons médicamenter tout le monde? Je dois vous avouer Carmilla, que je n’ai jamais vu personne guérir d’une maladie mentale? C’est sans doute un rude constat, mais c’est une réalité incontournable. D’autre part se serait imposer un mode de vie à tous les humains genre asile psychiatrique. Se serait une atteinte à notre liberté. Je tiens à vous rassurer, il y a encore des gens normales sur cette terre, des personnes résilientes, qui sont capables d’absorber les chocs, les déceptions, les malheurs, et de continuer à vivre, de progresser, de grandir aux travers des épreuves.
Dans cette excessive normalité, n’y aurait-il pas un peu, beaucoup, énormément de paresse comme un genre de défilement genre tirant au flan, à se laisser aller, à se camoufler sous l’inaction. Lorsque je roule dans mes campagnes, j’admire les grands champs qui ont été arrachés aux souches, aux pierres, où des personnes ont travaillé pour s’arracher la vie et souvent, seulement pour survivre. Il y avait tellement de pierres que ces gens-là n’avaient pas le temps d’être dépressif, parce que la tâche herculéenne exigeait une vaillance de tous les instants. Pour arriver à ces magnifiques espaces de cultures il en a fallu du courage. Je suis peut-être dépassé, mais je trouve les gens d’aujourd’hui plaignards. Ce n’est peut-être pas une bonne affaire d’avoir tout cuit dans le bec, de craindre les efforts, de lutter. À ce chapitre, les Ukrainiens sont en train de nous servir une magistrale leçon de courage, tout comme les humains qui ont occupé les terres du Québec. Faudrait-il laisser nos lubies assassiner notre courage? Est-ce une excessive normalité? Mais, pour ce faire, il faudrait s’interroger sur cette fameuse normalité. C’est quoi la normalité? Peut-être que vous avez raison, nous sommes infichus de qualifier nos désirs. (J’aime votre expression infichus), c’est une expression qu’on ne rencontre pas souvent, du moins au Québec. Effectivement, il faudrait savoir ce que l’on veut, ce que l’on désir, ce que l’on souhaite. Pour ce faire, il faut se construire une idée non seulement de ce qu’on désir, mais tremper dans nos puissantes espérances. Avant de s’en remettre aux autres, il faut s’en remettre à soi-même. Après, nous pouvons donner. Ce que nous vivons présentement est en transformation, tout peut changer, le confort n’est pas toujours la voie facile que l’on s’imagine. Je pense souvent que l’humain en général est appelé par de grandes tâches, comme ramasser des pierres dans une champ. Ce qui ne cesse de me rappeler : Le Mythe de Sisyphe d’Albert Camus, un auteur qui avait le courage de ses opinions, qui s’était extrait de sa condition, qui savait ce qu’il voulait, qui avait dépassé sa pauvreté, non pas qu’il était devenu soudainement riche, parce que tout simplement il était devenu ce qu’il voulait. Dans la vie, il y a toujours une pierre qui roule, qui ne roule pas toujours dans le bon sens, dans la bonne direction, qui tombe en bas de la voiture, qui se retrouve au mauvais endroit au mauvais moment. C’est l’histoire de toute nos vies et il faudrait s’en plaindre, refuser encore une fois de faire un effort? Devenir ce que l’on veut, et une fois arrivé, se sentir tout simplement bien, comme cette semaine où je suis aller saper des lignes de tirs en forêt près de ma grosse pierre mythique. Jamais eau ne fut plus désaltérante!
Bonne fin de journée Carmilla
Merci pour votre texte
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Je le souligne: je ne conteste nullement la réalité de la maladie mentale. Il existe en effet des pathologies graves qui nécessitent une prise en charge attentive, éventuellement hospitalière.
Mais à côté de ces pathologies lourdes, on laisse se développer, voire entretient, un grand vague à l'âme généralisé fait de dépression et de mal-être. Et on intervient alors à grands coups d'anti-dépresseurs, somnifères et thérapies du bien-être. Et une fois qu'on a commencé, c'est souvent à vie, pour toujours. Ca n'interroge même pas sur l'efficacité du soin dispensé.
Ca relève tout de même, me semble-t-il, d'une grande entreprise de domestication de la société. Réclamer davantage davantage de psychiatres et de psychologues, oui...bien sûr. Mais si ça se traduit par une augmentation de la consommation de psychotropes, c'est problématique.
Qu'est-ce que la dépression ? On ne sait pas bien. Il y a presque autant de déprimés que d'individus. On l'est tous un peu, de manière plus ou moins épisodique. Je ne crois pas non plus que ça relève d'une paresse, d'un laisser-aller personnel. C'est cette impression dominante de grisaille du monde, cette idée que rien, aucune chose, aucun événement, ne pourra la dissiper.
Il faut arriver à trouver quelque chose qui "fasse déclic" dans sa vie, qui permette de changer de logiciel. Ca peut être une rencontre, un projet. Mais c'est sûr qu'à un moment, il faut agir et s'en donner les moyens. C'est ça le plus difficile.
Je crois aussi à la vertu du dialogue contradictoire. C'est l'esprit de la psychanalyse. Mais il faut pouvoir l'accepter parce que c'est bouleversant, chamboulant.
Notre drame, c'est qu'en effet, on ne sait pas ce que l'on veut, ce que l'on désire. Et on se perd tellement là-dedans qu'on en devient dépressif.
Trump ou Hitler rentrent-ils dans la catégorie des fous ? Je crois que la force de ce type de personnage, c'est que, justement, ils ne doutent surtout pas d'eux-mêmes et sont bourrés de certitudes. Ils ont leur propre logique dans la quelle ils se sentent parfaitement à l'aise. Ils se sentent sûrement très bien dans leur peau.
Mais trop de certitude fait de vous un imbécile. Ca donne Trump.
Dernier thème de réflexion: c'est vrai qu'en temps de guerre (en Ukraine aujourd'hui et en France dans les années 40), il n'y a plus guère de dépressifs. Mais des déprimés, il y en a davantage du côté des agresseurs (les Russes aujourd'hui, les Allemands autrefois). Il est vrai qu'en temps de guerre, le champ des possibles s'élargit considérablement.
Bien à vous,
Carmilla
Bonjour Carmilla
Quelle est la différence entre le découragement et la dépression? Ça me semble une belle question intéressante. En écoutant les gens, j’ai souvent l’impression qu’ils mélangent les deux? Quelle est votre définition Carmilla?
J’affirme toujours que j’ai eu la chance de visiter des hôpitaux psychiatriques, et je reconnais que c’est une grande leçon de vie. Je recommande à tous de faire au moins une visite dans de tels établissements. Vous vous sentez malheureux, alors, allez visiter plus malheureux que vous!
J’ai souligné l’utilisation des médicaments, les fameuses petites pilules du bonheur, celle qui vous transforme une personnalité au point que vous ne reconnaissez plus la personne. Est-ce qu’on est en train de droguer tout le monde? Le médecin vous signe une prescription, ou bien, vous faites affaire avec votre vendeur de saloperies illégales? C’est un autre portait de la société qui n’est pas très encourageant.
Est-ce une grande entreprise de domestication de la société? J’aime bien votre expression. On n’éduque plus les gens, on les dompte. Même plus moyen de se manifester, de contester, de se révolter.
Mais qu’est-ce que la dépression? Il semblerait qu’on ne sait pas très bien ce que c’est. Je suis heureux de vous l’entendre dire, de le reconnaître. C’est pour cette raison que je pose la question entre le découragement et la dépression. Ne vous en faites pas il y a toujours des plaqués quelque part, même dans les grandes instituions psychiatriques.
Qu’est-ce que l’on veut? Qu’elles sont nos désirs? Belles questions existentielles. On dirait que les gens ont du mal à prendre des décisions, de se lancer dans la vie, de prendre des risques. De décider de prendre la route pour aller coucher à Québec, pas dans un petit motel minable, mais rien de moins que le Château Frontenac. Pour ne pas devenir fou, il faut faire des folies!
Je ne pense pas que Hitler se serait livrer à dire que les gens de Munich se nourrissaient de chats et des chiens, c’était un monstre d’horreurs, mais il était loin d’être stupide. Tant qu’au Blondinet, il n’y a que lui pour tenir des propos stupides, même en plein débat au coeur d’une campagne électorale. C’est littéralement manquer de respect à ceux à qui il s’adresse. Il prend réellement ses auditeurs pour des imbéciles.
Et puis, vous dites vrai, vous le reconnaissez, ceux qui luttent pour sauver leur peau n’ont pas le temps de foirer dans la dépression et le découragement, même s’il faut traverser des périodes de déceptions. Il ne faut pas seulement sortir vainqueur, il faut sortir grandi. Rappelez-vous votre dernier bon coup, votre dernière victoire, rappelez-vous comment vous vous sentiez bien après Carmilla.
Merci pour vos commentaires et bonne fin de journée Carmilla.
Richard St-Laurent
Merci Richard,
Effectivement ! Je pense, aussi, qu'il faut, dans sa vie, avoir visité des établissements psychiatriques. Ca permet de mieux comprendre ce qu'est la souffrance psychique humaine. Et après cette expérience, on ne peut plus dire que la maladie mentale, ça n'existe pas.
Si vous avez l'opportunité de le trouver, je vous conseille ainsi le livre: "l'homme qui voulait cuire sa mère" de Magali Bodon-Bruzel. C'est la description de quelques malades dangereux du service de psychiatrie d'un centre pénitentiaire parisien. Des serial-killers, des tortionnaires, des massacreurs, ça fait frémir. Mais qui sont-ils ? Qu'est-ce qui motive leurs actes ? Il y a toujours une part d'humanité en eux.
Mais ces grands malades n'ont pas grand chose à voir avec nos banals déprimés dont nos sociétés cultivent l'éclosion. Des déprimés qui ne savent pas quel est leur Désir et, surtout, qui renoncent bien vite à le rechercher et s'enferment dans l'inertie.
Moi non plus, je ne sais pas quel est mon Désir mais, du moins, je passe mon temps à le chercher. Et tant pis si je suis toujours insatisfaite.
De ce point de vue, le découragé n'est pas, à mes yeux, un déprimé. Il a entrepris quelque chose, a essayé d'infléchir son destin. Il a, peut-être, échoué mais il a agi.
Le déprimé, lui, est un apathique qui trouve confort dans son inertie. De ce point de vue, j'ai l'impression que les thérapies médicamenteuses ne font que geler le problème. Jusqu'où va-t-on aller en la matière ? La chimie du cerveau, sa régulation par des stimulants-calmants, je n'y crois pas et ça m'inquiète.
Mais il est vrai qu'il est difficile d'avoir des avis catégoriques en la matière. Il faut bien reconnaître qu'en réalité, beaucoup de gens souffrent surtout de solitude et d'ennui.
Bien à vous,
Carmilla
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