samedi 3 mai 2025

Trump avec Sade : "La Société des Amis du Crime".

 

Ce qui me sidère absolument chez Donal Trump, c'est son absence totale de compassion.

Des Ukrainiens, des Palestiniens, de leurs souffrances, il n'a absolument rien à fiche. 

Ce ne sont que des Peuples négligeables, anecdotiques. Qui viennent simplement contrarier l'implacable logique de la marche du monde.  

Parce que pour lui, en effet, tout n'est que lutte et rapport de forces. Même s'il ne l'a, sans doute, jamais lu, c'est un peu la vision de l'humanité à l'état de nature, celle de l'homme loup pour l'homme, selon Hobbes. 

Mais chez Hobbes, la société permet de contenir ce conflit primitif et donc de dépasser l'état de nature par l'instauration de Lois et de règles communes. Ce qu'il prône, en fait, c'est ce "Léviathan" qu'est l'Etat.

Mais c'est justement de ce Léviathan que Trump ne veut surtout pas. Les Lois, l'ordre juridique, c'est ce qu'il abomine. Son point de vue rejoint, en fait, largement celui du Marquis de Sade. Sa vision, c'est celle de "l'égoïsme intégral" avec le moins de Lois possibles. Parce que celles-ci ont une prétention universelle qui pose des interdits aux aspirations individuelles.

Trump avec Sade, c'est la même indifférence envers le Droit qui n'est là que pour être transgressé. 

Selon eux, du combat général des hommes entre eux, émergent quelques puissants qui ont vocation à dominer et se partager le monde. 

Ceux qui ne reconnaissent pas cette réalité ne sont qu'éléments négligeables et n'ont droit qu'au mépris. On peut même dire que les Faibles sont responsables de leur malheur parce qu'ils refusent de reconnaître la supériorité du plus fort. Si on les écrase sous les bombes, c'est qu'ils l'ont quand même bien cherché. Tous ces massacres, l'Ukraine aurait, en effet, pu les éviter si elle avait, d'emblée, considéré la "réalité" de la puissance russe. 

C'est donc elle qui est fautive et elle fait preuve d'un entêtement stupide à ne pas le reconnaître. C'est pour cette raison que Trump et ses acolytes ne voient qu'atrocités et massacres indifférenciés dans cette guerre. "Une guerre insensée" dit Marco Rubio. C'est oublier que la Russie poursuit un objectif étayé d'une "certaine" rationalité: rayer l'Ukraine de la carte du monde.

On dit souvent de Trump et de Poutine qu'ils sont des amis. Je ne crois pas que ce soit le cas. Trump reconnaît simplement en Poutine l'un de ses "acolytes" en Puissance, l'un des quelques "élus" appelés à dépecer et se partager le monde: Xi Jinping, Narendra Mody et Recep Erdogan.


 Il n'y a que des forts et des faibles et, dans ce contexte, les amis, ça n'a qu'une signification très particulière. Il s'agit plutôt d'une association de gangsters, voire même cette "Société des amis du crime" dont le Marquis de Sade avait esquissé le projet dans "Justine" et "Juliette".

Dans ses statuts, cette "Société des amis du crime", esquissée par Sade, proclame que ni les interdits religieux, ni même la Loi ou la morale ne doivent faire obstacle à nos désirs parce que ces derniers sont tous légitimes en tant qu'ils sont dictés par la Nature. Et les Lois de la nature,  Lois dictées par des appétits individuels contraignants (le crime, le vol, le viol, la prédation) ça doit être notre guide suprême. La vraie liberté, en effet, ce n'est pas de refuser, comme on nous y incite aujourd'hui, notre Nature profonde, c'est, au contraire, de l'accepter sans y mettre de freins ou d'interdits.

En conséquence, cette "Société des amis du crime", "elle approuve tout, elle légitime tout, et regarde comme ses plus zélés sectateurs ceux qui, sans aucun remords, se seront livrés à un plus grand nombre de ces actions vigoureuses que les sots ont la faiblesse de nommer crime".

Comment ne pas reconnaître, dans cette légitimation du crime, les "connivences" de la "Nouvelle Internationale Réactionnaire" qui se constitue aujourd'hui. Le point commun à tous ces nouveaux dirigeants, c'est leur parfaite "apathie".  Cette "apathie" que promouvait justement le Marquis de Sade en valorisant l'indifférence, une absolue indifférence à la souffrance des autres.

Etre indifférent, c'est se soumettre au Fatum, au Destin, celui d'une Nature cruelle et immorale. C'est le temps des "monstres froids" en politique. Peu importent les populations massacrées. Les criminels de masse s'empressent d'ailleurs de détourner les yeux. Hitler n'a, rappelons le, jamais visité un camp de concentration ni participé à un combat mortel. 

Quant à Trump, rien ne semble l'émouvoir. Il se contente ainsi de qualifier "d'erreur" ou de "très mauvais timing" les bombardements russes tout en affichant sa connivence avec "Vladimir". Il est évident que, de même que son acolyte Vance, il ne se rendra jamais en Ukraine. La détresse, le malheur, il ne veut pas en entendre parler, ça n'est pas dans son horizon mental.

Les monstres froids et les amis du crime ont ainsi, aujourd'hui, le vent en poupe. Mais j'arrête à leur profonde indifférence, à leur absence totale de compassion, la comparaison avec le Marquis de Sade. Chez celui-ci, il y avait tout de même un grand projet libertaire dans le cadre du quel il voulait complétement repenser le rapport du Désir à la Loi.

Tandis que pour la nouvelle "Internationale Réactionnaire", le Désir est quelque chose d'absolument répréhensible et la Liberté se limite aux sphères politiques et économiques.

La "décadence morale", c'est leur obsession. Ils se déclarent même en guerre avec l'Occident à ce sujet. Le genre, les LGBT+, quelle horreur! C'est le temps des "nouveaux puritains", l'avènement de sociétés de "frustrés" qui cherchent surtout à compenser leur malaise sexuel par l'appropriation économique.


Images de Franz Von Stück, Eduard Veith, Josef Fenneker

Se référer au Marquis de Sade est devenu anachronique, voire inconvenant. Mais j'estime qu'il est vraiment un philosophe des Lumières qui a su penser le rapport de l'individu à la Loi et à l'Etat. J'ai été impressionnée par ses bouquins: "Français, encore un effort si vous voulez être Républicains" et "Justine" et "Juliette". Ce sont de véritables essais philosophiques.

- Bernard EDELMAN: "Sade, le désir et le Droit". Un petit bouquin qui replace bien le Marquis de Sade dans le contexte de la philosophie des Lumières et de l'influence essentielle de Hobbes sur sa pensée. L'Etat ne doit plus être un despote: il ne doit plus faire respecter la liberté générale mais celle de chacun; non plus protéger une nation, une collectivité mais un moi individuel. L'homme des droits de l'homme, abstraits, universels, n'est plus. C'est la démocratie de la jouissance qui lui succède

- Catherine RODIERE-REIN: "Les racines inconscientes du Droit". Un autre petit livre qui se réfère à la psychanalyse freudienne. Chez Freud, le Droit est une confiscation de la violence et il est bien né dans l'inconscient.

- Jacques LACAN: "Kant avec Sade". Un séminaire célèbre. Etrangement, les conceptions de la Loi des deux penseurs sont très proches. L'une (excluant la jouissance) est l'envers de l'autre (exigeant cette même jouissance) mais les deux sont pareillement féroces. En fait derrière la vertu, il y a le vice et sous le devoir, il y a la jouissance.


2 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
Voilà une excellente dissertation qui dresse un portrait glaçant de notre situation actuelle. Agencer, Trump et Sade, au niveau des idéologies donne à réfléchir. Je comprends qu’on avait enfermé Sade ; mais Le Traître coure encore, parce que la justice américaine a refusé d’appliquer la loi ; il en est souvent ainsi lorsqu’on joue seulement de la procédure. Je vois un désir et surtout une peur de condamner Le Traître à cause de ses supporters. Posons-nous la question : Quelle aurait été la réaction de ces supporters, si Le Traître avait été condamné à la prison, sans possibilité de se présenter aux élections américaines ? C’était une possibilité très forte à l’époque. On a laissé traîner les dossiers, on a remis à plus tard certaines audiences, on a laissé faire. Qu’est-ce qui pouvait motiver une telle inaction ? Il doit bien y avoir quelques américains qui ont été conscients ! Pourquoi, l’État de droit n’a pas fonctionné pour Le Traître ? Pourquoi, on a laissé pourrir cette situation, ce qui a favorisé la théorie du coude ? Cette fameuse théorie du fonctionnaire, le coude sur ses dossiers, et qui n’a aucun désir de bouger. Ça ressemble à quelque chose comme des responsables qui n’ont pas pris leurs responsabilités. C’est ainsi que ça nous apparait. Les américains ont manqué de changer la donne, de déjouer le destin, de prendre une autre direction, d’assumer leurs responsabilités. On a poussé le bouchon aussi loin que de gracier les 1,500 rebelles lors de l’assauts du Capitole le 6 janvier 2021. Comment on peut gracier des criminels, qui plus est, de la part d’un criminel ? Que vaut l’État de droit aux États-Unis, qui se targue d’être une démocratie. Il est vrai qu’à l’époque trouble de Sade, on ne faisait pas dans la dentelle, et sans doute, qu’on l’a emprisonné non pas pour ses écrits, mais pour ses idées. Je me suis toujours demandé pourquoi on ne l’avait pas raccourci ? Certains ont été raccourcis pour beaucoup moins que cela. Aurait-il bénéficié de quelques faveurs atténuantes ? Ce qui nous conduit à la situation actuelle qui est loin d’être terminée et qui pourrait inspirer quelques jeunes politiciens ambitieux.
Je veux vous remercier Carmilla et Nuages pour l’appréciation de mon analyse sur les élections canadiennes. Merci beaucoup.
Bonne fin de nuit Carmilla
Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

On a oublié, en effet, que la Révolution et l'avènement des sociétés démocratiques, ça a d'abord été la mise en place d'un système juridique et de Lois universelles.

Tous les penseurs de la fin du 18 ème siècle n'ont cessé de réfléchir au Droit et aux rapports de l'individu et de la collectivité à la Loi.

Et quoi qu'on en pense, le Marquis de Sade a bien défini le problème. Est-ce que la Loi universelle que l'on veut instaurer ne constitue pas un instrument d'oppression de la singularité de chaque individu et de sa Nature profonde ? C'est la Loi contre le Désir. Comment, dès lors, faire place à l'individu ?

Le Marquis de Sade s'est néanmoins rallié, il faut le souligner, à la Révolution française et en a été un militant. Mais il voulait aller encore plus loin, instaurer une permissivité intégrale.

Il n'a finalement échappé que miraculeusement à la guillotine. Alors qu'il était retenu à Picpus pour son exécution, 2 ou 3 jours avant celle-ci est intervenue la chute de Robespierre et la fin de la Terreur.

Et aujourd'hui, il faut bien reconnaître que, presque partout dans le monde, on cherche à se débarrasser du Droit et à imposer la Loi du plus fort. C'est une régression formidable incarnée, évidemment, par des gens comme Trump et Poutine et des milliers d'autres dans le monde.

On avait réussi à instaurer la Paix entre les Nations au lendemain de la 2nde Guerre mondiale. Aujourd'hui, on prône la guerre de tous contre tous sous la bannière des pires réactionnaires.

Bien à vous,

Carmilla