L'Allemagne, je ne sais pas moi-même pourquoi j'y reviens si régulièrement.
Alors même que mon allemand est médiocre.
Sans doute parce que c'est quand même l'Europe Centrale et que, sous de nombreux aspects, je m'y retrouve tout de suite: l'architecture des villes, les horaires matinaux, la cuisine. Et puis ce goût pour la spéculation, la théorisation. Les Allemands sont à la fois très prosaïques, très ras des pâquerettes, et très abstraits. La nourriture, c'est sans cérémonial: une platée de cochonailles assortie de patates et puis une pâtisserie dégoulinante de crème. La diététique, on ne sait pas ce que c'est et j'ai du mal à me nourrir en Allemagne. C'est du moins très bon marché et c'est servi à toute heure.
Et puis cette bouffe simple, pour pas grand chose, ça favorise la convivialité allemande (le "zusammen sein", le vivre ensemble). Ca se concrétise par des brasseries continuellement ouvertes, des jeux de société et des journaux offerts à tous et puis de grandes tablées rugissantes carburant à la bière. Bien sûr, ça n'est pas raffiné mais c'est égalitaire. Les "petites gens" peuvent y trouver accueil et réconfort quotidiens.
C'est une bonne expression de ce bonheur allemand qu'avait évoqué l'écrivain Michel Tournier. Personnellement, ça me fascine de fréquenter ces lieux. On n'a pas le même spectacle social en France où les restaurants sont guindés et avec une cuisine élitaire et tarabiscotée.
Et chez les Allemands, c'est renforcé par un respect général pour la "Kultur". Même les gens les plus modestes connaissent leurs grands philosophes et ont une idée de leurs théories (ce qui est beaucoup plus approximatif en France).
Mais c'est quand même un pays très divers. La Bavière, ça n'a pas grand chose à voir avec l'ancienne Prusse.
Personnellement, c'est plutôt l'Allemagne du Nord et de l'Est qui m'intéresse: toute la Saxe, le Brandenburg, le Mecklenburg, la Thuringe, le Schleswig-Holstein. C'est sans doute mon paradoxal côté prussien.
C'est très peu touristique (j'ai réussi la performance, durant tout mon séjour, de ne croiser aucun Français) et très mélancolique. C'est aussi le principal territoire d'éclosion du "Romantisme Allemand", cet extraordinaire mouvement littéraire (bien différent du Romantisme français) qui continue de façonner l'esprit européen.
Là-bas, j'ai trouvé un nouveau cadre de vie et éprouvé le sentiment d'être délivrée des contingences de ce bas-monde, de sa pression continuelle. J'ai pu m'adonner au plaisir simple d'observer, à la terrasse d'un café d'un petit village médiéval (Tangermünde), les allers et venues de ses habitants.
Et puis l'Allemagne, elle est, comme la France, pétrie d'Histoire. Pas un lieu qui n'évoque aussitôt le passé. Mais à la mémoire, le tragique s'ajoute sans cesse.
Toute proche, il y a Wismar. C'est l'ancienne Allemagne de l'Est et on y éprouve un sentiment de vide. Les grandes places, les plages sur la Baltique, le grand port avec ses bateaux mystérieux.
Et enfin, puisqu'on est dans le registre de la culture, j'ai visité, une nouvelle fois, la maison de Nietzsche à Naumburg et celle de Marx à Trier. Mais il faut bien reconnaître qu'elles sont décevantes et qu'on n'a pas fait beaucoup d'efforts pour les rendre attrayantes, intéressantes.
Je recommande évidement les bouquins de Thomas Mann et ceux de Günter Grass.
Sur l'ancienne R.D.A., les livres les plus justes sont, à mes yeux, ceux de Maxim Leo ("Histoire d'un Allemand de l'Est", "Là où nous sommes nous" et "Le héros de Berlin"). C'est plein d'humour et ça s'écarte de l'habituelle rumination policière et répressive. La vie n'était évidemment pas drôle en RDA mais les gens ne passaient pas non plus leur temps à pleurnicher et se lamenter. Ils vivaient aussi, avaient des histoires d'amour et éprouvaient, comme nous tous, des instants de grâce.
Et enfin, sur le village de Worpswede et Paula Mordersohn-Becker, il existe un très bon bouquin (paru en 2016) de Marie Darrieussecq: "Etre ici est une splendeur". Et je signale que la 9ème photo est la maison de Paula M.-Becker et la 12, celle de sa tombe.
Quant à l'image 32, elle est celle de Grete Minde, une icône féministe en Allemagne. Grete Minde, elle a fait l'objet d'une nouvelle du grand écrivain du 19ème siècle, plutôt méconnu en France, Teodor Fontane. Il s'agit d'une jeune femme de Tangermünde qui fut injustement condamnée au bûcher au 17ème siècle.
Et le titre de mon post, il fait bien sûr référence au beau film de Helma-Sanders Brahms sorti en 1980.
6 commentaires:
Tout d'abord je salue votre oeil artistique de photographe douée, bravo !
Photoreportage de toute beauté, vous me donnez envie de visiter ce pays. Ma nièce enseigne l'allemand à Cologne, avez-vous visité cette ville ?
Merci pour le partage de votre escapade, c'est un régal visuel ainsi que de vous lire.
Bien à vous,
Julie
"C'est plein d'humour et ça s'écarte de l'habituelle rumination policière et répressive."
Tiens tiens, Carmilla serait sensible à l'humour ? 😊
Merci Julie,
Je ne suis malheureusement pas une photographe douée. J'essaie simplement de m'appliquer (avec un appareil photo et pas un smartphone) et de composer une image.
Mais je sais bien que, même si j'arrive à sortir quelques images convenables, c'est très loin du regard des grands photographes.
Visiter l'Allemagne, ça offre un grand avantage: hormis la Bavière et Berlin, il y a peu de touristes. On a donc un sentiment de découverte et d'authenticité.
Cologne, oui, je connais mais ça commence à faire longtemps que je ne suis pas allée là-bas. La cathédrale, qui a longtemps été le monument le plus haut du monde, est vraiment spectaculaire.
Bien à vous,
Carmilla
Merci Anonyme,
J'ai bien conscience que mon blog n'offre sûrement pas une image très drôle de moi-même.
Mais c'est difficile de faire de l'humour quand on écrit. A petites touches, ça va mais, bien vite, c'est lassant, ça ennuie.
Et puis, j'ai été complétement formatée par l'éducation française qui nous conduit à raisonner, formaliser, sans cesse.
Mais je crois quand même qu'au total, je suis moins sinistre que ne peut le laisser supposer mon blog. Je suis porteuse aussi, il ne faut pas l'oublier, de la dinguerie slave. C'est un cliché mais qui est, quand même, bien réel. Rien à voir, justement, avec la lourdeur, pesanteur, allemande.
Bien à vous,
Carmilla
Oups, j'ai oublié de signer...
Pas de problème, Julie !
On a le droit d'écrire en anonyme.
Carmilla
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