dimanche 28 mars 2010

En Galicie

J’ai donc retrouvé la lointaine Ukraine et je suis sans cesse en éveil, posant sur les êtres, les choses, un regard émerveillé.


On n’imagine pas à quel point tout est différent.




L’Ukraine, c’est vraiment le pays idéal pour se mettre en retrait. On peut être à peu près sûr que personne ne viendra vous y chercher.





C’est peut-être aussi l’un des derniers pays encore miraculeusement préservé de la mondialisation et du tourisme. Un pays sans Mc Donald, sans Coca-Cola, sans grandes chaînes de magasins où l’on ne rencontrera jamais son voisin de palier… c’est cela que je trouve fascinant. Je m’y sens immédiatement très libre et très légère.




Mais je suis trop émue pour vous parler de cela aujourd’hui…alors je me contente de vous livrer quelques images de ma chère ville de Lvov.






Photos Carmilla Legolem à Lvov sur Sigma DP 1 et 2

samedi 20 mars 2010

« La marche de Radetzky »


Ca y est. Je pars…demain… mais pour pas très longtemps.

Nous connaissons le livre de Joseph Roth, "La marche de Radetzky", qui dépeint la désintégration politique et sociale de l’Empire d’Autriche-Hongrie.

On dit que c’est l’un des grands romans du 20 ème siècle.

Moi, le parfum nostalgique m’a déplu et je n’ai pas été tellement sensible aux états d’âme de ces militaires et hauts fonctionnaires qui ne comprenaient rien à la diversité de leur pays, à leur temps.

Une grande partie de ce roman archi-classique se déroule aux confins de l’Empire, en Pologne et en Ukraine, mais c’est décrit de manière consternante, comme des zones nébuleuses et incultes.

Je me rends précisément dans ces lieux indécis. Je dégringole d’abord à Cracovie (Kraków), pour prendre un magnifique train de nuit qui me conduira dans ma chère Ukraine, à Lvov (Львів ou Львов ou Lwów).

Ça m’amuse de noter qu’Honoré de Balzac avait emprunté le même chemin que moi, en 1847, pour rejoindre son grand amour, la belle comtesse Hańska, dans son domaine de Wierzchownia.


A cette époque, il avait pu se rendre en train jusqu’à Cracovie, ce qui apparaît presque étonnant.
Cracovie justement, c’est évidemment l’une des plus belles villes d’Europe. C’est une ville médiévale, c’est ce qu’en retiennent la plupart des touristes.

Mais c’est aussi pour moi et c’est beaucoup moins connu, le lieu d’éclosion, à la fin du 19 ème-début du 20 ème, d’un extraordinaire mouvement artistique et intellectuel, synthèse de monde slave et autrichien.

Je l’illustre aujourd’hui avec quelques tableaux de Stanisław Wyspiański et Józef Mehoffer.


Stanisław Wyspiański - Józef Mehoffer

samedi 13 mars 2010

Le château de glace


J’ai longtemps été hantée par l’anorexie. Physiquement on en échappe un jour, on en meurt rarement. Psychologiquement, on porte en soi, définitivement, les traits de la lutte anorexique : une force absolue, l’orgueil, l’indifférence aux contingences matérielles. Une incapacité à l’amour.

L’anorexie, ça débute, à l’âge de 15-16 ans, avec la découverte du caractère torturant, obsédant de la sexualité, impossible à satisfaire. Misérables apparaissent les petits flirts, les petites amours en regard de l’attrait mortel de la déflagration, du bouleversement complet de l’identité.

La découverte aussi, à l’adolescence, d’un insupportable assujettissement au corps, à la nature, aux lois de la reproduction. Cette horrible idée que la biologie déterminerait notre destin, serait la justification ultime de l’ordre familial. Pas d’autre horizon que le mariage et la maternité.

Ne plus être soumise au corps, à la nature. Tel fut mon rêve.

Je l’ai déjà dit, on ne devient pas anorexique par imitation, pour se conformer à un modèle, pour jouir de la taille filiforme d’un mannequin.

C’est au contraire parce que l’on refuse tous les modèles.



On devient anorexique par révolte : je n’appartiens pas à ce monde, j’en récuse l’horreur, les sujétions, je suis différente… Je suis plus forte que la nature. Orgueil immense qui se paie d’une effroyable culpabilité.


Monde éthéré, monde de pierre, monde de glace, délivré du carcan des corps…

Mais pas monde atone : la brûlure de la glace…



Après, après, … on sort de l’anorexie en empruntant les voies de l’ascèse ou de la débauche.


Mais tout cela est indifférent. On alterne en fait l’une ou l’autre période… peu importe, il n’y a de toute manière jamais d’amour.


J’illustre ce post avec les photos d’une très jeune photographe américaine, d’origine ukrainienne et passionnée par le Japon (!!!), Jessica Walker.


Jessica Walker

dimanche 7 mars 2010

Pensée monde


C’est sûr, je ne parle pas beaucoup de la France dans mon blog. C’est pourtant là que je vis principalement. Mais je me sens personnalité non qualifiée. Le tourisme ? Je connais surtout Paris et un peu les Alpes. Une fois, je suis allée au bord de la Méditerranée mais je me suis tout de suite enfuie. La cuisine ? Je n’y connais rien du tout, pas plus d’ailleurs à la cuisine française qu’à la cuisine russe ou polonaise. La mode ? J’ai tendance à m’habiller « showy », à la slave, donc ce n’est pas toujours l’élégance parisienne. La politique ? Je suis libérale, jusqu’au bout, ce qui n’est pas évident dans un pays étatiste et policé, sinon dans ses mœurs du moins dans ses opinions.




Cela dit, je suis quand même d’assez près l’actualité culturelle parisienne. Récemment, j’ai assisté avec étonnement et inquiétude au lynchage médiatique qui a accompagné la sortie des deux livres de Bernard-Henri Lévy. La violence des textes, dans la presse et sur internet, est vraiment incroyable. Ca me rappelle vraiment les déchaînements des affaires Polanski et Mitterrand, à cette différence que c’était alors surtout les « braves gens » qui s’exprimaient. Aujourd’hui, ce sont des gens qui s’affichent « intellectuels » mais qui donnent surtout l’impression d’avoir un compte à régler avec ceux qui ne partagent pas leur vie médiocre.


Alors, accrochez-vous bien avant de me cracher dessus : moi, j’aime bien Bernard-Henri Lévy (j’ajouterai même que je le trouve très sympathique de même que son épouse, Arielle Dombasle, dont j’apprécie beaucoup l’esprit de dérision) ; j’aime bien aussi Alain Finkielkraut. En littérature, je considère que les trois plus grands écrivains français contemporains sont Philippe Sollers, Michel Houellebecq et Jonathan Littell. A titre plus personnel, j’apprécie aussi beaucoup les deux frères Rolin, mais eux, presque personne ne les connaît. Je terminerai même en disant que j’aime bien Christine Angot, mais, là, je fais quand même un peu de provocation.



Après cette énumération, j’imagine que vous allez me classer tout de suite dans la catégorie des super-nulles ou des midinettes décervelées.


Moi, je m’interroge plutôt sur un pays qui voue une pareille haine à ses écrivains et penseurs. Je suis également consternée quand je vois ce qui « se vend » dans la littérature française : Anne Gavalda, Amélie Nothomb, Eric-Emmanuel Schmitt, Marc Lévy, Bernard Werber, Jean-Christophe Grangé. C’est du divertissement mais évidemment pas de la littérature. J’ai même envie de pleurer quand je constate que je ne trouve que ça dans les librairies de Moscou ou de Varsovie. Quelle drôle d’image ça donne d’un pays qui s’est longtemps voulu flambeau de la culture !




Bernard-Henri Lévy, ça ne veut évidemment pas dire que c’est mon maître à penser. C’est sûr aussi que si on le compare à Deleuze, Foucault, Derrida, Lyotard, ça fait un peu léger. Je pense cependant qu’il n’y a rien de déshonorant à le lire. C’est tellement plus pertinent que les inquiétants staliniens, Bourdieu et Badiou, qui occupent aujourd’hui le devant de la scène.
Pour moi, BHL a su poser les bons problèmes : l’histoire, le totalitarisme, la démocratie, l’éthique, la Shoah. Il a bien montré que le vrai penseur de notre temps n’était pas Marx mais Tocqueville. Surtout BHL a arpenté le monde, voyagé, beaucoup voyagé et a su donner une dimension mondiale à la question politique. Il m’irrite évidemment souvent, en particulier dans sa détestation de la Russie, mais n’est-ce pas cela justement qui est stimulant ?



Il se différencie ainsi complètement des penseurs de l’ancienne génération : Deleuze, Derrida, Foucault. Aussi admirables soient leurs constructions théoriques, il est bien difficile d’en tirer une pensée politique cohérente, réaliste, en phase avec les problèmes actuels du monde. Il est d’ailleurs pour moi frappant de constater que ces grands philosophes n’ont que peu ou pas du tout voyagé. D’où leur enfermement dans une attitude esthétique, certes magnifique et séduisante, mais en décalage complet avec l’irruption du monde tout entier dans nos vies et nos pensées.


Voilà, je termine. J’ai choisi d’illustrer mon post avec une peintre franco-britannique, Monica Fagan. C’est délicieusement anachronique, avec une inspiration surréaliste qui nous rappelle une période d’extraordinaire créativité.




Monica FAGAN