dimanche 24 avril 2011

« Which rabbit to follow ? »


Quel lapin suivre ?

Ca ne fait pas seulement référence aux fêtes de Pâques. C’est la question que pose Anka Zhuravleva avec son étonnante photo, croisement d’Hitchcock, d’Alice au pays des merveilles et d’Andy Warhol.

Anka, je l’admire et l’adore. Elle n’a que 30 ans. Elle a fait des études d’architecture; après la mort brutale de ses parents, elle a eu une jeunesse plus ou moins dissolue, punk, rock, chanteuse; elle a été mannequin, a travaillé chez Mostfilm, a quitté Moscou pour Saint-Peterburg, est devenue peintre puis photographe. Tout ça pour dire qu’elle a changé maintes fois de vie, d’orientation, à chaque fois avec grand succès.



Tout ça pour dire aussi que des lapins blancs qui nous invitent à les suivre au pays des rêves, il s’en présente plein dans une vie.

Ca signifie surtout que rien n’est jamais figé, arrêté, que les choix sont multiples dans une existence. On change, on bouge, on se recompose continuellement et c’est nous-mêmes qui forgeons, pour l’essentiel, notre destin.



C’est un point de vue évidemment complètement différent de l’approche psychologisante aujourd’hui en vogue, victimaire et déresponsabilisante (un passé traumatisant vous façonnerait presque définitivement).


Les gens malheureux, les malades, les névrosés, ce sont ceux qui sont enfermés dans la répétition a dit Freud. Et il n’y a derrière ça ni secret de famille, ni enfance malheureuse ni même de traumatisme originaire (vous ne le trouverez jamais). Tout ça, c’est du fantasme. Notre passé, c’est une belle étoffe, un beau tissu, un tissu de mensonges, des mensonges de toute bonne foi que nous avons assemblés avec application. C’est ce qui fait notre identité.


Le problème est de ne pas en demeurer prisonniers, de sortir de la répétition. Trouver une porte libératrice pour pouvoir échapper à l’enfermement, à la dépression en écrivant un nouveau scénario, juste un peu différent. C’est ce que Kierkegaard a magnifiquement décrit dans son petit livre : « La reprise ».

Je suis libre, je suis guérie lorsque je suis capable de revenir en toute quiétude, en complet détachement, dans des circonstances éventuellement proches, sur les lieux mêmes (un café de Berlin un soir d’automne par exemple), de ce que je croyais être l’éclosion d’un amour. Et c’est peut-être justement là et à cet instant même que votre amour se révèlera authentique, véritable car libre de toute sujétion, addiction.


L’introspection, les souvenirs d’enfance, c’est très à la mode aujourd’hui. Mais j’ai vraiment l’impression qu’à trop rechercher son identité, ses origines, on s’enferme encore davantage et s’enfonce dans le narcissisme hystérique.


Moi, les racines, le passé, je n’en ai rien à faire. L’éparpillement, la dispersion, la contradiction, voilà ce qui me plaît. Tant pis si je passe pour touche à tout et superficielle.


S’arracher à soi-même, c’est ça qui m’apparaît important. Pas de pays natal, pas de « Heimat », pas de famille; plusieurs langues, cultures, pays qui me traversent. Capable de faire tout et son contraire, sans dispositions naturelles. N’aimer personne et tout le monde, homme ou femme, dans la seule déchirure d’une rencontre éphémère.


Dépasser les contingences pour s’ouvrir aux autres et à l’illumination de l’instant.



Images d’Anka Zhuravleva АНКА ЖУРАВЛЕВА(в девичестве БЕЛОВА)

Son site : anka-zhuravleva.com

samedi 16 avril 2011

Lisières des mondes


D’abord, il faut vous précipiter pour aller voir le dernier film de Jerzy Skolimowski : « Essential killing ». Un film comme ça, vous en voyez un tous les dix ans. Pas de dialogues, de l’écriture pure, des images sidérantes, d’une beauté picturale. Surtout, une réflexion sur ce qu’est être un autre.


Après, vous pouvez lire quelques livres récents de voyage.


En premier lieu, le best-seller italien de Fabio Geda : « Dans la mer, il y a des crocodiles ». J’ai vraiment bien aimé : un livre très humain et une description à mes yeux très juste et très émouvante du Moyen-Orient (Pakistan, Iran, Afghanistan). En complément, il faut lire l’excellent : « Retour à Peshawar » de Renaud Girard (Grasset).


Plus loin vers l’Est, avec les deux petits bouquins de Claude Levi-Strauss sur le Japon : « L’anthropologie face aux problèmes du monde moderne » et « L’autre face cachée de la lune ». C’est évidemment très fort mais il semble que ça ait laissé un peu rêveurs les Japonais. C’est sûr qu’on a le sentiment d’un « placage » théorique.


Sur le Japon, je recommande plutôt « Tokyo, ville flottante » de François Laplantine et surtout : « Au Japon, ceux qui s’aiment ne disent pas je t’aime » d’Elena Janvier ; une petite merveille de fraîcheur, d’humour et de pertinence; de la vraie ethnologie appliquée..



Retour vers ma chère Europe Centrale avec trois livres qui viennent tout juste de sortir :

- Paolo Ruiz : « Aux frontières de l’Europe » (éditions Hoëbeke)

- Cédric Gras : « Vladivostok » (Phébus)

- Olivier Rolin : « Sibérie »


Quelques défauts, quelques erreurs, mais pas trop de clichés; je conseille presque sans réserves. Des voyageurs cultivés et sans préjugés qui ne vous resservent pas la sempiternelle soupe journalistique sur la Russie et les pays de l’Est.


Ces bouquins m’ont rendue nostalgique avec un besoin fou d’échappée, d’évasion. D’autant plus que Paris s’est brusquement vidée depuis une semaine. C’est étrange et consternant.




Disparaître, devenir immatérielle, irréelle. Aborder des horizons lointains aux frontières indécises. Les lisières, les bordures, les limes...


Je ne sais pas de quels endroits vous rêvez. Moi, ce sont des régions improbables, aux noms magiques, aux sonorités évocatrices : connaissez-vous la Mazurie, la Prusse Orientale, la Carélie, la Courlande, la Ruthénie, la Volhynie, la Polésie ?


Probablement pas. Je n’ai jamais vu une agence de voyages inscrire ces destinations à son programme. Pourtant, tout cela existe bien et ce sont même des régions très belles et très vastes, généralement à cheval sur plusieurs pays.


C’est dans ces régions intermédiaires, multiculturelles, polyglottes que j’aime me perdre. Les lieux interlopes, voilà où je me sens la plus libre.


Images de Katerina Belkina; née en 1974, elle vit aujourd’hui à Moscou. Danseuse, photographe, peintre. Une grande artiste qui commence à être connue en Russie Son site :. www.belkina.ru/

samedi 9 avril 2011

Polska Literatura


A la suite de mon post sur la littérature persane, certains, parmi vous, m’ont demandé des tuyaux sur d’autres littératures étrangères que je connaîtrais.

C’est d’accord ! même si je n’ai pas fait de hautes études en lettres et si je ne sais parler dans tout ce blog que de ce que j’aime et non de ce qu’il faut aimer !


C’est vrai que la littérature, ce n’est pas seulement un reflet des mentalités, ça les façonne aussi. Je trouve ça étonnant, mais je pense qu’on peut toujours comprendre en partie l’esprit français à partir du roman du 19 ème siècle de même qu’on retrouve pleinement les russes dans Dostoïevsky et Tolstoï.


Je commence donc par la littérature polonaise contemporaine. Je crois qu’elle est d’abord dominée par quatre figures majeures du milieu du 20ème siècle :

- Witold Gombrowicz : il demeure incroyablement moderne. Il faut avoir lu « Ferdydurke » « Cosmos » et « la Pornographie » avant tout mais j’aime bien aussi « les envoûtés » et son Journal.



- Stanislaw Ignacy Witkiewicz : « l’Inassouvissement » bien sûr; un chef d’oeuvre expressionniste mêlant philosophie, peinture et rêveries érotiques. « En choisissant mon destin, j’ai choisi la folie » est-il écrit en exergue.

- Bruno Schulz : « le sanatorium au croque-mort » et « les boutiques de cannelle ». Un écrivain doublé d’un graphiste extraordinaire. Le judaïsme, Sade, Masoch et Spinoza tout à la fois.


- Isaac Bashevis Singer : prix Nobel 1978; ce n’est pas seulement la culture yiddish qui revit magiquement, c’est aussi la description implacable de la torture du doute et aussi de la pusillanimité humaine et de l’incapacité à choisir. Je recommande en particulier : « le Manoir », « le Domaine », « la famille Moskat », « Shosha » et « Ombres sur l’Hudson ».



Après l’évocation de ces quatre écrivains majeurs, je fais un grand saut et je sélectionne 6 autres écrivains devenus célèbres ces 15 dernières années :

- Olga Tokarczuk : la plus grande. Le mythe, l’histoire, les voyages organisent ses romans. On peut lire « les pérégrins » récemment traduits (Noir sur Blanc).


- Agata Tuszynska : une révélation récente, une littérature très grave : « Exercices de la perte » ; « Wiera Gran – l’accusée » (Wiera Gran était la chanteuse étoile du ghetto de Varsovie).


- Andrzej Stasiuk : la description de la déglingue post-communiste. J’adore notamment parce qu’il décrit une zone géographique que je connais bien, les Carpathes. On y passe tout le temps des frontières entre la Pologne, la Slovaquie, l’Ukraine, la Roumanie et la Hongrie. Y a pas plus craignos comme zone. Je vous recommande son dernier livre « Taksim » (Actes Sud).


- Ryszard Kapuściński : le reportage comme littérature. Evidemment, l’admirable « Ebène », mais aussi « le Shah », « le Négus » et «le Christ à la carabine ».



- Mariusz Wilk : un polonais qui, ô scandale, vit en Russie, en Carélie plus précisément, d’abord sur les îles Solovki puis au bord du lac Oniego.


- Dorota Maslowska : c’est la Virginie Despentes polonaise. Il faut lire « Polo-cocktail party ».




Voilà ! tout ce que j’ai recensé est évidemment traduit en français et assez facile à trouver.




Images d’Anna BODNAR, jeune graphiste, photographe de Bielsko-Biala; elle dirige aussi une agence de communication. Son œuvre est une bonne illustration de l’esthétique polonaise. Allez sur son site : annabodnar.eu. C’est impressionnant.

samedi 2 avril 2011

J’aime / Je n’aime pas


Voici mes amours et mes antipathies, étant précisé toutefois que je n’ai aucune passion, négative ou positive.

• Je n’aime pas :

- Le thé ; les pâtes ; la viande ; la charcuterie ; la pâtisserie ; les produits « bio » ;

- Le soleil ; le beau temps ;


- Les repas de famille ; l’apéritif ; les barbecues ; Le rugby ;

- L’écologie ; l’alter-mondialisme ; l’action humanitaire ;

- Marine Le Pen ; Eva Joly ; Olivier Besancenot ; Stéphane Hessel ;


- La campagne ; la nature ; les « beaux paysages » ;

- Les gens sains ; les attitudes « responsables » ;


- L’émotion ; la spontanéité ;

- Les voyages organisés ; les randonnées ; les stations balnéaires ;



• J’aime :

- Le poisson (le thon rouge, l’anguille fumée, les sardines) ; les fruits de mer (les crabes, les huîtres); la bière ;

- Le temps sombre ; la neige ;


- Le jogging ; le marathon ; la natation ; le patinage sur glace;

- La solitude ; les rencontres de hasard ;


- Le CAC 40 ; le Footsie ; le Nikkei ; le DAX ; le Dow Jones ; le Hang Seng ;

- David Ricardo ; Paul Fabra ; Philippe Simonnot ;


- Le maquillage ; les escarpins ; les dessous chics ; l’épilation intégrale ;« Poison » de Dior ;

- L’amour « one shot » ;


- La sophistication ; l’impénétrabilité ;

- Les voitures de sport ; les trains ;


- Les mégapoles ; les aéroports ; les gares ferroviaires ;

- L’Europe Centrale (en gros d’Arkhangelsk (Архангельск) à Llubljana), l’Iran, le Japon ; tout ça à parcourir, bien sûr, « en solo » ;



Photographies de Nina Aî – Artyan (Нина Ай-Артян)

Nina est une jeune russe de Moscou. Je vous invite à visiter son site : nin-a.com. C’est magnifique !