samedi 30 juin 2018

Histoires de séduction


Est-ce qu'on peut encore parler de la séduction aujourd'hui, à l'heure de "Me Too" et "Balance ton porc" ?


On voudrait éradiquer absolument les rapports de pouvoir, la sujétion, la manipulation, la cruauté et même la différence des sexes. D'ailleurs, la séduction déborde le champ amoureux et envahit les rapports sociaux: elle touche à la corruption.


La séduction, j'en ai, pour ma part, toujours usé, abusé. Tant pis si vous me jugez retorse, perverse, superficielle. Mais la séduction, c'est l'arme maîtresse des femmes. C'est ce qui leur permet d'affirmer leur pouvoir et c'est bien pour ça que je m'appelle Carmilla. C'est aussi leur arme exclusive parce qu'à leur différence, les hommes sont, par essence, dépourvus de séduction.


La séduction, c'est d'abord le carburant de ma vie, un éclair dans un quotidien qui pourrait être gris et morne.


Il y a d'abord la fascination du mal, le goût de la transgression.

A l'école, j'aimais bien torturer psychologiquement certains de mes collègues, les moches et les "nerds", en les faisant rêver, en les laissant croire que ça pouvait être possible avec moi. Du coup, ils étaient prêts à tout pour moi, ils faisaient tout ce que je leur demandais.




Et puis, il y avait mes profs vis-à-vis des quels je ne voulais surtout pas passer pour une gamine, une meuf ricanante, toujours en train de bêtifier. Je cherchais toujours à paraître une vraie femme, élégante, hautaine, au-dessus de la mêlée. Ça marchait plutôt bien même si ça se traduisait plus par de bonnes notes que par des rendez-vous amoureux.



Ou alors, les amis de mon père. Je ne voulais me faire déflorer que par des hommes mûrs et même âgés.

Aujourd'hui, ce sont les maris de mes copines qui m'attirent. Et puis, dans ma boîte, ceux qui exercent le pouvoir ultime.



Mais quelquefois aussi, j'aime bien sortir avec un type nul, inculte et vulgaire. J'éprouve alors l'étrange plaisir de l'humiliation et de l'avilissement.



Je vous choque peut-être mais la séduction, c'est d'abord ça: le renversement des hiérarchies et de l'ordre existant à partir de la découverte du pouvoir qu'on peut avoir sur les autres.



Ce pouvoir, il ne faut pas hésiter à l'exercer. C'est à cette seule condition que les femmes peuvent conquérir leur indépendance et leur liberté. Ça n'est d'ailleurs pas toujours agréable car, pour maintenir son emprise sur l'autre, il faut aussi savoir être cruelle, indifférente.



C'est pour ça qu'avec moi, les histoires d'amour, ça ne dure jamais bien longtemps: aussitôt conquis, aussitôt rejeté car ça ne m'intéresse plus.


Surtout, la séduction nous dispense une leçon de vie essentielle. Il n'y a qu'une alternative: séduire ou être séduit. Il ne faut pas hésiter car la vie est éminemment réversible et on a tôt fait de s'abandonner à autrui, d'accepter, de plein gré (paresse, confort, faiblesse ?), la captivité.

Pourquoi désire-t-on parfois la servitude ? C'est une énigme de la condition humaine et, singulièrement, de la condition féminine. Je risquerais une hypothèse: on se laisse séduire, on se laisse ravir, parce qu'on se sent faible et coupable, parce qu'on a honte de ses vrais désirs. En s'abandonnant, on croit pouvoir taire les monstres et les fantômes qui nous habitent.

Images de Kansuke Yamamoto (1914-1987), photographe et poète japonais. Il a notamment introduit le surréalisme au Japon.

Au cinéma, je vous conseille: "Un couteau dans le cœur" par Yann Gonzalez avec Vanessa Paradis. Très étonnant, un OVNI !

samedi 23 juin 2018

Central Europe















C'est bientôt la période des vacances.


Ça réveille toujours ma nostalgie, mon désir de retour dans ces pays d'Europe Centrale où je me reconnais, me sens plus à l'aise.


La France, je n'ai rien contre mais beaucoup de ses aspects me rendent perplexe: la place exorbitante de l'Art culinaire, la jalousie et la rancœur sociales exacerbées, les relations entre les sexes qu'on veut à tout prix fusionnelles, le goût immodéré pour le soleil et les paysages méditerranéens.


En Europe Centrale, on a évidemment aucune de ces passions. La cuisine, c'est fruste mais roboratif et on préfère la bière au vin; la lutte des classes, on a appris à s'en méfier; les relations hommes/femmes, on n'exige pas de l'autre qu'il nous aime absolument; quant à la chaleur, on déteste, ça nous déprime.


La grande différence, c'est surtout un autre imaginaire, une autre esthétique. La littérature et surtout la peinture en rendent partiellement compte.



Et puis surtout, il y avait un muti-culturalisme, un multi-linguisme extraordinaire.


Ça a largement disparu à la suite des deux guerres mondiales et du triomphe des Etats nations.


Malgré tout, ça existe encore un peu et on continue de se croire citoyens du monde plutôt que ressortissants indéfectibles d'un pays. Ça donne un sentiment de liberté.


Pour exprimer ça, je poste aujourd'hui quelques images d'une artiste autrichienne qui traduisent bien, me semble-t-il, "l'esprit de l'Europe Centrale".





Tableaux de Mila Von Lüttich (1872-1929), artiste autrichienne qui a, bien sûr, participé à la Sécession.

samedi 16 juin 2018

La course contre le temps
















J'ai un rapport particulier, très strict, au temps.

Je suis toujours très ponctuelle, plutôt même en avance. Être en retard, je déteste, ça m'angoisse.


Mes journées, mes semaines, sont très découpées, planifiées. Je me lève imperturbablement tôt le matin pour pouvoir remplir, sans faillir, mes programmes: travail, loisirs, sport, amis, lecture. Ma vie est entièrement cadencée.


J'adore les montres; j'en ai beaucoup et j'affectionne les curiosités: j'ai une Péquignet Regulator avec un cadran de 24 heures, une Meister Singer Phanero mono aiguille, une Mondaine Stop2go se bouclant à chaque tour sur un arrêt de 2 secondes. L'inconvénient de ces bizarreries, c'est qu'il faut réfléchir à chaque fois quelques secondes pour pouvoir lire l'heure; et puis ces babioles tout de même onéreuses ne sont jamais aussi précises et aussi fiables qu'une banale montre à quartz à 15 €.


J'aime bien aussi les calendriers. Ça me fascine qu'on soit en 1439 selon le calendrier musulman, en 1397 selon le calendrier persan, en 5778 selon le calendrier hébraïque et en 2018 selon le calendrier grégorien de l'ère chrétienne. Je suis fascinée également par le calendrier révolutionnaire français, appliqué de 1793 à 1806:  un système décimal, plus aucune référence religieuse, plus aucun nom de saint, un début d'année en septembre, des mois divisés en trois semaines de 10 jours (!) et même, pendant une courte période, des journées réduites à 10 heures avec des heures comptant 100 minutes et des minutes comptant 100 secondes. Le triomphe de l'esprit rationnel, parfait mais inapplicable.


Ces petites fantaisies, les montres originales, les calendriers, ça correspond en fait pour moi à la recherche d'un autre rapport au Temps que celui qui m'est imposé par la société et les contraintes de la vie professionnelle. C'est une tentative de respirer un peu.

Jusqu'au 19 ème siècle, on a, en effet, cherché à se rendre maîtres du temps. Pour cela, on l'a découpé, fragmenté, soumis à un ordre : des heures, des jours, des années. On a eu comme ça l'impression d'enrayer sa fuite, et peut-être de l'arrêter et de le dominer.


Et puis le Temps s'est vengé. C'est maintenant lui qui nous domine. Nous sommes devenus ses prisonniers.


Le basculement s'est opéré avec la Révolution industrielle. Auparavant, on avait un rapport assez lâche et distancé avec le Temps. On n'était pas à 1/4 d'heure près et d'ailleurs chaque ville avait son heure. C'était la grande incohérence et la grande approximation dans toute l'Europe. Ça n'a plus été possible à partir du moment où on s'est mis à construire partout des chemins de fer.


Surtout, avec les exigences de la production au meilleur coût, le Temps a commencé à exercer sa tyrannie sur la société toute entière et l'organisation du travail. Pour rentabiliser, il faut comprimer le temps, tous les manuels de gestion vous disent ça.


Ça s'est étendu, bien sûr, à notre vie personnelle. Désormais, le Temps ne nous appartient plus, nous lui sommes entièrement soumis, il nous contrôle en totalité.

Nous avons même aujourd'hui le sentiment d'une effroyable accélération et l'impression que nous n'avons justement plus assez de temps: plus de temps pour son travail, pour ses amis ou tout simplement pour rêver. On se sent incapables de courir au rythme effréné u Temps.


On est peut-être au bord d'une catastrophe. A un moment de divergence complète entre une expansion technologique rapide, toujours plus impitoyable, et notre conviction, désespérée et fataliste, que nous n'atteindrons jamais nos objectifs.



Images de Pawel KUCZYNSKI, illustrateur, satiriste polonais né en 1976. Je vous conseille son site Facebook.

Si vous envisagez d'aller au cinéma, je vous conseille:

- "Hérédité" de Ari Aster. Accrochez-vous quand même parce que c'est un film d'épouvante.
- "La mauvaise réputation" de Iram Haq. Une jeune norvégienne d'origine pakistanaise envoyée au pays de ses parents. Inspiré par la vie même de la réalisatrice.
- "Trois visages" de Panahi. Ça ne vaut pas "Taxi Téhéran" mais c'est toujours drôle et intéressant.

samedi 9 juin 2018

Littérature des temps modernes


On interroge souvent les personnalités, surtout les politiques, sur leurs goûts littéraires. Ça m'intéresse parce que je pense que c'est révélateur. Mais c'est généralement consternant. D'abord, ce n'est que de la littérature française et, ensuite, il ne s'agit que de classiques.

Se cantonner aux classiques, ça éveille ma suspicion parce que c'est souvent une manière de déguiser qu'en fait, on ne lit pas.

Et puis j'avoue que les classiques français du 20 ème siècle, ça n'est vraiment pas mon truc. J'ai bien essayé de lire Camus, Sartre, de Beauvoir, Malraux, Gracq, Gide, Aragon, Duras, Giono, Giraudoux, mais j'ai trouvé ça poussiéreux et ça m'est tombé des mains.

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Du 20 ème siècle français, je n'aime, à peu près, que Proust, Céline, Bataille et Artaud.


  Mais j'aime beaucoup la littérature française récente, celle née principalement au 21 ème siècle. Elle a cessé d'être barbante, formaliste (le nouveau roman) ou narcissique (l'auto-fiction). Surtout, elle est cosmopolite, en prise directe avec l'histoire, le monde, et elle interroge notre part d'ombre. Je la trouve étonnamment moderne et originale au sein de la production européenne, témoignant d'un véritable renouveau.

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      Des amis m'ont demandé récemment de leur fournir une liste des écrivains français contemporains que j'aime. Voici la réponse que je leur ai faite. C'est évidemment très subjectif et c'est susceptible d'évoluer rapidement. J'assume tous ces choix même si ce n'est pas toujours de la grande littérature. Tant pis si vous me traitez de midinette.   


- Jonhatan Littel: "Les Bienveillantes" 
 Emmanuel Carrère : « L’adversaire », « Un roman russe », « D’autres vies que la mienne », « Limonov ».


 
-      - Philippe Sollers: "Femmes"
-            Hervé Guibert : « A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie » et « Le protocole compassionnel »
-          - Eric Reinhardt : «Cendrillon » et «L’amour et les forêts »


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-       Nancy Huston: "Infrarouge; "Reflets dans un œil d'homme"
  -           Mathias Enard : « Boussole », « Parle leur de batailles, de rois et d’éléphants »,
-          Chantal Thomas : « Les adieux à la Reine », « Le testament d’Olympe », « l’échange des princesses »,


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 -     Leïla Slimani: "Dans le jardin de l'ogre"et "Chanson douce"
-      Velibor Colic: "Manuel d'exil - Comment réussir son exil en 35 leçons".
-      Karine Tuil : "Six mois, Six jours".


            
 -              Philippe Jaenada : « La petite femelle » et « Sulak »
-          -  Elisabeth Barillé : « Corps de jeune fille », « Heureux parmi les morts », « Une légende russe »,
  -           Catherine Cussset : « Le problème avec Jane », « La blouse roumaine », « Une éducation catholique », « Confessions d’une radine »,
     
             -   Jean Rolin : « L’homme qui a vu l’ours », « L’explosion de la durite », « Un chien mort après lui », « Le traquet kurde »,
-          Olivier Rolin : « L’invention du monde », « Port-Soudan », « Un chasseur de lions », « le météorologue »
-       - Marie Darieussecq: "Clèves"

       
-         Régis Jauffret : « Microfictions », « Cannibales », « Bravo »
-              Patrick Deville : « Peste et choléra », « Equatoria », « Kampuchéa »,
-         Camille Laurens: "Encore et jamais", "Celle que vous croyez",

-         - Eric Vuillard : « L’ordre du jour », « 14 juillet », « Conquistadors »
-          - François-Henri Désérable : « Tu montreras ma tête au peuple », « Evariste », « Un certain M.  Piekielny », 
-        Pierre Lamalattie: "121 curriculum vitae pour un tombeau"


       

                   - Olivier Guez : « La disparition de Joseph Mengele »
-                - Rebecca Ligieri : « Les garçons de l’été »
 -       Didier Blonde : « L’inconnue de la Seine », « Leïlah Mahi  1932» et « Le figurant »
-                 - Monica Sabolo : « Summer » 
-         Nicolas Fargues : "J'étais derrière toi"

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-          - Ivan Jablonka : « Laëtitia ou la fin des hommes»
            - Emilie de Turckheim : « l’enlèvement des Sabines »
-          -Violaine Huisman : « Fugitive parce que Reine »,
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       Il y a enfin, évidemment, l’œuvre de Michel Houellebecq et celle de Milan Kundera (dont les derniers  livres sont écrits en français). Et puis, je précise que je ne lis pas que de la littérature française mais beaucoup, aussi, de littérature d'Europe Centrale. A peu près rien, en revanche, en ce qui concerne la littérature anglo-saxonne, tellement prisée en France.
           Mes petites photos parisiennes, pour la plupart récentes et prises dans des endroits proches de mon domicile.
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