samedi 27 novembre 2010

« Indices terrestres »


J’ai longtemps vécu dans cette rue, la rue Caumartin.

A proximité immédiate du lycée Condorcet : j’en voyais la grande cour depuis la fenêtre de ma chambre.
Le lycée Condorcet, c’est évidemment pour moi le lycée de Marcel Proust.
Proust, je suis fascinée : l’abîme, le vertige de l’identité ; l’équivocité, la duplicité des relations humaines. Je connais presque tous les lieux qu’il a fréquentés, bien sûr à Paris mais aussi en Normandie et à Illiers-Combray.

Il était grand connaisseur d’art. J’en donne une illustration avec ce tableau, qu’il appréciait, d’Eugène Carrière: « Femme accoudée à la table ». Je suis moi-même troublée.

J’habitais aussi tout près du musée Gustave Moreau. Gustave Moreau, toute son œuvre est bien connue sauf, peut-être, son chemin de croix de Decazeville.

Je n’avais aussi que cent mètres à faire pour me rendre au Printemps et au Galeries Lafayette. Ce n’est pas seulement le goût des fringues qui continue de m’y conduire, c’est surtout pour moi un point de rencontre privilégié du monde entier. Voulez-vous rencontrer des Japonais, des Chinois, des Russes ? Allez dans les grands magasins.


Je n’ai cependant jamais totalement succombé à mon goût pour la futilité. Le samedi, après avoir dépensé beaucoup d’argent dans la matinée, je me rends, après midi, dans mes lieux favoris de l’Ouest parisien.

Photos de Carmilla Le Golem à Paris, Eugène Carrière, Gustave Moreau

Le titre du post, « Indices terrestres » est emprunté à Marina Tsvetaeva (Марина Цветаева)

samedi 20 novembre 2010

Engluement


Depuis mon retour de Kyoto, il fait un temps lugubre.

Un couvercle de poix brune, en guise de ciel, qui se confond sans transition avec la boue du sol.


Une humidité pénétrante et même collante, poisseuse.

Une lourdeur et une léthargie accrues, des sons plus mats, sans écho.


J’adore ce moment de l’année qui s’accorde à mon caractère grave et sombre. Et puis on peut mettre des vêtements affolants : de hautes bottes, des collants sexy, des écharpes et même des chapeaux.


C’est la période sinistre d’attente des premières neiges, l’attente de cette nuit magique qui va, en quelques heures, transfigurer le monde.


Alors ça me rappelle évidemment les premières semaines de l’automne russe, son atmosphère sombre, indistincte. Je pense surtout aux tableaux de Vassili Perov (Василий Перов) qui m’évoquent tellement le monde de Gogol.


Desiree DOLRON, Vassili Perov (Василий Перов), Stanisław Masłowski

dimanche 14 novembre 2010

Des lapins, des renards et ... des Japonaises


Souvent, dans l’imagerie contemporaine japonaise, on représente les jeunes femmes en compagnie de renards ou de lapins. Cela pour souligner une même complexité- duplicité.


Au Japon, on aime les animaux, particulièrement les renards et les lapins blancs. On en voit partout des figurines, dans les temples shintos ou dans les commerces de pacotille. Il faut dire que le renard et le lapin font partie des « kamis », esprits célestes assurant une médiation entre l’homme et le divin. Mais attention, les kamis sont tantôt bienveillants, tantôt hostiles. Il y a en fait une réversibilité générale des êtres et du monde au Japon, le prédateur pouvant à tout moment devenir victime (le gentil lapin blanc assassinant sauvagement le renard), et inversement.


Les Japonaises, les media en ont forgé en France une image caricaturale, celle de femmes soumises et réservées au mieux de shopping- addicts infantiles.



Il faut corriger cela. J’oserais même dire, ô sacrilège, que la vie des jeunes femmes japonaises est généralement agréable et plaisante, souvent beaucoup plus que celle des Françaises car elles jouissent d’une indépendance insoupçonnée et de moyens financiers sans commune mesure.




Les japonaises bénéficient, de manière paradoxale, de la forte séparation des sexes au Japon. Leur relative exclusion sociale et la moindre pression qui s’exerce sur elles leur permet, en fait, de vivre en toute liberté et indépendance. Au Japon, être un homme, c’est sûrement un malheur absolu, une vie morne et angoissée, pleine de frustrations et de contraintes. Etre une femme en revanche, ça offre beaucoup d’espaces de liberté et de disponibilité pour se consacrer à l’art, la culture, les voyages.




Le Japon se révèle ainsi un pays assez étrangement féminin, alors que ses valeurs demeurent viriles et machistes. Un monde de femmes qui côtoie le monde des hommes. En fait, deux mondes clos fortement indifférents l’un à l’autre et qui ne se rencontrent presque jamais. On vit largement entre femmes ou entre hommes au Japon. C’est un peu déconcertant et déplaisant mais on se sent aussi plus libres. On n’a pas d’obligations, on n’a à se justifier de rien, on n’est coupable de rien.



Voilà enfin ce que j’apprécie beaucoup chez les Japonaises et pourquoi je me sens moi-même très Japonaise :

- L’indifférence à l’argent et le goût du luxe. Ce n’est pas anecdotique : il faut rappeler que le petit Japon (120 M d’habitants) absorbe à lui seul 40 % du marché mondial du luxe. C’est évidemment facilité par un pouvoir d’achat qui demeure très fort mais c’est surtout une autre approche de la vie. Un rejet de l’utilitarisme, une quête de beauté et d’excellence.


- Le souci de l’apparence vestimentaire et corporelle. Une Japonaise est obligatoirement parfaitement habillée et maquillée. Elle est sans rivale en matière d’élégance. Rien ne lui est plus étranger que le « casual», le simple et le décontracté. J’apprécie qu’au Japon, il n’y ait presque pas de magasins H & M.



- Un parfait contrôle émotionnel et affectif. Etre calme en toutes circonstances, peut-être pas impassible mais d’une même humeur, ne pas exprimer ses émotions, ne jamais se confier pour ne pas donner prise à l’autre, pour demeurer la plus forte. Ca contraste évidemment beaucoup avec les injonctions de spontanéité émotionnelle en Europe mais la culture, c’est bien la maîtrise de la nature et des impulsions ? En tous cas, c’est devenu pour moi-même un principe absolu de conduite.

Enfin, j’aime beaucoup le pragmatisme total des Japonaises en matière de sexualité. Ce n’est de toute manière pas un problème, ça ne porte pas à conséquence et il n’y a pas de raison d’enrober cela dans un mélo sentimental sirupeux. D’où la grande liberté de mœurs des jeunes Japonaises.



Ce qui est bien, c’est d’avoir plusieurs amants simultanément et parmi eux, si possible, un vieux qui paie et qui vous apprend des trucs bizarres. La grande mode aujourd’hui, chez les « Shibuyettes », ce sont les rapports subventionnés. C’est de la prostitution, dira-t-on. C’est surtout un apprentissage de la vie, le désir d’en connaître tous les aspects. Le lapin blanc se mue en renard. Du « kawaî » (mignon) à l’obscène, il n’y a qu’un pli.



Ca explique en grande partie la séduction des Japonaises. Elles sont toujours les maîtres du jeu et ce sont souvent elles qui prennent l’initiative. Ce qui est excitant, c’est la domination ; l’acte sexuel, lui, il ne faut pas le survaloriser et il s’efface avec le temps.

Quant à l’amour, une Japonaise n’en fait pas une préoccupation majeure. Sa vision en est d’ailleurs bien éloignée de celle des Européennes, façonnée par le roman et le cinéma. Mais cette absence d’idéalisation ouvre en fait une grande liberté.


Pour une Japonaise, il n’y a de toute façon pas grand-chose à attendre des hommes; alors la meilleure solution, c’est l’association d’intérêts bien comprise.


Masaru Shichinohe, Akiko Ijichi, Erika Yamashiro, Yoko Tanaka, Shiori Matsumoto, Yuichiro Ohmura

Sur le Japon contemporain, il existe une bibliographie immense. J’appelerai simplement l’attention sur deux auteurs : Richard Collasse (« la trace », « Saya ») et Cyrille Vigneron (« De geishas en mangas »). Le premier est PDG de Chanel Japon ; le second a été directeur de Cartier Japon. A l’énoncé de leurs fonctions, on peut craindre le pire (a-t-on jamais vu un PDG capable d’aligner trois mots ?). Et bien non ! C’est très juste et très pertinent.

dimanche 7 novembre 2010

KYOTO, impressions soleil levant


Alors oui ! Kyoto, des visages, des figures qui me hantent




Des matins blêmes,


Contemplés derrière la vitre de mon café,


Ouvrant des portes mystérieuses



D'une ville encore baignée dans la nuit







Ce sont les premières visites aux temples




Méditant face à un jardin zen


Le jardin zen du Pavillon d'argent, puis le chemin de la Philosophie




Mais on peut préférer les rituels shinto






Dans l'éclat des premières couleurs de l'automne




Des silhouettes fugitives




Enfin, mes copines qui ont revêtu en mon honneur leur kimono; à qui je dois 10 jours merveilleux.

Photos de Carmilla Le Golem à Kyoto sur SIGMA DP 1 et 2