dimanche 25 novembre 2012

TOKYO 1




Me revoilà !




On pourra dire que je suis routinière. Depuis 2006, je suis allée quasiment tous les ans au Japon et, là-bas, j’aime arpenter toujours un peu les mêmes lieux.





Cela, parce que le Japon est pour moi une source d’interrogations infinies. Je fais chaque jour, dans la rue, les parcs, les commerces, les restaurants, le métro, une multiplicité de petites découvertes et, à chaque fois, je suis émerveillée : la profusion des éclairages, la couleur des arbres, la confection d’un paquet, les gants blancs des chauffeurs de taxi, le pépiement d’oiseau des feux rouges.





C’est sûr, le Japon est sans doute le pays le plus éduqué et le plus civilisé au monde. Mais je n’arrive pas à savoir si on se sent parfaitement bien dans cette société totalement pacifiée, presque sans aucune violence apparente, ou si on y éprouve l’angoisse d’un monde orwellien.





Personnellement, je pense que je serais très heureuse de vivre au Japon et que je m’y adapterais très bien mais je ne suis pas sûre que j’aimerais être Japonais ou Japonaise. Il me faudrait toujours l’appartenance à plusieurs cultures pour pouvoir me sentir respirer.




D’ailleurs, il faut reconnaître que si on se tourne du côté de la littérature ou du cinéma japonais, on est bien loin de l’image d’un pays où régnerait un parfait consensus social. On est même surpris par la violence de la critique des fictions de l’harmonie de la société japonaise.



Je ne peux pas juger. J’ai simplement un Japon personnel où coexistent le shintoisme (cette extraordinaire religion animiste et polythéiste qui reconnaît une essence spirituelle à tous les êtres), l’épure esthétique, le goût pour la modernité extrême et le nouvel art populaire (le poku : Pop + Otaku).


Voilà ! Je vous livre, en accompagnement, quelques unes de mes petites photos. Cette semaine, je commence par le Tokyo ancien.

Photos de Carmilla Le Golem.
Il s’agit principalement d’Asakusa, du parc Ueno, du parc Shinjuku Gyoen et du sanctuaire Meiji Jingu.

dimanche 11 novembre 2012

A l'Est de l'Est




Voilà ! Je pars à Tokyo mardi.



Ca a été une décision très soudaine, prise dans un contexte personnel singulier, d’angoisse et de tourment.



Pourquoi voyage-t-on d’ailleurs ?




Il y a bien sûr une foule de motivations : des rêves d’enfance, des préoccupations culturelles.




Mais je crois aussi qu’on part quelquefois pour rencontrer, de manière obscure, son destin.




Ca a été mon cas lorsque j’ai débarqué, sans trop savoir pourquoi, dans des pays improbables. Que diable venais-je faire là-bas ?



J’ai eu des révélations dont je me nourris encore aujourd’hui. Ca a d’abord été l’Iran et puis, maintenant, c’est le Japon.



Je ne sais d’ailleurs pas trop pourquoi. Je suis a priori plutôt attirée par les endroits déglingués, sinistrés. Le Japon, c’est évidemment le contraire mais je dirais que ce qui m’y séduit d’abord, outre la multitude d’instants de beauté qu’il offre, c’est son étrangeté absolue. C’est vraiment « L’autre face de la lune » pour reprendre le titre de l’un des derniers petits bouquins de Claude Lévi-Strauss.



C’est bizarre parce que je ne suis même pas une grande japonisante. La culture, la littérature, l’histoire, la langue, j’ai des idées bien sûr, quelques bribes, mais pas plus que ça. Là-bas, en fait, je suis un peu comme une idiote, je me contente de regarder ce qui se passe autour de moi, de me livrer à ce qu’on appelle la contemplation du monde. D’analyse, d’avis, je suis bien incapable d’en avoir. En plus, c’est particulier parce qu’à Tokyo je suis toute seule et que presque personne ne parle anglais. Au cours de certains séjours, je me demande si j’ai réussi à échanger plus de trois phrases. Donc, je n’ai pas d’autre choix que de me laisser aller à divaguer dans mes rêveries.



Je contemple ainsi le vol des corbeaux, innombrables, qui survolent Tokyo en poussant des cris affreux. Ca me fascine : qu’est-ce qu’ils viennent fiche ici ? Qu’est-ce qui peut les attirer dans cet environnement qui leur est a priori hostile ?




Et puis le monde des jeunes : leurs rues, leurs quartiers, leurs parcs, leurs magasins à Shibuya, Harajuku, Akihabara. Je suis fascinée : le déguisement, le cosplay, le délire vestimentaire, grotesque, sublime, irréel, la volonté d’échapper à une identité formatée. Est-ce que ça n’est pas notre rêve à tous, être une chimère ? Echapper à la souffrance de l’individuation, s’affranchir des lois de la vie, n’être ni homme, ni femme, ni enfant, ni adulte ? En Europe, et spécialement en France, on demeure très hostile à la culture de l’apparence et du travestissement mais est-ce que ça ne va pas bientôt changer et est-ce qu’on ne va pas s’inventer de multiples autres vies pour échapper à un quotidien trop morne.



Le soir, je traîne dans les bars, les restaurants. Je me soûle à la bière. Je me fais servir ce que j’adore le plus : de l’anguille, du thon (avec sa tête et ses yeux), des ormeaux, de la pieuvre, des œufs de poisson. Je m’arrange pour être placée entre deux groupes : d’un côté, des salary men qui viennent se défoncer ensemble après une longue journée de labeur; de l’autre, des jeunes filles qui sortent ensemble. Je vous assure que l’ambiance est folle : des hurlements de rire toute la soirée.



A bientôt ! Je signale à mes admirateurs, souvent curieux et qui aiment bien savoir où je suis, que j’ai pris cette fois-ci un hôtel à Shinjuku, sans doute l’un des environnements urbains les plus oppressants et les plus fascinants du monde.




Un choix hétéroclite de peintres japonais contemporains : Kaii Higashiyama, Takato Yamomoto, Tomoto Kashiki, Noriko Ambe, Hiraki Sawa.



J’avoue que les figures actuelles les plus célèbres, Yayoi Kusama (à la quelle Louis Vuitton rend aujourd’hui hommage dans ses boutiques) et Takashi Murakami, me passent un peu au-dessus de la tête.

samedi 3 novembre 2012

Mes dessous



 Hier, je me suis ruinée en m’achetant plein de jolis soutifs et culottes. Ca fait partie de  mes folies régulières de vampire.


Ca m’a émoustillée parce qu’évidemment un tel achat n’est pas neutre. On le fait en pensant aux amants/amantes qui vous déshabilleront.

Mes culottes, je fais très attention à les choisir et je les aime bien. Elles sont très souvent liées à des souvenirs érotiques et c’est pour ça que j’ai du mal à m’en débarrasser. En fait, j’ai tendance à les collectionner.  


Quand je vais en Ukraine, le cadeau le plus apprécié par mes copines, c’est des dessous affriolants. Il paraît que les slaves sont les plus grandes consommatrices de lingerie française.


Mais à l’inverse en Europe de l’Ouest, les filles deviennent de plus en plus puritaines là-dessus : du pratique et du sinistre, surtout rien d’osé, c’est jugé vulgaire.

Moi, je me sens tout de suite plus en confiance dans des jolis trucs. Ca me donne plus d’assurance érotique, ça lève mes inhibitions, ça me rend conquérante. Le vrai féminisme pour moi, c’est Chantal Thomass.


L’évocation de sa lingerie, ça fait resurgir plein de souvenirs inavouables mais qui vous constituent malgré tout. Les obsessions, les hantises, les hontes, les coups de tête, tout ce qui est glauque et sublime à la fois.


Mes affreuses culottes en coton d’adolescente, dans les quelles je me branlais frénétiquement, pleine de honte.
 Les culottes humides de désir ou inondées de sang.

Ma première culotte en dentelle, mon premier string. Et aussi des bas, des porte-jarretelles. Là encore, un drôle de trouble. On rejette ou on adore.

Les culottes jetées à l’autre bout de la chambre, celles qu’on m’a arrachées, celles qu’on m’a volées. Celles que j’ai offertes en souvenir.

Les culottes qu’on m’a déchirées, celles que j’ai données à mâcher.

Mes culottes perdues entre deux sièges à l’arrière des berlines.

Les culottes que j’ai inondées dans les trains de nuit, les avions, les ascenseurs. Là où on est curieusement assaillies de rêveries érotiques qu’on ne réalise presque jamais. C’est nul bien sur mais on y on fantasme le mouvement, la peur et l’excitation d’être découverts.

Et aussi, tous les lieux sombres, nocturnes, avec des rencontres potentielles anonymes, bonnes ou mauvaises : les salles de cinéma, les pistes de dancing, les parkings souterrains, les portes cochères. On s’y joue le basculement possible avec crainte et délice.

Et enfin mes culottes au travail dans la continuelle confrontation aux autres. Quand s’exerce la dimension trouble du pouvoir, quand je sens se vriller sur moi les regards pleins de désir et d’hostilité.

Vous me jugez sans doute bien libidineuse. Peut-être,  mais je crois aussi que c’est une hypocrisie de considérer que, dans la vie courante, on aurait simplement un rapport neutre et asexué avec le réel. En fait, on le sait bien, on est continuellement débordés d’impulsions, de fantasmes, de rêveries aux travers des quels on remodèle sans cesse le réel. A aucun moment, on n’est objectifs, on fait sans cesse fonctionner le stroboscope du désir.

Photos de Carmilla Le Golem au cours d’un récent séjour à Londres

En opposition à mes propos sans doute provocateurs, j'ai choisi de présenter quelques photographies d'une manifestation féministe qui avait lieu au même moment. Ca vous étonnera peut-être mais j'étais aussi sympathisante.

jeudi 1 novembre 2012

“Catching up with the news is excruciating while here the night is so tender”




Evidemment, depuis lundi, avec le résultat des élections législatives en Ukraine, c’est un peu la déprime même si c’était attendu.

Ce qui est humiliant surtout, c’est l’assourdissant silence des media à l’Ouest. On s’en fiche vraiment complètement. Pourtant, il y a une responsabilité non négligeable : si on avait laissé entrevoir la plus petite possibilité d’une adhésion de l’Ukraine à l’Europe, on aurait pu éviter son glissement vers la Russie.

Enfin… moi je vais aller cultiver mon jardin et préparer mon proche voyage au Japon.


Je termine en évoquant les Pussy Riot pour leur exprimer mon admiration. Je n’avais pas beaucoup prêté attention à elles, jugeant que leur geste relevait de la simple provocation esthétique et n’avait pas de véritable dimension politique. Il est vrai aussi qu’en Russie, on n’a pas beaucoup parlé d’elles et de leur procès. J’ai révisé mon jugement en découvrant que ces trois jeunes filles étaient intellectuellement remarquables. Je pense en particulier à Nadejda Tolokonnikova dont j’ai lu un interview qui m’a sciée. Il faut savoir qu’elle est une jeune philosophe de bon niveau et qu’elle s’appuie en particulier sur la figure de Socrate, lui-même accusé de corrompre la jeunesse, pour conduire son action.

Ce qui m’a enfin hérissée, c’est qu’en France, beaucoup de voix, pas seulement à droite, se sont levées pour condamner l’intervention des Pussy Riot au sein d’un lieu sacré, la cathédrale de Moscou. Difficile après ça de prétendre critiquer les islamistes.


Tableau de Taras LOBODA, peintre ukrainien (né en 1961).

Photo de Carmilla Le Golem à Kiev

Photo de Nadejda Tolokonnikova (Наде́жда Толоко́нникова), originaire de Norilsk, sûrement l’une des villes les plus austères du monde.