mercredi 27 octobre 2010

Who killed Bambi ?

Oui ! Ce soir, au moment où vous serez emportés par la mélancolie de la nuit d’automne, moi je survolerai l’immense Sibérie avant d’émerger dans la lumière du soleil levant, 8 heures en avance sur vous, 10 000 kilomètres loin de vous.


Le Japon, c’est d’abord pour moi le plaisir de retrouver un environnement sonore aimé :

- Le croassement des innombrables corbeaux et corneilles qui survolent les villes japonaises. Leur présence en si grand nombre au-dessus de Tokyo a toujours été pour moi un mystère.

- La musique de la langue japonaise, son caractère très sonore, ses interpellations mélodieuses avec ce sentiment que l’on me fait fête à chaque fois que je rentre dans un magasin ;
- La folle ambiance de rires et de cris, la nuit, dans les restaurants;

- Les hurlements de joie quand moi, je m’exerce à parler japonais ;
- Le claquement effrayant des billes d’acier du Pachinko.

Dès jeudi matin, je vais retrouver mon café habituel à Kyoto. Après avoir longuement rêvé, je partirai pour des promenades infinies, diurnes et nocturnes.

On me demande régulièrement pourquoi je vais tous les ans au Japon. C’est un peu obscur pour moi-même car il est vrai que je ne suis pas une grande japonisante.

Il y a certes l’émerveillement esthétique. Il y a aussi l’attrait pour la religion shinto tellement vivante, cette religion populaire, polythéiste, qui enchante le monde quotidien d’une infinité d’esprits. Des esprits partout présents, des animaux (surtout des renards), des éléments naturels, qui sont des manifestations multiples du divin. Des rites shamaniques merveilleux aussi comme celui qui consiste à décorer les arbres de papiers sur les quels on a écrit un vœu.


Je crois en fait que c’est surtout la modernité extrême qui me fascine. Le Japon est sans doute le pays le plus civilisé, le plus policé au monde et il a encore un grand temps d’avance sur nous. On y assiste en ce moment à un extraordinaire bouleversement des mentalités et des rapports humains et sociaux.



La jeunesse est à cet égard absolument fascinante, totalement disjonctée et déjantée. Son extravagance vestimentaire est d’abord l’expression de la sourde angoisse qui ronge la modernité.


Le refus de se conformer à un rôle d’emblée assigné. Aspirer à ne plus être enfermé dans une identité, une fonction, un sexe. Etre un autre, radicalement autre. C’est un arrachement, une douleur mais c’est aussi un délice.

Yuichiro Ohmura, Teiji Hayama, Shiori Matsumoto, Nobuyoshi Araki, Atushi Suwa

samedi 23 octobre 2010

Suis-je assez superficielle ?



Si vous me lisez régulièrement, vous l’avez évidemment remarqué : je suis extraordinairement superficielle.

Dans la vie quotidienne d’abord, je m’intéresse énormément aux trucs de nanas : les fringues, la mode, le maquillage, les pompes, surtout les stiletto heels, et tous les accessoires futiles qui vont avec, les parfums, la lingerie, les bijoux. Le style naturel et simple, ce n’est vraiment pas mon truc. N’espérez pas me séduire en vous habillant cool. Tout ça pour allumer simplement plein d'hommes et de femmes.



Quant à ma culture, elle est de toc et de strass.



Je me débrouille dans une flopée de langues sans en maîtriser aucune; je connais plein de pays improbables, style la Transnistrie ou l’enclave de Kaliningrad, mais je ne connais même pas la France ou l’Espagne; je connais par cœur toute la généalogie des tsars et tsarines de Russie mais je m’embrouille dans la succession des rois de France; j’ose parler de Freud sans avoir été psychanalysée ; je m’intéresse à l’histoire des religions ; j’ai même un lien émotionnel fort avec le shintoïsme japonais, le zoroastrisme iranien, l’orthodoxie russe et le judaïsme mais je suis malheureusement complètement athée.

En général, je sais faire illusion. Je ne connais rien à fond mais plein de choses diverses, glanées ça et là, généralement très vite. D’ailleurs, je n’ai pas du tout envie de devenir une spécialiste en quoi que ce soit. Les gens dits « profonds » sont ennuyeux. Moi, je suis radicalement superficielle mais je crois que c’est le ressort même de ma séduction. Etre une pure apparence, une belle image, un redoublement infini, sans fond, c’est ça qui est fascinant.


Alors voilà, je donnerai une dernière illustration de mon dilettantisme et de ma superficialité en parlant littérature. Je suis une boulimique et je lis en permanence une dizaine de livres à la fois, sans rien y comprendre et en les mélangeant tous. Ca me permet de faire parfois d’étranges rapprochements.



De cet amas, j’ai quand même retiré, cet automne, quelques pépites. Je vous les livre, ça vous apportera peut-être un éclairage sur ma personnalité. Lisez donc tout ça, croyez moi c’est très fort :

- Karine Tuil : « 6 mois, 6 jours »

- Sofi Oksanen : « Purge »

- France Huser : « la Triche »

- Chantal Thomas : « Le testament d’Olympe »

- Jean Echenoz : « Des éclairs »

- Ann Scott : « A la folle jeunesse ». Je suis une fan d’Ann Scott ; je la cite même si son dernier bouquin n’est pas à la hauteur du météore «Superstars ».


Et puis aussi, dans la catégorie essais :

- Jacques Attali (mais oui, mais oui) : « 24 destins »

- Michaël Prazan : « Einsatzgruppen »


Photographies d’ALYZ
Alyz Tale est une jeune photographe, rédactrice en chef du magazine « Elegy » (c'est le "magazine gothique" de référence)

samedi 16 octobre 2010

L’exercice du pouvoir et la lutte pour la reconnaissance


Qu’on le veuille ou non, même si le propos peut apparaître réactionnaire, l’une des clés principales de compréhension de notre psychologie est notre situation sociale et professionnelle. Et surtout notre relation au pouvoir, suivant qu’on l’exerce ou le subit.

Là-dessus, il y a un non-dit absolu car cela choque trop les idéaux égalitaristes. Les humiliés ressassent leur rancoeur mais trouvent leur compte dans une position victimaire ; les « décideurs » ou bien sont indifférents, arrogants ou bien se sentent « coupables ».

Moi, j’ose aujourd’hui l’écrire : je suis du côté de l’exercice du pouvoir. J’ai déjà travaillé dans plusieurs grandes entreprises en tant que DAF. Aujourd’hui, je ne vous dirai évidemment pas ce que je fais mais ça a bien sûr toujours à voir avec la finance.



Je n’en tire aucune fierté, ce n’est pas un destin que l’on choisit et ça ne veut pas dire que l’on a un goût particulier pour le pouvoir. En France, on se trouve généralement propulsé là un peu par hasard, à la suite de circonstances heureuses : la réussite aux concours de ce que l’on appelle les grandes écoles. Je considère que j’ai eu beaucoup de chance.

Quoi qu’il en soit, une barrière s’abaisse brutalement et celle-ci est dans toutes les têtes. Il faut s’habituer à être considérée avec méfiance et suspicion.

Au début, c’est évidemment agréable. Tout le monde est souriant, agréable; on s’empresse autour de vous. Vous pouvez avoir l’impression d’être devenue extraordinairement séduisante. Mais vous vous rendez rapidement compte qu’il s’agit d’une politesse forcée et que vos rapports humains sont tous faussés par la relation hiérarchique.


Mais c’est vrai aussi que vous focalisez l’attention et vous pouvez devenir très vite paranoïaque. Il faut ainsi apprendre à vivre sous le regard des autres et c’est très perturbant. Se sentir continuellement épiée, surveillée, déshabillée. Savoir que vous alimentez une bonne part des conversations à la cantine ou en famille. Les multiples anecdotes rapportées, les horreurs racontées… Ca vous incite évidemment à une prudence de sioux et ça vous conduit à entretenir une distance continuelle avec les autres. Surtout pas de copinage, ne jamais se livrer, ne jamais parler de soi.


Du reste, ce que vous apprenez très vite, c’est que vous ne pouvez nouer aucune relation amicale au sein de votre entreprise. Je ne parle pas de vos collègues du comité de direction qui rêvent de vous éliminer et avec les quels vous êtes généralement en guerre permanente. Je parle surtout des relations avec ceux qui vous sont subordonnés.




C’est le thème bien connu de la solitude du pouvoir. C’est une rançon inévitable et c’est surtout une mesure de précaution élémentaire : il ne peut y avoir de relation désintéressée avec vous et vous courez les plus grands risques en vous rapprochant de quelqu’un. Tôt ou tard, cette personne cherchera à vous nuire ou à tirer vengeance. Je me suis ainsi assez largement reconnue dans les personnages de Kristin Scott-Thomas et Ludivine Sagnier du dernier film d'Alain Corneau.

Sachez le, vous êtes enviée et haïe à la fois. Vos collaborateurs ne travaillent d’ailleurs pas pour que vous réussissiez ou vous donner satisfaction. Ils travaillent plutôt à votre perte. Personne n’aime le succès des autres. Leur rêve véritable, c’est votre échec, l’écroulement, le scandale, la faillite.

D’ailleurs, votre sentiment de solitude est accentué par le fait qu’à la différence de tous les autres salariés, vous ne pouvez pas vous construire psychologiquement en opposition à un Grand Autre, responsable de vos malheurs, votre patron. Pas de figure exutoire, c’est vous qui êtes seule responsable.




Je terminerai sur une note amusante : une femme qui exerce un pouvoir, ça n’augmente pas du tout son attrait érotique à la différence de ses collègues masculins. Ca a plutôt un effet réfrigérant et tétanisant sur les hommes. Dans l’entreprise, personne ne vous drague ou ne vous invite. Ce n’est peut-être pas la peur, c’est plutôt un sentiment de malaise par rapport à un basculement des rôles.

Voilà ! Je vous apparais sans doute bien noire et cynique. Je pourrais encore en rajouter et vous parler de ma souffrance, des humiliations que, moi aussi, je vis, de ma fatigue, de l’angoisse qui me ronge, de la réduction à la portion congrue de ma vie privée. Tout cela, en fait, c’est, hélas, le lot de toutes les personnes qui travaillent.


Mais quoi ? Souhaiterais-je la vie anonyme d’une banale salariée, où je gagnerais en calme et tranquillité ? Non bien sûr, pas du tout ! Ce n’est même pas une question financière. C’est d’abord le sentiment de vivre plus intensément, plus fortement, d’échapper à la grisaille et l’ennui du monde.

C’est d'abord se sentir forte, capable de maîtriser et dépasser le réel; c'est aussi se sentir plus libre, plus détachée, échappant aux pesanteurs des relations affectives et aux contraintes de la vie quotidienne. C’est moi qui choisis mes amis et si j’ai envie de m’acheter quelque chose, ce n’est vraiment pas un problème.


Surtout, c’est se sentir différente, ne pas être comme les autres; c’est bénéficier d’une reconnaissance et d’une espèce d’élection. Narcissiquement, c’est très puissant.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. De quoi avons-nous en fait avant tout besoin ? De reconnaissance. De nous sentir singuliers et élus. Avant même le besoin de dominer, c’est la motivation première de la compétition pour le pouvoir.



Josef Maria AUCHENTALLER – un sécessionniste viennois aussi important que Klimt mais beaucoup moins connu.

samedi 9 octobre 2010

La noyée amoureuse


Ma piscine favorite, celle du Forum des Halles, vient de rouvrir après quelques mois de travaux. J’aime beaucoup la natation et la sensualité des piscines.



En fait, on passe son temps à se mater. Ce qui est bien, c’est qu’avec nos bonnets, nos grandes lunettes, nos maillots hyper stretchy, on n’a plus vraiment de visage ; on n’est que des silhouettes.


Là, la plus petite imperfection, le plus petit kilo en trop, le plus petit défaut de la peau ne pardonnent pas. C’est sûr que les gens les plus beaux sont les plus minces, les plus lisses, les plus épurés, les plus secs. Enfin, moi, je n’ai vraiment pas de souci à me faire de ce côté-là.



Il y a vraiment une puissance érotique de l’eau. D’ailleurs, la peinture abonde en sujets féminins prenant leur bain.



Plus singulièrement même, au 19ème siècle, c’est la figure de la belle noyée qui hante l’imaginaire. Le mythe d’Ophelia, réactivé en France par Rimbaud et John Millais, a ainsi eu un impact émotionnel extraordinaire. J’ai même l’impression qu’ «Ophelie» est l’un des rares poèmes que tous les Français connaissent.



Il est vrai que la noyade était le mode romantique privilégié du suicide. Aujourd’hui, on ne se suicide plus guère par noyade, d’abord parce qu’on sait généralement nager mais surtout parce qu’on préfère les hypnotiques.



Finalement, Virginia Woolf est la dernière grande figure à avoir accompli ce magnifique geste romantique, illuminant rétrospectivement toute son œuvre d’un halo tragique.



C’est vrai que c’est drôle, cette fascination-répulsion des femmes pour l’élément liquide. L’eau, c’est vraiment l’indifférenciation, l’apesanteur. Enfin, je ne vais pas parler du liquide utérin et me lancer dans une grotesque explication psychanalytique.


J’ai simplement recensé quelques tableaux de noyées. Mon préféré, c’est celui de Perov, mais c’est peut-être parce qu’il est russe. Et puis, j’ai ajouté quelques réminiscences contemporaines, Nirrimi, Sophie Pawlak et Elena Oganesyan .


Odilon Redon, Paul Delaroche, Alexandre Cabanel, John Everett Millais, Lucien Levy-Dhurmer, Wassily Perov (Василий Перов), Sophie Pawlak, Nirrimi, Elena Oganesyan.

dimanche 3 octobre 2010

Les ânes écologistes


« Je suis anti-âne, c'est-à-dire anti-chrétien » écrivait Nietzsche.

Etre anti-chrétien, ça n’a plus grand intérêt intellectuel aujourd’hui; les rapports de force ont basculé : c’est être chrétien qui est maintenant subversif tandis que tous les beaufs se croient éclairés en s’affichant résolument laïcs.

Mais non le vrai débat, ça n‘est même plus ça, laïc/clérical. D’ailleurs, il n’y a même plus de débat tant une nouvelle forme de pensée, je dirais plutôt une bêtise épaisse, est en train de s’imposer sans rencontrer pratiquement aucune résistance.

Tout le monde en effet est aujourd’hui écologiste, pense écologiste. Ca n’est même pas une nouvelle religion, c’est une idéologie universellement et passivement intériorisée.


Les nouveaux curés, ce sont eux, les écologistes, propagateurs d’un hygiénisme moral redoutable.

Moi, je résiste ; c’est peu dire qu’en tant que vampire, je n’aime vraiment pas les écologistes. C’est l’exact contraire de ma vision du monde. Mes soirées les plus déprimantes : celles passées avec des écologistes, avec des raseurs, des bavards, des ignares qui savent tout sur tout. En plus l’écologie permet le plus souvent de justifier l’avarice le plus sordide.


L’écologie, c’est vraiment une pensée pour les nuls :

- Je déteste son prophétisme de malheur annonçant la disparition imminente de la planète. Ca relève d’abord d’une cruauté morale visant à instaurer, selon l’expression de Pascal Bruckner, une véritable « tyrannie de la pénitence ». C’est ensuite une ineptie intellectuelle complète : la croissance économique est presque sans limites parce qu’elle ne repose pas, comme on le pense généralement, sur une simple accumulation de facteurs de production mais plutôt sur leur combinatoire et leur recomposition perpétuelle. La croissance est une affaire d’idées, d’inspiration, de facteurs qualitatifs et intellectuels et non de consommation quantitative (cf. les analyses de Daniel Cohen et Paul Romer). La croissance n’est pas une barbarie et si nous devons avoir peur de quelque chose, ce n’est sûrement pas de la fin du monde.



- Plus grave, la pensée écologiste repose sur une idéologie obscurantiste en rupture complète avec l’esprit des Lumières qui, depuis plus de deux siècles, nourrit le dynamisme de la culture européenne. Pour les écologistes, l’homme n’est qu’un élément parmi d’autres d’un ordre naturel auquel il doit s’intégrer. Cette vision nourrit une espèce de mysticisme béta qui nous prescrirait de vivre en harmonie avec la nature. C’est une idéologie de soumission passive contraire à l’anthropocentrisme des Lumières pour qui la singularité de l’homme repose justement sur sa capacité de dépassement de la nature.


L’écologie, c’est vraiment l’achèvement de la domestication de l’homme. L’interdit n’est plus limité à quelques grands tabous (le crime, l’inceste), mais il prolifère, se dissémine sur les plus petits aspects de la vie quotidienne : monde infiniment obsessionnel.

Voilà ce que je me disais hier soir et c’est pourquoi j’ai pris tant de plaisir à sortir mon coupé sportif pour aller consommer, Place des Ternes, un grand steack de thon rouge. J’étais évidemment hyper sapée et je portais, avec les premières fraicheurs, une petite fourrure russe. Après, j’ai rêvé de mon proche voyage intercontinental en avion.


Daniela EDBURG