C'est une nouvelle année, un nouveau départ.
On s'adresse, échange, des vœux. On prend aussi de bonnes résolutions pour ne plus se laisser aller. On se met à rêver d'autre chose. Comme s'il était possible de corriger le cours de nos vies.
Mais on sait bien qu'on se dépêchera d'oublier tout ça et que ça partira, dès demain, en fumée.
Parce que personne ne maîtrise son Destin et que nul ne sait vraiment ce qu'il souhaite et désire.
On dit, en effet, qu'on est des êtres de Désir. Pourquoi pas ? Mais si le Désir, c'est cet objet qui nous fait vivre, il faut bien reconnaître qu'on est absolument infichus de le décrire et de dire à quoi il correspond précisément pour nous.
On croit savoir, on a une idée de ce qu'il est, mais quand quelque chose nous arrive, ça ne correspond jamais entièrement, ça n'est jamais tout à fait ça. Il y a toujours un truc qui manque ou qui fait tâche.
Ce serait vraiment trop simple si le Désir pouvait s'incarner dans quelque chose ou quelqu'un de bien identifié: un homme, une femme, des sensations, voire un simple objet concret et précieux.
"Cet obscur objet du Désir", c'est le titre bien choisi d'un film du grand cinéaste Luis Bunuel.
On vit, en effet, dans un état de méconnaissance complète de l'objet du Désir mais ça ne nous décourage nullement. Ca nous incite, au contraire, à nous agiter, à nous démener sans cesse, dans l'espoir de donner, un jour, incarnation à cette pulsion qui nous anime.
Ca explique qu'on soit de perpétuels insatisfaits et qu'on vive dans une intranquillité permanente. On se sent toujours en état de manque, on est des alcooliques de la vie. Mais ce manque, c'est aussi un moteur qui nous entraîne à la poursuite des signes de notre Désir et essaie de les organiser dans des actions, des projets, des créations, une manière de vivre...
Et on arrive, finalement, à force de persévérance, à donner une forme à notre Désir, même si ça n'est qu'en partie et jamais exactement ça.
Mais c'est cette errance constructive qui fait aussi la beauté de notre condition.
Je terminerai en précisant que les deux meilleurs films que j'ai vus l'an dernier étaient, peut-être, "Morsures" de Romain de Saint-Blanquat et "Miséricorde" d'Alain Guiraudie.
Tout un programme. Des Morsures, on a besoin d'en prendre et d'en donner. La vie, ça n'est jamais cool. Quant à la Miséricorde, le mot est en voie de disparition mais c'est plus grand et plus fort que le Pardon.
A méditer pour cette nouvelle année. A défaut de Désirs forcément irréalisables, qu'elle soit, du moins, pour vous, exempte de chagrins.
Mes petites photos avec mon cadeau de Noël, un nouvel appareil que je commence à tester (à Paris puis en Normandie). Et je précise que si tout est sombre, c'est qu'il a fait un temps de cochon.
Je recommande:
- "Le Désir, l'objet qui nous fait vivre". Un petit bouquin issu de la contribution de plusieurs psychanalystes (Paul-Laurent Assoun, Gérard Bonnet, Denise Bouchet-Kervella, Marjolaine Hatzfeld, Monique Schneider). Ca n'est pas jargonnant et c'est stimulant.
- Grégoire Bouiller : "Le syndrome de l'orangerie". L'un des bouquins les plus singuliers de cet automne. Un gros pavé consacré aux fameux nymphéas de Claude Monet. 450 pages là-dessus et pourtant, ça tient, à peu près, la route (mais on peut aussi détester). Disons simplement que ce n'est pas nous qui regardons une œuvre d'Art mais c'est elle qui nous regarde. Au point de, presque, nous pétrifier. Parce qu'elle énonce quelque chose de la vérité de notre Désir en la quelle nous nous reconnaissons immédiatement. Et s'agissant des Nymphéas, ce Désir a trait à la Mort.