samedi 5 mars 2011

Der Tod in Wien



Passage en coup de vent à Vienne.

Juste le temps tout de même d’aller rêver dans trois cafés : le Griensteidl (fréquenté par Hofmannsthal, Karl Kraus, Schönberg et Arthur Schnitzler), le Schwarzenberg (Otto Wagner, Koloman Moser, Joseph Hoffman) et le Café Central (Stefan Zweig, Franz Werfel et … Leon Trotski).

C’est sûr que Vienne a produit, au début du 20 ème siècle, une incroyable foule de génies. Mais c’est sûr aussi qu’on a bien du mal à retrouver dans la ville actuelle l’ambiance de cette effervescence intellectuelle passée. Ca fait vraiment ville du 3ème âge et c’est d’ailleurs la destination favorite des Tours Operators.


Mais je me dis aussi qu’il y a peut-être une duplicité essentielle de l’esprit viennois : la coexistence explosive de l’esprit petit-bourgeois à la François-Joseph et de l’esprit de rébellion à la Karl Kraus, Weininger ou, plus près de nous, Thomas Bernhard.

Je suis ainsi toujours stupéfaite de considérer que Ludwig Wittgenstein et Adolf Hitler ont pu se côtoyer : les personnalités les plus opposées que l’on puisse concevoir. Un seul point commun toutefois : une même fascination viennoise pour la mort et l’Apocalypse.



Wittgenstein, j’avoue qu’en dépit de tous mes efforts, je n’ai pas réussi à comprendre grand-chose à ses bouquins. Mais sa vie en revanche est, pour moi, un roman extraordinaire : le sommet de la pensée abstraite mais… suicide, folie, judéité, richesse extrême, ascèse, sainteté et perversion.

Quelle interprétation donner aussi de ce qu’il a écrit à la fin de sa vie : « on ne peut raisonnablement ressentir de la rage, même contre Hitler, encore moins contre Dieu » ?


Difficile d’être plus noir et scandaleux. Guère d’illusions sur la nature humaine et la finalité de cette comédie tragique que nous sommes condamnés à jouer.

Mais comment comprendre que l’une des cultures les plus brillantes d’Europe ait pu finalement sombrer dans l’abjection nazie ?

Cette ambiguïté complète, cette contamination possible de la culture par l’esprit du mal, j’ai choisi aujourd’hui de l’illustrer avec des œuvres de l’affichiste Theo Matejko, un viennois de l’entre deux guerres.



J’avoue que lorsque je les avais découvertes, j’avais été enthousiasmée par ses oeuvres des années 20. Theo Matejko a tout de même été, au lendemain de la première guerre mondiale, illustrateur du Berliner Illustrierte Zeitung et a créé des affiches pour Murnau, Ernst Lubitsch et Fritz Lang.


Après, j’ai eu envie de vomir quand j’ai découvert qu’il avait adhéré au national-socialisme et s’était consacré activement à la propagande nazie.




Ca m’a bouleversée parce que cette corruption extrême touche vraiment aux limites de ma compréhension. Je ne partage pas certaines analyses contemporaines laissant entendre que de nombreux intellectuels avaient pu se rallier au nazisme et au fascisme. La vérité était qu’ils étaient absolument minoritaires : la médiocrité intellectuelle est la caractéristique première, hier comme aujourd’hui, des partis d’extrême-droite, ramassis de pauvres types et de brutes assoiffés de revanche sociale.


Theo MATEJKO, affichiste viennois puis propagandiste nazi

Sur la vie de Wittgenstein, je renvoie aux livres de Christiane Chauviré et de Roland Jaccard

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