dimanche 3 juin 2012

Dolorisme



Dans 15 jours, on en aura fini avec les élections en France.



Ouf ! C’était vraiment sinistre, on n’a vraiment pas rigolé.



Je n’ose plus trop écouter la radio, les informations, ça me déprime. A chaque fois, c’est le chœur des pleureuses sur la France qui souffre. Des torrents de lamentations à longueur de journée.


On n’arrête pas de nous ressasser qu’on est malheureux, dans la détresse absolue. Bien sûr, on n’y est pour rien, on est des victimes. Il y a d’abord ce fou, psychopathe, pervers dont on vient de se débarrasser, qui se vautrait dans le luxe et la luxure. Et puis, toutes ces forces de l’ombre, ces puissances de l’argent, ces financiers sans scrupule et sans visage qui voudraient nous mettre sur la paille, nus et misérables.


Des débauchés cyniques gouvernent le monde. Ils sont tout puissants, on est sans défense. Pour s’en sortir, il faut faire appel à un pur, un honnête, un intègre. C’est le renforcement du moralisme; ça ne nous protégera peut-être pas des turpitudes de la vie mais, du moins, ça ne nous renvoiera pas à nos propres insuffisances.


Le populisme et les pleurnicheries atteignent des sommets. Ca plaît sans doute à beaucoup de gens de s’entendre dire qu’ils sont malheureux, c’est la joie du chagrin décrite par Nietzsche.



Le discours politique français, c’est la flatterie sans vergogne des désirs infantiles : « viens mon chéri ! Maman va te protéger ! ». Comment s’étonner que la France soit devenue une vaste nurserie selon l’expression du regretté Philippe Murray ?


Moi, ces discours misérabilistes, cette compassion doucereuse, je trouve ça insupportable. C’est une singularité française et c’est un signe inquiétant de repli : je ne peux pas imaginer d’entendre ça dans un pays dynamique, en particulier en Europe Centrale, où ça exaspérerait la population.


Ce qu’on encourage ici, c’est le déni, l’aveuglement. Croire que les choses peuvent être immuables. La France qui souffre, certes, mais il faudrait aussi parler de la France qui dort. Celle qui abhorre les privilèges mais revendique aussitôt son statut d’exception.



Mais c’est absolument scandaleux ce que tu racontes là. Qu’est-ce que tu fais des 4 millions de chômeurs, des 8 millions de pauvres, des « djeuns » à bac + 10 qui sont condamnés à vivre chez leurs parents ?


Mais non ! Mais non ! D’abord, le malheur, c’est quelque chose de très relatif. Et puis, la vie, ce n’est pas du tout ça. Les pauvres,… ils ne passent pas leur temps à pleurnicher, à se lamenter. Les pauvres, ils sont comme vous, ils sont comme moi, ils rêvent, ils rêvent beaucoup et peut-être plus que nous tous.


Les pauvres, leur vie n’est pas continuellement sinistre, elle comporte aussi plein d’éclairs, de moments de bonheur et de joie. Les pauvres, ils rêvent de Marion Cotillard et de Brad Pitt, ils rêvent de beaux voyages et de beaux objets. Et la sécurité (les 35 heures, la retraite à 60 ans), ce n’est pas forcément leur préoccupation première, ce sont des soucis de fonctionnaires.


Ce qu’on veut tous en fait, c’est que notre destin ne soit pas arrêté une fois pour toutes et qu’on puisse en décider. Qu’il y ait des échappées, des renversements, des revirements possibles. Tout plutôt que la cage définitive d’un statut, cette cage qui est le fantasme de toutes les organisations totalitaires et maternantes. Pour cela évidemment, il faut un monde ouvert avec de multiples possibilités de choix.




Images de Jean-Pierre Gibrat extraites pour la plupart de son dernier album « Jeanne et Cécile »

2 commentaires:

Anonyme a dit…

bien envoyé et bien pensé;bravo ;
je n'ai pas envie de me calcifier,
mais de respirer ; de bouger, de travailler ;le choix de vos illus
est très intéressant ; et c'est en flânant que j'ai découvert votre site !lola.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Lola !

Je crois en effet qu'on vit dans un monde étouffant et qu'on n'en peut plus de la sinistrose ambiante.

C'est sûr qu'on a plutôt besoin de rêver et de respirer.

Carmilla