dimanche 5 mai 2013

LIRE


Keith LOWE : « L’Europe barbare 1945-1950 ». Je l’ai déjà écrit : je suis hantée par la grande guerre qu’on appelle ici la 2nde guerre. A cause de ça, on me considère comme une dingue en France, mais c’est un autre sujet. J’avais appelé l’attention sur l’extraordinaire « Terres de sang » de Timothy Snyder (paru il y a un an) qui réinterprétait l’histoire de l’Europe Centrale de 1930 à 1945. C’est à compléter par ce livre de Keith LOWE qui bouleverse pareillement nos visions de l’histoire. Curieusement, très peu de choses ont en effet été écrites sur les lendemains de la 2nde guerre. Ca n’avait rien de triomphant, c’était effroyable et désespéré.



Andrzej STASIUK (prononcer sstachouk en accentuant sur le a) : « Pourquoi je suis devenu écrivain ». Par l’un des chefs de file (aux côtés de Dorota Maslowska et d’Olga Tokarczuk) de la littérature polonaise, le récit de sa jeunesse dans les années 80. C’est la période de l’état de guerre («stan wojenny») en Pologne. C’est déjanté, déglingué, punk, rock’n’roll. Rébellion, littérature, soûleries, musique. Horreur des institutions, des pouvoirs, de l’armée. Ce qui est amusant, c’est de comparer ce livre coup de poing avec les autobiographies, qui viennent de sortir, de Paul Auster et d’Umberto Eco. Tout ce qui sépare une littérature de « professeurs » d’une littérature nécessité. Les pépés, les idoles, changez de registre. Stasiuk, ça plane mille pieds au-dessus.


Cécile LADJALI : « Shâb ou la nuit”. Shâb en persan, ça veut dire la nuit. Cécile Ladjali est née d’une mère iranienne puis a été adoptée par une famille française de la classe moyenne. Elle a d’abord été cancre à l’école avant de devenir professeur agrégée de français et écrivain. Elle a entretenu un dialogue avec George Steiner. C’est un peu triste, douloureux, comme toutes les enfances. Un livre admirable, un grand livre, sur la construction de soi.


Claire LEGENDRE : « Vérité et Amour ». Par l’auteur du scandaleux « Viande » que j’avais adoré. L’expérience de l’expatriation, en l’occurrence à Prague, et son impact sur la vie personnelle et amoureuse. J’ai beaucoup aimé… d’abord parce que je connais bien Prague mais, pour moi, Prague, ça n’est pas très dépaysant : c’est le monde slave. Plein de remarques très justes, très pertinentes sur «l’étrangéité » : par exemple, à Prague, comme à Moscou ou à Minsk, ou à Varsovie, une fille ne se fait pas draguer dans la rue. Changer de cadre culturel, c’est à la fois déstabilisant et salvateur. Ca rend, en tous cas, beaucoup plus lucide. Et puis, j’aime bien l’écriture de Claire Legendre : c’est sans aucune fioriture, très « punchy », très dynamique.


Clément BENECH : « L’été slovène ». C’est curieux, c’est un livre dont la thématique recoupe celle de Claire Legendre. La Slovénie, j’y ai séjourné à l’automne 2011. J’étais à Bled et à Ljubljana, les mêmes villes que dans le bouquin. C’était brumeux et mélancolique. Comment un voyage dans un pays mystérieux peut-il dénouer une relation amoureuse ?


Jean-Marc ROBERTS : « Deux vies valent mieux qu’une ». « Affaires étrangères » était un grand livre, celui d’un véritable écrivain. Celui-ci est poignant : comment aborder la maladie, la mort, l’horreur des séjours à l’hôpital ? De l’élégance, de l’humour, les souvenirs lumineux des paradis adolescents.


Megan K. STACK : « Tous les hommes de ce village sont des menteurs ». Une jeune journaliste américaine confrontée à la guerre en Afghanistan, en Libye, en Israël, en Palestine, en Arabie Saoudite. Une interrogation essentielle : qui dit vrai ? Tout le monde et personne.

Nicolas WILD : « Ainsi se tut Zarathoustra ». Evidemment, c’est une BD mais je lis aussi des BD. J’avais beaucoup aimé les deux premiers livres de Nicolas Wild relatant son séjour afghan. Cet album est consacré à l’Iran et plus particulièrement au zoroastrisme avec une intrigue politique sous-jacente. C’est vraiment très bien, très juste, très instructif. Je n’ai pas repéré d’erreurs. A lire absolument pour s’initier au zoroastrisme et à l’Iran.


Katia CHAPOUTIER : « Lost in Jerusalem ». Un livre sur Jérusalem, ça me fait généralement peur. J’en connais le contenu à l’avance, suivant la tendance de l’auteur. Katia CHAPOUTIER se présente comme l’ingénue de service qui n’y connaît rien à rien. Libérée de tout parti pris, elle restitue magnifiquement la force d’attraction de la ville, sa beauté, son multi-culturalisme, la coexistence de ses religions. Elle ne donne qu’une envie : partir vite à Jérusalem.


Jean RADVANYI : “Une autre Russie”. Un livre sur la Russie de Poutine qui nous change des clichés habituels. La Russie, ce n’est pas la terreur et la misère comme on l’écrit sans cesse dans les journaux français, c’est plutôt un incroyable bouillonnement culturel, politique et économique. Le déclinisme, là-bas, on ne connaît pas.


Mikkel BORCH-JACOBSEN : « La fabrique des folies ». Evidemment, Mikkel Borch-Jacobsen est surtout connu pour ses positions très critiques vis-à-vis de Freud. C’est cependant un penseur subtil, rien à voir avec Michel Onfray. Dans ce livre, il montre bien que les maladies mentales n’existent pas de toute éternité. Il y a, au contraire, une très forte historicité et une variabilité des troubles mentaux. Mikkel Borch-Jacobsen élargit dans ce livre sa réflexion aux nouvelles folies contemporaines  : dépression, trouble bipolaire, hyperactivité, anxiété sociale. Ces nouvelles folies sont, en fait, très largement promues par l’industrie pharmaceutique. Un livre très décapant à la suite du quel vous n’allez plus prendre ni un somnifère, ni un anti-dépresseur. Quant à vos troubles bipolaires, quelle blague !


Claude LEVI-STRAUSS : « Nous sommes tous des cannibales ». Vous êtes peut-être comme moi ; vous avez calé sur « les Mythologiques ». Quant aux « Structures élémentaires de la parenté », vous vous êtes contentés de l’introduction et de la conclusion. Là, vous avez un recueil d’articles, autrefois dispersés, incisifs, brillants, éclairants : le Père Noël, la vache folle, l’oncle maternel….


Philippe SIMONNOT : « Chômeurs ou esclaves ». J’offre ce petit livre à tous les fachos-populos qui, hélas, commencent à monopoliser la scène politique française : Mélenchon, Le Pen, Montebourg.


Elsa CONESA : « Margarita Louis-Dreyfus – Enquête sur la fortune la plus secrète de France ». Après Liliane Bettencourt, qui est la femme la plus riche de France ? Margarita Louis-Dreyfus. Une Russe de Saint-Pétersbourg, kitsch et caricaturale. Le livre est un peu complaisant pour Margarita Louis-Dreyfus mais illustre bien certaines bizarreries du capitalisme : comment une blonde un peu écervelée, qui n’y connaît rien à la finance, a pu malgré tout, après la mort de son mari, prendre le contrôle, dans son seul intérêt personnel, de la majorité du capital d’un grand groupe.


Un choix hétéroclite de jeunes peintres contemporains : Mijn SCHATJE, Greg SIMKINS, Barnaby WARD, Katleen LOLLEY, Ken WONG, Tomek SETKOWSKI, Melissa HASLAM, Duy HUYNH, Michael HUTTER, Hiro KIYOHARA

8 commentaires:

Anonyme a dit…

" changer de cadre culturel c'est déstabilisant et salvateur" cette phrase devrait nous servir de viatique . Dites, Carmilla , pendant que vous lisez les pages paires , votre soeur jumelle lit les pages impaires ? Y'a un truc ...J'adore vos illus ,rêver , divaguer & réfléchir .Lola

Carmilla Le Golem a dit…

Merci LOLA,

Mais non ! Je n'ai ni truc ni soeur jumelle.

J'ai simplement un mode de fonctionnement propre et, en dehors de mon travail, j'ai sans doute une vie assez facile : je suis peut-être un peu moins engluée que les autres dans les contraintes de la quotidienneté.

Enfin, les nuits sont longues quand on est une vampire. Et puis, dans les pays slaves, les gens lisent, tous, beaucoup.

Carmilla

Anonyme a dit…

Alors y'a pas de truc !! c'est démoralisant ...je vais m'acheter des morceaux de nuit supplémentaires ..je lis avec difficulté C.Ladjali ,je vais peut-être réessayer . Simkins me fait penser à Bill Carman ; regardez , cela pourrait vous plaire ..Lola

Carmilla Le Golem a dit…

Le seul truc, c'est qu'en général, je lis des bouquins qui se rapportent plus ou moins à mon passé et mon histoire personnelle. C'est pour ça que je les dévore.

Cécile Ladjali, par exemple, je l'ai lue en une petite après-midi parce qu'elle évoquait l'Iran où j'ai vécu. Ce qui est curieux pour moi, c'est qu'elle est finalement beaucoup moins iranienne que moi. Avant, je n'avais pas tellement accroché à ses bouquins.

Idem pour Claire Legendre (Prague), Clément Benech (la Slovénie), Stasiuk (la Pologne), Margarita Louis-Dreyfus (la Russie)etc...

Tout est en fait plus ou moins raccordé à mes préoccupations et mes souvenirs dans mes lectures.

Amicalement

Carmilla

et merci pour la découverte de Bill Carman

Anonyme a dit…

Help ! quel est l'auteur de l'illu : le chien ds le lit rouge ? magnifique , mais je n'ai pas trouvé .Merci .Lola

Carmilla Le Golem a dit…

Sarolta Ban,

C'est un photographe hongrois.

Je vous conseille la visite de son site sur Internet.

Carmilla

Anonyme a dit…

merci ,votre choix vampirique me plaît ! il y a de vraies réussites chez sarolta ban ,enjoy ! Lola

Carmilla Le Golem a dit…

Effectivement Lola,

Il ne faut pas oublier que mes posts, mes choix d'images sont d'inspiration vampirique.

Carmilla