samedi 8 juin 2013

L'Iran européen



Dans quelques jours, ce sont les élections présidentielles en Iran.



On n’en parle presque pas en France, d’abord parce que les choses semblent déjà jouées et, aussi, parce que, il faut bien le dire, c’est un pays auquel on ne s’intéresse pas beaucoup. On en a une vision entièrement négative, celle d’un pays obscurantiste et arriéré.


En France, l’opinion médiatique fait sans cesse l’éloge de la Turquie (c’est si agréable d’aller bronzer à Kas ou à Kusadasi) et tous les intellectuels sont favorables à son adhésion à l’Europe.


Il ne viendrait vraiment à l’idée de personne de dire que l’Iran est sans doute plus européen que la Turquie et qu’on pourrait, peut-être, étudier son éventuelle candidature.


C’est cependant mon avis et ce n’est pas de la provocation.


C’est sûr que l’Iran, c’est un immense gâchis et que des cinglés, ignares, cruels et cupides, gouvernent le pays.



Mais la réalité de la société iranienne n’a pas grand-chose à voir avec ces fous de Dieu. La dissidence est massive et la vie effective est plutôt celle d’une immense contre-société qui s’exprime dans les milieux artistiques, les groupes de jeunes, les sphères privées et relationnelles. On vit, en Iran, dans une duplicité et une schizophrénie totales.


On ne s’ennuie ainsi pas du tout à Téhéran, Ispahan ou Shiraz. La vie y est beaucoup moins morne qu’on ne l’imagine car les dictatures ont cet effet paradoxal de susciter, par contrecoup, une vie sociale intense. Vos plus folles soirées, c’est sans doute là-bas que vous les passerez.


L’Iran est en fait un pays très moderne dans ses mentalités. C’est ce que montrent bien, par exemple, les bandes dessinées de Marjane Satrapi ou le film « les chats persans » de Bahman Ghobadi.


Alors, l’Iran européen ? Oui, bien sûr, parce que :


- la langue, le persan, est une langue indo-européenne beaucoup moins difficile à apprendre qu’on ne l’imagine (sûrement plus facile que le russe par exemple). Un Français s’y retrouve tout de suite dans la syntaxe, la grammaire et l’accentuation. C'est exactement la même structure de pensée. Une curiosité : on ignore, en persan, la distinction du masculin et du féminin. La transcription en écriture arabe est accidentelle et finalement peu appropriée.


- le territoire perse s’est étendu jusqu’en Europe. C’était sous Darius, fondateur de Persépolis.


- sans l’ombrageuse rivalité de la Perse avec les Turcs qui contraignit ces derniers à détourner une part importante de leurs forces armées vers l’Est, il n’y aurait pas eu le miracle de Vienne (1672) conduit par le Polonais Jan Sobieski. Les Ottomans auraient alors, sans doute, conquis la totalité de l’Europe. Pourquoi pas ? Mais c’est sûr que l’Europe a une dette indirecte envers la Perse.


- l’Iran a entretenu une relation privilégiée avec la France. Ca a commencé avec Napoléon dans le cadre d’un étrange projet franco-russe dirigé contre les Indes et l’Angleterre. Après, les élites politiques et intellectuelles ont toujours été francophiles et francophones.


- l’Iran a produit pléthore d’entrepreneurs, artistes, ingénieurs, scientifiques, médecins qui ont remarquablement réussi … à l’étranger, notamment en Allemagne et aux Etats-Unis. En Iran même, beaucoup de gens bénéficient d'un confort et d'une qualité de vie (notamment en matière de logement) qui surprendraient nombre d'Occidentaux.


- la condition de la femme, contrairement à ce que l’on pense et même si c'est loin d'être parfait, est bien meilleure en Iran que dans tous les autres pays musulmans. Même si les mollahs n'y sont évidemment pour rien, elles sont beaucoup plus émancipées, bénéficient d'une plus grande considération et sont respectées. Surtout, elles s'affirment, sont actives. Elles sont partout..., omniprésentes. Dans la rue, on ne voit qu’elles. Elles sont belles, élégantes, séductrices. Leur plus beau symbole, c'est évidemment la grande actrice Golffishteh Farahani. Elle ne pouvait être qu'Iranienne. Les femmes, en Iran, travaillent, conduisent, font des études supérieures, assument les responsabilités familiales. C’est elles qui, le plus souvent, tiennent la baraque alors que leurs bonshommes s’enfoncent dans leurs délires mystiques.


Voilà toutes les raisons, sérieuses et fondées, pour les quelles je vous invite à reconsidérer l'Iran et à voir, sous un autre jour, sa proximité avec l'Europe.



Images de miniatures persanes

Si vous vous intéressez à l'Iran, je recommande les lectures suivantes : "La chouette aveugle" de Sadegh Hedayat; "Mon oncle Napoléon" d'Iradj Pezechkzad; "Le prince Ehtejab" d'Houshang Golshiri; "Un jardin à Téhéran" de Shushah Guppy; "Les aventures de Hadji Baba, d'Ispahan" de James Morier; "A la barbe des Ayatollahs" de Nicolas Jubber; "Les pintades à Téhéran" de Delphine Minoui.



Je signale enfin qu’il est maintenant assez facile de faire du tourisme en Iran. Obtenir un visa est devenu plutôt simple. Sur place, vous serez extraordinairement accueilli et vous n’y courrez aucun risque. Quant au pays, il est d’une beauté renversante.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Très beau et bon billet ,Carmilla
Je ne pense pas que les français(es) ne s'intéressent pas à l'Iran ; je ne mets pas dans le même sac prises de positions politiques et sentiments des citoyens ; votre billet incite à la réflexion dans tous les domaines et c'est constructif .Lola

Carmilla Le Golem a dit…

Merci, Lola, pour votre commentaire louangeur.

Disons que l'Iran est méconnu. Je le souligne cependant : la présentation médiatique qui est faite du pays n'a pas, comme c'est souvent le cas, grand chose à voir avec la réalité.

Heureusement, depuis quelques années, l'émergence d'un cinéma iranien novateur corrige un peu l'image du pays.

J'insiste cependant là-dessus : il ne faut pas hésiter à aller soi-même visiter ce magnifique pays. C'est facile, bon marché et sans aucun danger. Le pays est très sûr.

Et puis, il faut absolument avoir vu dans sa vie Ispahan, Shiraz et Persépolis. Ca fait vraiment partie des merveilles du monde.

Carmilla