dimanche 4 août 2013

Des nuits et des lettres


 Cette chaleur, cette lumière, ça me rend folle. Heureusement, je sais que depuis le 21 juin, on perd chaque jour 2 minutes de soleil. On a donc déjà gagné près d’1 H 30 de nuit. Bientôt, ce sera supportable.


Voilà ce que j’ai lu pendant cette période éprouvante :

Agnès DESARTHE : « Comment j’ai appris à lire ». Lire et aimer lire, ce sont deux choses bien différentes. Le passage de l’un à l’autre ne se fait pas mécaniquement. Il a sûrement fallu du courage à Agnès Desarthe pour avouer ça : pendant longtemps, elle n’a pas aimé lire et ne lisait pas, ce qui ne l’a pas empêchée d’intégrer Normale Sup ! Ca m’a vraiment étonnée, moi qui ai toujours été une boulimique. Qu’est-ce qui peut entraver le désir de lire, comment naît la passion de la lecture, Agnès Desarthe donne là-dessus des explications très personnelles : le «décalage » lié à la langue, la culture, le sexe.



Louis-Henri de La Rochefoucauld : « La Révolution française ». Pas facile de porter un nom pareil à une époque de triomphe de l’esprit républicain. LHDLR s’amuse à s’en prendre à la Révolution française, un tabou absolu. Ca pourrait être déplaisant mais c’est hilarant. La Révolution française, c’est aussi l’esprit de sérieux, l’éradication de la fantaisie et de la déviance, la normalisation complète de nos vies et pensées.



Roman GRAF : « Monsieur Blanc ». Un écrivain suisse. Le récit glaçant d’une morne existence, illuminée simplement par un souvenir amoureux en Angleterre et un voyage à Cracovie.



Florence DUPONT : « L’Antiquité, territoire des écarts ». Les humanités classiques, le latin, Rome, ça m’est toujours apparu poussiéreux et ringard. Mais il est vrai que je n’y connais pas grand-chose. Florence Dupont est latiniste et anthropologue, dans la lignée des penseurs de 68 : Foucault, Deleuze, Levi-Strauss. Son livre n’a évidemment pas suffi à me remettre à niveau mais m’a au moins fait comprendre que la passion du latin pouvait être une passion de l’altérité et une remise en cause de soi-même, de ses schémas de vie et de pensée. C’est aussi une salubre dénonciation de toutes les illusions et mythologies dont on affuble aujourd’hui le monde romain. C’est un énorme abus de penser que celui-ci serait à l’origine des valeurs de la civilisation occidentale.


Un peu de littérature russe

Ludmila SHTERN : « Bye BYE Leningrad ». Ludmila SHTERN a quitté l’Union Soviétique en 1976 pour s’installer aux Etats-Unis. Un humour ravageur surtout quand elle confronte l’absurdité soviétique à l’absurdité américaine. 


Evguéni Grichkovets : « Le taquet ». Un des grands noms de la littérature post-soviétique. Connu aussi comme dramaturge. 6 nouvelles qu’on lit d’une traite. La Russie profonde, morne, triste, couverte de neige. Des héros ordinaires. La pesanteur du monde mais aussi, malgré tout, sa drôlerie et sa tendresse.



Alexeï OLINE : « La machine de la mémoire ». Un portrait ébouriffant de la jeunesse russe dans une ville de province.


Et enfin de la littérature de voyage


Sanjay SUBRAHMANYAM :”Comment être un étranger Goa-Ispahan-Venise- XVI-XVIII° siècle”. Trois étonnants destins, trois grands personnages, entre l’Europe, l’Iran et l’Inde moghole. Est-ce qu’on n’est pas tous étrangers, membres d’un groupe auquel nous n’appartenions pas à l’origine ?


Jan BROKKEN : « Les âmes baltes ». Le très beau récit des voyages de l’écrivain néerlandais dans ces pays magnifiques aux cultures entrecroisées, marqués par le poids très lourd d’une histoire tragique.


Nathalie COURTET : « De la jungle birmane à la taïga russe – L’Asie à vélo couché ». C’est le troisième et dernier tome de cet invraisemblable voyage. C’est un récit sans prétention mais d’autant plus juste. On traverse cette fois-ci la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge, le Viet-Nam, le Laos, la Chine, la Mongolie, la Russie, les Etats baltes, la Pologne


Lorette NOBECOURT : « Patagonie intérieure ». Un écrivain intéressant mais peu connu en raison, sans doute, d’une écriture trop complexe. Un petit livre avec plein de fulgurances : « Bien sûr, Santiago m’est indifférente. Le tourisme ne m’intéresse guère ». Un récit de voyage au Chili mais le plus important, c’est la découverte de cette « Patagonie intérieure » que nous portons tous, cette part de nous-mêmes, libre et sauvage.



Tableaux de Robert DEVRIENDT (1955) peintre belge contemporain. Images extraites de séries : Victimes de la passion, The Jerusalem Church Crime, Le chasseur de fétiches,  Le fils du taxidermiste, Le nouveau rituel.


Au cinéma, je conseille « Gold » de Thomas ARSLAN avec Nina Hoss et « La chair de ma chair » de Denis DERCOURT.  Enfin, mercredi prochain, ne manquez pas « Les salauds » de Claire DENIS, au moins pour la bande-son des Tindersticks. 

2 commentaires:

nuages a dit…

Je suis sûrement différent de vous sur bien des points, mais je partage votre aversion pour l'overdose de chaleur et de lumière que nous subissons actuellement. Beurk !

Merci pour ces conseils de lecture. "La vie sexuelle des cannibales", de J. Maarten Troost, que vous m'avez conseillé, était un régal. Après 400 pages, j'ai même trouvé ça trop court !

Carmilla Le Golem a dit…

Bonjour Nuages,

Ce qui m'énerve en France c'est qu'on se sente obligé d'afficher un air réjoui quand on meurt de chaleur et d'être catastrophé quand il fait un peu frais. Quant à la neige, c'est perçu comme une abomination, un drame.

Sinon, c'est sûr qu'on est tous très différents. Heureusement d'ailleurs ! Mais ce n'est pas ça qui interdit le dialogue, bien au contraire.

Quant à Maarten Troost, c'est un livre à offrir à tous ceux qui ne rêvent que de vacances sur une île paradisiaque, Seychelles ou Ile Maurice. Bien sûr, les Kiribati, c'est bien pire mais c'est ça aussi.

Carmilla