samedi 5 avril 2014

Infidèle


Je vais pas mal au cinéma, disons deux ou trois fois par semaine. Le cinéma, pour moi, c'est comme la littérature : plus qu'une distraction, ça m'aide et m'apprend à vivre.

Mais ces dernières semaines, j'ai vu toute une série de nunucheries françaises, pourtant encensées par la critique, qui m'ont énervée : "Lulu, femme nue" de Solveig Anspach, "Week-ends" de Anne Villaceque, "Arrête ou je continue" de Sophie Fillières, "Le sens de l'humour" de Maryline Canto. Des films tous centrés sur les difficultés du couple, avec tous ses soubresauts. Tout ça, ça m'est, bien sûr, passé à des kilomètres au-dessus du chignon. Qu'est-ce que je peux en avoir à fiche, moi Carmilla la Vampire, des tiraillements de la cellule familiale, surtout dans un contexte culturel excessivement français que je ne maîtrise pas bien ?


C'est curieux ! A une époque où on proclame la libération du désir, où on se croit de plus en plus affranchis, on enferme de plus en plus la passion et la sexualité dans le carcan du couple. "La vie d'Adèle", c'est même l'achèvement de ce modèle. Il s'agirait, à travers le couple, d'oeuvrer à la réconciliation générale, de pacifier tous les conflits, bref d'évacuer tout ce qui fait problème dans le désir. Le couple, ça viserait à la confusion, superposition, de deux identités unifiées par les bons sentiments et le fantasme d'une transparence possible entre les sexes.



C'est du moins l'idéologie actuelle, notamment française, finalement très vertueuse. Mais on sait bien que ça ne marche pas du tout comme ça. Je trouve, par exemple, détestable cette idée qu'on devrait se ressembler le plus possible, tout partager, être les plus proches possible. Les couples fusionnels, je trouve ça d'une terrifiante bêtise.Vu sous cet angle, l'autre est un appauvrissement, un dépérissement.



En fait, dans la fiction de l'amour, on ne cesse de mentir : à soi-même et à l'autre, en essayant de faire croire à une impossible coïncidence. En réalité, on est, chacun, emportés, écartelés, par sa propre pluralité.


Et c'est bien ça aussi. Dès qu'on rencontre quelqu'un, passés les premiers émois, on n'a de cesse de le fuir, de lui échapper. Tout plutôt que la terreur d'un monde dégoulinant de bonté, d'un monde pétrifié où un chat est un chat.


On est fondamentalement infidèles. On pratique la dissimulation permanente. On n'arrête pas de tromper l'autre, de s'évader sans cesse mentalement. On rêve continuellement d'autre chose, d'un autre monde, d'ailleurs. Et dans ce mouvement qui nous emporte, on est d'un cynisme absolu. Il faut même le reconnaitre : il y a un sombre plaisir à tromper l'autre. La vie trouve une nouvelle saveur et intensité, on se met à vibrer, il faut faire sans cesse preuve de maitrise et d'intelligence. Ne jamais se trahir, demeurer absolument crédible, il faut à chaque instant se réinventer.


Moi, je ne m'en cache pas! Je suis une vampire et mon plaisir, c'est de multiplier les amants/amantes. Je suis dévorante. C'est comme pour les bouquins, j'ai toujours peur de rater le type, la fille qui m'apprendra quelque chose de plus. Pour moi, la vie, c'est une recherche, un mouvement perpétuels. J'ai envie de connaître le plus de trucs possible. Tant pis si je me fais souvent humilier, cracher dessus !


Mais c'est vrai aussi que je me dépêche de jeter tous ceux que j'ai rencontrés. Plus infidèle que moi, il n'y a pas. Je suis affreuse, impitoyable, je fais, sans doute, abominablement souffrir mais c'est la condition de ma survie propre. Ca ne se passe d'ailleurs pas toujours bien parce que les types qui croient me dominer deviennent souvent furieux quand ils découvrent que c'est moi qui les manipule. Bref, je vis, plus ou moins, dans une culpabilité permanente. C'est difficile d'avoir un coeur complètement mort.


Enfin, bref, de mes errances, de mes hésitations, de mes troubles, j'ai trouvé, récemment, des illustrations dans les films suivants : "La Vénus à la fourrure de Roman Polanski; "Nymph()maniac" de Lars Von Trier, "La crème de la crème" de Kim Chapiron, "Dark touch" de Marina de Van, "Only lovers left alive" de Kim  Jarmusch, "L'étrange couleur des larmes de ton corps" d'Hélène Cattet



Un choix d'oeuvres en vert, inspiré par Lotusgreen. On reconnaîtra notamment des tableaux de Maurice Denis, Koloman Moser, Vaszary Janos, Edmund Edel

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Carmilla,vous m'aviez semblé un tantinet injuste,précédemment,en exerçant votre verve acéréé contre ces Français incultes et moches qui vous hérissaient le poil,j'étais vite aller consulter mon miroir,comme la vilaine marâtre chez Disney!!(je sais où se trouve la Crimée ,quant à mon miroir ..!)Infidelités m'a plu :"ilfaut à chaque instant se réinventer" et puis les Affiches sont magnifiques : comme les Musées français manquentd'idées !!
J'ai du pain sur la planche pour me documenter ;d'accord avec vous sur vos choix de films ;l'affiche de "vie privée est une splendeur, merci.Lola
ps entre nous ,soyez élégante jusqu'au bout des ongles :évitez le hiatus :ou on ;ou l'on, c'est plus limpide !!chuuut ....

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Lola !

Il ne faut jamais me lire au premier degré.

J'acidifie toujours ma plume, je provoque un peu mais je ne suis moi-même pas absolument convaincue par ce que j'écris. Ma préoccupation est d'abord esthétique.

Que je sois parfois féroce avec les Français, il faut prendre ça avec humour : qui aime bien, châtie bien. Et c'est vrai aussi que, de mon côté, j'en entends de terribles chaque jour et ça me hérisse parfois.

Amicalement

Carmilla