dimanche 13 septembre 2015

Au pays des bordures


Je suis donc revenue à Lviv. A chaque fois, j'éprouve une appréhension dans l'avion ou le train qui m'y conduisent. Comment ça va être cette année ?


Mais non! Je retrouve instantanément mes marques et me sens tout de suite à l'aise. C'est bizarre ce sentiment de se sentir bien, chez soi, dans une ville. D'autant que j'ai bien conscience que Lviv, c'est tout de même un peu particulier. C'est toujours ce que je me demande: là où je ne vois que des choses belles et étonnantes, d'autres ne vont-ils pas voir que tristesse et misère ? J'hésite à conseiller à des Français d'aller faire du tourisme en Ukraine. Ils pourraient m'en vouloir à mort. Il faut tout de même être un peu initié.


C'est sûr que l'Ukraine, surtout quand on vient de Pologne, ça fait complètement déglingué. Et puis, depuis quelques années, rien ne bouge, rien ne s'améliore. Mais ça ne s'effondre pas non plus, ce qui ne serait guère étonnant dans un pays en guerre.


Mais j'ai peut-être un peu mieux compris mes sentiments cette année parce que, justement, je venais de Pologne. La Pologne, maintenant, c'est formidable. Tout est propret, organisé, policé, tout fonctionne. Mais aussi, tout est mondialisé, banalisé, aseptisé. Peut-il encore vous arriver quelque chose en Pologne ?


L'Ukraine, c'est encore "wild". C'est sans doute l'un des derniers pays d'Europe où l'on puisse encore éprouver que l'aventure est au coin de la rue. Un pays où on peut faire, chaque jour, des rencontres étonnantes (pas forcément agréables d'ailleurs), un pays où on peut être foudroyé par le hasard, le merveilleux.


Et puis, il y a la vie urbaine extraordinaire. On peut penser que, dans un pays en guerre, tous les lieux de divertissement sont fermés, que les rues sont désertes, que tout est sombre et sinistre. C'est tout à fait le contraire. Les cafés, les restaurants, les boîtes, sont innombrables et pleins à craquer. Dans les rues, il y a plein de spectacles organisés et on y danse jusque tard dans la nuit.


C'est bien sûr une manière d'oublier la guerre mais pas seulement. C'est aussi ce goût inné de la convivialité slave.


Ceci dit, je suis quand même revenue déprimée d'Ukraine. C'est miracle que le pays survive aujourd'hui mais tout devient imprévisible en raison de l'effondrement économique. Poutine n'a pas besoin de conduire une guerre frontale, il lui suffit d'entretenir l'insécurité. 


Il va alors sortir vainqueur: les pays occidentaux n'aspirent qu'à être en bons termes avec la Russie, à avoir la paix avec elle. Quant à l'Ukraine, ses aspirations démocratiques, on s'en fiche. On reprend même la propagande russe, absurde mais efficace, d'un pouvoir ukrainien gangrené par les néo-nazis. Donc, l'Europe va prochainement lâcher l'Ukraine (François Hollande l'a clairement annoncé dans sa dernière conférence de presse). Quant aux Ukrainiens, leur pauvreté croissante risque de les entraîner dans de sombres aventures politiques. 






















Quelques unes de mes photos à Lviv. Pour ça, je suis bien Ukrainienne. En Ukraine (mais aussi en Russie), il y a chez les femmes une passion pour la photographie (même si c'est surtout pour se prendre entre elles). Ce sont surtout elles qui font des photos et une Ukrainienne élégante doit avoir un bel appareil (surtout pas un portable) et connaître ses caractéristiques techniques. Je trouve ça une singularité parce que c'est une culture féminine quasi absente en Europe de l'Ouest (où ce sont les hommes qui font des photos et où les femmes ne veulent pas entendre parler de technique).

Ces photos sont des lieux que je fréquente très habituellement. Je ne peux pas les commenter. Je mentionne simplement qu'on peut voir le hall de l'hôtel "George" où Sacher Masoch aurait rédigé "la Vénus à la fourrure".

4 commentaires:

Anonyme a dit…

On y retourne quand tu veux à Lviv? Je dirais juste que ma guide s'appelle pas Nathalie mais bien Carmilla ...
Thierry

nuages a dit…

Un beau reportage de voyage. A en voir les images, la ville de Lviv semble très belle, mais aussi en bon état, pas du tout déglinguée. Mais peut-être le centre historique est-il mieux entretenu ?

Un petit bémol toutefois : les perspectives très exagérées, les déformations (en contre-plongée notamment), des photos des espaces urbains, dus à l'utilisation d'un très grand angle (équivalent à un 21 mm en 24x36). Ce n'est bien sûr que mon avis !

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Thierry,

Malheureusement, je n'envisage pas de revenir à Lviv avant un bon moment.

Par ailleurs, je n'ai aucun talent de guide. Ca me met mal à l'aise.

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Les choses sont relatives en effet. L'Ukraine n'est tout de même pas misérable. Il y a même certains aspects très modernes: les accès Internet et la climatisation sont, par exemple, plus répandus qu'en France. Une ville comme Kiev peut même être comparée aux capitales occidentales.

C'est la campagne et les villes de province qui sont plus négligées même s'il y a, tout de même, des progrès très importants depuis la chute du communisme.

Lviv n'est, bien sûr, pas en ruines mais aurait besoin de travaux très importants pour la mettre en valeur. Elle pourrait être un petit Cracovie ou un petit Prague mais, aujourd'hui, on en est loin.

Sinon, en effet, j'ai fait toutes mes photos au très grand angle, au 21 mm, au point de négliger tous mes autres appareils. Je n'avais jamais pratiqué jusqu'alors mais j'ai trouvé que ça ouvrait, vraiment, de nouvelles perspectives.

Bien à vous

Carmilla