samedi 5 décembre 2015

Indépendance



Quand je me fais draguer au hasard (dans la rue, un cinéma, un café), je raconte, généralement, des bobards. Je dis que je suis une touriste russe de passage à Paris. C'est ultra-fastoche pour moi parce que je suis ultra-crédible (et même plus que ça). 

Ukrainienne, je n'ose pas trop revendiquer, c'est carrément la dégringolade, voire la honte. Ça évoque, vraiment trop, la Femen hystérique ou la fille prête à tout, et surtout à se prostituer, pour survivre. Polonaise non plus, c'est un peu miteux : c'est trop associé à la bigote ou aux corons du Nord.  

Russe, en revanche, ça semble faire, encore, un certain effet, presque classe. Une Russe, elle est sexy, friquée et fêtarde, croit-on. Elle est, en plus, sûrement moins chiante qu'une Française (mais ça, je pense que c'est, tout à fait, vrai).


Si je galéje, ce n'est pas tellement que je sois mythomane ou menteuse invétérée. C'est surtout pour me protéger. En m'inventant une identité, je peux disparaître plus facilement: c'est plus compliqué d'aller me chercher à Saint-Pétersbourg qu'à Paris. Les rencontres, les aventures, c'est, en effet, très bien; ça peut être très agréable, voire magique, durant quelques nuits, mais, après, il faut arriver à gérer. Le plus difficile, en effet, ce n'est  pas de débuter une histoire mais c'est d'y mettre fin. Se dépêtrer d'un type, c'est souvent toute une affaire. La liberté sexuelle, c'est relatif. On s'expose souvent à des ennuis post-coïtum effroyables. Après... on se fait, souvent, menacer, harceler et on se met, alors, à culpabiliser à mort au point qu'on décide de "prolonger" pour avoir, temporairement, la paix. Et on prolonge, quelquefois, indéfiniment.

Ça vous refroidit bigrement. Il faut bien le reconnaître: on n'est pas si évolués, tolérants, que ça. Partager une nuit, un moment d'intimité, avec humour, en adultes accomplis, on n'en a pas encore la capacité. On n'admet pas trop que l'autre, surtout une femme, soit changeant ou n'ait eu pour objectif que la recherche de l'éphémère et du plaisir. La conséquence logique d'un début de relation, il faudrait, absolument, que ce soit la sujétion.  


Le droit pour une fille de "balancer" un type quand elle le souhaite, ça n'est  pas encore entré en vigueur. C'est ce qui me bloque le plus dans mes relations avec les hommes et, aussi, les femmes. 

Toujours éviter, donc, de faire le pas de trop qui donnera à l'autre l'illusion qu'il a des droits sur vous. Me faire enfermer,  vivre sous emprise, me sentir obligée, c'est ma hantise. Même l'empathie, et surtout l'empathie, est dangereuse. J'aime trop ma solitude, ma sauvagerie. Je suis, à ma manière, d'une arrogance effroyable mais j'ai toujours l'impression, étrange, que ma "carte personnelle" ne coïncide pas avec celle des autres.


Etre seule, ça me plaît. Les rêves, ça ne se construit pas à deux. C'est toujours singulier et donc transgressif. Je suis continuellement hantée par mes crimes et mes débauches mais si on perd ça, si on'a plus de rêves à soi et pour soi seule, on est mortes. 

On ne se connaît jamais, on ne se comprend jamais, c'est ce que devraient reconnaître (mais c'est peut-être ça, justement, qui est intéressant) tous les couples qui se forment . D'ailleurs, toutes les tentatives de se trouver des points communs, de ne faire qu'un, d'aller de concert, ne sont que des tentatives d'assujettissement de l'un par l'autre.


La dysharmonie, c'est, peut-être, ce qu'il faut arriver à accepter, aimer, pour être moins malheureux.


Affiches Art Nouveau du début du 20 ème siècle choisies, bien sûr, en fonction de leur couleur (rouge) et de leur thème (Salomé).

3 commentaires:

KOGAN a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Carmilla Le Golem a dit…

Merci JF,

Rechercher la fusion, l'identité complète de vues, c'est, en effet, s'engager dans la dépendance.

Carmilla

KOGAN a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.