dimanche 17 avril 2016

De la mode "décente"


On parle, à nouveau, beaucoup, du voile islamique et de sa présence envahissante plus seulement dans les rues mais, aussi, dans les pages "mode" des magazines féminins.


Pas de sujet plus "clivant". Tout de suite s'opposent les partisans du laisser-faire, de la non-stigmatisation, du droit à la différence ( et donc du communautarisme). D'ailleurs, le choix du voile serait, souvent, librement consenti.
 
Et puis, il y a les "modernes", les laïcs, qui voient dans le voile le symbole même de la servitude et de l'obscurantisme religieux. 


Ça étonnera peut-être (je ne suis vraiment pas une adepte de la "mode décente") mais je suis partagée, je ne m'identifie pas à un camp ou à l'autre. Je n'aime pas l'arrogance avec laquelle on traite les filles qui portent le voile. Ce ne sont pas seulement des crétines ou des arriérées, le voile est aussi, pour certaines, porteur d'une révolte. Et il faut bien reconnaître qu'elles n'apportent aucun trouble à l'ordre public. Et puis j'en ai par dessus la tête de ce principe de laïcité auquel on se réfère sans cesse en France. Ça m'apparaît d'une hypocrisie totale, l'alibi simpliste de la violence d'Etat. Là-dessus, l'écrivain Jean Rouaud a dit des choses très justes.


D'un autre côté, je reconnais que le voile pose la question de l'altérité, du communautarisme. Il faut le dire, une femme voilée provoque un malaise. D'abord parce qu'"elle désigne les femmes découvertes comme coupables de provoquer le désir et ravale leur féminité à des appâts sexuels indécents": parmi les femmes, il n'y aurait que des mamans ou des putains. Elle "désigne aussi les hommes comme des obsédés sexuels incapables de se contrôler". Et puis, une femme voilée, c'est une femme clairement interdite aux non-musulmans.


C'est donc pour ça qu'on ne peut pas admettre la banalisation du voile. Mais le débat est, sans doute, biaisé. Le port du voile, ça n'est même pas une question de laïcité ou de communautarisme ou d'esprit des Lumières. C'est une question plus vieille que 1789 ou 1905. C'est celle du rapport entre les sexes et des relations de séduction qui se jouent entre eux. On a pu dire, comme ça, qu'une femme en mini-jupe était aussi aliénée qu'une femme qui porte un voile. Je crois, vraiment, que ça n'est pas du tout la même chose et d'ailleurs des mini-jupes, ou même des jupes, on en voit de moins en moins dans les rues et ça signifie sans doute quelque chose.


Je ne crois vraiment pas qu'une femme qui porte une jupe soit aliénée. Il faut même, maintenant, pour ça, une certaine audace tellement le puritanisme gagne aujourd'hui du terrain.


La décence est en train de gagner la bataille et ça n'est pas seulement à cause de l'islamisme. Il y a un raidissement généralisé des sociétés occidentales et il faut, peut-être, s'interroger sur ça: sur l'effacement croissant de la différence des sexes, sur la réprobation portée sur la séduction. On promeut, aujourd'hui, un idéal de transparence, de simplicité, d'authenticité dans les relations entre les sexes. Mais ça explique, aussi, que le désir est au plus bas. Comme le dit Roman Polanski, en présentant la réédition de son autobiographie: "De plus en plus, on a peur de l'autre, les drogues sont plus dures et la sexualité plus molle. On a beaucoup moins de temps à consacrer à l'amour".
 
Faites donc comme moi: promenez-vous en mini-jupe et high-heels. C'est plus révolutionnaire que les "nuits debout".
 
Couvertures des années 20 et 30 du journal "VOGUE".

7 commentaires:

KOGAN a dit…

Bonjour CARMILLA

Dans cette interminable et fatigante histoire du voile, les théologiens des 3 grandes religions en perdent leur latin, (si l'on peut dire) chacun en donne sa version ou son aversion...

Personnellement je préfère la voilette transparente noire que portaient les élégantes sous leur bibi aux siècles derniers, et quand elles la soulevaient délicatement pour porter leurs lèvres rouge à une coupe de champagne...Quelle classe!

Mais j'aime aussi, ALLA KOSTROMICHEVA qui porte le voile à merveille dans ses défilés WORLD FASHION.(canal 132)

Bien à vous.

Jeff

Richard St-Laurent a dit…

Bonjour madame Carmilla


Comment un bout de tissus est devenu un enjeux de la politique et du pouvoir ?

On dirait un vieux fond d'inquisition pourrit, où pendant que nous regardons vers le voile, nos attentions sont distraites de l' essentielle, on fouille dans nos cerveaux pour nous égarer de notre sens commun et de notre vigilance.

Jeux de cache-cache futile, qui dépasse le désir, la mascarade, le sexe et la nudité.

Est-ce que nous sommes présentement dans l'installation d'une haine morbide afin de favoriser les conflits présents et futurs ?

Alors ceci n'est plus une question de décence, de pudeur, ou de liberté.

C'est devenu encore une fois une vulgaire lutte de pouvoir.

D'un côté :

Les islamistes qui ont peur de perdre leur pouvoir paternaliste, ou du moins ce qu'il en reste, dans une raison de force qui n'affiche que leur faiblesse. Sur ce sujet, de la force, le Magazine Philosophie numéro d'avril, qui illustre très bien cette notion de force et de faiblesse.

De l'autre :

Les pays occidentaux qui craignent d'être dépassé par toutes ces situations de violence et qui poursuivent une quête nébuleuse dans des concepts obscurs,

Nous avons encore bien du mal avec nos corps surtout lorsque la notion de plaisir refait surface. On se pensait libéré, en essayant de libérer nos sexes, et nous avons perdu de vue cette notion de plaisir. C'est cette notion de plaisir qui est déstabilisante pour tous les pouvoirs. Il en est question dans ce roman D'Umberto Eco, Le nom de la rose ; et aussi on retrouve cette notion de plaisir même dans les pages les plus sombres de l'écrivaine Syrienne : Samar Yazbek.

Enfin nous préférons les états seconds, à la réalité la plus crue, votre citation de Polanski arrive à point.

Magnifiques vos couvertures de Vogue des années 20 et 30. Ces dessins portent aux rêves. Et le rêve est une partie du plaisir.

Bonne journées à vous

Richard St-Laurent





KOGAN a dit…

Bonjour RICHARD ST LAURENT

Vous avez raison mais je dirais encore plus fort que vous:

On ne nous distrait pas de l'essentiel, on nous en détourne carrément!!!
les "nouveaux médias" et l'UBERisation de la presse s'y emploient avec application.

Heureusement certains journalistes commencent à réagir je pense à Natacha POLONY qui n'a pas peur de dire la vérité.

Mais pour conserver notre sens commun et notre vigilance dans cette haine morbide ou nous sommes malheureusement installés (et ce n'est pas peut-être),nos "sachants" et "bien pensants" feraient bien de sortir du principe de PETER avant qu'il ne soit trop tard, et que l'histoire se répète...

Cordialement.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

C'est vrai qu'on peut interpréter de mille manières le port du voile. C'est quand même plus souvent un instrument d'oppression que de séduction.

Je ne connais pas ALLA KOSTROMICHEVA même si je découvre qu'elle est ukrainienne. Mais j'ai l'impression qu'il y en a des centaines de milliers comme elle en Ukraine. Les jolies filles, le pays n'en est vraiment pas dépourvu.

Je vous invite à aller le vérifier en allant à Kiev ou Odessa.

Bien à vous

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

C'est vrai qu'on accorde peut-être une importance disproportionnée à cette affaire de voile.

Le port du voile demeure, de toute façon, vraiment très minoritaire en France.

Mais ça conditionne quand même bien quelque chose d'essentiel: les relations entre les hommes et les femmes; il faut bien reconnaître que le modèle occidental se trouve petit à petit subverti. Tout le monde s'accorde à dire qu'il y a une évolution puritaine depuis quelques décennies.

Je partage vos avis positifs sur le livre de Samar Yazbek et la revue "Philosophie Magazine".

Quant à la revue Vogue, c'est sûr que les couvertures actuelles apparaissent bien banales en comparaison de celles des années Art Déco.

Bien à vous

Carmilla

nuages a dit…

Merci pour ce billet pertinent.
Je vous recommande un article de la blogueuse Nadia Geerts, ici :
http://nadiageerts.over-blog.com/

Elle analyse bien le fallacieux parallèle voile / minijupe.

Elle a aussi écrit un livre fort intéressant sur la question du voile.

Bien à vous

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci Nuages pour votre commentaire et la référence à Nadia Geerts.

Je souscris entièrement, bien entendu, aux propos de Nadia Geerts. C'est juste et percutant et, sans doute, choquant(à contre-courant de la pensée dominante). Associer l'étoile juive et le voile, même si c'est extrême, ça ne m'apparaît pas faux.

Mon post apparaît, évidemment, un peu nullard en comparaison. Je n'aurais pas osé l'écrire si j'avais lu, préalablement, ce texte. Mais, il faut, aussi, savoir reconnaître ses propres insuffisances.

Bien à vous.

Carmilla