samedi 15 octobre 2016

Professeurs de bonheur


Comme à peu près tout le monde, je ne suis jamais complètement sereine, d'humeur égale, mais souvent changeante, incertaine: tantôt introvertie, repliée, inquiète, anxieuse, avec des coups de blues, tantôt extravertie, presque exaltée, exubérante. Bref, déconcertante!


Ce sont les hauts et les bas de la vie, sa bipolarité dit-on aujourd'hui. Je devrais, peut-être, consulter un thérapeute, un expert, j'en sortirais, peut-être, rassérénée, pacifiée. Et d'ailleurs, ça ne manque pas, aujourd'hui, tous les "spécialistes" de l'âme disposés à orienter, dicter, votre conduite.


Il y a, comme ça, plein de thérapies à la mode: la méditation, le yoga, le zen, la relaxation. Ça rejoint aussi les conseils, souvent prodigués, comme quoi il faudrait lever le pied, lâcher prise, être cool. J'avoue que ça me fait un peu rigoler. Outre le côté fumeux qui sous-tend toutes ces démarches, je n'éprouve vraiment pas le besoin de faire le vide, de me calmer, de ralentir, de me poser. D'ailleurs, est-ce qu'on a vraiment besoin du vide ? Est-ce qu'on n'a pas, plutôt, besoin d'un espace mental dans le cadre duquel on puisse respirer ? La méditation, le zen, le yoga etc..., ça m'apparaît surtout comme des injonctions à éloigner ses mauvaises pensées, à être sage, à se comporter comme les autres. Je préfère rester une excitée, une révoltée, perpétuelle.


Très à la mode, en entreprise: le coach. On m'en propose un, régulièrement, mais ça me laisse perplexe. Je me vois vraiment mal avec un coach; qu'est-ce qu'on pourrait avoir à se dire ? C'est sûr que je travaille d'une manière très particulière, l'organisation n'est pas mon fort, me suivre n'est sans doute pas facile mais j'y ai trouvé mon efficacité; un coach, ça risquerait, avec moi, de tourner à la relation sado-maso: qui deviendrait le toutou de l'autre ?


Et puis, il y a tous les bons conseils dispensés dans les medias, la presse, les magazines (surtout féminins), voire dans la littérature (Vincent Delerm). On nous encourage à nous accorder plein de plaisirs, mais des petits plaisirs, des plaisirs riquiquis: boire une bonne bière, se faire une bonne bouffe, contempler un beau paysage, glandouiller bêtement. Ça me consterne complètement, ce n'est pas du tout comme ça que je vois la vie. Les petits plaisirs, oui! Moi-même, j'aime bien (au risque de passer pour une plouc) boire une bonne bière. Mais ce n'est pas ça qui peut me faire carburer: pourquoi, seulement, des petits plaisirs? Où sont les grands plaisirs ?


Enfin, il y a la psychologisation, la psychiatrisation, générales de nos vies. Si je ne me sens pas bien, c'est que je fais mes crises: de l'adolescence, de l'assomption de la féminité, de l'accouchement, de la ménopause etc...Ramener les choses à mon complexe d'Oedipe, à ma débandade biologique, catégoriser un mal être, ça permet d'évacuer la souffrance réelle. Ça permet de brider mes aspirations à autre chose.


On est pleins de sollicitude, on veut qu'on se sente bien, qu'on se dise heureux quoi qu'il en soit, à tout prix, au point d'effacer nos désirs profonds.

Et c'est ça la question:! Toutes ces belles machines institutionnelles censées nous dispenser apaisement et bonheur, ça n'a pas d'autre finalité que de nous tenir en laisse, de brider nos désirs, de faire de nous de braves toutous, tranquilles et sympas !

L'injonction au bonheur, c'est la domestication, la servitude ! Il faudrait être, sans cesse, gentille, aimable, souriante !


Malheureusement, je me sens complètement à côté de ça: mes états d'âme, mes oscillations d'humeur, mes coups de déprime, ça n'est jamais, en fait, que l'expression de mes désirs qui se cherchent. Et les désirs, mes désirs, sont forcément transgressifs! Et pour ça, je n'ai surtout pas besoin d'experts, de professeurs.


Tableaux de Krzysztof KIWERSKI, peintre polonais né en 1948 à POZNAN.

2 commentaires:

KOGAN a dit…

Bonsoir CARMILLA

Merci à vous pour le message de votre précédent post.

Je vais encore être gentil (bien que ce ne soit pas un métier), mais en cette période de "fête du temps de notre joie" que quelques amis célèbrent en ce moment,irradions notre vie comme un anneau de saturne, car notre vie n'est qu'un souffle qui s'arrêtera un jour,et n'oublions jamais la puissance du vulnérable qui est en nous...

Alors continuez d'être dans le romanesque et la littérature comme vous le faites sur votre blog, en allant à la rencontre des mots et des oeuvres que vous affectionnez, en sachant toujours joindre à un tempérament de vampire... la discrétion d'une anémone.

Bonne fin de week-end.
Bien à vous.
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

La "Fête du temps de notre joie", je la connais, bien sûr.

La littérature, le romanesque, je ne sais pas si je suis bien douée pour ça. Surtout que je vis dans un milieu professionnel qui y est totalement étranger. Mais ça me fait quand même plaisir de recevoir des encouragements comme ceux que vous prodiguez.

L'anémone, elle, elle me laisse sceptique. Ce n'est vraiment pas comme ça que je me vois mais ça n'est pas grave.

Bien à vous

Carmilla