dimanche 14 mai 2017

Des souvenirs


Qu'est-ce qui reste en nous d'une vie, de sa vie, qu'est-ce qu'on en retient ? Quelles images viennent hanter, en boucle, nos rêves, nous empêchent de dormir ? Le bonheur, le malheur ?


J'ai la réputation d'être hyper-mnésique, de tout imprimer, définitivement, dans mon cerveau. C'est vrai que j'ai, probablement, une bonne mémoire dans le temps. Je suis capable de reconstituer instantanément ce que je faisais, tel jour, il y a 1 an, 5 ans, 10 ans et au-delà. Je me souviens de tout, je n'oublie à peu près rien. C'est pour ça que je déteste tous les systèmes électroniques d'agenda, de repérage (je n'ai ni GPS, ni calculatrice, c'est à peine si j'ai un i-phone) : je n'ai pas besoin de ça!

Je tiens ça de ma mère qui était championne de calcul mental et ordinateur à elle-même. Je suis probablement imbattable dans le domaine du temps mais, en ce qui concerne la mémoire visuelle, je suis, plutôt,  déficiente: j'ai du mal à reconnaître les gens, ils m'apparaissent toujours différents de l'image que j'avais d'eux.


La mémoire, en fait, elle est largement émotionnelle, affective, et je fais, donc, comme tout le monde: je trie, je sélectionne mes souvenirs. Et ce que je tamise, ce qui vient ensuite me hanter, ce ne sont pas tellement les moments heureux de ma vie.


Le bonheur (les amours, les fêtes), il est sans prolongement. Il est, tout entier, dans le registre de l'instant, il ne nous change pas, il est sans vertu formatrice, éducative. On le vit passivement, simplement, dans son immédiateté sans en retirer une quelconque leçon. C'est pourquoi, il s'efface vite et s'inverse même, le plus souvent, dans le malheur. Le bonheur n'est jamais sans contrepartie !

Finalement, évoquer les instants de bonheur, c'est toujours douloureux. Pour ma part, j'évite, j'évacue ça ! Mes amants, je veux, surtout, les oublier !


En fait, ce que je revis, principalement, c'est tout ce qui m'a fait souffrir : ma détresse et ma solitude lorsque j'étais écolière, les humiliations vécues (tous les types qui m'ont dit que j'étais nulle), la honte éprouvée (t'es habillée comme une pute ou une provinciale), la maladie et la mort des proches (les cercueils de mes parents, de ma sœur) !  Les souvenirs, pour moi, c'est surtout tragique !


Mais ça n'est quand même pas que ça. Les souvenirs, c'est aussi, et beaucoup, la nostalgie. La nuit, dans mes rêves, elle m'assaille sans cesse. Et la nostalgie, ce n'est pas tellement le bonheur, c'est la mélancolie, une tristesse diffuse mais exaltante.


La nostalgie, ce sont tous les lieux où j'ai pu vivre, autrefois, et qui appartiennent, maintenant, à un passé complètement révolu: Téhéran, Moscou, Kiev, Varsovie.

Ça n'était peut-être pas beau à cette époque, voire carrément affreux et, même, sinistre. Mais la beauté, l'agrément, d'un pays, ce n'est pas simplement ça qui fait qu'on s'y sente heureux. La laideur, la mélancolie aiguisent le regard, l'intelligence. J'aime ce que l'on juge moche !



Même si c'était peut-être des pays d'une infinie tristesse, j'y ai, aussi, été heureuse. Mais aujourd'hui, quand je reviens là-bas, je ne retrouve plus rien, tout est devenu comme ailleurs. Une autre grisaille s'est substituée, celle de la banalité mondialisée avec une même uniformité urbaine.

Je vis, aujourd'hui, à Paris 17ème (près du Parc Monceau), l'un des sommets de la culture européenne. Mais je sais aussi que je pourrais vivre sans aucun problème (et j'y serais peut-être, même, plus heureuse) à Laon, à Astana, à Perm.


Tableaux de Christian SCHLOE, jeune artiste surréaliste autrichien:  peut-être pas un grand peintre mais qui m'a semblé s'accorder à mon propos.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

💤

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Anonyme !

Oui ! J'ai effectivement voulu évoquer le rêve et tout ce qui nous assaille durant le sommeil.

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…

Pas mal la réponse...

Bien à vous
Jeff