dimanche 21 janvier 2018

Des nationalismes


On parle beaucoup de la Catalogne en ce moment. Ce qui m'étonne, c'est qu'on est presque unanimes, en Europe de l'Ouest, à condamner la volonté d'indépendance de la région. Ce serait une catastrophe épouvantable, nous dit-on, et ça pourrait préfigurer un éclatement général de l'Europe.



Je ne connais rien au sujet, j'ai à peine visité l'Espagne et je n'ai jamais mis les pieds à Barcelone. Et puis, je n'aime pas du tout les nationalismes.



Mais l'inquiétude et la réprobation exprimées m'apparaissent aujourd'hui bien suspectes. D'abord, il faut rappeler qu'une large partie de l'Europe (en particulier l'Europe Centrale) a été remodelée, au lendemain des deux guerres, sur la base du principe des Etats-Nations. On ne voulait plus d'Empires, on les a détruits (l'Autriche-Hongrie). Place aux peuples, aux nations.


Et puis, je me souviens qu'il n'y a pas si longtemps, on avait accueilli avec plein d'enthousiasme et on avait favorisé la dislocation de la Yougoslavie. Ça ne posait vraiment aucun problème l'indépendance de tous ces charmants pays: la Slovénie, la Croatie,  la Bosnie, la Macédoine, le Kosovo.


On peut être prompts, en fait, à soutenir les nationalismes. On est tous convaincus, par exemple, qu'il existe une entité palestinienne incontestable. Ou bien, pour s'en tenir simplement à la France, est-ce qu'on ne soutiendrait pas sans condition un projet d'indépendance du Québec ou une sécession de la Wallonie ?


En fait, on a une politique étrangère à géométrie variable, guidée par nos seuls intérêts propres.


On se donne ainsi bonne conscience en condamnant lourdement les pays d'Europe Centrale (Pologne, Hongrie, Slovaquie) qui ne veulent pas accueillir de migrants. Quels ingrats, quels égoïstes, même pas reconnaissants de l'aide et des subventions qu'on leur accorde !


Je ne veux, bien sûr, pas défendre ces pays mais l'indignation européenne m'apparaît d'une totale hypocrisie.


Là encore, il faut rappeler que ces pays se sont vidés de leur population depuis près de trente ans : la Pologne et la Roumanie ont, chacune, perdu plus de 2 millions d'habitants, la Bulgarie près de 1 million. Et c'est évidemment la population la plus diplômée et la plus dynamique qui est partie à l'Ouest. Alors remplacer ces départs par des migrants apparaît, aux habitants d'Europe Centrale, un véritable jeu de dupes. Cela suscite une angoisse identitaire et ils ont l'impression qu'on se moque d'eux. Ils n'arrivent pas à croire qu'ils pourront être gagnants avec l'immigration


Surtout, l'Europe de l'Ouest accuse sans cesse ces pays de concurrence économique déloyale et  s'efforce de mettre en place des barrières et des mesures protectrices. On rabâche ainsi aux Français que si leurs usines et entreprises partent en Pologne, c'est parce que l'on pratique là-bas un dumping social avec de bas salaires. C'est sans doute une explication consolante mais elle n'est plus vraie. Il y a aussi de bonnes raisons objectives, beaucoup moins glorieuses, pour l'économie française.


Images de François SCHUITEN (né en 1956), le célèbre dessinateur belge de bande dessinée. Je trouve ça remarquable sur le plan pictural.

6 commentaires:

Unknown a dit…

Merci chère Carmilla de nous faire découvrir ce dessinateur. Son travail m'enthousiasme vraiment.
Vous ai-je dit que j'étais moi-même dessinatrice ? Pas dans la bande dessinée, mais dans le Dessin Animé; ce n'est pas si éloigné.

Quant à vos propos sur les nationalismes, je les partage et tout comme vous je suis excédée par ce qu'on raconte sur ces pauvres pays de l'est, comme la Pologne, un pays qui a eu son lot de malheurs...

Je vous souhaite un bon dimanche.

Ariane.

nuages a dit…

Ce qui posait problème, en tout cas, en Catalogne, c'est le coup de force des indépendantistes, qui ont organisé un référendum illégal, puis ont proclamé l'indépendance unilatéralement, en sachant parfaitement qu'ils violaient la loi et la constitution. Même si, effectivement, les peines encourues pour "rébellion" et "sédition" semblent effarantes, c'est un risque délibéré qu'ils ont pris.

D'autre part, l'idée indépendantiste ne fait nullement l'unanimité en Catalogne. Les trois listes indépendantistes ont certes eu 70 sièges sur 135, mais c'est en raison de la sous-représentation de la province de Barcelone, moins indépendantiste, par rapport aux autres provinces, plus rurales. Les indépendantistes n'ont totalisé qu'un peu plus de 47 %, ce qui est bien insuffisant pour lancer un processus de séparation d'avec l'Espagne.

L'idéal, cela aurait été, comme au Royaume-Uni vis-à-vis de l'Ecosse, d'organiser un référendum légal. Finalement, 55 % des Ecossais ont voté non à l'indépendance.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Ariane,

Plus qu'à de petites images Internet, il convient de se reporter aux albums mêmes de Schuiten.

C'est magnifique !

L'histoire de l'art du 20 ème siècle est étonnante. D'un côté, un art "muséal", formaliste et abstrait, reposant sur une culture élitiste de la "distinction".

De l'autre, une explosion de l'image, notamment avec la bande dessinée, la photographie et, quelquefois, le "street art". Ce sont des formes d'expression qui ne sont pas moins artistiques que les formes reconnues et qui en disent souvent plus sur la vie, l'histoire, l'existence.

J'aimerais bien savoir dessiner mais je n'ai, malheureusement, aucun talent.

Quant aux "pays de l'Est", je ne les défends pas mais je veux simplement préciser que les points de vue diffèrent beaucoup selon les pays.

Quand Wirhlpool s'installe en Pologne, on est contents là-bas (c'est pareil pour les Français, quand Toyota vient investir). Quant aux travailleurs détachés, on est absolument insensibles à l'indignation française.

Bien à vous

Carmilla


Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

A titre personnel, je suis très pro-européenne et je pense qu'il est préférable que les peuples parviennent à s'entendre.

S'agissant de la Catalogne, j'aurais tendance à penser comme vous mais je connais vraiment trop mal la région pour oser avoir un avis.

Je ne sais pas s'il y a beaucoup de pays dont la constitution prévoit la possibilité d'organiser un référendum sur l'indépendance d'une région. Ce n'est sûrement pas le cas de la France.

Bien à vous

Carmilla

nuages a dit…

Je n'ai pas étudié la question, mais je sais qu'il y aura quand même un référendum d'autodétermination en Nouvelle-Calédonie, territoire français d'outre-mer, très bientôt.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Consultation_sur_l%27accession_de_la_Nouvelle-Calédonie_à_la_pleine_souveraineté

Pour ma part, je dirais que l'appartenance d'une région à un Etat devrait résulter d'un contrat, d'un accord réciproque. La sécession ne devrait pas être aisée, mais ne pas être tout à fait impossible.

Carmilla Le Golem a dit…

En effet Nuages,

Mais j'avoue que je ne sais pas jusqu'où l'on ira concernant la Nouvelle-Calédonie.

Quant à une sécession pacifique, sans mouvements violents, sur la base d'un contrat, je ne sais pas si c'est possible. Ça a tout de même été le cas pour la Slovaquie.

Mais le plus souvent, c'est la force qui prévaut: la Transnistrie, le Donbass, la Crimée.

Bien à vous,

Carmilla