samedi 10 février 2018

De la misère sexuelle



De la libération de la parole des femmes, de "me too" et "balance ton porc", je commence à avoir par dessus la tête: un bel étalage de niaiserie, de confusion, de querelles haineuses.


On a déversé avec plaisir des tombereaux d'injures sur Catherine Deneuve: une vieille, friquée et ringarde. Pareil pour Catherine Millet qui, en plus, est mythomane. J'ai remarqué qu'on n'avait toutefois pas osé s'en prendre à Abnousse Shalmani et Cécile Guilbert. C'était sans doute plus délicat.


J'ai quand même été intéressée par un article de Marcela Iacub paru dans "Libération". Elle dit que le problème, c'est celui de la domination structurelle, qui semble naturelle, exercée par les hommes sur les femmes. La liberté d'importuner ne devrait donc plus être le monopole du mâle dominateur; elle devrait être étendue aux femmes qui se verraient reconnaître le droit d'avoir une attitude active, d'être même des prédatrices, voire des "truies", vis à vis des hommes.


Je suis assez d'accord avec ça mais il me semble vraiment que les femmes ne sont pas systématiquement les dominées dans une relation de séduction. Bien souvent, au contraire, ce sont elles qui mènent le jeu et qui choisissent.


Dire des femmes qu'elles ne sont aujourd'hui que de simples objets de convoitise, ça m'apparaît caricatural. N'en déplaise aux féministes pleurnichardes, les situations de pouvoir, ce sont plutôt elles qui, souvent, les exercent. J'en sais quelque chose, moi Carmilla la vampire: je n'attends pas, comme une idiote, qu'on me fasse la cour.


En réalité, je crois que la véritable séparation, dans la relation érotique, elle n'est pas entre les sexes, les hommes et les femmes.

Elle est entre ceux qui sont admis à participer à la compétition sexuelle et ceux qui en sont exclus.


Il ne faut pas, en effet, occulter une réalité bien sombre. On croit vivre une époque de liberté sexuelle. En fait, la misère et la frustration sexuelles n'ont jamais été aussi grandes.


Michel Houellebecq l'a bien démontré: le capitalisme a étendu la compétition de la sphère économique à la sphère sexuelle. Mais ça ne débouche évidemment pas sur la félicité universelle. Ça ne concerne que quelques élus: en gros, les jeunes, les beaux et les riches. Si vous êtes moche et/ou pauvre, vous n'avez aucune chance de participer aux réjouissances. A vous la solitude et l'humiliation.

Souvent, je compatis et je pense à la tristesse profonde de la fille laide dont tout le monde se moque et qu'aucun mec n'invite jamais. Ou bien le pauvre type vieux, petit, bedonnant. Ces gens là, innombrables, ne profitent guère de la soi-disant révolution sexuelle. Ils sont totalement transparents et n'ont droit ni à un regard, ni à une parole.

C'est peut-être cela véritable inégalité.



Tableaux de Mike WORRALL, artiste britannique né en 1942.

Dans le prolongement de ce post, je conseille le film étonnant, "Revenge", de Coralie FARGEAT. On peut en faire, toutefois, différentes interprétations.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Carmilla,
nul besoin d'être un sage ou un érudit pour constater que chaque être vivant étend le pouvoir vital dont il dispose pour assurer au mieux les conditions matérielles et symboliques de sa survie. Et en matière de désir, d'émotions, de maîtrise des relations, voire de sentiments, les hommes sont des nains, le plus souvent.
Ils ont étendu leur pouvoir au contrôle social de ce qui leur échappait, et la puissance féminine en est l'un des principaux aspects. En particulier, ils ont dit le droit, défini les masques des personnages du théâtre public, distribué des fonctions sexuées séparées. Mais cela change, comme en atteste depuis plusieurs années les renversements que connaissent les grands corps d'élites sociales. Par exemple, 289 jeunes femmes de moins de 23 ans ont été admises en 2017 au premier concours de l'Ecole Nationale de la Magistrature. Les garçons étaient 73 (soit 20 %). Elles diront le droit. C'est tellement évident. Alors, patriarcat? patriarcalisme? Sûrement, mais féminin.
Bien à vous.
Alban

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

Votre analyse est pertinente. On assiste, en effet, à une redéfinition, un bouleversement, des relations entre les sexes.

Mais ce sont peut-être les mères, plus que les femmes, qui sont en train de prendre le pouvoir pour administrer une société infantilisée dans la quelle tout le monde aura peur de tout et se mettra, spontanément, sous la protection d'un pouvoir maternant.

Je ne savais pas que l'E.N.M. accueillait maintenant autant d'étudiantes femmes. Mais il est vrai que c'est la tendance générale des grands concours de la fonction publique. Il n'y a que dans les disciplines scientifiques et mathématiques que les femmes demeurent minoritaires. Mais cela est appelé, également, à changer.

Bien à vous,

Carmilla

Eric a dit…

C'est jouissif de lire un article écrit avec une solide dose de bon sens! Cela nous manque tant actuellement... Comme souvent en temps de crise, on en revient aux bonnes vieilles chasses à la sorcière, d'autant plus pernicieuses que le vrai est habilement mélangé au faux. Des gens se retrouvent mis au pilori sur base de rumeurs et sans aucune forme d'enquête ni de procès. C'est la base de la terreur, où tout le monde doit avoir peur de tout le monde. A défaut de vente libre d'armes à n'importe qui, c'est très efficace et la société se tient coi.

La seule chose où je ne partage pas votre avis, c'est concernant la répartition de la "misère sexuelle". Heureusement les pauvres (à partir de quel moment est-on pauvre? Suis-je pauvre?) sont parfois bien plus chanceux dans ce domaine que certains riches. Simplement ils n'en font pas étalage dans des magasines au papier glacé. Et le papier cela se laisse aisément imprimer, tout le monde sait cela :D

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Eric pour votre message,

Je pense en effet que nous sommes aujourd'hui en pleine confusion mentale: on mélange tout, on met sur le même plan une véritable agression sexuelle et de simples propos grivois. Et puis, en effet, on s'adonne avec délices à la délation.

Je crois aussi que toutes les femmes ne sont pas malheureuses et persécutées. Une jolie femme retire un véritable pouvoir de sa beauté.

S'agissant de la misère sexuelle, c'est vrai que les pas beaux et les pauvres arrivent aussi à tirer leur épingle du jeu et c'est tant mieux mais c'est sans doute plus difficile. Il faut savoir faire preuve d'originalité.

Bien à vous,

Carmilla