samedi 20 novembre 2021

L'inconnue de la Seine

 


Un nouveau portrait féminin aujourd'hui mais celui d'une inconnue. 

N'importe quoi, allez-vous me dire ! Sauf que cette inconnue a conquis, au début du 20 ème siècle, une immense célébrité, qu'elle a inspiré poètes et artistes, qu'elle est devenue un objet décoratif puis un mythe, une icône érotique bien avant Greta Garbo et Marlène Dietrich.

Le point de départ de cette histoire, c'est un beau jour de 1880, à Paris, quand le corps d'une jeune femme est repêché de la Seine (Quai du Louvre ou canal de l'Ourcq). Un corps parfaitement intact, sans aucune trace de violence. On conclut à un suicide. 

 Le corps est alors exposé à la morgue, située quai de l'Archevêché, tout près de Notre-Dame, dans le but d'être identifié par des visiteurs.

Il faut savoir qu'à cette époque, les morgues étaient des lieux très fréquentés gratuitement ouverts à tous. Des badauds et des habitués (gamins, grandes dames, ouvriers, rentiers) s'y pressaient,  parfois même en famille, pour contempler, avec fascination, les cadavres exhibés, derrière de grandes vitres, sur des dalles de marbre noir. On peut même souligner que la morgue était l'une des visites favorites des Parisiens et qu'elle était un incontournable des guides touristiques. 

On trouve une description de ce "spectacle" populaire chez Zola ("Thérèse Raquin"). C'est la foule des curieux (plusieurs milliers chaque jour !) qui les envahissaient qui a conduit à la fermeture des morgues au public en 1907. Ça en dit long sur l'évolution de notre rapport à la Mort. Quels hurlements réprobateurs provoquerait, aujourd'hui, pareille exhibition !


 Quoi qu'il en soit, personne n'a pu identifier le corps de la jeune noyée mais tout le monde a été impressionné par sa beauté et surtout son sourire énigmatique. Très jeune, moins de 20 ans, un visage aux traits fins et réguliers, une coiffure courte et symétrique dégageant un large front. Surtout l'ombre d'un regard intérieur lui donnant un air apaisé, soulagé, dans la mort. Une beauté sereine et paisible, en total contraste avec le visage habituel des noyés (gonflés et décomposés par l'angoisse). On raconte que la poétesse américaine, Sylvia Plath, se serait inspirée de sa coiffure.

C'est cette beauté mystérieuse qui conduit le médecin-légiste à demander la réalisation d'un masque mortuaire. Un mouleur (une profession aujourd'hui quasi disparue mais courante, encore, à l'époque) s'en charge et celui-ci décide de le commercialiser en le vendant dans sa boutique. Et très vite, ce masque va se vendre, servir de décoration d'intérieur et inspirer artistes, écrivains et étudiants.

C'est d'abord Rainer Maria Rilke qui, en 1902, fait part de sa découverte troublante du masque. Une légende prend alors corps, une légende dont vont s'emparer, parmi les écrivains les plus célèbres, Claire Goll,  Anaïs Nin,  Ödön von Horváth, Vladimir Nabokov, Albert Camus, Maurice Blanchot. Mais aussi, Louis-Ferdinand Céline, qui propose le masque de l'inconnue en lieu et place de sa photo, et surtout  Louis Aragon qui, pour l'illustration de son roman "Aurélien", reprend des photos, réalisées par Man Ray, du masque de l'inconnue. Rappelons qu'"Aurélien", c'est le roman de l'impossibilité du couple. Aurélien avait d'abord perçu Bérénice comme carrément moche, puis il l'avait vue transfigurée et en était tombé amoureux.

L'engouement pour l'Inconnue s'estompera peu à peu, au début du 20 ème siècle, avec la gloire montante des grandes stars du cinéma mais peu importe. L'Inconnue de la Seine a réactivé un mythe puissant, celui d'Ophélie.


 La figure de la noyée est, en fait, un thème très à la mode de l'expression artistique au 19 ème siècle. Si l'on ose le dire, la noyée fait vraiment "bander" à cette époque et on ne compte plus les représentations picturales de belles noyées. Ça remonte bien sûr à Shakespeare et son Ophélie (grande amoureuse éconduite par Hamlet), plus tard immortalisée par le peintre préraphaélite Millais et le célébrissime poème d'Arthur Rimbaud. "Ophélie, c'est le symbole de l'insignifiance de notre destin" (Gaston Bachelard).

La question est alors évidemment de savoir ce qui rend si érotique une noyée. C'est peut-être toute l'ambiguïté de l'élément liquide qui entre ici en jeu. D'ailleurs, on le sait bien, on n'a pas tous la même relation avec l'eau. Il y en a qui s'y sentent parfaitement à l'aise et d'autres qui en éprouvent une véritable phobie. L'eau, c'est en fait l'élément féminin par excellence, celui qui nous renvoie à notre relation primitive à la mère/la Mer (l'identité sonore des deux mots en français est significative).

L'eau, c'est d'abord le liquide amniotique dans le quel nous avons baigné, dans une complète plénitude, pendant 9 mois. Mais c'est aussi le milieu dont nous avons été chassés, expulsés, violemment. Ça a été le traumatisme de la naissance avec la sensation d'étouffer et la recherche désespérée de notre première respiration. Ça a été le début des ennuis, du "rien ne va" et de l'insatisfaction permanente. En bref, la porte ouverte sur l'Enfer.

Se noyer, c'est ainsi une tentative de retrouver le bonheur perdu et de réaffirmer la toute-puissance de la mère. 

La noyée, c'est finalement notre origine dévoilée et cette origine, elle est complexe, ambiguë. Donner la vie, c'est, en même temps, donner la Mort. Naître, c'est bien sûr commencer à vivre mais c'est aussi commencer à mourir.


 Et cette incomplétude, elle a une cause, La CAUSE, toujours niée, occultée :

"Le Monde appartient aux femmes.

C'est-à-dire à la Mort.

Là-dessus, tout le monde ment." Philippe Sollers ("Femmes").

Tableaux de John Everett Millais, Alexandre Cabanel, Eugène Delacroix, Louis Anquetin, E.L. Kirchner,  Louis-Maurice Boutet de Monvel , Paul-Albert Steck, Odilon Redon.

Il est encore facile de se procurer une copie du masque de "l'Inconnue de la Seine". Outre les Antiquaires, le plus simple est de s'adresser à l'atelier de moulure Lorenzi à Arcueil (www.atelierlorenzi.com). Ça vous coûtera environ 180 euros mais il s'agit d'un professionnel, l'un des derniers mouleurs d'Art. Un éventuel joli cadeau de Noël.

- Didier BLONDE : "L'inconnue de la Seine". Un écrivain de qualité, injustement peu connu. Je conseille également : "Leïlah Mahi, 1932" et "Le Figurant".

- Monica SABOLO : "Summer", un très bon livre de l'année 2017 qui a pour cadre Le Lac Léman et qui est aussi une relecture du mythe d'Ophélie.

7 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
Une femme très inspirante.
Amelia Earhart, aviatrice, fut pour moi d’une grande inspiration. Certes, lorsqu’on disparaît sans laisser de trace, cela augmente le niveau de popularité, elle qui n’en manquait pas avec tous ses records de vol. Votre inconnue de la Seine me permet de toucher un mot de cette grande dame de l’air, qui ne reculait devant aucun défi. Elle a été portée disparue entre Lae, (Papouasie-Nouvelle-Guinée) et le minuscule îlot de Howland lors de son tour du monde à bord d’un Lockheed Electra 10-E, en compagnie de son chevronné navigateur Fed Noonan. Le corps de votre inconnue de la Seine a été retrouvé, pas celui d’Amelia Earhart.
Nous partageons dans nos cheminements, un point commun, après notre baptême de l’air, nous avons décidé que c’est cela que nous voulions faire, voler, et nous l’avons fait, nous sommes devenus pilote. Certes à une époque différente, mais dans un état d’esprit semblable, celui de la ténacité. Je me suis reconnu dans le cheminement d’Earhart. Rien de facile, mais nous pouvions tout faire.
Il suffit de regarder attentivement ses nombreuses photos, ce regard perçant, volontaire, dans une espèce de morgue provocatrice sur fond de liberté incontrôlable, toujours à la frontière du sourire entre la provocation et l’ironie. Elle aura été la première femme à traverser l’Atlantique en mai 1932, ce qui n’était pas banal à l’époque.
Nombreux sont ceux qui l’on traité de garçon manqué, ce qui avait débuté bien avant sa carrière d’aviatrice, grimper aux arbres, dévaler les pentes en traîneaux dans des trains d’enfer, ou encore adolescente, chasser les rats avec sa carabine de calibre 22. Elle fut infirmière, a étudié en médecine à l’université, travailleuse sociale, auteure, journaliste, puis elle a tout plaquée pour voler, tout simplement voler. Au niveau de sa beauté, elle n’avait rien à envier à votre inconnue de la Seine. Je l’ai toujours trouvé très jolie. Physiquement c’est mon genre de femme. Mais, cela s’arrête là, il faut que j’ajoute que nous sommes deux caractériels, pas sûr que nous aurions volé longtemps ensemble. Disons, que forcer la note pour nous deux, c’est pratiquement une vocation. Nous avons éprouvé autant les humains que les matériaux.
Ceux qui disparaissent à jamais, ceux dont on ne retrouve jamais les corps, ne sont jamais morts, autant pour les marins que les aviateurs, c’est un sentiment que nous partageons, ils vivent encore dans nos légendes. Nous pouvons nous souvenir de Saint-Exupéry qui lui aussi a été porté disparu et de nombreux autres, comme ceux qu’on a jamais retrouvé dans le nord. Pas de monument, pas de pierre tombale, rien que le vide, mais quel vide, un vide débordant de vie et de ténacité, fruit d’une vie passionnante, un pied-de-nez à la mort.
Pour le reste, il semblerait que l’explication la plus plausible soit une erreur de navigation. Arrivé au bout de leur carburant, ils n’ont pas trouvé l’île minuscule de Howland. Le reste est facile à imaginer…

Voilà une femme inspirante autant physiquement que mentalement, un être humain d’exception.

Merci pour votre texte Carmilla et bon vent

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il est curieux que vous me parliez aujourd'hui d'une aviatrice (vous comprendrez pourquoi samedi prochain).

Il fallait sans doute beaucoup de courage, autrefois, pour piloter un avion parce que les accidents, évidemment mortels, étaient nombreux.

J'avoue, à ma grande honte, ne pas connaître Amelia Earhart. Les références en France, c'est Maryse Bastié, Adrienne Bolland et Jacqueline Auriol (qui a donné son nom à ma piscine). En Union Soviétique, c'était Marina Raskova qui, pendant la 2nde guerre mondiale, a créé un régiment féminin de bombardiers de nuit et de chasse. On les appelait les "sorcières de la nuit" parce qu'elles harcelaient, sans cesse, les Allemands. Vous pouvez trouver un texte récent sur ce sujet(consultable en archive sur Internet) de Jacques Desmarets ("Les sorcières de la nuit").

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla.

Cela me surprend que vous ne connaissez pas Amelia Earhart.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Amelia_Earhart

Le dossier est pas mal, surtout sur sa disparition dans le Pacifique Ouest alors qu’elle faisait son tour du monde.

C’est tout un personnage. On raconte, et ce n’est pas une légende, elle engueulait son instructeur, alors qu’elle faisait son entraînement sur le Lockheed Electra 10-E. Parce qu’avant de faire son tour du monde, il lui a fallu qu’elle passe des examens pour piloter sur ce bimoteur, la pauvre, il lui a fallu commencer sur cet appareil difficile, qui plus est, passer aussi son pilotage sans visibilité (IFR). Ça lui prenait un appareil qui avait de l’autonomie et qui pouvait voler aux instruments, en plus elle avait un navigateur hors pair en la personne de Fred Noonan, qui était chef instructeur pour pour les navigateurs chez Pan-Américain. On entreprenait pas un tour du monde sans préparation. Il faut se souvenir qu’elle avait traversé l’Atlantique Nord en mai 1932, cinq ans plus tard que Lindbergh et que c’était la première femme qui réussissait l’exploit. Après elle a battu plusieurs records de vol. Le vol au-dessus de la mer, elle connaissait, elle avait effectué plusieurs vols entre Hawaï et la Californie, toujours en solitaire.

Effectivement elle était téméraire. Ce n’est pas la témérité qui l’habitait, c’était elle qui habitait la témérité. C’est là qu’un pilote devient dangereux.

Je m’explique mal le choix de l’île Howland pour faire son ravitaillement pour ensuite poursuivre sur Hawaï. C’est un îlot minuscule, perdu dans l’océan. Sans doute qu’ils ont volé aux instruments pendant une partie du voyage et que Noonan n’a pas pu faire de relevé au sextant pendant cette période. Il y a plus de 4,000 miles entre Lae et Howland, elle était à l’extrême limite de son autonomie. Elle a sans doute dévié de sa route et sans point de repère difficile de s’y retrouver.

Quand même, elle aura connu un destin exceptionnel.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Richard a dit…

J’ai bien hâte de connaître votre sujet de la semaine prochaine, je sens que cela va être intéressant.

Je connais toutes ces aviatrices, Jacqueline Auriol première femme à dépasser le mur du son, Adrienne Bolland, Maryse Bastier, bien avant de devenir pilote. Les sorcières de la nuit, je connais aussi. Il fut une époque de ma vie où je dévorais tous les ouvrages sur l’aviation.

Lorsque j’ouvre votre blog, dès les premières phrases ma réponse prend forme et cette semaine, j’ai pensé à Earhart qui n’avais jamais été retrouvé. Sans oublier que j’ai un camarade pilote qui sont dans le fond d’un lac pour l’éternité. Voler dans le nord du Québec, au-dessus de territoires isolés, peu peuplés, c’est excitant. Ce qui est intriguant dans votre texte, c’est qu’on a exposé cette personne et que personne n’a réclamé sa dépouille. Il y a du mystère dans cette histoire, tout comme la disparition de Earhart.

Il appert, que nos sujets se croisent, vous ouvrez une porte, j’en ouvre une autre, et voilà c’est parti.

Il n’y a pas honte à ne pas savoir; mais la honte retombe sur ceux qui ne veulent pas savoir. Vous, vous voulez tout savoir, vous accumulez les connaissances et vous n’en avez jamais assez. Sans doute que vous connaissez plusieurs sujets dont j’ignore tout.

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

C'est sans fausse modestie que je peux affirmer que j'ai d'énormes trous dans ma culture. Si je fais illusion, c'est parce que je suis très sélective: je n'étudie avec application que ce qui relève de mes préoccupations, que ce qui est en cohérence avec moi-même. Disons que ça recouvre en gros, chez moi, les finances, l'économie, l'Europe Centrale et du Nord (jusqu'à l'Oural), l'Iran, la psychanalyse, les langues étrangères, une certaine littérature, les récits de voyages, certains philosophes. Ce sont les seuls domaines dont je peux oser parler; le reste, il passe un peu à la trappe. Et puis, j'ai l'esprit très synthétique: je ne cherche pas à connaître tout à fond d'un domaine, je préfère comprendre une mécanique d'ensemble pour pouvoir, ensuite, l'exploiter. Mais ce que je raconte là est sans doute très prétentieux.

Quant à l'aviation, je conçois que ce soit un domaine passionnant. Mais encore faut-il avoir été, un jour, en contact avec ce monde, ce qui est tout de même assez rare. Je n'ai aucune idée des possibilités d'accès en France. Notre histoire personnelle est souvent façonnée par des hasards, opportunités.

S'il est donc des domaines que je connais dont vous ignorez tout, rassurez-vous la réciproque est sans doute vraie. L'étendue de ma propre ignorance est sans doute largement aussi vaste.

Quant à l'inconnue de la Seine, c'est effectivement étrange qu'on n'ait jamais pu l'identifier. Une foule d'écrivains et journalistes ont toutefois échafaudé de multiples hypothèses mais aucune vraiment concluante.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

L’inconnue de la Seine reste l’inconnue. Lorsque les humains ne trouvent aucune explication, aucune solution, ils ont tendance à fabuler, et les récits prennent la route des légendes, ce qui fut le cas en autre pour Earhart. Ça donne peut-être de belles histoires, mais ça n’apporte aucun éclaircissement.

J’ai été étonné d’apprendre par votre texte qu’on exposait les morts devant public. C’est quoi cette fascination pour les corps morts. Les mystères de la mort nous étouffent, nous paralysent, soulignent notre impuissance, et surtout notre fin ultime. Il n’y a pas de quoi en faire toute une histoire. Je préfère ceux qui disparaissent comme Earhart, Saint-Exupéry, Mermoz et combien d’autres qui ne sont jamais revenus. La mer et la forêt, font de très beaux lieux pour le grand repos. Pas besoin d’étaler notre culture et nos superstitions sur les morts. Ils sont morts, c’est tout.

Avant de mourir, vivons, c’est tout ce qui compte et cessons cette fascination pour la mort, elle s’invite mal dans la vie. Nous sommes nous les humains, je devrais dire les vivants, de la matière; de la matière qui bouge d’une manière élégante, qui pense, et surtout qui prend des décisions. C’est déjà pas mal comme évolution. Les indiens d’Amérique avaient des rapports très différents des Européens avec la mort, et je crois que dans ce domaine ils étaient en avance sur les supposés civilisés. Eux savaient d’instinct qu’ils faisaient parti d’un tout, qu’un corps c’est une masse, de la matière, et peu importe le moyen de disposer d’un corps, la manière importait peu, c’était cérémoniale, et disons-le : utilitaire. Ce qui fait que les humains en général ont toujours eu un rapport difficile avec certaines réalités.

Lorsqu’on ignore comment une personne est décédée, on se pose toujours la même question, qu’est-ce qu’elle a pensée devant ses derniers instants de vie? Nous ignorons, comme dans beaucoup de cas, et certainement avec la belle inconnue de la Seine comment s’est déroulé sa fin. Étais-ce un suicide? Un accident? Nous en savons rien, et c’est très bien ainsi, puisque la mort à mes yeux, est une chose personnelle très intime. Nous naissons seul, et surtout ne l’oublions pas, nous mourons seul. Entre les deux, il y a de quoi se faire du bon temps. Nous nous isolons pour deux choses dans la vie, avoir des relations sexuelles et mourir!

J’imagine Earhart, lorsque les moteurs de son Lockheed se sont arrêtés faute de carburant, par expérience, parce que j’ai vécu à quelques reprises ce genre d’événement, que son coeur s’est sans doute arrêté pour une fraction de seconde. Il ne reste plus qu’à faire un atterrissage forcé en beauté, ce qui n’est pas toujours évident, surtout sur la mer avec un avion terrestre. C’est tout ce que j’arrive à imaginer, le reste appartient à l’Océan Pacifique. Tu peux pleurer devant une pierre tombale dans un cimetière, étrange, tu ne pleures jamais devant un océan, qui a mes yeux, est, et demeure, le plus beau lieu de sépulture au monde.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Effectivement Richard,

La "spectacularisation" de la mort était sans doute plus forte autrefois : enterrements, cimetières, deuil, affliction. Il y a quand même des différences entre les pays européens. Dans les pays slaves par exemple, les cimetières demeurent très fréquentés et on continue d'y avoir le culte des morts.

Mais de plus en plus, la Mort, les morts, sont cachés. Le stade ultime, c'est la crémation quand on se contente de disperser les cendres dans la nature. On va bientôt devenir la première civilisation qui, dans toute l'histoire humaine, cessera d'honorer ses morts. C'était pourtant le premier signe de la naissance de l'humanité et de sa culture (aucun animal n'a conscience de la mort et n'enterre ses proches).

La fermeture des morgues, c'est effectivement un premier signe de cette évolution. Mais je me prends parfois aussi à penser. Cette évolution est-elle irréversible ? Que se passerait-il si l'on décidait aujourd'hui de rouvrir les morgues au public ? Les belles âmes hurleraient bien sûr. Mais est-ce que beaucoup de gens, de toutes conditions, beaucoup plus qu'on l'imagine, ne viendraient pas pour être confrontés à cette réalité qui leur est aujourd'hui dérobée ?

Bien à vous,

Carmilla