samedi 29 janvier 2022

L'autre Lénine, le vrai

 

J'aurais aimé connaître, je l'ai avoué, Marcel Proust et Friedrich Nietzsche. Leurs failles, leur dinguerie, les rendent, à mes yeux, profondément attachants.

Mais s'il est un grand homme qui me laisse de glace, que je n'aurais surtout pas voulu connaître, c'est bien Lénine. Son évocation me remplit, à chaque fois, d'amertume. Ses œuvres complètes (55 volumes en russe !) encombraient toutes les librairies du bloc communiste. C'était extraordinairement bon marché (presque une alternative, disait on, au papier hygiénique toujours manquant) mais, même bradé, ça ne se vendait pas du tout. La honte absolue, c'était même d'avoir un bouquin de Lénine dans sa bibliothèque mais je crois qu'on ne voyait jamais ça chez personne. Et puis chaque village d'Union Soviétique s'ornait d'une horrible statue de Lénine. Quand je pense que c'était à peu près la seule figure virile proposée à l'imagination des jeunes filles de province, je trouve que c'est à pleurer de rage.

Ça me sidère parce que continuent de paraître sur Lénine des flopées de bouquins mettant en avant son génie tactique et politique. Ou bien s'interrogeant : était il un dictateur ou un démocrate ? Staline l'a-t-il prolongé ou trahi ? Mais au total, personne ne semble douter qu'il ait été un grand homme.

Je ne veux, à vrai dire, même pas rentrer dans ces débats théoriques. On ne parle que des toutes dernières années de la vie de Lénine, à partir du moment où il a pris le pouvoir, mais tout ce qui précède, on le passe à la trappe. Quant à moi, ma vision du bonhomme est à la fois plus large et complétement terre à terre; je ne m'intéresse qu'à sa biographie, sa vie concrète, et je trouve que ça n'est vraiment pas exaltant. C'est même plutôt répulsif.
 
 
S'il fallait, en effet, caractériser, d'un mot, la personnalité de Lénine, on pourrait dire qu'il a, toute sa vie, été un parasite doublé d'un manipulateur. Un parasite économique et affectif aussi peu recommandable que ces suppôts du Grand Capital qu'il ne cessait de vitupérer.

 
Certes, il peut afficher, à sa décharge, un double drame, un traumatisme fondateur, dans son adolescence (à l'âge de 15 ans) : les morts successives de son père, haut fonctionnaire prestigieux (emporté par une hémorragie cérébrale, affection dont mourra, lui-même, Lénine, en 1924, à peu près au même âge, 54 ans, que son père) puis celle de son frère, Alexandre, anarchiste d'un groupe terroriste, exécuté à l'âge de 21 ans par la Justice du Tsar. Mais ça ne l'a apparemment pas incité à affronter l'adversité car il s'est réfugié dans une étrange apathie jusqu'en 1917. 
 

Celui qui allait être considéré comme un grand chef visionnaire a longtemps été (un peu comme Hitler mais en plus cultivé tout de même) un raté social : avant de conquérir le pouvoir suprême, il n'avait quasiment jamais travaillé et s'était contenté de mener une vie d'étudiant bohème, partagée entre des réunions politiques et la rédaction d'articles de propagande.
 

Pour cela, il s'est appuyé, sans vergogne, sur la bonté infinie de sa mère et l'indulgence de sa sœur aînée. Sa mère ponctionnait ainsi lourdement, au profit de Vladimir, sa retraite de veuve tandis que sa sœur, Anna, lui offrait un soutien psychologique continu.

 
Sa mère avait même essayé de lui fournir un travail en faisant l'acquisition d'une grande propriété agricole dont elle avait confié la gestion à son fils. Mais ce fut une catastrophe, Lénine se révélant totalement inapte à gérer une ferme et surtout rentrant en grave conflit avec ses paysans. Depuis lors, il se mit à entretenir, ainsi que l'ensemble des bolcheviks, une forte animosité envers la paysannerie (ces koulaks honnis qu'ils n'auront aucun scrupule à exterminer).


Dès lors, la "maman" compatissante ne cessera de se "priver" matériellement et de vendre, petit à petit, tout son patrimoine pour subvenir aux besoins matériels de son fils adoré. Après avoir à peu près tout vendu, elle a ouvert, avec le capital qui restait, un compte bancaire dont les intérêts ont aidé toute la famille à survivre. Lénine est ainsi devenu un "rentier", secouru par la Finance internationale abhorrée. De cette générosité de son entourage, Lénine ne semble d'ailleurs nullement se rendre compte et il n'en éprouve aucune reconnaissance. Il pense qu'elle lui est naturellement due.


Et ses besoins n'avaient rien de modestes. Lénine a ainsi passé près de 20 ans dans des pays d'émigration, s'installant en Suisse, en France, en Allemagne. Et il se refusait peu de choses, notamment des livres, des sorties au café et même un domestique à Zürich. Ses journées, il les consacrait largement à fréquenter les bibliothèques, à prendre des notes et à lire (mais il ne lisait rien de "distrayant" ou propre à développer l'imagination, rien que de la politique et de l'économie). Il avait peu d'amis avec les quels il ne savait parler que de sa Révolution. Quant à ses goûts littéraires, artistiques, musicaux, on ne sait  à peu près rien, il n'était sûrement pas un esthète. De plus, il était ascète, ne fumait pas, ne buvait pas, n'avait aucun humour. Seule fantaisie, seul loisir : il aimait faire du vélo. Il s'habillait, bien sûr, n'importe comment, c'est à dire de façon ridicule et négligée. Ce personnage, tellement peu séduisant, n'avait, logiquement, que des relation tendues et conflictuelles  avec ses proches. Intransigeant, véhément, pas drôle du tout et un peu toqué, c'est comme ça qu'il était généralement perçu.


Mais il a eu la chance de trouver, en plus de sa mère et de sa sœur, une troisième "poire", une troisième femme dévouée et compatissante. On peut même dire qu'elle s'est révélée d'une totale abnégation. Il s'agit de Nadia Krupskaïa, une jeune fille "sérieuse", d'un an plus âgée que Lénine, diplômée de pédagogie et pétrie de préoccupations sociales. Elle forcera carrément la main de Lénine en allant le rejoindre et en l'épousant en Sibérie, en 1895, où Lénine venait d'être relégué, ou plutôt assigné à résidence, pour une période de 5 ans. 


Elle n'était pas laide mais respirait la tristesse et l'austérité. Et puis, elle souffrait de la maladie de Basedow qui l'a progressivement défigurée. Il semble que la sexualité n'ait joué à peu près aucun rôle dans leur relation et ils n'ont d'ailleurs pas eu d'enfant. De toute manière, ça n'était visiblement pas une préoccupation de Lénine qui voyait dans la revendication de liberté sexuelle des femmes une préoccupation bourgeoise. Nadia Krupskaïa sera pour lui une femme d'intérieur, pour ne pas dire une femme de ménage, qui le déchargera de toutes les basses besognes du quotidien. Ils seront tous les deux la caricature sinistre du couple petit-bourgeois.


Les choses se sont toutefois nettement corsées lorsque Lénine fera la connaissance, en 1909, à Paris (dans des cafés proches de la Porte d'Orléans), d'une femme autrement piquante : une franco-russe, alors âgée de 35 ans, Inessa Armand. Elle est presque le contraire de Nadia Krupskaïa : une rebelle, plutôt jolie, adorant le risque, aimant s'habiller de manière parfois extravagante.


Elle devient, bien vite, plus léniniste que Lénine lui-même et emménage rapidement, avec deux de ses enfants, à proximité immédiate du couple Oulianov. Va alors se constituer un étrange ménage à trois, autour d'un Lénine bigame, ménage qui soulèvera beaucoup d'interrogations chez les "camarades" bolchéviques. Contre toute attente, les deux femmes, Nadia et Inessa, ont, en effet, su développer, entre elles, en dépit de multiples orages et revirements, sinon une réelle amitié, du moins une véritable coopération. Lénine refusait de toute manière le divorce, trouvant finalement son compte dans cette situation avec deux femmes à sa disposition.


Quoiqu'il en soit, en avril 1917, Lénine emmène, avec lui, dans son wagon plombé, Inessa Armand, pour aller faire la Révolution à Saint-Pétersbourg. Lénine lui confiera la direction du Soviet de Moscou. Mais elle n'aura guère le temps de participer à cette Révolution puisqu'elle mourra, en 1920 (soit 4 ans avant Lénine) de la tuberculose. Elle est, aujourd'hui encore, enterrée, immense honneur, sur la Place Rouge, près du mausolée de Lénine. Avant cela, elle connaîtra l'amertume de se sentir délaissée par Lénine qui, de retour en Russie, se mit à lui préférer, ostensiblement, Alexandra Kollontaï.


Alexandra Kollontaï (1872-1952), c'est une vraie "walkyrie de la Révolution", une femme sans doute exceptionnelle qui avait fait la connaissance de Lénine en Suisse. Il n'est pas sûr que Lénine ait eu une véritable liaison avec elle. Il était de toute manière choqué par ses théories prônant la disparition du mariage bourgeois (de la "captivité amoureuse", disait-t-elle), au profit de l'amour libre, voire du polyamour. Suprême audace de la part d'Alexandra Kollontaï : elle fit partie du Gouvernement bolchevique et mit fin aux réglementations de la prostitution sous le régime tsariste (dépénalisation de la prostitution et de ses clients). 


Lénine, comme Trotsky, baveront néanmoins devant Alexandra Kollontaï. Mais, infiniment prudes, ils n'oseront pas aller trop loin et qualifieront de "décadentes" les positions de Kollontaï, sans toutefois se brouiller avec elle. Lénine traitera également de "foutaises" les théories de Freud et méprisera toujours les questions de la sexualité et de l'exploitation d'un sexe par l'autre.


Pourtant, il a su user et abuser de l'extrême mansuétude des femmes à son égard, alors même qu'il ne faisait, pour sa part, preuve d'aucune empathie et était franchement réfrigérant.

Finalement, c'est une autre femme qui, la première, a su se montrer lucide, "pas dupe", vis-à-vis, de Lénine. Et de quelle manière ! Mais c'est un événement curieusement généralement occulté. En septembre 1918, une jeune révolutionnaire russe de 28 ans, Fanny Kaplan, tire trois coups de feu sur Lénine. Celui-ci, touché à l'épaule et au poumon, en réchappera miraculeusement (que se serait-il ensuite passé si l'attentat avait réussi, y aurait-il eu la Révolution d'Octobre ?). Mais Lénine souffrira ensuite d'un traumatisme psychologique définitif qui sera, peut-être à l'origine de la dégradation de son état de santé. Quant à Fanny Kaplan, elle sera presque immédiatement exécutée, sans jugement. Elle déclarera simplement avant sa mort : "J'ai tiré sur Lénine parce que son existence discrédite le socialisme". Ce fut ensuite le début de la terreur rouge. 

On pourra juger de parti-pris ce  post. C'est vrai que je n'aime guère Lénine, c'est-à-dire l'individu, le personnage, cauteleux, puritain et égocentrique. Et puis, j'en ai tellement marre des hagiographies célébrant le saint, le génie, le grand homme. Mais je n'invente rien même s'il faut aller chercher un peu partout les informations sur le "Lénine privé".

J'ajouterai que des petits Lénine (avec moins de réussite évidemment), c'est aussi un type masculin encore très répandu aujourd'hui. N'importe quelle jeune fille a eu l'occasion d'en rencontrer une flopée, des sinistres, des purs et durs qui viennent vous assommer avec leur Révolution et qui affichent des idéaux désintéressés pour pouvoir mieux vivre au crochet des autres. Mais il est vrai qu'avec moi, ils n'ont jamais fait long feu.

 

La biographie de référence sur Lénine, c'est celle de Robert SERVICE: "Lénine"

- Jean-Jacques MARIE : "Vivre dans la Russie de Lénine".

- Louis de Robien : "Journal d'un diplomate en Russie 1917-1918"

- Catherine MERRIDALE : "Lénine 1917 - Le train de la Révolution"

- Evguénia Iaroslavskaïa-Markon : "Révoltée". L'autobiographie stupéfiante, et de grande qualité littéraire,  d'une jeune femme exécutée en Sibérie. Le livre est maintenant en poche (Seuil).

Par ailleurs, Hélène Carrère d'Encausse vient de publier un livre consacré à Alexandra Kollontaï. Mais je ne l'ai pas encore consulté.

Sur "Lénine privé" et ses relations avec les femmes, je ne connais qu'un chapitre, de bonne qualité, qui lui est consacré par Diane Ducret dans son livres "Femmes de dictateur" (1er volume).

Je recommande également "Une histoire érotique du Kremlin" de Magali Delaloye" (Payot 2016) beaucoup plus sérieux que son titre ne peut le laisser supposer.



11 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Qu’est-ce que partage en commun des types comme, Nietzsche, Proust, Lénine, et Hitler, et quelques autres?

Leur difficulté de vivre avec les femmes. C’est tout à fait remarquable. Ils n’arrivaient pas à tisser des liens, à séduire. Alors, ils deviennent philosophes, écrivains, révolutionnaires, ou bien politiciens. Je dois reconnaître que dans leur domaine respectif, ils ont connu des succès remarquables, même si on les déteste. Ils étaient sans doute des piètres séducteurs, mais dans leur domaine, faut reconnaître, qu’ils ont secoué leur époque, même pour le pacifique Marcel Proust. Certains comme Lénine et Hitler, sont partis de très loin, personne n’aurait parié sur eux sur les blocs de départs. Et pourtant, ils nous ont appelé à nous dépasser. Lénine était peut-être un mauvais administrateur, incapables de gérer un ensemble de fermes, mais c’était un fin stratège. Et, il fallait qu’il ne soit pour évoluer dans ce milieu politique difficile et cruel, où tous les coups étaient permis. N’oublions pas qu’il est arrivé au pouvoir par un coup d’état. Lénine savait pertinemment que Staline était un être cruel, il avait d’ailleurs averti Trotski à plusieurs reprise à ce sujet. Ce dernier allait le payer de sa vie.

À défaut d’affection, de sexe ou d’amour pour occuper sa vie, la politique et la guerre peuvent très bien faire l’affaire.

On demandait souvent à Hitler pourquoi il n’était pas marié. Celui-ci répondait qu’il était marié avec l’Allemagne. Ce qui mettait fin à la discussion.

Ces hommes que j’ai cité plus haut, dans les faits, ils sont allés au bout de leur affaire, jusqu’à l’ultime limite. Nietzsche a sombré dans la folie, Proust s’est épuisé dans l’écriture, Lénine a finit paraplégique, et Hitler s’est suicidé sous les ruines de Berlin. Il n’y avait rien de banale dans leur destin.

Il y en a un autre qui traîne dans le portrait, et dont on a abondamment parlé la semaine dernière : Vladimir Poutine, que je surnomme souvent cousin Vladimir!

Les femmes sur les hommes ont un pouvoir lénifiant, apaisant, rassurant, et surtout humanisant. Lorsque l’homme ne rencontre pas ce pouvoir, alors il prend un autre chemin. Le destin bascule.

Des fois comme cela, il y a des ratages dans la vie que nous nommons des accidents de parcours et qui finissent en hécatombes.

Merci et bonne fin de journée Carmilla.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Votre analyse ne manque pas de pertinence.

Avec une réserve cependant. Il me semble que les difficultés, désaccords, entre les sexes, entre l'homme et la femme, sont universels. Il n'y a jamais accord, harmonie, il y a toujours frustration, rancœur. Mais tout le monde ne devient pas, pour autant un dictateur.

Lénine n'était sûrement pas un grand amoureux romantique. C'était plutôt un "cold fish", un pisse froid. Mais il savait manipuler les femmes pour en faire des subordonnées, presque des domestiques. Quant à son génie tactique, je suis sceptique. La Révolution bolchevique, c'est tout de même un coup d'Etat et, aussi, un coup de poker. Tout aurait pu basculer dans l'un ou l'autre sens. Seulement 40 % de la population était, à l'époque, alphabétisée. Aussitôt après le coup d'Etat, ça a été la répression et la terreur rouge et ça, je ne crois pas que ça relève du génie tactique.

Quant à Poutine, ce n'est sûrement pas un cousin. Il ne faut pas attendre, de sa part, la moindre bienveillance. Sa psychologie m'apparaît, en fait, assez simple. C'est d'abord un ancien officier du KGB, même pas de haut niveau et pas très cultivé. Il a été éduqué à la dissimulation, au mensonge et au cynisme. La fin justifie, pour lui, tous les moyens. Et il n'hésite pas. Il ne connaît que les rapports de force et il sait que les mensonges les plus énormes passent le mieux : dans l'affaire ukrainienne, il arrive ainsi à faire croire à une grande partie des Occidentaux, notamment en France, que c'est la Russie qui est menacée, que c'est lui, l'agresseur, qui est agressé.

En France, une majorité de la classe politique et de la population est ainsi pro-russe (il est vrai aussi que les Français situent à peine l'Ukraine). Je ne sais pas ce qu'il en est au Canada.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Si je vous ai bien compris, comme le disait souvent René Lévesque : Vaut mieux s’épargner des disputes et vivre seul dans son coin, économie d’énergie et de temps. Pourquoi aimer si c’est pour se disputer? Passons rapidement à la guerre au conflit. Les disputes domestiques ne donnent pas grand-chose, c’est de la perte de temps. Une dispute entre homme et femme c’est glauque, c’est apprendre à s’aimer pour se détester.

En ce qui concerne Lénine, 25 ans à errer sur les routes, à changer de pays continuellement, à étudier, lire, penser, cela vous forme, d’autant plus qu’il a subit bien des défaites politiques. N’oublions pas qu’il était très attaché à son frère qui a été exécuté. Voilà qui vous motive un homme. Intellectuellement, c’est un peu comme entrer en religion. Le sacrifice devient facile. Tu ajoutes les coups du destin, alors tu as un être qui peut verser facilement dans l’aventure politique. La vie domestique de Lénine ne m’a jamais intéressé, mais son parcours politique est intéressant, surtout lorsqu’il erre en Europe. C’était un homme qui menait une vie très modeste, n’avait pas de temps pour les peccadilles de la vie, était incapable de se faire bouillir de l’eau, de se faire cuire un œuf, de laver sa vaisselle, ou de laver son linge. Sa vie, c’était la politique. Le reste n’avait pas d’intérêt. C’était un excellent révolutionnaire, mais un piètre travailleur manuel. Lui qui discourait sur les ouvriers était incapable de planter un clou dans une planche. C’est pourquoi je le considère bon stratège. Il se connaissait, savait ses forces. il allait le prouver dans la guerre civile par la suite. Le personnage est fascinant, mais je ne l’aurais pas invité à partager mon scotch! Pour recevoir trois balles dans le coffre c’est qu’il était bien détesté, et ça aussi il le savait. Il avait entièrement raison lorsqu’il affirmait que la révolution du prolétariat de ne devait pas avoir lieu en Russie, mais en Allemagne. Il avait compris que le communisme c’était fait pour des ouvriers habitants les villes. Ils étaient ainsi plus faciles à contrôler et à manipuler que des paysans dans le fond des campagnes, ou bien des peuples nomades d’Asie Centrale. Il était d’une lucidité terrifiante. N’avait aucun scrupule. C’est ce que j’appelle une bête politique. Je crois qu’aucune belle grande blonde ukrainienne ne serait arrivée à le séduire aussi séduisante fusse-t-elle. Dans un certain sens, il me rappelle un autre personnage politique : Robespierre l’incorruptible.

Pour en revenir au présent, il y a 1.5 millions de canadiens qui sont d’origine ukrainienne. Ils vivent dans l’ouest du pays en Saskatchewan et en Alberta. Certain sont ici depuis un siècle, d’autres viennent d’arriver. Ils sont bien organisés et n’ont pas perdu leur temps pour solliciter le Gouvernement Fédéral qui vient d’accorder 125 millions de dollars d’aide à l’Ukraine. J’admets que ce n’est pas beaucoup, mais c’est mieux que rien. Qui plus est, il y a 400 instructeurs de l’armée canadienne qui œuvrent en Ukraine. Pas besoin d’être fort en géographie pour situer l’Ukraine. Je sais très bien où c’est situé. Je n’ignore pas les enjeux qui se joue présentement dans cette partie du monde.

Je pense que nous en reparlerons cette semaine.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne doute pas, bien sûr, que vous sachiez où se situe l'Ukraine.

Mais croyez-moi, ce n'est pas le cas de tout le monde en Europe. Ce qui n'empêche personne d'avoir des avis péremptoires sur le sujet.

1,5 million d'Ukrainiens au Canada. Je n'avais pas idée d'un chiffre aussi important. C'est triste aussi parce que l'émigration récente prouve le succès de la politique de déstabilisation de l'Ukraine opérée par Poutine. Il faut vraiment être motivé pour rester dans un pays dont l'avenir est continuellement menacé.

Quant à Lénine, je pense qu'on a trop occulté le passé du personnage pour pouvoir mieux le sanctifier. C'était quand même bien un personnage médiocre qui préférait, sans vergogne, vivre au crochet des autres plutôt que d'affronter les dures réalités de la vie quotidienne; le comportement typique, en bref, du hobereau de province. Et il ne vivait pas si modestement que ça et, même, ne se refusait rien; rien à voir avec la vie parfois misérable de Marx. Vous le précisez bien, il ne vivait que pour la politique. Mais qu'a-t-il produit en réalité, à quoi ont servi ses longues années d'"études" ? Si on le compare à Marx, à nouveau, c'est affligeant. Ses écrits sont très médiocres, voire nuls. Sa prose est, à peu près, illisible et sans intérêt. On n'en retire que quelques idées concernant les "Révolutionnaires professionnels" et la constitution de l'appareil de Parti. Le reste, ce n'est que de la "resucée" laborieuse de Marx qui, lui, est infiniment plus intéressant. C'est peu à l'égard de 55 volumes de textes. Quant à son génie tactique, il est plus facile de l'évoquer rétrospectivement, sachant qu'il a gagné contre toute attente. Mais outre la chance et le hasard, ainsi que l'aide de l'empire allemand, il faut tout de même préciser que les principaux facteurs de sa réussite ont été la violence puis la terreur.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

Effectivement, les Ukrainiens réussissent bien au Canada. Pourquoi ils connaissent la prospérité ici et pas en Ukraine?

Je vous fais remarquer que ce n’est pas juste de cas des Ukrainiens, mais pour beaucoup d’émigrants qui nous arrivent et, peu importe le domaine, ils parviennent à faire un succès de leur vie.

Les Ukrainiens, pour ce que j’en connais, sont vaillants, honnêtes, dur à la tâche, et ceux que j’ai rencontrés très hospitaliers.

Il faut vraiment que se soit pourrit là-bas pour ne pas avoir d’opportunité de réussite. Peut-être qu’il aurait besoin de vous pour un petit coup de pouce. Vous pourriez les mettre sur le chemin de la prospérité? Et, je suis sûr, que vous n’auriez pas besoin de traverser l’Europe en wagon plombé.

Ils se sont tellement bien intégrés qu’il est aujourd’hui difficile de les différencier des anglais. Résultats, plusieurs perdent leur culture. Ils sont parfaitement intégrés.

Lorsque j’y songe, je revois les photos des premiers Ukrainiens qui se sont établis voilà 100 ans dans les plaines de l’ouest, avec pour seuls outils, leurs mains et leur détermination.

Courageux l’Ukrainien

Merci Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il ne suffit pas, malheureusement, que les gens soient travailleurs et honnêtes, voire protestants (Max Weber), pour que leur pays devienne riche. La psychologie positive des peuples, cette analyse dont on abuse trop aujourd'hui, est, hélas, de peu de secours. Il semble plutôt que ce soit l'organisation d'ensemble de la société qui soit déterminante : juridique (droits de propriété en particulier), économique, financière. Et aussi (et surtout) l'accès au crédit et la mobilisation de l'épargne en faveur de l'investissement.

En Ukraine, les gens travaillent sans doute plus qu'en France mais ils n'en sont guère récompensés. D'abord parce que, comme en Russie, on n'a pas encore intégré ce qu'était un Etat de Droit. On continue de penser que, comme lors des temps communistes, l'on peut tout obtenir par combines, copinages, piston, corruption. Et puis, il y a un manque énorme d'épargne et de capital.

C'est encore aggravé avec la menace russe. Qui peut aujourd'hui oser investir en Ukraine tant l'avenir à court-moyen terme est incertain ? Résultat, le pays se vide dramatiquement de sa population, de ses jeunes en particulier. Il y aurait ainsi plus de deux millions d'Ukrainiens récemment installés en Pologne et, depuis 30 ans, la population aurait diminué de plus de plus de 5 millions d'habitants.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla!
Il appert que la vaillance et l’honnêteté ne sont pas garant d’une richesse future, mais c’est un bon début. Cette terre que j’habite, elle a débuté ainsi, avec des gens qui se sont arrachés le coeur pour faire prospérer ce Canada. C’était un pays de pionniers, de peines et de misères, de pauvretés. Entre 1850 et 1900 après la disparition des bisons et celles des indiens parce que le bison était la base de leur nourriture, des colons sont arrivés de partout dans le monde, des Russes, des Ukrainiens, des Polonais, des Allemands, et même des Québécois pour cultiver les grandes plaines. Certains ont vécu dans des trous creusés dans le sol pour s’abriter pendant les premières années parce qu’il n’y avait même pas de bois pour se construire. Sans l’aide du Gouvernement Fédéral, ces gens n’auraient pas survécus. Mais, ils y sont arrivés. Lord de mon voyage dans l’ouest, je ne manquais jamais de visiter ces petits musées locaux, où nous pouvions voit d’innombrable photos en noir et blanc, tellement évocatrices. Des gens qui regardaient droit vers la caméra où nous pouvions lire leur détermination. Ils était venus pour rester et ils sont restés. L’état de droit ça vient avec la prospérité, pour que ça pousse dans un sol, il faut aider ce sol, c’est la même chose dans une société. Il faut créer des conditions favorables. Cela devient la mission principale des gouvernements qui ont des visions à long terme, qui croient en l’avenir, qui instaurent la confiance. Ce qui ne semble pas le cas de l’Ukraine.
Je regarde souvent les photos des soldats ukrainiens présentement. Ils sont vraiment mal barrés, sous équipés, mal nourris, marchant dans la neige, souvent sales et pas rasés. Franchement si les Russes débouchent dans les plaines avec leurs blindés, ils vont bouffé ces ukrainiens tout cru. Je peux lire la peur dans leur regard. Je lisais dans une revue dernièrement, un pilote de chasse gagne 630 euros par mois en Ukraine! Tu vas où avec un salaire aussi minable en plus pour te faire canarder?
D’autre part, on ne sait rien de la lettre que les USA ont adressé à cousin Vladimir. Sur pressions des américains, les Russes ne doivent rien dévoiler. Nous n’en savons pas plus de la part des européens, et surtout de la part de votre président qui semble entretenir un certain ballet diplomatique avec les Russes. Est-ce que les 100,000 Russes vont passer le restant de l’hiver le cul dans la neige? J’ai du mal à me figurer ces 100,000 Russes qui doivent vivre dans des campements. Eux ont l’air bien équipé? Est-ce que les photos que j’ai vu découle de la propagande? Tous ces magnifiques blindés sur les routes.
Qu’est-ce qu’attend Poutine? On dirait qu’il hésite depuis une semaine. Il y a une hypothèse qui circule présentement ici au Canada, que cette histoire d’Ukraine, ne serait qu’un jeu pour attirer les américains en Europe et laisser les mains libres à Pékin dans le sud-est asiatique? Les relations avec les américains présentement sont aussi mauvaises avec les Russe qu’avec les Chinois. L’Ukraine ne serait qu’un pion?
Ne pas oublier les prix de l’énergie qui ont grimpé au cours de la dernière année. (25% d’augmentation pour le gaz naturel en Europe.) Est-ce que Poutine commence à craindre de perdre son nouveau pipeline? Nous pouvons comprendre que les allemands gardent le silence, ils ont besoin de ce gaz naturel.
Espérons que tout le monde va se calmer le ponpon.

Bonne fin de nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

La situation de l'armée ukrainienne n'est peut-être pas aussi lamentable que ce que vous avez perçu.

La réalité est que l'Ukraine n'avait quasiment pas d'armée jusqu'en 2014 (il n'y avait pas de service militaire obligatoire). La Russie s'était, en effet, engagée, ironie de l'histoire, à assurer la sécurité de l'Ukraine aux termes d'un protocole signé à Budapest en 1994.

Depuis les invasions de la Crimée et du Donbass, les choses se sont un peu améliorées mais il est évident qu'en cas d'attaque russe, l'armée ukrainienne ne cherchera pas à résister (elle ne dispose quasiment pas de force aérienne). La solution sera plutôt le repli et la guérilla.

Cela dit, il ne faut pas non plus trop surestimer l'armée russe. Le foutoir et la désorganisation y demeurent des traditions.

Il faut également savoir que l'armée ukrainienne s'est dotée, il y a quelques mois, de drones d'attaque turcs qui ont fait leur preuve en Azerbaïdjan et elle développe et perfectionne ceux-ci. Ces drones se sont déjà révélés très efficaces dans le Donbass et ils inquiètent sans doute beaucoup Poutine parce qu'ils peuvent faire basculer la situation. C'est ce qui peut le décider à agir avant qu'il ne soit trop tard.

Je ne crois pas que l'Ukraine soit un pion au sein d'un jeu stratégique à plus grande échelle. Poutine considère surtout que l'Ukraine appartient à la Russie (il nie sa spécificité, sa langue et son histoire) mais il sent qu'elle lui échappe et il veut, à tout prix, la récupérer. Son projet, c'est de reconstituer la Grande Russie englobant la Biélorussie, l'Ukraine et la Russie moscovite.

Enfin, 630 €, c'est, effectivement, un assez bon salaire en Ukraine. Mais c'est quand même à nuancer parce que le coût de la vie est beaucoup plus bas qu'à l'Ouest. Et puis, il y a toute une économie parallèle qui fausse les choses. Mais c'est sûr que des salaires aussi faibles n'incitent pas à exercer une simple activité d'honnête salarié. Mieux vaut vivre d'un petit trafic que de trimer sur un emploi public. Le résultat, c'est qu'à Kiev, il y a un nombre impressionnant de grosses Mercedes et BMW (sûrement achetées avec un salaire de 630 €).

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Au fil de mes lectures, j’ai trouvé par hasard hier, une citation qui colle bien il me semble à la réalité de l’Ukraine :

« L’espoir n’est pas l’optimisme. Ce n’est pas non plus la conviction qu’une chose va bien se passer, mais au contraire que cette chose a un sens, quelle que soit la façon dont elle va se passer. »
Vaclav Havel

Je n’ai que les photos qui me parviennent en Amérique pour me faire une idée de la condition de l’armée Ukrainienne. Lorsque je vois ces espèces de réduits creusés dans le sol recouverte de billes de bois et de mauvaises tôles rouillées. On dirait qu’on retourne 1914. N’importe quel blindé peut pulvériser cette structure de protection.

Pas d’armée avant 2014, donc pas de tradition, pas de cohésion, et sans doute des entraînements déficients. Il y a de quoi être inquiet. Être réduit à mener une guerre de guérilla, c’est mener une guerre de pauvre, alors tu vas te cacher où dans la plaine? Et celui qui ne maîtrise pas le ciel se retrouve dans une situation difficile. À ce chapitre l’aviation a prouvé depuis 1939, que celui qui maîtrise le ciel, maîtrise le champ de bataille.

Des drones sans aviation et sans satellite c’est moins efficace. J’ignorais que Erdogan vendait des armes. Un nouveau marchant d’armes qui essaie de jouer à l’arbitre dans cette région? Un jour il se rapproche des Russes, le lendemain il courtise l’Union Européenne, puis en fin de semaine il va lécher les Américains. Pas très fiable.

J’ai souligné que cette stratégie à grande échelle était une hypothèse. Les écoles de guerres et collèges militaires ont été crées pour cela. Dans un conflit, il faut envisager le plus d’hypothèses possibles.

Enfin c’est votre dernier paragraphe qui a stimulé ma réflexion. Pas sûr qu’on paie un Mercedes ou un BMW avec un revenu de 630 euros par mois. À moins de baigner dans cette économie parallèle qui fausse les choses. Nous avons souvent évoqué cette notion d’État de Droit. Si cette situation de corruption persiste en Ukraine je ne vois pas comment, vous pourrez institutionnalisé un véritable État de Droit. Moi le nombre des Mercedes et des BMW ça me laisse froid. Ceux qui conduisent ces autos sont-ils prêts à s’engager dans la lutte, ou bien à pactiser avec les Russes? En d’autres mots est-ce que les Ukrainiens sont prêts à transformer Kiev en un nouveau Stalingrad? Certes, l’Ukraine n’a pas besoin de guerre, ce qu’elle a besoin, c’est de paix, de calme, de réforme, et surtout d’un état de droit. Mais, comment faire lorsque tu as le couteau sur la gorges?

Merci de votre commentaire Carmilla et bonne fin de nuit pour ce qui en reste.

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonjour Carmilla!

À l’ouverture des Jeux Olympiques Xi Jinping à réitérer son appui à la Russie dans le conflit Ukrainien.

https://www.journaldemontreal.com/2022/02/02/la-crise-ukrainienne-et-laxe-russie-chine

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1859679/poutine-soutien-chine-ukraine



D’autre part article intéressant de Radio Canada sur les ventes de gaz par la Russie à l’Europe.

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1859495/ukraine-conflit-gaz-energie-poutine


Erdogan a invité la Russie et l’Ukraine en Turquie pour des négociations.

Volodymyr Zelensky pendant ce temps cherche une porte de sortie.

Reportage de la journaliste Tamara Alteresco, journaliste de Radio Canada basé en Russie. Reportage sur la frontière du côté Russe.

https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-8563294/entre-peur-et-incredulite-a-frontiere-russo-ukrainienne

Zelenski n’est peut-être pas le seul à chercher une porte de sortie!

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Les événements actuels ont effectivement un sens car, quelle que soit leur issue, ils redessineront l'avenir de l'Ukraine et de la région.

Même si on surestime probablement l'armée russe, l'armée ukrainienne n'est pas en capacité de résister. Elle manque d'abord d'armes parce que la plupart des pays européens (Allemagne notamment mais aussi France) refusent de lui en vendre de peur de déplaire à Poutine. Je trouve ça d'une écœurante couardise et hypocrisie. Seule la Turquie, en effet, vend des armes à l'Ukraine, notamment ces fameux drones. Ca permet à Erdogan de jouer d'une diplomatie d'équilibriste, entre fâcheries et amours avec la Russie. Mais il faut aussi rappeler qu'aux yeux d'Erdogan, la Crimée n'est pas russe comme le proclame Poutine mais turque. Sur ce point, l'histoire lui donne raison. Ca explique qu'Erdogan ne reconnaîtra jamais l'annexion de la Crimée. Mais je suis sûre que Poutine n'acceptera jamais qu'Erdogan juge et arbitre le conflit.

Quant à l'entente Xi Jinping/Poutine, c'est logique mais Poutine ne se rend pas compte que la Russie n'est qu'un nain en regard de la Chine.

Quant aux ventes de gaz russe, c'est surtout l'Allemagne (qui a renoncé au nucléaire)qui est concernée. La France très peu.

Je ne pense pas que Zielinski cherche une porte de sortie. Il ne peut pas y avoir de compromis car les choses sont claires. Nul ne peut contrecarrer les aspirations européennes d'un pays. Je puis vous assurer que les pro-russes, en Ukraine, sont devenus très minoritaires et que l'agressivité de Poutine a beaucoup accentué cette évolution. Des sondages semblent indiquer que près d'un Ukrainien sur deux (y compris les conducteurs de BMW) serait prêt à prendre les armes contre la Russie.

Quant à la corruption en Ukraine, je suis personnellement partisane d'une généralisation de la monnaie électronique (avec une disparition des paiements en billets et espèces). Mais ça ne se fait pas comme ça. Au-delà, c'est toute une législation anti-monopoles à élaborer. Et puis, il faut parvenir à offrir aux agents publics une rémunération suffisamment décente pour les mettre à l'abri des tentations.

Bien à vous,

Carmilla