samedi 3 juin 2023

Voir/Regarder - De la fascination



Quelquefois, plutôt quand je suis triste ou déprimée, je suis saisie d'une subite fièvre acheteuse. Ca n'est pas compulsif chez moi, c'est plutôt rare, mais ça se porte, tout à coup, sur un objet dont l'acquisition m'apparaît indispensable, essentielle.

C'est une impulsion soudaine. J'en tremble presque, je sens ma sueur perler, mon rythme cardiaque s'accélérer.


C'est un objet qui a, tout à coup, retenu mon attention. Ca se produit en de multiples circonstances: une simple promenade ou dans un magasin ou en consultant Internet. L'important, c'est que cette simple découverte d'un objet a quelque chose de presque foudroyant.

Il s'agit le plus souvent d'une image, d'un tableau, de bijoux, de montres, voire même de vêtements et de chaussures et aussi de meubles, d'éléments décoratifs ou d'un tapis. 

C'est malheureusement souvent cher mais j'ai l'impression que ces objets ont été créés exprès pour moi et qu'ils m'attendent aujourd'hui. Je leur prête immédiatement toutes les qualités: Ouh la, la ! Qu'est-ce que c'est beau et original! Qu'est-ce que ça embellirait ma vie !

Immédiatement, je me mets à aimer cet objet, j'ai l'impression qu'il est essentiel pour moi. Qu'il est susceptible de changer mon quotidien. Qu'avec lui, je ne serai plus la même, qu'on portera un autre regard sur moi.


Je commence par me raisonner: t'es folle, ça n'a pas de sens, c'est beaucoup trop cher, tu n'as pas besoin de ça. Alors, je m'en vais, je rentre chez moi, je me terre dans ma chambre et je commence à ruminer. C'est à dire que je cherche plein d'arguments pour faire cette acquisition. J'imagine déjà les réactions de  mon entourage. Positives ou négatives peu importe. L'essentiel, c'est qu'elles soient exprimées. Qu'on déteste même, ça peut me conforter: j'ai su me démarquer, m'affirmer moi-même en exprimant ma singularité.


Le lendemain, après une nuit agitée, je fonce comme une dingue pour réaliser mon achat. Pourvu que ce soit encore disponible, pourvu que quelqu'un d'autre ne m'ait pas devancée.

Au moment de payer, j'éprouve une sorte de jubilation, exaltation. Je me sens délivrée d'un poids, j'ai l'impression d'une espèce de plénitude.


C'est vrai, pourtant, que je me retrouve souvent avec des trucs-limite:  des images inquiétantes voire déprimantes, des chaussures avec les quelles la marche est un supplice, des montres dont la lecture de l'heure est problématique, des robes pas mettables sauf à provoquer une émeute, des bijoux aux formes torturées, des meubles inactuels. 


Mais ça n'est pas grave. Je me fiche même des moues dubitatives de mes copines. L'important, c'est qu'au-delà de tout critère de bon goût, il y ait des objets avec les quels je me mets à entretenir un rapport émotif et dont je ne me débarrasserai sans doute jamais. Plutôt crever que de m'en séparer ou, pire, de les vendre. Je les contemple et j'ai l'impression qu'ils me contemplent. 


J'ai du mal à comprendre ceux qui sont indifférents aux objets, qui vivent dans des intérieurs spartiates et dépouillés. C'est sans vie, dit-on avec justesse. Et, en effet, ce minimalisme, cette vision utilitaire, m'apparaissent le signe d'un appauvrissement. Le vide d'objets que l'on fait autour de soi correspond, peut-être, à un vide relationnel et affectif. 


Moi, je suis superficielle, j'aime les objets, ils sont un peu un support de moi-même. Mon apparence, la décoration de mon appartement, c'est important. Ce que je porte, ce qui m'entoure, il faut que ça me remue, littéralement, les tripes et tant pis, ou tant mieux, le qu'en dira-t-on. Les objets, certains objets, je me sens "absorbée", fascinée, par eux. Ils sont, pour moi,  porteurs d'une signification profonde même si je ne sais pas la quelle.


Pourquoi d'ailleurs le tableau "La jeune fille à la perle" de Vermeer est-il l'un des plus célèbres du monde si ce n'est parce que, combiné à un regard, il exprime la puissance d'un objet, d'une parure ?


On dit souvent que cet attachement à des objets, c'est surtout un problème de "bonne femme". Sans doute parce qu'il est bien connu qu'on est superficielles et légères. Et puis, on sait bien que la fièvre des objets, ça relève souvent d'une  addiction, la compulsion d'achat (qu'on désigne aussi du terme bizarre d'oniomanie) . 


On dit aussi que ces achats irréfléchis, ce serait une manière de compenser des frustrations infantiles avec ce sentiment de s'être toujours sentie mal aimée. Acheter, ce serait une façon de s'affirmer et d'exister.

Je ne me reconnais pas là-dedans et je trouve ça un peu facile comme explication. Je crois plutôt que cette relation "émotionnelle" à certains objets relève d'une expérience universelle. Nous vivons tous, à certains moments, une expérience de la fascination: pas seulement par des individus mais aussi par des choses très concrètes: des objets, des lumières, des sons, un regard...


Souvent, on se moque et on ricane des personnes qui achètent, généralement sur un coup de tête, une œuvre d'art ou un objet de luxe que l'on trouve moche. On juge ça absurde, incompréhensible. Il faut vraiment être un imbécile pour "craquer" tant de fric pour un truc pareil. On ne parvient pas à comprendre que ça ne relève pas forcément d'une attitude ostentatoire ou de la simple spéculation financière. Le type qui consacre ainsi des millions de dollars à l'acquisition d'un "balloon dog" de Jeff Koons est peut-être un idiot mais il est peut-être aussi quelqu'un qui dans la rencontre avec ce chien étrange retrouve quelque chose de lui-même. Quelque chose pour lequel il est  prêt à tous les sacrifices.

On est prisonniers, en fait, de l'idéologie commerciale actuelle, d'une vision purement mercantile du monde dans la quelle tout s'achète indifféremment. Et on croit ainsi qu'on a un rapport neutre, simplement  utilitaire, aux objets. Et c'est en effet le ressort de la "société de consommation": la marchandisation universelle d'une camelote dans la quelle tout se vaut, tout peut s'échanger.


Mais pourquoi, au sein de ce grand bazar, y a-t-il encore, malgré tout, des objets qui, subitement, nous fascinent ? Par lesquels on se sent happés, absorbés, siphonnés. Que l'on n'échangerait pour rien au monde, parce qu'ils sont sans prix pour nous.

Avec les objets, c'est, en fait, notre relation au monde, à ce que l'on appelle le réel, qui est en fait questionnée. Un tableau célèbre de René Magritte est un œil. Mais il l'intitule : "Le miroir faux". C'est aussi le cinéaste Luis Bunuel qui ouvre son célèbre film "Le chien andalou" par l'incision d'un œil. Et l'un des livres les plus bouleversants de Georges Bataille a pour titre "Histoire de l'Œil".


On a souvent une vision trop naïve. Le réel, ce serait ce que l'on voit, les objets prosaïques qui nous entourent.  On a ainsi une perception simplement photographique du monde dont notre vue, notre œil,  offrirait un reflet adéquat et incontestable. Et d'ailleurs, l'œil est partout aujourd'hui: dans les caméras de surveillance, les appareils photos, les IRM/Scanners, les microscopes, télescopes. La formule lapidaire et tautologique du peintre abstrait américain, Franck Stella, résume bien cette conception simpliste "Ce que vous voyez est ce que vous voyez" . 


N'y aurait-il vraiment rien au-delà des apparences ? Je n'en suis pas sûre et je suis même convaincue du contraire. Le monde n'est peut-être pas aussi neutre, détaché, qu'on le pense généralement. Et surtout, cette idée que notre conscience est une simple reproduction, un reflet, de ce que l'on voit, est, probablement, complétement fausse. 


Le monde est aussi un spectacle, une grande comédie. Et ce spectacle, il existe non pas parce que nous le voyons passivement mais parce que nous le regardons et y participons ainsi activement.


Le regard, c'est une dimension essentielle de notre psychisme qu'on a trop tendance à oblitérer. Moi-même, je n'ose dire que j'aime bien me regarder dans un miroir  ou que je ne déteste pas me sentir presque déshabillée dans la rue.

On passe tous notre temps, en fait, à regarder et à être regardé. Ca nous agite sans cesse, ça nous "turlupine", c'est ce qui nous fait carburer mais on ne l'avoue pas, on n'en parle même jamais. Le regard, c'est le moteur de nos passions et, peut-être même, de l'histoire humaine. Régulièrement, on se sent fixés, foudroyés, mais aussi dévoilés, écartelés et c'est ce qui nous conduit à agir, à nous mouvoir. 


Les regards échangés, ça se passe avant toute communication verbale et c'est peut-être plus important que le langage même. On peut même dire que l'essentiel de nos relations interindividuelles passe d'abord, chaque jour et presque à chaque instant, par le regard. Le regard, l'échange des regards, signe l'espèce humaine. Il y a, en chacun de nous, une espèce de "pulsion scopique", une pulsion exploratoire chargée d'affectivité qui nous anime d'emblée, dès nos premiers jours.


Tout le temps, toute la journée, on est pris dans une relation spéculaire avec les autres. La condition humaine, elle est résumée par un film admirable d'Alfred Hitchcok : "Fenêtre sur cour". On est face à un grand immeuble aux fenêtres tantôt vides, tantôt animées mais qui, toutes, nous regardent et dont nous scrutons, bien sûr, nous-mêmes les moindres mouvements. Et nous nous délectons des crimes qui s'y produisent.


C'est aussi la thématique des "yeux sans visages", des yeux noirs et des yeux verts. Tous ces yeux inquiétants qui nous poursuivent et nous hantent.


On ne se contente pas de contempler passivement le monde. Au travers du regard,  on y évolue comme des chasseurs et des proies.


C'est le poids déstabilisant du regard. Les femmes en savent d'ailleurs probablement plus sur la question que les hommes. D'abord, on aime bien, c'est vrai, les miroirs mais c'est davantage une épreuve du doute que de la certitude. On scrute avant tout ce qui ne va pas, nos imperfections. On scrute même carrément l'irruption de la Mort en nous, notre décrépitude progressive.


Et puis, si on aime bien être regardées, c'est aussi une expérience angoissante parce qu'on ne sait pas ce que veut l'autre et, surtout, on perçoit bien que son regard n'est pas bienveillant. Plutôt hostile même, cherchant, en fait, à nous déprécier, à repérer nos défauts et nos failles. On le sait bien: il y a une intolérance générale à la Beauté, à la perfection. L'autre ne supporte pas qu'on puisse être belles, au-dessus des contingences.

Mais, en fait, on est tous partie prenante de cette cruelle comédie du monde. On est d'abord d'incorrigibles "voyeurs". On observe, on épie l'autre, on est des prédateurs. Le regard indiscret, c'est ce qui nous émoustille. C'est ce qui explique probablement le succès de cette prothèse électronique qu'est le smartphone qui nous permet de pénétrer, par effraction, dans l'intimité des autres, de découvrir leurs sales petits secrets.


Mais la situation est continuellement réversible et, en même temps que chasseur, on devient, on est, la proie des autres qui nous saisissent et nous enveloppent de leur regard concupiscent et cruel.


Se regarder, être regardé, c'est profondément troublant et même angoissant. Cela ouvre en nous une fêlure, une incertitude concernant notre identité. On est envahi(e)s par le doute: on croit savoir qui l'on est mais, confrontés à notre reflet (dans un miroir ou dans l'œil des autres), on a bien du mal à faire coïncider notre image et ce que l'on croit connaître de nous-mêmes. On sent bien alors que notre "moi" est divisé, qu'il est porteur d'un flou, d'une hésitation. 


C'est alors que l'on perçoit qu'il y a une béance et peut-être même un gouffre en nous-mêmes. On ne se connaît pas, on est une énigme pour soi-même. On s'est constitués de bric et de broc, au travers d'assemblages improbables et d'empilements hasardeux. D'un immense foutoir, d'une grande cacophonie, a émergé notre identité sur un échafaudage instable. La fragile cohérence de tout ça, on est bien incapables de la retrouver.


Mais de notre parcours chaotique, on rencontre parfois, soudainement, des réminiscences. Des sons, des mélodies, des images, des couleurs, des objets... On a l'impression qu'ils nous font signe tout à coup. Ils nous fascinent, nous sidèrent comme s'ils nous regardaient. Et c'est vrai, le monde est hanté, certains de ses objets nous regardent effectivement et ça nous saisit aux tripes. Ca n'est pas une hallucination, c'est une rencontre avec une certaine "vérité" de nous-mêmes.


Et c'est pour ça qu'on est profondément émus par certains objets au point de se précipiter pour en faire l'acquisition quels qu'ils soient et quel qu'en soit le coût. C'est réconfortant, c'est, peut-être, ce qui nous aide à ne pas sombrer. Même si on n'est pas artistes ou amateurs d'Art, il y a bien, en chacun de nous, une perception esthétique de la vie. On cherche tous à retrouver ce qui n'a pas de prix, ce qui est porteur d'une émotion inéchangeable. 


Tableaux de Paula MODERSOHN-BECKER, Julian SCHNABEL, Renato GUTTUSO, Jeanne MAMMEN, Otto DIX, Helmut NEWTON, Casimir MALEVITCH, René MAGRITTE, Norman ROCKWELL, Marjane SATRAPI, Robert MORRIS, Amedeo MODIGLIANI, STERNBERG brothers, BALTHUS, Lars ELLING, Piero de la FRANCESCA, Diego VELAZQUEZ.

Encore un post peut-être bizarre. Disons que je me suis adonnée à ma passion pour la psychanalyse (que j'ai tout de même étudiée sérieusement). J'ai essayé de retraduire, en la simplifiant outrageusement, la distinction de Jacques Lacan entre la vue et le regard. Je trouve ça formidable cette idée des regards comme base des relations interindividuelles et de la constitution de notre identité dans toute sa fragilité. Ca permet aussi de repenser notre rapport à l'Art mais ça n'a guère été exploité.

Deux très bons livres (pour "spécialistes") dans le prolongement de ce post :

- Darian Leader: "ce que l'Art nous empêche de voir"
- George Didi-Huberman: "Ce que nous voyons, ce qui nous regarde".

Enfin, je vais m'absenter quelque temps. Je me rends dans ma chère Europe Centrale.
D'abord en Moravie. La Moravie, c'est largement la campagne avec des petites villes magnifiques. C'est ce qui me convient aujourd'hui. Et puis, ce sera pour moi l'occasion de visiter la ville et la maison natales de Sigmund Freud (Příbor).

Pas de post, donc, la semaine prochaine mais on peut, bien sûr, toujours m'écrire.

38 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Franchement c’est la grande forme. Il y a quelque chose dans l’air qui vous remue pour écrire ainsi. Est-ce le désir du regard, ou le regard du désir? Écriture trépidante, besoin irrésistible de posséder, de regarder, de toucher, pour donner un sens à l’existence par la possession, alors le désir devient irrésistible. Nous créons nos besoins pour édifier nos fondements. Est-ce, ce qu’on nomme : la vulnérabilité? Ce besoin imparable de posséder des inutilités, et surtout d’y trouver une raison de vivre comme s’il fallait se justifier. Cette manière étrange de lécher les miroirs sur les seuils de l’hédonisme, par de vulgaires transactions économiques. Il suffit d’un regard pour désirer, alors le piège se referme, même lorsque les paupières s’abaissent. Je me suis souvent demandé, si tout cela était de la faiblesse. Posséder, ou bien, résister? Ici, nous sommes loin de Sénèque, lorsqu’il affirmait que : « Le détachement confère un pouvoir infini. » Le vrai pouvoir n’est pas dans la possession, mais dans la résistance et pour ce faire rien ne vaut le détachement.

Vous êtes sur la frontière de l’animisme lorsque vous écrivez : « Je les contemple et j'ai l'impression qu'ils me contemplent. »  Le désir et le regard vous pousse vers la contemplation, on dirait un vieux fond de religion atavique, le retour du balancier de l’objet qui vous regarde. L’objet vous procure non seulement une satisfaction, mais vous exigez de lui qu’il vous admire. Ce qu’on appelle, nommer les choses en animisme, comme un genre de baptême, donner vie à des objets inanimés.

La petite fille devant le miroir de Norman Rockwell illustre magnifiquement vos propos, dans cette recherche de perfection, du devenir, et je présume qu’elle passe des heures devant ce miroir afin de rêver et de s’interroger sur son avenir. J’avoue que j’ai en faible pour Rockwell. Voici, toute la finesse de ce peintre, qui est beaucoup plus qu’un dessinateur. Une fillette, un miroir, et le début d’un destin, ce qui invite le spectateur à extrapoler. Ça déborde toujours chez Rockwell.

Tant qu’au regard, à l’œil, je vous recommande : Le Cinéma intérieur de Lionel Naccache, qui explique le fonctionnement de l’œil, mais aussi comment toutes ces informations sont acheminées au cerveau. Ce qui est intéressant chez l’humain ce qu’il maintient une tendance à s’enfoncer dans la psychologie, certes c’est plus aléatoire, plus séduisant, pourtant tout cela dépend de fonctionnements biologiques sophistiquées. Ce qui se rattache à comment nous voyons et qu’est-ce que nous voyons réellement?

J’ai eu la chance d’éprouver ma vision, mon œil, lors de mes randonnées à l’ail des bois au cours du mois de mai. Je marchais sur un sentier abandonné, lorsqu’un mouvement à chatouillé mon œil. J’ai cessé de marcher, de bouger, j’étais entouré de fardoches ce qui n’aidait pas à ma vision. J’avais tout pour moi, le soleil dans le dos, le vent en face, et qui plus est j’étais à l’ombre d’un sapin. J’étais sûr que mon œil ne m’avait pas trompé. Juste un peu à ma gauche, cela avait bouger. J’ai attendu que mon œil s’adapte à cet environnement, pour finalement distinguer un magnifique chevreuil, qui regardait dans ma direction. Nous avons alors joué un jeu. Le premier qui bougerait aurait perdu. Je suis resté 30 minutes sans bouger à l’observer. Finalement, c’est lui qui a bougé le premier.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

N.B. Merci pour la toile de Rockwell, ce fut très apprécié.

Richard a dit…

D’autre part.

Après avoir lu : Le mage du Kremlin de Giuliano da Empoli, j’ai reçu hier après six semaines d’une longue attente impatiente : La Grande Confrontation par Raphaël Glucksmann. J’ai ouvert ce livre dès que je suis arrivé à la tanière, et lorsque je l’ai refermé, je venais de terminer la lecture de la dernière page.

C’est sans doute une des meilleures analyses que j’ai lues depuis le début de cette sale guerre. Dès la première phrase, un citation d’Anna Politkovskaïa qui avait dit à Glucksmann en 2005 : «  Poutine fera la guerre. Je ne sais pas quand, mais il la fera. Et les Européens seront alors surpris de découvrir que cette guerre les vise aussi... » J’ai toujours beaucoup d’admiration pour Anna Politkovskaïa qui a eu le courage de ses opinions pour finalement être abattu dans le hall de son immeuble le 7 octobre 2006. Elle avait vu juste, à partir de ces événements Glucksmann va remettre en question ses analyses des événements qui allaient bouleverser sa vision de l’Europe de l’Est. Pourtant, la réalité était là sous nos yeux, et nous n’avons pas vu, je dirais qu’on refusait de voir, parce qu’on était alléché par le commerce, surtout celui de l’énergie. Nous pensions que Poutine voulait faire seulement de l’argent avec son pétrole, mais le commerce pour lui, ce n’était pas une question de profit, mais de semer le chaos au travers de l’Europe, et l’Allemagne a été principalement visé. L’auteur ne manque pas d’apostropher Gerhard Schröder et François Fillon, sans oublier, un personnage énigmatique : Matthias Warnig. Malgré ce qu’on savait au plus haut niveau de l’Union Européenne, des enquêtes et mêmes des procès, on a préféré fermer les yeux. Les russes ont poursuivit leur travail de sape en inondant d’argent des partis politiques d’opposition dans plusieurs pays européens. Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir!

Rappelons que Raphaël Glucksmann, est président de la Commission spéciale du Parlement européen sur l’ingérence étrangère. Il fustige notre naïveté à tous, et surtout de l’élite politique qui a préférer le commerce à une vision politique. Le commerce c’est facile tout ce qui compte c’est le profit; la politique, cette vision de ce que nous sommes et de surtout de ce que nous voulons devenir, c’est autre chose de beaucoup plus difficile. Voilà l’argument phare de Glucksmann qui touche notre volonté politique d’analyser, de regarder la réalité en face, de quitter nos meubles sécuritaires comme il l’écrit. Il ne manque pas de faire le lien avec Taïwan et la Chine, qui elle aussi pratique ce sport dangereux de l’ingérence.

Le 24 février 2022 aura été un réveil difficile. Jusqu’au dernier moment, malgré l’accumulation de matériel à la frontière de l’Ukraine, on se disait, moi-même j’y souscrivais : Non ce n’est pas possible, ils ne passeront pas à l’acte malgré l’avertissement des américains. Pourtant ils sont passés à l’acte. À partir de ce moment, le doute n’était plus permis, les Ukrainiens n’avaient qu’une seule option : se battre. Nous avons compris à la lumière des événements que la soumission n’était pas une option. Comment oublier les événements de Boutcha?

« Cette guerre c’est aussi la nôtre.
Nous ne l’avons pas voulu, nous ne l’avons pas cherchée. Nous avons même tout fait pour ne pas la voir venir. Nous avons sacrifié nos alliés et nos principes à la quête d’un partenariat chimérique avec un tyran qui veut notre peau depuis le début. Nous n’avons cessé de céder du terrain, jusqu’à nous retrouver au bord du précipice. »
Raphaël Glucksmann
La Grande Confrontation
Page 169
Je recommande cette lecture.

Richard St-Laurent

Anonyme a dit…

Bonjour Carmilla,
Intéressants vos derniers billets.
La guerre s’installe en Europe pour de nombreuses décennies. Elle a été préparée depuis l’intérieur à la fin des années 60 dans un climat de défiance absolu. Les anciens contre les modernes, les femmes contre les hommes, les homos contre les hétéros, puis les noirs contre les blancs, les religieux contre les républicains, les « élites » contre les « peuple », et pour finir les progressistes contre les « ploucs », à la recherche d’une intersectionnalité qui ne se produira jamais. Parce qu’au final, le miroir de Narcisse aura triomphé et l’autre n’aura jamais été que ce soi-même, chéri et honni, dans le même mouvement. Ouroboros. C’est ce qu’on comprit les puissances de l’axe, les Russes, les Chinois, les Brésiliens, les Africains de Sud, les Brics. Ils triompheront. Ou pas.
La guerre est là. C’est une question de temps. L’histoire est merveilleusement cyclique et, dès lors, si facile à lire pour qui s’y intéresse un peu.
Ca va péter, dans des formes conventionnelles et plutôt insurrectionnelles au début, partout, et puis cela va s’étendre dans un bain de sang. Et les droits de l’homme, la révolution féministe, la social-démocratie n’y pourront rien. Pas plus que la finance. On l’a vu avec le tellement méchant virus… Je plaisante et adresse un clin d’œil à vos plus courageux lecteurs.
Dans une société où tout est gratuit, de l’éducation à la santé, en passant par les jérémiades permanentes et les dénonciations victimaires, resteront ceux qui se lèveront pour défendre les frontières de leurs terres, leurs mères et leurs filles, au front. Combien seront-ils alors qu’on continuera, à l’ouest de la Bretagne, à débattre de la réforme des retraites et de l’importance du libertinage et de la connaissance du XVIIIème, en particulier de Sade et de Choderlos, apparemment protégées dans un rbnb au Conquet ? Nul ne le sait. Et qui sera là pour s’opposer aux viols systémiques, aux exécutions sommaires, aux pogroms, aux enlèvements d’enfants ? Nul ne le sait. Et peut-être quelques mecs que la révolution féministe n’aura ni déconstruit, ni vampirisé, et qui ont dans le cœur leur propre French Theory.
Ils sont déjà fatals dans leur connaissance de l’histoire de l’Europe, et de ce qui s’y est construit, ici, sur ce bout de terre, depuis un peu plus de mille ans.
Et s’ils sont vaincus, qu’ils siègent au champ d’honneur parmi leurs anciens.
Vous souhaitant de plaisantes vacances moraves ;
bien cordialement.
Alban Plessys

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

Vous savez faire usage d'une plume magnifiquement lyrique pour décrire notre avenir. Mais c'est noir de chez noir.

N'êtes-vous pas exagérément pessimiste ? Mais il est vrai que je suis moi-même très partagée sur la question:

- il y a ainsi, d'abord pour moi, la vision très pessimiste de Freud exprimée dans "Malaise dans la civilisation". Il jugeait alors la guerre inévitable du fait de la frustration, de l'insatisfaction, du malaise de la plupart des gens (qu'il appelait les masses). Les contraintes de la civilisation et la répression accrue sont telles qu'un jour le couvercle de la marmite saute et c'est alors le grand déchaînement général. Freud a écrit son texte peu de temps avant la 2nde guerre mondiale et il s'est évidement révélé qu'il avait raison.

- mais j'ai du mal à adhérer à une vision aussi négative. Malgré tout, je me sens davantage proche d'Alexis de Tocqueville. Il considérait qu'on était rentrés dans l'Histoire depuis la Révolution française. Son moteur en est l'esprit démocratique qui bouscule tous les privilèges et toutes les inégalités. Forcément, ça secoue beaucoup, plus rien n'est acquis. On est entrés dans des temps éruptifs avec, parfois même, des périodes de régression.

Mais, à la fin, c'est quand même bien l'esprit démocratique qui triomphe. Et les acquis démocratiques deviennent irréversibles. Un retour en arrière sur les questions du racisme, de l'égalité hommes/femmes, de la pluralité des sexualités etc.. est aujourd'hui inconcevable.

Je continue donc, malgré tout, à croire au Progrès et à la pacification des sociétés. Mais le chemin est encore très long.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla
Voir, regarder, apprendre, se conscientiser.

Le vide d'objets que l'on fait autour de soi correspond, peut-être, à un vide relationnel et affectif. 

On passe donc son temps à regarder et à se regarder et même quand on est seuls, on a le sentiment d'être regardés.

Vos divagations? Je dirais que votre texte est une longue recherche, qui prend racine très loin, ce qui rend vos propos intéressants et m’incite à revenir sur sa lecture. En regardant vos images, je me suis demandé, si tous ces personnages, voyaient ou regardaient? Voir et regarder pour moi ne sont pas synonyme. Je vois des arbres sur l’autre rive de la rivière, et mon regard porte ailleurs, je passe à autre chose; mais si j’affirme que je regarde les arbres, cela prend une autre dimension, il y a comme un arrêt sur image, une observation qui exige l’analyse, ce n’est plus simplement voir. Voir serait superficielle, regarder serait approfondir. Est-ce qu’on passe son temps à regarder, ou bien voir? Est-ce qu’on passe son temps à regarder, ou bien, seulement à voir? Et, bien sûr nous nous regardons, nous nous observons, nous sommes fascinés par la foule qui déambulent dans la rue, dans un stade, dans une manifestation, mais de tous ces visages, qu’est-ce que nous conservons pour nous souvenir? Nous pensons que nous regardons la foule, pourtant nous nous livrons à un voyeurisme. Voir une foule et regarder une personne droit dans les yeux sont deux actes différents. On regarde avec attention, mais on voit souvent qu’avec indifférence. Tant qu’à savoir si les arbres me regardent de l’autre côté de la rivière, ça c’est une autre histoire que je devrais creuser. C’est étrange, je n’ai jamais le sentiment que je suis regardé, j’ai plutôt l’impression que tous le monde me tourne le dos, surtout lorsque je viens de les regarder droit dans les yeux! Ce qui explique que dans certaines nations, on fait baisser la tête des condamnés, des prisonniers, afin de ne pas subir leurs regards déstabilisants, cela s’est déroulé avec les Juifs dans les camps de concentration, en Russie, et surtout en Chine. Rien n’est plus déstabilisant que le regard de l’innocent. Et, que dire de celui qui refuse le bandeau alors qu’on s’apprête à la fusiller?

J’aime bien l’impression que me laisse : (le vide d’objets que l’on fait autour de soi.) J’avoue que j’ai passé ma vie à faire le vide autour de moi, dans une soif d’espace incommensurable. Ce vide n’est jamais faux, le vide ne ment pas, il ne camoufle rien et peut même remplir votre existence. Il vous donne de l’espace pour le mouvement, pour le départ. Personnellement, j’ai toujours eu l’impression que je possédais trop, voyager léger, c’est mon affaire. C’est plutôt mon absence de possession qui me défini. Ce qui s’accorde parfaitement avec ma liberté, au propre comme au figuré, et ne m’empêche surtout pas de regarder les gens droit dans les yeux.

Il y a votre toile no.31, la jeune fille qui regarde par la porte, et ce n’est pas les chiens qu’elle regarde, c’est peut-être sa famille ou ses voisins qui apparaissent sur le fond de l’image. J’ignore qui est le peintre de cette toile, mais je l’a trouve très évocatrice. Elle cadre parfaitement avec vos propos, comme avec les miens.

Bonne fin de nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

L'image n°31, c'est un tableau d'un peintre norvégien contemporain, Lars Elling. Très connu en Norvège mais quasiment pas en Europe.

Quant à Norman Rockwell, c'était vraiment un grand illustrateur. Avec lui, j'ai eu l'impression de découvrir la réalité américaine.

Sur l'importance du regard, bien distinct de la simple vision passive, je reprends, en fait, les analyses de la psychanalyse contemporaine. C'est une fonction occultée mais décisive dans la constitution de notre identité.

Je crois, en effet, qu'on passe beaucoup de temps à s'entre-regarder mais, bien sûr, sans en avoir conscience. Et ces regards sont plutôt prédateurs et hostiles. Et c'est pour ça qu'on n'aime pas trop être regardés. On a l'impression d'une effraction dans notre identité.

Et le regard des autres nous poursuit même quand on est seuls. Il nous angoisse. Si vous en avez la possibilité, essayez de voir le film d'Alfred Hitchcok: "Fenêtre sur cour". Vous pouvez ajouter: "Le locataire" de Roman Polanski, vraiment très fort.

Enfin, la marque de ces regards s'imprime durablement en nous au point que nous la retrouvons parfois dans certains objets (images, couleurs, musiques). Pourquoi, ainsi, certains tableaux ou œuvres d'art nous laissent-ils indifférents ou, au contraire, nous émeuvent-ils ? Parce qu'ils sont porteurs ou non des impressions qui nous ont constitué.

Je vous quitte maintenant parce que ma voiture s'impatiente pour partir en Moravie. Mais vous pouvez continuer à poster des commentaires.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla.

Votre voiture s’impatiente?

Je pense que c’est la conductrice qui est pressée de partir.

Après avoir regardé quelques photos, c’est jolie la Moravie.

Je vous souhaite un excellent voyage, grand bien vous fasse!

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je viens d'arriver à la première étape: Jihlava (prononcer Yikhlava en accentuant le Yi) qui est la ville du célèbre musicien Mahler.

La Moravie, c'est très champêtre: de petites villes très belles et une jolie campagne. Je ne veux aller dans aucune grande ville pour ce voyage.

A bientôt,

Carmilla

Julie a dit…

Bonjour Carmilla,
Que l'amor à vie vous comble.
Hâte de découvrir quelques photos.
Bon périple, à bientôt.
Julie

Carmilla Le Golem a dit…

Mercie Julie,

L'amor, surtout à vie, c'est un autre problème.

Ce n'est pas mon objectif premier. C'est d'ailleurs quand on en fait un objectif que ça foire. Généralement, on tombe amoureux non pas parce que ça nous tombe dessus (comme on en a l'illusion) mais parce qu'on le décide (même si ça n'est pas formulé consciemment). Et c'est ce point de départ vicié qui fait que ça se désagrège très vite.

Quant aux photos, j'essaierai mais, pas de chance, il fait un temps de cochon et c'est appelé à durer.

Bien à vous,

Carmilla

Julie a dit…

Carmilla, pour l'amour à vie je suis de votre avis.
Fallait y voir plutôt un jeu de mots (foiré) :), notamment "la Moravie"... l'amor à vie.
Bonne journée.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Ici au Québec pour l’heure, nous échangerions bien votre temps de cochon pour nos conditions de beau temps. Nous sommes dépassés par la situation des nombreux feux de forêts.

Chibougamau a été évacué pendant la nuit dernière, 7,500 habitants qui ont pris la direction du lac Saint-Jean.

Interdiction de circuler en forêt dans la majeur partie du nord de la province. Et, nous ne sommes pas les seuls. De nombreux feux brûlent toujours dans la nord-est de la Colombie-Britannique et en Alberta.

La ville de Halifax en Nouvel-Écosse a été envahit du côté ouest par les feux.
Nous vivons une période très difficile.

Nous pendant ce temps dans les Cantons de l’Est, nous nous sommes réveillé sous la pluie ce matin, ce n’est pas une grosse pluie, mais c’est quand même de la pluie.

J’avais pu constater, lors mes randonnées à l’ail des bois en mai, que le sol sous les arbres était sec pour cette période de l’année, et que le tapis de feuilles mortes pouvaient constituer un excellent accélérateur pour les flammes. Heureusement que nous avons été épargnés.

Je pense à tous ces hommes qui combattent ces feux, et je sais de quoi je parle, parce que moi aussi j’ai aussi combattu jadis.

Jihlava, la ville de Mahler, il y a de quoi rêver.

Tout à l’air si paisible dans ce coin du monde, pourtant vous n’êtes pas très éloignée de l’Ukraine, où il se passe beaucoup d’événements. Toutes ces petites routes, de quoi errer pendant des heures, d’oublier la routine de son quotidien, se rappeler les errances de Stasiuk.

Malgré ce temps de cochon, le voyage reste le voyage, je vous sens très excitée.

Bonne route Carmilla et faites le tour des poteaux pour moi!

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Julie,

Effectivement !

C'est moi qui suis un peu bête.

Décidément, j'ai parfois tendance à manquer d'humour.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Le temps de cochon, c'est en ce moment dans une partie de l'Europe Centrale. Mais à Paris, il ne pleut pas depuis quelques semaines.

Des incendies de forêts, je n'ai jamais connu mais j'imagine bien l'épouvante générée. On ne perçoit pas surtout la rapidité avec la quelle le feu se propage.

Quant à Mahler, il a passé son enfance dans cette petite ville de Jihlava un peu perdue et excentrée.

Il a été tout le temps très malheureux et dépressif. Très complexé par sa petite taille (moins de 1m 60) et son aspect chétif. Il avait onze frères et sœurs dont 6 moururent dans l'enfance. Ca explique peut-être qu'il est devenu hypocondriaque.

Il est devenu célèbre mais il était un chef d'orchestre très rigide et colérique. Il a ensuite épousé une femme Alma qui le dominait car très belle, très libre et issue de la haute bourgeoisie. Une femme sans doute remarquable mais qui s'est révélée plus tard plutôt antisémite. Malher était sans doute très malheureux avec elle car elle ne se gênait pas pour s'afficher avec de multiples amants. Enfin leurs deux premiers enfants sont morts prématurément.

Avec Malher, on peut donc se poser bien des questions sur les chemins qui mènent à la création et au génie.

Bien à vous,

Carmilla


Richard a dit…

Bonjour Carmilla
Nous pouvons nous interroger sur l’évolution des personnes géniales, qui vivent dans et par la création. Cela peut s’avérer un cadeau empoisonné. Il n’y a pas de quoi les envier. Je connais un peu la musique de Mahler, mais je ne m’étais jamais intéressé à la vie quotidienne de ce compositeur. Nous ne sommes pas toujours conscients de la souffrance des autres. Cela pose cette question incontournable : Est-ce que la souffrance est inhérente à la création? Le (génie) doit-il être malheureux pour créer? En tant qu’être humain, nous sommes bien mal placé pour envier.

Propos qui pourrait s’accorder avec ce bout de texte :

« Pour le dire un peu différemment, l’homme ne peut échapper aux processus d’interprétation et de croyance, quels que soient les contenus de ces processus mentaux. Nous croyons toujours quelque chose avec conviction, à commencer par notre présence au monde. Nous tenons toujours quelque chose pour vrai, au sens littéral : action engagée de saisir un énoncé et de le (tenir) pour vrai. Et souvent sans le savoir, d’où les zones aveugles à notre propre regard sur nous-mêmes. »
Lionel Naccache
Un sujet en soi
Les neurosciences, le Talmud et la subjectivité
Page 162 et 163

Comment ne pas se sentir interpellé? Je vous recommande ce petit livre, qui n’a rien de petit, parce que faire le lien entre les neurosciences, le Talmud et la subjectivité, se transforme en un merveilleux exercice d’équilibre. Naccache s’attache à décrire les manières de penser chez l’être humain, non seulement comme médecin et chercheur, mais aussi comme simplement un homme qui explique le Talmud qui est aussi une manière de penser avant d’être seulement un registre de lois, d’histoires, et de débats. Ce qui dépasse largement les dogmes. Ici on ne peut plus parler de religion, mais des manières de penser.

« Le Talmud met à profit cet enseignement pour nous livrer un autre aspect fondamental de sa conception de l’existence humaine : un être humain dont l’esprit est endommagé, dénaturé, voir annihilé par les mille et une contingences que l’on connaît n’est pas pour autant privé d’une once d’humanité. »
Un sujet en soi
Page 170

Cet ouvrage date de 2013, mais il n’a pas pris une ride, qui plus est, Naccache déploie une belle plume qui s’agence avec son immense culture générale. Pour poursuivre dans la même veine, un autre ouvrage de Naccache qui enrichit le propos dans : « Perdons-nous connaissance? De la mythologie à la neurologie, qui a été publié en 2018 ». Ce qui traite de la connaissance et de l’information dans nos sociétés, toujours sur un fond de subjectivité. Sujet que nous avons effleuré dans un passé récent.

Le pauvre Mahler aurait-il pu s’en sortir plus facilement, s’il avait eu l’opportunité de passer par ces genres de réflexions?

Bonne continuation dans vos explorations Carmilla.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

La plupart des grands créateurs étaient en effet des personnalités tourmentées.

Mais est-ce que ce n'est pas le cas de nous tous, nous tous qui ne nous contentons pas de ce que nous avons, qui aspirons sans cesse à autre chose ?

On dit des imbéciles qu'ils sont heureux, c'est peut-être vrai. De même, les animaux qui vivent dans l'immédiateté de la vie, sans appréhender la mort, sont probablement heureux.

Parce que c'est ça qui nous taraude sans cesse: l'angoisse de la souffrance et de la mort. Et puis notre irrémédiable solitude. C'est de ça qu'on ne cesse de parler mais en tournant sans cesse autour du pot. Toutes nos créations sont destinées à conjurer le malheur du monde.

Naccache, j'ai feuilleté. C'est sans doute bien et intéressant mais les neurosciences, ça m'apparaît tout de même une approche réductrice. Mais je n'ai pas de position définitive.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla
Voir et regarder s’accorde bien avec les deux ouvrages de Naccache que j’ai mentionnés hier, surtout (Perdons-nous connaissance, qui traite de la connaissance versus l’information, et l’auteur ne se prive pas de pousser son exploration, jusqu’à se demander : si la connaissance peut-être dangereuse? Pourquoi des peuples ont refusé d’aller plus loin dans la connaissance, refusant même les nouvelles technicités. C’est justement le genre d’ouvrage qui bouscule, dérange, remet en question et même conteste, ce qu’on croyait pour vrai, et voilà qu’on se retrouve avec des faits inédits, qui plus est, confirmés par des expériences scientifiques. J’avoue que c’est rudement déroutant. Vous posez bien la question : Pourquoi ne pas se contenter de ce que nous avons? Question qui accroche les imbéciles heureux. Cette peur de la souffrance et de la mort, qui pourtant, demeurent inéluctable. Se mordre le front devant cette évidence ne sert à rien. Nous souffrons et nous allons tous mourir. Est-ce une raison pour refuser notre destin? Refuser les explications, refuser les réflexions, refuser d’évoluer et d’avancer? Naccache, en autre, évoque la disparition des Néandertaliens, donc je suis probablement un des descendants. On s’explique mal comment et pour quelles raisons ils sont disparus, tout ce qui apparaît sur terre, est et demeure une possibilité, mais cela ne signifie pas la réussite de tous. Au final, tu évolues, ou bien tu disparais, avec des possibilités nombreuses de disparaître; beaucoup sont appelés, mais peu sont élus. Ce qui est assez déstabilisant loin de remplir nos désirs. Rien de plus instable que l’humain et son environnement et Naccache ne se prive pas d’évoquer une phrase de L’Ecclésiaste : « Abondance de sagesse, abondance de chagrin, et accroître sa connaissance, c’est accroître sa peine. » Voilà une conception déstabilisante qui sème le doute. Cette affirmation ne dicte pas de tourner le dos à la connaissance, ni à la sagesse, encore moins de craindre, je dirais même que cette affirmation nous incite à la fascination d’une réalité toujours en évolution. Tu peux refuser la connaissance, ce qui est inconnue ne te fera pas de mal; mais si tu empruntes la route de la connaissance, il se pourrait que cette connaissance dans un premier temps t’apporte une grande satisfaction, mais il se peut aussi qu’elle te porte dans une direction, qui à la base de ta découverte, n’était ni prévue, ni possible. Le pacte de la connaissance a été signé depuis longtemps, lorsque nos ancêtres sont descendus de l’arbre, et qu’ils se sont penchés pour ramasser une branche tombée sur le sol pour s’en faire un outil. C’était parti pour l’évolution et nous n’avons jamais ralenti. Nous avons même la possibilité de nous supprimer nous-mêmes par l’arme atomique. Entre la connaissance et l’information, s’offre un tournant à l’humanité, celui de se dire : OK, c’est assez, on en reste là, ou bien, nous enfonçons l’accélérateur à fond. Ce que Freud a exprimé par intuition et par la suite par observation sur l’humain, est en train d’être soit confirmé ou réfuté par les neurosciences. Il y a toujours une nouvelle connaissance qui vient culbuter nos anciennes connaissances, et ça pour l’humain c’est déstabilisant. L’humain ne s’interroge pas seulement sur le cosmos, il s’interroge et explore son propre espace intérieur, parce que sa psychologie c’est une mécanique complexe de chimie et de biologie. Jadis on n’expliquait pas l’épilepsie, on se contentait d’affirmer que c’était l’œuvre des démons; aujourd’hui avec les images cérébrales ont est capable d’expliquer ce qui se déroule à l’intérieur de notre cerveau. J’ai hâte de savoir ce qu’on va découvrir sur l’Alzheimer. Il y aura toujours quelque chose à savoir. Le fruit de l’arbre de la connaissance est toujours dans l’arbre, nous pouvons le cueillir, ou bien, lui tourner le dos. C’est sans doute l’une des larges parts de notre liberté!

Je vous souhaite une bonne fin de journée Carmilla, de la part d’un hybride, homme du Néandertal/épouvantail à moineau...

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

De qui je descends m'importe assez peu. Pourquoi pas de Néanderthaliens en effet ?

Mais je crois que la génétique n'a qu'un rôle secondaire et mes ancêtres, je m'en fiche donc complétement.

Je crois bien plus à la culture qu'à la biologie.

Sur ce point, il a été démontré que les processus de la pensée humaine (essentiellement classificatoires par couples d'oppositions) étaient absolument identiques dans toutes les sociétés. Il n'y a donc pas de pensée primitive ni de sociétés primitives dans les quelles les facultés logiques et d'analyse seraient simplement à l'état d'ébauche. Sans doute depuis toujours, il y a une profonde unité de l'esprit humain et de ses règles de fonctionnement.

A partir de là, c'est bien sûr la question des inégalités de développement économique qui se pose. Il semble que la conception du temps (cyclique ou linéaire), le rapport au religieux et la capacité de la société à dégager des surplus favorables à une accumulation et une épargne jouent un rôle.

Mais je pense qu'on est définitivement entrés dans l'Histoire et qu'il n'y aura pas de retour en arrière. Où cela nous conduira-t-il ? Je n'en sais rien mais pas forcément vers le pire. Je continue de croire au progrès malgré tous les pleurnicheurs et catastrophistes qui nous entourent.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla
La génétique n’est pas secondaire, elle joue un rôle majeur en biologie comme en botanique. Comment on a amélioré nos rendements agricoles? C’est justement par des sélections des caractère génétiques. On a fait des croisements en autre pour les vaches laitières afin d’augmenter leur production de lait, au niveau des animaux de boucherie le but était non seulement d’augmenter le poids des bovins mais le rendement au niveau carcasse. Au début on a procédé par tâtonnements, on croisait ce qu’il y avait de meilleur, cela prenait beaucoup de temps, et les résultats n’étaient pas toujours gratifiants, puis on a commencé à manipuler en biologie, ce qui a accéléré les processus. On a découvert que certains animaux possédaient certains gênes qui offraient des possibilités intéressantes, alors on a croisé avec des résultats que l’on connaît aujourd’hui. Comment nous en sommes parvenus à cette augmentation de population effarante? Tout simplement parce que nous avons augmenté nos rendements agricoles. On aurait jamais atteint 8 milliards d’individus avec une agriculture du Moyen-âge. Le plus bel exemple, se sont les rendements céréaliers qui ont été multipliés, les périodes de croissances raccourcies. En 1800, dans les plaines de l’ouest canadien il était impossible de produire du blé, un siècle plus tard, c’était devenu un grenier du monde. On a produit de nouvelles variétés de cultivars, qui produisaient plus, et en moins de temps, ce qui a permis ces cultures, dans des régions où la saison de végétation est courte. Grâce à quoi? À la génétique. Il en est de même en médecine, on le sait, certaines maladies sont génétiques, comme on dit ici, c’est dans la ligné, elle se transmettent de descendants en descendants. Et, si notre corps physique peut transmettre, il influence aussi nos comportements, notre manière de penser, d’aimer, et de gérer. N’est-ce pas fabuleux, des milliers d’individus se sont perpétués pour donner ce que nous sommes en tant qu’individus. Nous sommes le résultats d’une longue chaîne d’événements. Lorsque j’y songe, j’ai le vertige. D’autre part, c’est un puissant stimulant, qui nous incite à la performance, à la recherche, à la compréhension, et à la découverte. Mais, qu’est-ce que l’évolution, si non, une immense possibilité d’hypothèses, et souvent de hasards, que nous comblons souvent par nos caractères opportunistes, et qui débouchent sur des résultats étonnants. Sans doutes que mes propos ont été influencés par me origines terriennes, je voyais des plantes pousser, le lait tomber dans la chaudière, les veaux naître, le foin tomber devant la faux, puis avec le temps, j’ai croisé tout cela, avec des types comme Darwin, Montaigne, Reeves, Jacquard, Pasteur, et bien d’autres. Lorsque je lis un auteur comme Naccache, je suis loin d’être perdu, au contraire, je me retrouve comme dans un cocon. J’en redemande encore. Lorsque l’on fait une découverte, et surtout si elle est utile, comme dans la suite du monde comme le disait Pierre Perrault, je sais que c’est la suite d’une longue chaîne d’humains, que cela aurait pu ne pas exister, que cela peut prendre fin, mais que décidément nous sommes en route. Naccache commence son Épilogue par cette question : « Où nos pas nous ont-ils conduits? Dans : Perdons-nous connaissance? Et ce n’est pas pour rien qu’il débute par la mythologie pour arriver à la neurologie. Nous n’avons pas toujours été ce que nous sommes, et nous ne serons pas toujours ce que nous sommes, nos possibilités sont immenses, mais notre devenir est aléatoire, le pire n’est jamais certain, et du sucre il n’y en a jamais plein la tasse.
Génétiquement vôtre Carmilla

Richard St-Laurent

Anonyme a dit…

Bonsoir Carmilla,
merci pour votre réponse ; vous avez tout de même une lecture "genrée" de mon commentaire. Il n'y siège aucune noirceur, ni de catastrophisme pour un homme. Bien au contraire. Pour cela, il faudrait pouvoir comprendre le rapport à la guerre de gamins qui faisaient du renseignement dans l'infanterie de marine derrière les lignes serbes en Bosnie et dont les fils (le mien actuellement) mettent, avec ses compagnons d'armes, les soldats roumains, polonais et bulgares aux standards de combat modernes. Ce n'est que de la lumière; pour ne pas dire un kiff. Mais je suis à peu prêt sûr que plus personne ici ne peut comprendre. Et c'est égal.
Sur Freud, je pense que la référence la moins anachronique, s'agissant de l'évolution de cette société, est plutôt à rechercher dans "Totem et Tabou", dans l'exigence sociale du meurtre du père par des fils dégénérés pour avoir accès aux femmes. Je raccourcis. C'est ce qui fera civilisation.
Tocqueville a écrit beaucoup plus d’âneries sur la France que sur les Amériques. En Normand, il n'a rien compris à la France. La France apparaît avec le mot pour signifier une souveraineté légitimée par un peuple. C'est l’œuvre de Philippe Auguste en 1205. Sous cet angle, la révolution n'est qu'un évènement. Nous pouvons évidemment être en désaccord sur ce sujet. Il confond le libéralisme et l'individualisme, qui est un totalitarisme dès lors que rapporté à l'autre. Je préfère Michelet.
Quand à l'égalité, je m'y suis un peu intéressé. Elle n'existe pas. Je pourrais développer mais il est tard (en tout cas pour moi).
Profitez bien de vos vacances.
Alban Plessys

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

En effet ! Sauf que les humains ne sont pas des végétaux ou qu'ils n'offrent pas la même variété que certains animaux (chiens ou chevaux par exemple).

Je ne suis nullement une spécialiste mais il semble que l'"équipement" génétique des humains est quasi identique chez tous les individus à quelques éléments près générant de petites variations physiques (couleur des yeux, des cheveux, pigmentation, traits du visage).

Il n'y a pas de "races" chez les hommes contrairement à cette idée funeste qui s'est développée au 19ème.

Vous pouvez donc procéder à tous les appariements ou sélections possibles parmi les hommes, vous n'obtiendrez jamais de nouvelle espèce et, surtout, ni de surhomme ou de sous homme.

Il y a une profonde unité (indestructible, semble-t-il) du genre humain et je crois qu'il faut s'en réjouir. Imaginez ce que ça pourrait être si l'apparence physique des humains présentait la même diversité que celle des chiens. Je crois que ce serait l'enfer parce qu'on est beaucoup moins pacifiques que les chiens qui eux, nonobstant leurs différences, se respectent et ne s'entretuent pas.

L'homme s'est constitué, un jour, tout d'un coup. Ca s'est fait avec l'apparition du langage et, en même temps, la conscience de la mort. C'est cela qui nous différencie profondément de tout le reste du vivant.

Est-on capable de modifier nos codes génétiques? A quel prix, pour quels buts ? Il faut bien réfléchir.

Mais je le répète, je ne suis nullement une spécialiste. Je ne retraduis, ci-dessus, que mes quelques lectures.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

Il est vrai que depuis le confort douillet de nos vies, nous sommes incapables de comprendre et de percevoir ce que peut être la guerre et la lutte armée.

C'est absolument terrifiant pour nous tous mais il y a quand même quelques individus capables d'affronter la mort. Qu'éprouvent-ils réellement ? Ca relève du domaine de l'indicible.

J'ai noté qu'en Ukraine, beaucoup de femmes prenaient part aux combats de terrain. Presque toutes ont aussi appris à manier une arme. C'est une évolution des moeurs très importante.

Je vous concède que Tocqueville a aussi écrit beaucoup d'âneries (notamment des propos antisémites). Mais sa vision de la démocratie comme moteur de l'histoire m'apparaît pertinente.

La vision de Freud était, en effet, très noire: la société repose sur un crime commis en commun. Ca veut dire qu'on ne parviendra jamais à harmoniser, "ensembliser", les aspirations et désirs de tous.

Tout est conflit et mouvement perpétuels dans les sociétés humaines. La dialectique du maître et de l'esclave, je crois en effet que ça joue à fond. La stabilité dans l'égalité, je n'y crois pas non plus. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas la rechercher.

Bien à vous,

Carmilla

Réponses rédigées depuis Olomouc, la "petite Prague".

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
De la différence à la standardisation

Pendant que nous peaufinons nos commentaires, nous pouvons envisager qu’au même instant, des scientifiques travaillent dans les laboratoires à travers le monde, où l’on s’apprête à faire des modifications génétiques. L’affaire est déjà parti et depuis plus longtemps que l’on se l’imagine. Les faits ne manquent pas, du célèbre glyphosate, mieux connu sur le nom commercial de (Roundup) , en passant par les greffes entre humains, jusqu’au changement de sexe! Et, qui surveille ces activités, pendant que nous avons tous le regard rivé sur le conflit en Ukraine? Le monde n’arrête pas de tourner.

La différence voilà la vraie richesse, mais l’humain préfère la facilité de la standardisation et sa séduisante vitesse, ce qui n’est pas très propice à la connaissance et surtout à la réflexion. L’éthique pourrait faire un retour remarqué. Ne nions pas qu’il y a des progrès immédiats, mais jusqu’à quel niveau, ou à quelle erreur? Le glyphosate c’était merveilleux au début, mais avec le temps, certaines des ces plantes indésirables dans les cultures ont développées des résistances à ce produit. La belle affaire. On peut comprendre pour quelles raisons (Roundup s’est jeté dans les bras de Bayer), surtout pour échapper aux poursuites judiciaires. Avec l’éthique, nous nous retrouvons dans une saga biologico-politique. C’est juste un exemple comme cela en passant, et nous pouvons affirmer que c’est loin d’être terminé.

La génétique humaine est beaucoup plus compliquée que nous l’imaginons, je ne pourrais sans doute pas recevoir de votre sang Carmilla, parce qu’on ne serait pas du même type, et pour recevoir une greffe il faut être compatible, on ne prend un rein d’une personne pour l’installer dans un autre corps.

Tant qu’au sujet des races, cela a précédé le XIXe siècle, et depuis des siècles, les nègres n’étaient pas considérés comme des humains, lorsqu’on les embarquaient à bord de voiliers en direction de l’Amérique, c’était encore moins que des nègres.

Une nouvelle espèce d’homme, d’humain, au pire d’humanoïde, avec les manipulations génétiques cela devient possible. L’eugénisme n’a pas totalement disparu, un être plus rapide, plus endurant, plus fort, delà à passer à l’intelligence, il y en a qui ne pourront pas résister à la tentation. Le dopage aux jeux Olympiques ce n’est qu’un début.

Une profonde unité? Peut-être présentement indestructible. Si nous retournons à jadis, où sont passés les hommes du Neandertal et l’homme de Cro-Magnon, et sans doute d’autres peuplades d’hominidés? Pourquoi, c’est l’Homo sapins qui a émergé, alors que les autres ont disparu? Il en est largement question dans le livre : Au commencement était… par Graeber et Wengrow, et Naccache aussi touche à cette énigme dans : Perdons-nous connaissance? Et, si c’était ceux qui avaient disparu qui se sont sauvé avec le ballon, qui au final avait marqué le point?
L’homme s’est constitué il y a longtemps, je dirais même avant la parole et l’écriture, et sans doute en pensant aux dernières phrases de mon dernier commentaire, ces lointains ancêtres étaient bien différents de ce que nous sommes devenus. Peut-être qu’un peu de modestie serait de mise, l’homme n’est certes pas une conclusion dans l’évolution, qu’on se le tienne pour dit!
Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

On peut bien sûr avoir des appréciations différentes concernant la diversité humaine.

Je préfère néanmoins considérer ce que les hommes ont en commun plutôt que ce qui les différencie. C'est l'approche universaliste issue de la philosophie des Lumières.

Je sais bien que ça n'est pas votre point de vue mais considérer qu'on est tous différents, ça peut ouvrir la voie au communautarisme, au séparatisme. Ca peut aller jusqu'à cette idée d'une supériorité de certains groupes sur d'autres. Je pourrais par exemple être tentée de me dire, en ce moment, que tous les Slaves sont frères et soeurs de sang. C'est évidemment idiot, il n'y a que les langues et certaines coutumes (notamment culinaires) qui sont communes. Mais on n'a vraiment rien de slave dans le sang ou dans les gènes. De même, vous n'êtes pas porteurs de gènes français ou américains. Les groupes sanguins, les couleurs de la peau ou des yeux, la forme du visage, ça m'apparaît quand même assez secondaire.

Le racisme a été théorisé au 19ème siècle mais il est vrai qu'il existait bien avant. Quand ont été découvertes les Amériques, la question s'est posée de savoir si les sauvages rencontrés étaient bien des humains. Ca a donné lieu à la fameuse controverse de Valladolid.

L'évolution du vivant ? Oui sans doute mais je ne me sens pas héritière de ceux qui m'ont précédée. La naissance de l'homme, c'est quand même pour moi l'apparition du langage et la prise de conscience de la mort. C'est, à mes yeux, ce qui me lie à l'humanité.

Quant aux prodiges de la science et de la génétique, oui aussi. Mais les savants ont toujours été portés par une ambition démiurgique. On croit pouvoir aujourd'hui reculer les frontières de la mort et, pourquoi pas, devenir immortels. C'est surtout un grand fantasme comme ceux qui touchent au changement de sexe ou à notre proximité avec les animaux.

Attention aux grandes proclamations ! Il faut ainsi rappeler que la progression importante de l'espérance de vie dans le monde est beaucoup moins imputable à la médecine qu'à l'amélioration des conditions générales d'hygiène de vie des populations (eau courante, alimentation, logement etc..). Dans certaines disciplines (cancérologie, neurologie), la médecine patine même franchement. On n'est pas près d'en finir avec la mort et la souffrance.

Bien à vous,

Carmilla (depuis Olomouc)

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

La différence apporte la variété, et plus il y a de différences, plus vous avez de possibilités de trouver d’autres solutions aux problèmes qui se posent. Je le vois ainsi. Je pense ici, à la biologie et à la botanique, je pourrais résumer le tout : ne pas mettre tous ses œufs dans le même papier. Qui sait? Peut-être qu’un jour des scientifiques creuseront dans des cimetières anciens à la recherche d’une molécule pour nous sauver d’une maladie qui nous menace? On peut projeter aussi, cette phrase bien connue : celui qui sauve une vie, sauve le monde.

Nous sommes tous des humains, mais ce qui fait notre force, se sont nos différences. Il n’y a pas plus différent que vous et moi, nous avons des réflexions sur plusieurs sujets; ce qui enrichie les discussions, et cette facette de cette différence, nous incite à progresser, à réfléchir, pas pour avoir bêtement raison, mais pour comprendre, essayer d’expliquer, a entreprendre des lectures qu’on n’auraient jamais penser parcourir. Nous ne pouvons que nous en réjouir.

J’en reviens à cette phrases de Charles Darwin : «  Ce n’est pas le plus fort qui domine, c’est celui qui a une grande capacité d’adaptation. »

Nous venons d’en avoir un magnifique exemple en Colombie, ces quatre enfants qui ont erré dans la jungle pendant un mois après l’écrasement de leur avion Cessna 206. Ils ont survécu parce qu’ils se sont adaptés. Finalement on vient de les retrouver! Si on se réfère à ce que j’évoquais hier à propos de la disparition des Néandertaliens, nous pouvons émettre l’hypothèque qu’ils possédaient moins de capacités d’adaptations que l’Homo sapiens. Ceci, reste une hypothèse, mais elle est relativement plausible.

Un autre groupe plus moderne vienne d’en faire une brillante démonstration. La ville de Chibougamau a été sauvé de la destructions. Les évacués vont pouvoir rentrer chez eux, grâce à des hommes et des femmes qui ont lutté pendant des jours pour que tout ne s’envole pas en fumée. Je connais leurs capacités d’adaptations. J’en profite pour remercier les 109 pompiers forestiers que la France nous a envoyé. Nous vous sommes très reconnaissant. Dans un feu de forêt, il faut que tu t’adaptes continuellement, les conditions changent, faut changer les plans, et des fois prendre des initiatives sans plan, le tout sans te laisser encercler par le feu.

Enfin, comment ne pas souligner tous ces peuples autochtones qui ont vécu des milliers d’années en terre d’Amérique, qui se sont adaptés, toujours face à l’inédit, dans le domaine se sont eux les vrais champions. Ils étaient tellement libres que les Européens ont été incapables de les réduire en esclavage.

Est-ce que vous êtes passée par le lieu de naissance de Freud? Comment les populations se comportent face aux événements à l’est? Vous n’êtes pas très éloignée de la frontière de l’Ukrainienne? D’après les photos que j’ai regardées sur le web, l’architecture à Olomouc est splendide. J’espère que ce voyage vous apporte de grandes satisfactions!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

J'ai lu "Le dernier des soviétiques" de Marc Nexon, que vous m'aviez conseillé. J'ai beaucoup apprécié ce livre. Le personnage principal est réellement touchant : on voit qu'il avait cru en une sorte de "bien commun" qu'aurait pu incarner le système soviétique. Force est de constater que les villages éloignés du grand Nord ont été abandonnés et que les liaisons aériennes, forcément non "rentables" qui les reliaient au monde extérieur ont été supprimées. D'autre part, la personnification de l'avion bloqué en bout de piste, "Touchka", fonctionne bien et est aussi plutôt touchante.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Oui, mon voyage se déroule plutôt bien à quelques anicroches près. Mais les difficultés, ça fait aussi partie d'un voyage, c'est pareillement éducateur. C'est pour ça que je n'aime pas les formules organisées dans les quelles vous êtes pris en charge.

L'Ukraine, c'est relativement proche de la Moravie. Mais je n'ai encore rencontré aucun Ukrainien. Mais il est vrai que je ne suis que dans de petites villes et ils sont sans doute plutôt dans les grandes agglomérations. Quant à l'opinion des Tchèques, disons que c'est bizarrement plus nuancé.

La maison de Freud, je viens juste d'y renoncer. Ca me faisait un déplacement de 150 kms et on m'a dit que ça n'en valait pas la peine. J'ai visité les musées de Freud à Vienne et à Londres et là-bas, c'est très intéressant parce qu'il y a de nombreux objets et documents qui avaient entouré Freud. Mais à Pribor, il n'y a rien de cela, juste les 4 murs d'une maison où il a vécu jusqu'à l'âge de 3 ans dans une toute petite ville.

Quant aux capacités de survie et de résistance et des humains, elles sont effectivement immenses. Jusqu'au bout on est animés par le vouloir vivre, l'amour de la vie malgré la souffrance et la détresse. Mais je ne crois pas que ça ait à voir avec la génétique.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je pensais, en effet, que ce livre de Marc Nexon vous plairait bien.

On ne dira jamais assez la détresse et la déréliction de certains territoires de la Russie, totalement abandonnés. Le contraste est immense avec les grandes villes qui, elles, présentent plutôt bien.

Je vous conseille maintenant "Varlam" de Michaël Prazan. Varlam, c'est le nom d'un chat (choisi en hommage à Chalamov) qui accompagne l'auteur en Iakoutie.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Il appert, qu’on n’en n’a pas terminé avec les souffrances et la mort, malgré ce constat, l’humain s’accroche à la vie, même dans les circonstances les plus cruelles. Je ne pense pas qu’un jour les humains deviendront immortels, et qu’ils continuerons de passer une partie de leur existence dans la peine et la douleur peu importe les avancées techniques. Mais faudrait-il pour autant sacrifier sa vie en se suicidant? Refuser la vie? Lui tourner le dos? Ce qui demeure étrange, c’est qu’on ne demande pas à vivre et qu’on ne veut pas mourir. Alors contentons-nous de vivre, se sera déjà ça de pris. Lorsque je vois une personne se relever après l’épreuve, je trouve cela magnifique! Je pense à ces enfants qui viennent non seulement de s’en sortir dans un milieu dangereux, et qui ont vu leur mère mourir après quatre jours de souffrance, et je me demande qu’elle sera leur vie après ce drame?

Nous attendons beaucoup de nos avancées techniques, nous sommes même des monstres d’impatiences pour nous cantonner dans le temps court, le temps immédiat; nous ne pensons jamais le temps long. La science elle a besoin de ce temps long, oui des fois nous faisons de belles découvertes dans des temps relativement courts, mais le reste du temps, on trépigne d’impatience. Nous oublions nos exploits, comme la mise au point de vaccins au cours de la dernière pandémie dans l’urgence. Pourquoi l’humain a cette fâcheuse tendance à oublier ses bons coups?

Les Tchèques auraient des opinions nuancées? J’espère que la nuance ne va pas au niveau de revoir les blindés russes dans les rue de Prague comme lors du printemps de 1968. Sont-ils en train d’oublier leur histoire? Sont-ils influencés par leur voisin Hongrois, qui avaient senti l’odeur des blindés en 1956? Il ne faut pas oublier, ce n’est pas encore gagné en Ukraine. Difficile de tenir cette Europe solidaire. Il y en a qui branlent dans le manche? Si l’Europe désir devenir une puissance dominante au niveau international, elle se doit de serrer les rangs.

Les photos que j’ai pu dénicher sur la maison où est né Freud, me semblaient idylliques. Je ne suis pas un fan de Freud, mais je pense que j’aurais visité, juste par curiosité… C’est quand même fabuleux, naître dans un petit village, pour vivre une renommée internationale.

Étrange destin, que je trouve toujours fascinant.

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Je suis passé aujourd'hui à ma librairie préférée à Bruxelles, et j'ai acheté "Varlam", que je vais lire lors de mon prochain séjour à Avioth.

Le site de cette librairie : https://www.tropismes.com/

Par ailleurs, je vous conseille "Sept kilos de camomille", de Rumanja Zacharieva, écrivaine bulgare établie depuis de très nombreuses années en Allemagne. Une évocation romancée de la jeunesse de l'écrivaine, dans la Bulgarie communiste des années 60.

https://www.babelio.com/livres/Zacharieva-Sept-kilos-de-camomille/1515251

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Oui, il ne faut pas négliger les grandes réussites de la science.
Mais il faut savoir aussi que la médecine ne peut pas tout.
C'est un domaine que je connais un peu car je me suis notamment occupée de gestion hospitalière.

On sait ainsi que l'évolution de l'espérance de vie dans le monde est largement liée au recul de la mortalité infantile et au développement de grandes politiques publiques d'hygiène.

Ensuite, votre espérance personnelle de vie dépend beaucoup de votre alimentation, de votre poids, de votre consommation d'alcool et de tabac, de votre pratique sportive. Les Allemands et les Américains vivent ainsi moins vieux que les Japonais ou les Espagnols. Votre hygiène personnelle, c'est plus important que vos consultations médicales même auprès des plus grands spécialistes.

Autre donnée troublante: à 60 ans, les écarts d'espérance de vie entre pays sont très resserrés. A 60 ans, un Américain a une espérance de vie à peine supérieure à celle d'un Egyptien en dépit d'une médecine bien supérieure. De même, cette espérance de vie à 60 ans a relativement peu progressé depuis deux siècles. Si on cessait de dispenser des soins aux personnes de plus de 60 ans, l'impact sur l'espérance de vie globale d'un pays serait limité.

Je précise cela non pas pour critiquer la médecine mais pour rappeler qu'il ne faut pas tout en attendre. De grands progrès ont été réalisés en cardiologie interventionnelle au cours de ces deux dernières décennies. On prolonge effectivement la vie des cardiaques. Mais pour le cancer et les maladies neuro-dégénératives, on a du mal à mesurer les progrès effectifs.

On est, de toute manière, incontournablement mortels. Mais ça ne veut pas dire, non plus, qu'il faut cesser de dispenser des soins médicaux.

Quant aux Tchèques, il est difficile de se forger une opinion à partir de quelques conversations. Leur soutien à l'Ukraine est tout de même fort et ils détestent bien, en général, les Russes. Mais il faut rappeler qu'ils ont vécu un régime extrêmement répressif de 1968 à 1989. Disons qu'ils veulent oublier tout ça.

Quant à la maison de Freud, ce n'est justement pas un musée et c'est ce qui m'a dissuadée.

Bien à vous,

Carmilla


Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je pense que ce livre vous intéressera d'autant plus que vous semblez apprécier les chats. Je rappelle aussi que Michel Prazan a écrit le remarquable : "Einsatzgruppen" ainsi que "le massacre de Nankin".

Merci pour cette écrivaine bulgare dont je crois avoir entendu parler.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Pour bien vivre, il faut tout simplement aimer la vie! Avoir une vie intéressante, être confortable dans son corps, mais surtout dans dans sa tête, avoir confiance en soit, être curieux, inventif, imaginatif, ne pas attendre les autres, mais prendre les devants, faire reculer la crainte, rejeter l’angoisse, se donner des marges de manœuvres, rire souvent, ne pas trop se prendre au sérieux, connaître ses limites, s’accepter; et si nous rajoutons tout ce que vous avez écrit à propos de l’hygiène de vie Carmilla, en principe, ça devrait aller. Ce qui compose un bon état d’esprit, tout en sachant, le plus lucidement possible, que cela ne garanti pas la longévité, mais que c’est une bonne piste. Et j’en reviens à Montaigne qui écrivait, que ce n’était pas le nombres des années qui avaient tant d’importance, mais la façon dont tu vis chaque jour.

Je suis toujours étonné, lorsqu’une personne s’ouvre à moi, pour me décrire sa vie terne, ses déceptions, son manque de passion, de vision, ses peurs, ses angoisses. Si l’esprit se dérègle, le corps suit. Ce qui constitue le pain et le beurre des vendeurs d’illusions, des charlatant modernes, des prêcheurs, pour finir par les dictateurs. Il y a toujours des profiteurs pour profiter de la vulnérabilité des gens. Vulnérabilité qui se traduit par crédulité. Nous pouvons aujourd’hui en constater les résultats, surtout de tout ce que nous avons pu percevoir au coeur de la tourmente de la pandémie. Il n’y a rien de tel qu’un état de crise pour mettre l’humain à nu.

La lucidité demeure un chemin ardue, et cela ne va pas, sans me rappeler ce roman de José Saramago, qui s’intitule : La lucidité. Entretenir sa lucidité n’est pas une mince affaire, c’est à refaire à tous les jours comme d’arracher les herbes indésirables dans son potager, ou de bien écouter les propos de votre voisin, ou encore de celui qui vous parle à la radio, et du politicien qui se lève en Chambre pour prendre la parole. Il faut souvent se demander si nous avons bien entendu et compris ce qui a été dit.

Je m’en voudrais de passer sous silence la dernière bourde canadienne. Personne en Europe connaît ce personnage qui se nomme Maxime Bernier. C’est un ancien politicien conservateur qui a été même ministre de la défense dans le Cabinet Mulroney il y a très longtemps, et qui est devenu ultra conservateur. Il a affirmé la semaine dernière devant des journalistes : « Que tous les feux de forêts avaient été allumés volontairement par des écologistes afin de mousser leurs arguments sur la crise climatique. » Il tente présentement de se faire élire dans un comté au Manitoba dans une élection partielle. Pour la lucidité on repassera, mais il y a des gens qui boivent ces genres de propos!

L’inconscience n’est pas la santé!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Il faut bien sûr s'efforcer non pas de survivre mais de vivre.

Un vie sans joie, guidée par les seules passions tristes, n'est bien sûr pas une vie.

Avoir l'ascèse et la rumination pour seuls guides, c'est évidemment désespérant.

Comment conduire sa vie, c'est, au total, une affaire personnelle en fonction de ses goûts et capacités.

Pour ce qui me concerne, je n'ai en aucun domaine, comme beaucoup de gens, de talent particulier à développer. Mes perspectives sont donc limitées. Je souhaite simplement ne pas sombrer dans la médiocrité de l'ennui pour n'avoir pas à me dire, un jour, que j'aurai passé mon temps à le tuer. Pour cela, j'ai besoin de beaucoup de discipline et je m'y applique consciencieusement avec notamment un emploi du temps très organisé et très rigoureux. Ma seule qualité, c'est peut-être que je ne traîne jamais mais ça me rend sans doute aussi insupportable.

Les âneries politiques, oui, c'est inépuisable. Il y a bien sûr beaucoup d'imbéciles parmi les politiques. Mais ce que je sais, c'est que c'est aussi une fonction épouvantable dans l'exercice de laquelle on est constamment sollicité et traîné dans la boue. On ne bénéficie même plus du moindre respect des administrés.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Vous ne pouvez pas devenir l’assassine du temps, parce que vous passez votre temps à le cravacher. Faut quand même ménager sa monture!

Ou trouvez-vous le temps pour vous livrer à vos nombreuses lectures?

La flânerie n’est pas la paresse, c’est du temps libre qu’on s’accorde pour une part de rêve, se ressourcer, se refaire. Des fois, il faut donner des congés à sa montre. Personnellement, je ne porte plus de montre depuis que j’ai quitté l’aviation, parce que dans ce domaine le temps est lié à ta consommation de carburant. Il fallait prévoir pour revenir à la base. J’ai toujours eu du mal à conserver mes montres, jusqu’au jour, où j’ai suivi mon cours de plongée sous-marine, et que je me suis retrouvé avec un instrument lourd et complètement étanche, mais qui me servait bien. Mes camarades me taquinaient : « Richard, cette montre est dangereuse, si tu tombes à l’eau, tu vas te noyer. » Avec le temps, j’ai fini par voir la fin de cette montre. Je suis assez rude avec tout ce que je porte, et je finis toujours par user complètement mes objets personnels. Les bijoux très peut pour moi. Aujourd’hui, je lis dans le ciel la course du soleil, ce qui m’indique l’heure. De toute façon, je me suis créé un espace temps pour avoir du temps pour rêver, ou comme vous le dites, pour flâner. Ce qui est très agréable. Alors, je peux caresser mon inspiration, et décider sur un coup de tête de partir, pour disparaître entre les arbres pour me faire oublier, ce qui soulage beaucoup de personnes.

Ce fut une semaine favorable, on s’en est relativement bien sorti même si la travail n’est pas complété, de 150 feux en activité la semaine dernière, on n’en compte un peu plus d’une centaine, et si les conditions météorologiques nous sont favorables, nous devrions voir ce nombre baisser encore. Des centaines de milliers d’hectares sont partis en fumés. Dès que c’est sécuritaire, les gens sont autorisés à retourner dans leur village. Nous avons été très chanceux, pas de victimes, on a réussi à sauver plusieurs villes et villages, pas d’accidents d’avions, les situations défavorables ont été surmontées. Ça sentait la fumée jusqu’à New-York. Comment ne pas y penser lorsque tu as vécu dans de telles conditions? Je salue le courage de tous ceux qui ont lutté contre ces feux.

Depuis trois mois, nous voguons de catastrophe en catastrophe, après un hiver moins rude que d’habitude, ce fut le verglas au début d‘avril, après ce fut les inondations dans plusieurs régions à la fonte des neiges, et maintenant, se sont les feux de forêts. Et cette situation prévaut pas juste au Québec, mais à la grandeur du Canada. Hier en soirée, nous avons connu notre premier orage de la saison sur les Cantons de l’Est. Les éclairs étaient spectaculaires dans la nuit, spectacle sons et lumières, mais aucun danger de feu dans ma région cela fait pratiquement une semaine qu’il pleut, les taux d’humidité sont élevés, pour l’heure on s’en sort bien.

Oui, avec le temps tout s’en va. (Léo Ferré)

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

La relation au temps est, pour la conduite de ma vie, quelque chose d'essentiel. Ne pas avoir de montre est, pour moi, inconcevable et je serais perdue si cela se produisait. D'ailleurs, j'adore les montres et j'en ai beaucoup (dont certaines à l'affichage très complexe).

La mesure du temps, ça fait tout de même partie de ces chose qui ont permis aux sociétés humaines de trouver une organisation commune et, ainsi, de rentrer dans l'histoire.

Et puis, je m'émerveille toujours que pour mesurer le temps, on utilise une numération sexagésimale (base 60) qui remonte tout de même aux Sumériens et Babyloniens. En consultant ma montre, je deviens donc un peu une Babylonienne.

Il est vrai, pourtant, que de moins en moins de gens possèdent une montre. Ca n'est plus très prisé. J'ai du mal à expliquer ça.

Mais pour moi, il est important d'avoir fait dans une journée tout ce que j'avais prévu et pour cela d'avoir une stricte programmation horaire. Evidemment, ça implique de se lever tôt, voire très tôt. Mais sinon, comment pourrais-je trouver le temps de lire, sortir, faire du sport, aller au cinéma ? Ma vie deviendrait sinistre, entièrement absorbée par le travail.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Merci de m'avoir conseillé la lecture de "Varlam" de Michaël Prazan, que j'ai beaucoup aimé. On apprend une foule de choses sur le Goulag, on découvre les paysages inouïs et glaciaux de l'extrême-orient russe et on s'attache beaucoup à chat miraculé, Varlam.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Oui, c'est une lecture agréable et intéressante. La présence du chat permet aussi d'alléger la gravité du sujet.

On peut préciser que la Iakoutie, ça n'est pas tout à fait l'Extrême-Orient russe car c'est encore bien loin de la mer. Comme vous le savez, il y avait, récemment encore, une coopération d'enseignement de la langue française entre Iakoustk et la Belgique.

Ca aurait pu vous plaire. Malheureusement, depuis quelques années, il commence à y faire très chaud l'été avec des nuées de moustiques. Ca ne dure heureusement que quelques semaines et, dès le mois de septembre, on retrouve un bon froid bien glacial.

Bien à vous,

Carmilla