samedi 9 septembre 2023

Barbey, Proust et la Méduse

 
J'en avais complétement marre de cet été sans fin dont la chaleur écrasante vous rend stupide. A ces moments là, je suis prête à adhérer à cette thèse, teintée de racisme, suivant la quelle les gens du Nord sont forcément plus agiles d'esprit. C'est pourtant vrai que, pour vous abrutir, rien de tel que des températures extrêmes.


Alors, je me suis pris un long week-end. J'ai embarqué avec moi ma copine Daria. Elle a besoin d'être réconfortée, toujours prise entre deux eaux: le spleen et l'exaltation. Elle est un peu bizarre avec moi. Elle qui est si fantaisiste, qui n'en fait qu'à sa tête et n'a vraiment pas froid aux yeux, elle se montre d'une étrange docilité en ma compagnie. Elle accepte tout ce que je propose sans discussion, elle me laisse l'entière initiative. Elle m'a même avoué qu'elle tient un journal dans lequel elle s'efforce de noter tout ce que je dis. Ca doit être vraiment curieux, c'est sûr que je ne réclamerai jamais de lire ça.

Elle a donc tout de suite adhéré avec enthousiasme à mon projet d'aller voir à Caen l'étonnante exposition consacrée au mythe de la Méduse. Et puis d'enchaîner avec "La villa du Temps Retrouvé", récemment ouverte à Cabourg et bien sûr consacrée à Marcel Proust. Et pourquoi pas de pousser, enfin, vers la Pointe de la Hague où on pourra trouver un peu de fraîcheur et surtout s'imprégner de l'ambiance des romans de Barbey d'Aurevilly.


Bien sûr, Daria n'a jamais entendu parler de Barbey (il est quasi inconnu en Russie). Quant à Proust, c'est doublement difficile à aborder pour une Russe: l'aristocratie parisienne plus les problèmes insolubles de traduction, c'est franchement insurmontable. Et enfin la Méduse. Qu'est-ce que c'est que ce truc ? Mais ça ne la dérange pas. C'est ce que j'aime en elle: ce qu'elle ne connaît pas, ça ne la rebute pas du tout, elle juge ça, au contraire, d'autant plus attirant.


Pour moi, ça avait une cohérence. D'abord, le mythe de la Méduse. Il a irrigué toute l'Antiquité. Et puis, il est revenu en force au 19ème siècle et il s'est prolongé jusqu'au milieu du 20ème. 


Ce mythe exprime, en fait, l'effroi universel face à la sexualité et particulièrement celle de la Femme. Feud et Ferenczi ont écrit là-dessus en rattachant la peur éprouvée à l'angoisse de castration.


Ca apparaît banal aujourd'hui mais c'est quand même complétement contraire à l'idéologie actuelle qui voit dans la sexualité une simple activité festive et récréative. Un pur moment de plaisir qui répondrait à un besoin hygiénique.


Et bien non ! C'est infiniment plus compliqué que ça et surtout ça met en jeu toute l'identité qu'on s'est laborieusement construite. On ne l'avoue jamais, de peur qu'on ne se moque de nous, mais l'angoisse sexuelle, ça nous taraude tous en fait. L'harmonie, l'épanouissement, je n'y crois guère. Au contact de l'autre, c'est plutôt une terreur diffuse qui se répand en nous.


La Méduse qui pétrifie les hommes de son regard, elle exprime bien ça. Le regard de l'Autre, la confrontation qui s'ensuit, ça nous cloue littéralement en effet.



Et peut-être plus encore les hommes que les femmes parce que le Masculin s'angoisse ou s'affole à l'idée de devenir proie et non plus prédateur. C'est cette idée d'un féminin qui le dépasse en savoir et en puissance qui terrifie le mâle. C'est la honte de l'impuissance et de la perte de domination.



La peur des femmes, c'est ça qu'exprime le mythe de la Méduse. Et même quand un homme croit posséder une femme en la pénétrant, il vit ça avec angoisse parce qu'une bouche ou un sexe peuvent être dévorateurs, castrateurs. La douce jeune fille est toujours ambivalente, elle a vite fait de se transformer en une cruelle prédatrice.

J'expliquais ça à ma copine Daria. Ces idées l'enchantaient, elle qui est presque caricaturalement séductrice.


Quant à Barbey d'Aurevilly et à Proust, ils relèvent d'une interrogation qui me turlupine depuis quelque temps: quels sont les grands écrivains qui ont écrit les choses les plus belles et les plus justes sur les femmes ? Sûrement pas les plus progressistes et les plus égalitaristes. Hugo, par exemple, je n'y trouve aucun portrait de femme forte ou "puissante" comme on dit aujourd'hui. Pareil chez Maupassant ou Zola (à l'exception peut-être de Thérèse Raquin).


Et que dire des écrivains du 20ème siècle? Gide, Aragon, Sartre, Malraux, Camus, Céline, Tournier...., c'est zéro, le grand vide sidéral. 


Force est de constater que les écrivains qui ont le mieux parlé des femmes sont de vieux garçons, pas toujours agréables, aux tendances homosexuelles plus ou moins affirmées: Balzac, Flaubert, les frères Goncourt, Barbey d'Aurevilly, Marcel Proust. On peut y ajouter le philosophe Friedrich Nietzsche. Ca en dit long sur les capacités d'identification à l'autre et la bisexualité psychique.



Barbey était un personnage excessif, acariâtre, ayant su se faire de nombreux ennemis (ce qui explique, peut-être le discrédit porté, jusqu'à aujourd'hui, sur son œuvre). Détestable à maints égards: profondément monarchiste et réactionnaire. Il croyait vraiment à une "race" aristocratique.


Evidemment profondément misogyne.  Pourtant ses portraits de femmes sont d'une lucidité saisissante. On ne rencontre dans ses livres aucune "sotte" entièrement absorbée par sa famille et ses enfants. Les femmes ne sont jamais, chez lui, des "victimes" endurant passivement leur condition.



Au contraire: les femmes chez Barbey n'en ont rien à fiche des convenances sociales. Elles savent les contourner. Elles sont toutes, en réalité, dévorées par la passion et, singulièrement, la passion du Mal.


Quels personnages féminins extraordinaires ne rencontre-t-on pas, en effet, chez Barbey ? Prostituées, criminelles, androgynes, empoisonneuses, incestueuses, infanticides, cannibales ... Des "Diaboliques" prêtes à tout,  qui ne reculent devant rien. Les femmes ne sont jamais pires que lorsqu'elles cherchent à se venger. 


Des femmes dangereuses, qui prennent la parole et l'initiative. Des femmes sans doute émasculantes et qui rejoignent en cela le mythe de la Méduse. Barbey, cet affreux réactionnaire, se révèle, en fait, le premier écrivain féministe.



J'avoue que cette vision des femmes, bien éloignée de la doxa moderne, me convient assez bien. Tout vaut mieux qu'une existence molle et dépassionnée. Même l'Enfer et surtout l'Enfer ! C'est pourquoi, j'en appelle à lire, relire, Barbey.


Et ce qui est extraordinaire, quand on se rend dans le département de la Manche (dans un périmètre ayant pour centres les villes de Valognes et Saint-Sauveur), c'est qu'on retrouve, je crois, à deux siècles d'écart, l'ambiance mélancolique et inquiétante des écrits de Barbey.


- Le petit port de Barneville-Carteret, les immenses plages à proximité, la petite chapelle : "Une vieille maîtresse".
- Le château d'Olonde: "Une histoire sans nom"
- La lande et l'abbaye de Lessay: "L'ensorcelée"
- La ville aristocratique de Valognes que l'on surnomme le Versailles normand. Ca peut sembler d'une incroyable prétention mais l'architecture globale de la ville est effectivement harmonieuse. Valognes est, en tous cas, la référence majeure des romans de Barbey. 


Pour des motifs que je ne m'explique pas, le Nord du département demeure miraculeusement préservé du tourisme.  Il est étrange d'arpenter d'immenses et magnifiques plages quasiment désertes, sur les quelles viennent galoper  des chevaux de course.


C'est peut-être lié au climat (Cherbourg est systématiquement, en été, la ville la plus fraîche de France). On avait apporté nos maillots de bain les plus sexy mais on ne les a guère utilisés. 


D'abord, à quoi bon s'exhiber sur une plage déserte ? Et surtout, une température de l'eau à 17°, quelle épreuve épouvantable quand on n'a pas de masse adipeuse ! J'avais moins froid quand j'allais me baigner sur la plage de Jurmala en Lettonie.


On a terminé notre folle escapade à Cabourg où Proust a eu sa résidence d'été au "Grand Hôtel" de 1907 à 1914. Il y occupait invariablement la chambre 414.


Cabourg, c'est évidemment Balbec dans "La Recherche". Et il est étonnant et presque réconfortant de constater à quel point la municipalité exploite l'image de son illustre visiteur. La promenade du bord de mer est ainsi rythmée de citations extraites de "La Recherche". Et dans les boutiques, on trouve de multiples images et cartes postales de "la Belle Epoque". C'est peut-être un peu dérisoire car combien, parmi les touristes, ont effectivement lu Proust ? On le sait, Proust et Joyce sont les plus grands écrivains du 20ème siècle mais les tirages totaux de leurs œuvres sont ridicules en comparaison des best-sellers actuels. Il n'empêche que cette glorification de Proust illustre bien que la France demeure, malgré tout, le pays de la littérature.


Et puis l'architecture de toutes les villes de la Côte (Cabourg, Houlgate, Deauville, Trouville) est d'une homogénéité esthétique impressionnante. Ca en dit long surtout, me semble-t-il, sur la richesse économique de la France entre 1871 et 1914. Ca conduit à s'interroger sur ce qu'est la richesse d'un pays. Serait-on capables, aujourd'hui, d'édifier  des villes comparables à celles de la Côte Fleurie qui demeurent belles un siècle plus tard ?



Proust ne cesse personnellement de me fasciner parce qu'il est pour moi une leçon de vie quotidienne. On ne cesse en effet, aujourd'hui, d'en appeler à une rectitude des sentiments. On devrait tous être taillés d'un bloc entièrement transparent dans un monde dégoulinant de bonté. On se revendique profondément intègres. On est, en fait, de parfaits hypocrites.


Par rapport à cette exigence intenable, Proust, c'est le grand "dessillement social". Tous ses personnages se révèlent, in fine, le contraire de ce qu'ils étaient au début. 


"Sous le sadique, le tendre. Sous l'homme du monde, le rustre. Sous une duchesse de légende, une femme ordinaire. Le viril s'avérera l'efféminé. Le noble, l'ignoble".


Et ça vaut pour Marcel Proust lui-même. Il était parfaitement courtois et éduqué mais aurait eu aussi, dit-on, des tendances sadiques. Il se faisait livrer des rats, capturés aux abattoirs de la Villette, et prenait plaisir à écouter les cris de souffrance des pauvres bêtes torturées à coups d'aiguilles par un assistant. Cette histoire invérifiable, mais sans cesse colportée, fait partie de sa sombre légende.


On est tous de grands menteurs et de grands dissimulateurs et on s'emploie toute sa vie à porter un masque et à adresser des signes qui voudraient persuader du contraire.



Cette révélation a été pour moi un véritable affranchissement. Je ne me suis plus sentie tenue par un rôle, une bonne conduite obligatoire. Surtout, ça m'a sans doute rendue plus tolérante envers les autres. J'essaie de comprendre leur logique de fonctionnement, même dans leurs mensonges, même dans leurs coups pendables.


L'erreur, dans les relations affectives, c'est d'être radical, intransigeant. De ne rien pardonner, de ne rien excuser. C'est la meilleure recette pour vivre continuellement dans la solitude et la déception.


Il est peut-être beaucoup plus judicieux de développer une faculté à tout comprendre. Tout comprendre dans la globalité de la personne que nous venons de rencontrer, dans sa lumière comme dans ses ombres, dans ses vertus comme dans ses vices. 


Il y a ainsi, dans "La Recherche", trois femmes qui me fascinent: Odette, Albertine et Melle Vinteuil.


Odette, c'est la cocotte, la femme scandaleuse, inculte et vulgaire, qui parvient à séduire un homme raffiné et esthète, Swann. Mais elle est aussi la femme superlative, encore plus femme que toutes les héroïnes et élégantes. Elle est un tourbillon sensuel, une débauche d'exhibition, d'allure, de vêtements. Odette, elle est une nouvelle dame aux camélias, elle en dit beaucoup sur l'incarnation et la fascination de la volupté.


Albertine, c'est la fille de bourgeois. Jeune, insolente, sportive, canaille. Une fille moderne, avertie, comme on dit. Bavarde et dynamique comme toutes les filles d'aujourd'hui. Aimant plaire, s'amuser, sortir, se fringuer. La véritable incarnation de l'imaginaire érotique contemporain. Franche et sans détours, croit-on. Mais qui, en réalité, ne cesse de mentir avec une habileté consommée. Elle est une incarnation du vice, celle qui "trompe de bonne foi" à coups de petites omissions et de justifications opportunes.


Quant à Melle Vinteuil, elle est une figure du Mal et du sadisme au féminin. Celle qui n'hésite pas à profaner l'image de son père (le grand compositeur) en crachant dessus. Une fille vraiment horrible mais à qui Proust parvient, étonnamment, à trouver des excuses. Elle est une sadique, certes, mais une sadique de toute bonté, une artiste du Mal. Elle est exempte de cruauté, ce véritable signe de la méchanceté, car ce n'est pas le Mal qui l'incite au plaisir mais c'est le plaisir qui lui apparaît démoniaque.


Odette, Albertine et Melle Vinteuil, j'ai tendance à penser que ces trois figures travaillent largement ma personnalité. Incontestablement, je suis frivole, effrontée, cynique, superficielle, manipulatrice. De celles qui ne s'en laissent pas compter, à qui on ne la fait pas. Sûrement pénible et compliquée.


En un mot, je suis moderne. Peut-être comme toutes les femmes d'aujourd'hui. Ou peut-être pas...


Quelques photos de mon séjour normand, principalement dans le Cotentin et la Pointe de la Hague. On dénomme cette région "la petite Irlande". Je crois que c'est amplement justifié. La photo 9 est celle de l'immeuble où vivait Barbey à Valognes non loin de l'Hôtel de Beaumont (photo 10) souvent évoqué dans son œuvre.

Je vous incite, une nouvelle fois, à lire Barbey d'Aurevilly.  Au moins "Les Diaboliques".

Essayez de voir également le très beau film de Catherine Breillat: "Une vieille maîtresse", avec Asia Argento. Catherine Breillat, une grande réalisatrice, trop peu reconnue, dont j'attends avec impatience la sortie, mercredi prochain, de "L'été dernier" (avec Léa Drucker).

Il est peut-être un peu tard pour visiter l'exposition "Sous le regard de la Méduse" à Caen (dernier jour le 17 septembre). On trouve néanmoins, dans toutes les bonnes librairies, le magnifique catalogue de l'exposition.

A lire également:

- Laure MURAT: "Proust, Roman Familial". Laure Murat est connue comme essayiste. Il faut ainsi absolument avoir lu "La maison du docteur Blanche" et "L'homme qui se prenait pour Napoléon". Elle commence par dévoiler dans ce dernier livre qu'elle est une descendante directe du roi de Naples Joachim Murat et qu'elle a reçu, à sa naissance, le titre de princesse. Elle appartient donc à la haute aristocratie d'Empire. Mais ce n'est plus du tout sa préoccupation car elle affirme s'être complétement détachée des codes vides de l'aristocratie grâce à la lecture de Marcel Proust (qui a régulièrement fréquenté l'hôtel de ses arrière grands-parents). Ce livre consiste donc en un entrecroisement vertigineux de sa biographie personnelle et de l'œuvre littéraire de Marcel Proust. C'est une tentative inédite et fascinante. Tellement réussie que pour la première fois, cet "essai" vient d'être inscrit dans la liste des Goncourables.

- Maria POURCHET: "Western". J'aime bien la personnalité de Maria Pourchet et son écriture vraiment percutante et singulière. J'ai quand même été déçue par son dernier bouquin car j'attendais plus. Mais ce n'est que mon jugement et Maria Pourchet fait quand même partie des écrivains qui comptent aujourd'hui. Et puis, elle pose bien le réel problème d'aujourd'hui: comment les hommes et les femmes peuvent encore échanger, se rencontrer, après me-too.

20 commentaires:

Ariane. a dit…

Bonjour Carmilla.
Quelle surprise, vous êtes venue chez moi, à Valognes ! Ce passage Dorléans devant lequel je passe tous les jours (j'habite à côté) et cette si belle photo de l'émouvante vieille église, toute en ruines, de la plage de Carteret.
Vos images de St.Sauveur sont aussi une réussite, le château surtout, et comme un clin d'oeil vous avez eu l'idée de photographier ce charmant petit bistrot à l'ancienne,LeRideau Cramoisi où je me rends assez souvent.
Tout comme vous j'apprécie Laure Murat dont j'ai lu tous les ouvrages et j'ai bien sûr commandé le "Proust, une histoire familiale"
Vous n'en parlez pas, mais j'avais aussi beaucoup aimé son "Passage de l'Odéon" où elle évoque ces deux femmes d'exception, Adrienne Monnier et son amie Sylvia Beach.
Et bien sûr son essai sur la famille Blanche est vraiment passionnant.

Un petit détail, il a fait si chaud cette année que nous pu nous baigner à Barneville, où l'eau, et c'est rare, était à près de 20° !
Merci encore pour vos photos, je les adore !
Ariane.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Ariane,

Ravie d'abord que mes photos rencontrent votre approbation. Il est toujours délicat de présenter des photos souvenirs à d'authentiques résidents.

Ceci dit, le département de la Manche, et surtout sa partie Nord, est vraiment intéressant et attachant. Des paysages inspirants, des plages magnifiques, des châteaux mélancoliques.

L'architecture des villes est aussi très intéressante. Surtout celle de Valognes. J'ignore ce qui a fait la richesse de cette ville au point que les rues historiques comportent une foule de maisons élégantes et hôtels particuliers magnifiques. C'est vraiment très curieux. Voilà une ville où nombre de cinéastes peuvent trouver leur bonheur.

Quant à l'église Saint-Malo qui allie une nef moderne à un chœur gothique, c'est, contre toute attente, une grande réussite.

J'ai, de plus, eu la chance de trouver pour point d'attache l'hôtel du Château de Bricquebec, situé dans la cour même de l'édifice. C'était formidable. Difficile de trouver plus romantique. Prendre son petit déjeuner dans la salle voutée des Chevaliers, c'est impressionnant.

Je dirai que la région me semble très agréable, encore préservée du kitsch et de la banalité du monde moderne.

Seul problème: j'y suis allée juste avant la canicule qui a démarré début septembre. Et à cette époque, il fallait vraiment être courageux pour se baigner et il n'y avait d'ailleurs pas grand monde. Mais on ne peut pas tout avoir et tant mieux finalement. Cette fraîcheur du climat permet de préserver la beauté des plages en dissuadant les foules.

Merci enfin pour votre conseil concernant "Passage de l'Odéon".

Bien à vous,

Carmilla

Ariane a dit…

Chère Carmilla,

merci pour cette prompte réponse. C'est vrai que nous avons eu un mois d'août exceptionnellement mauvais,nous avons même eu froid certains jours !
Et si ce soleil de septembre a été le bienvenu, pour quelqu'un comme moi qui ne tient pas en place, qui aime aller et venir, cela a été assez pénible : 30° c'est vraiment trop, ou alors il faut rester oisif.
Il y a eu assez peu de monde sur nos belles plages, c'était la Rentrée et un peu tard pour y mener les enfants.
Et vous savez, même en pleine saison il n'y a jamais la cohue dans cette partie du Cotentin.
je pense que les gens la connaissent mal, et en ont peur, on leur dit tellement qu'il y pleut beaucoup, alors que c'est faux.
J'ai vécu 12 ans à Biarritz, et je peux vous dire qu'il pleut bien plus au Pays basque.

Valognes, a été longtemps une vicomté, et depuis des lustres il y a un tribunal de belle importance et si aujourdhui elle n'existe plus, l'Officialité, le tribunal ecclésiastique, dont une rue a gardé le nom, a accueilli des abbés renommés.
Guillaume le Conquérant a vécu au château, détruit sous l'ordre de Louis XIV, qui en avait marre que les Anglais s'y croyant chez eux, s'y installent.

Louis XI avait une fille naturelle qu'il a reconnue, Marie de France, qu'il maria au duc de Bourbon et ceux-ci s'installèrent à Valognes dans un bel hôtel qui hélas a été bombardé en 1944.
Et c'est depuis cette époque que bon nombre d'aristocrates se sont installés ici, et en encourageant les artisans ont enrichi la ville et attiré de plus en plus de personnes assez huppées, d'où le très grand nombres de magnifiques hôtels particuliers.

Voilà en gros l'histoire de Valognes, qui eut pour habitants des personnes renommées, comme Vicq d'Azir, chirurgien de Marie-Antoinette par exemple.
En fait, j'adore ma nouvelle ville !

Carmilla Le Golem a dit…

Chère Ariane,

Que je réponde, en respectant un délai raisonnable, à ceux qui prennent la peine de m'écrire, cela m'apparaît la moindre des choses. J'attache du prix à cela.

Le Nord du Cotentin semble, en effet, miraculeusement épargné par les hordes touristiques. Mais cela fait aussi son charme et son attrait.

Il est vrai qu'en été, Cherbourg est régulièrement pointé comme la ville la plus fraîche de France. Souvent près de 10 degrés de moins qu'à Paris.

Mais les choses risquent de changer parce que les étés commencent à devenir insupportables dans une grande partie de la France. En ce moment à Paris, nous endurons ainsi 35/36 ° depuis 8 ans. C'est physiquement et psychologiquement épuisant, d'autant qu'il n'y a pas d'air et qu'il y a une réverbération de la chaleur sur le bitume. Et je ne parle pas du métro. J'avoue que je ne suis guère sortie depuis 8 jours.

Quant à la pluie, je préfère des champs et des arbres bien verts à des sols desséchés et des végétaux rabougris. Et puis, la pluie a un charme mélancolique. J'ai vécu en Iran où il ne pleut qu'exceptionnellement et je vous assure qu'à la longue, c'est désespérant et profondément ennuyeux: toujours le même temps, le même soleil et le même ciel bleu. On a un besoin physique de changement.

On m'a aussi expliqué que la présence des centrales nucléaires dissuadait de nombreux touristes. Je ne sais pas si ça a vraiment un impact. Ce serait, en tous cas, l'un des bénéfices de l'irrationalisme.

Merci pour ces explications historiques concernant Valognes. Dans l'une de ses nouvelles les plus impressionnantes, "Le dessous des cartes d'une partie de whist", Barbey d'Aurevilly évoque justement ce regroupement d'aristocrates dans la ville de Valognes. Quand j'avais lu ce texte, je pensais qu'il exagérait. Mais en fait, non ! C'est vraiment étrange.

Je comprends donc parfaitement que vous aimiez cette belle ville et ses beaux alentours.

Bien à vous,

Carmilla

Ariane a dit…

Chère Carmilla.

C'est encore moi !
Pour vous dire que les touristes sont légion en Lot-et-Garonne, et pourtant il y a une centrale, tout près d'Agen, Golfech, et ça ne semble pas troubler ni les habitants ni les visiteurs de ce beau Quercy (où j'ai également vécu
Je pense que c'est sa réputation sauvage et un peu fraiche qui fait reculer les touristes et finalement c'est tant mieux, pour nous !

Je vous propose ce texte, issu du Journal de Renaud Camus, qu'on aime ou pas, mais moi j'admire son érudition et ses "Demeures de l'Esprit" sont une merveille.

"Et il y a la si élégante Valognes.
_Valognes, c'est une espèce de Riom en pleine campagne, en plus souriant, plus somptueux aussi.
Une petite capitale de l'aristocratie provinciale.
Et la campagne est tellement jolie par là. Ça c'est un voyage à faire, Briquebec, Valognes et Bayeux bien sûr."

Ps. Il me semble que vous êtes aussi passée par La Pernelle, je crois reconnaitre l'entrée et le petit bar du fameux restaurant panoramique.
Voilà, je vous laisse Carmilla, ça sera tout enfin !
Ariane.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Ariane,

Renaud Camus n'a effectivement pas écrit que des horreurs et on l'a excessivement diabolisé. Et puis, c'est le débat sans fin de l'homme et de l'œuvre.

Je ne suis pas en mesure de comparer Riom (où je n'ai jamais mis les pieds) et Valognes. Mais la comparaison est surprenante et intéressante.

Je ne suis pas non plus convaincue par l'argument du nucléaire qui épouvanterait les touristes. Les Français demeurent rationnels.

Parmi les touristes étrangers, j'ai quand même noté beaucoup d'Allemands et évidemment des Britanniques et Irlandais. Mais sinon, à peu près personne. La Normandie, vue de l'étranger, ça semble s'arrêter à la Seine-Maritime, au Calvados et au Mont Saint-Michel.

La Pernelle ? Je ne connais pas. Il s'agit du sémaphore de Flamanville où il y a un restaurant (que j'ai trouvé très bien). Plus loin, c'est le Christ de Biville.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Comment ne pas joindre : De l’amour : illusions, liaisons dangereuses et humiliation; avec : Barbey, Proust et la Méduse, pour finir par : L’Antiphonaire d’Hubert Aquin? Il y a de quoi faire une beau voyage, ou bien, patauger dans un marécage.

Est-ce qu’on pourrait créer un Mythe avec les (grands taiseux)? Est-ce que les hommes sont aussi silencieux qu’on le dit? Peut-être que certains sont tellement déçus de leurs expériences amoureuses, qu’ils préfèrent le silence; et les autres n’en n’ont rien à dire puisqu’ils n’en n’ont aucune expérience. Le Mythe des (Grands Taiseux), cela pourrait être intéressant. Se serait en quelque sorte le Mythe du silence. Vous avez sans doute raison d’évoquer le mur du silence dans le couple, surtout lorsqu’on pourrait évoquer son désastre amoureux, quelques paroles mal placées conduiraient infailliblement à la faillite, provoquant l’effondrement du mur, entre l’humiliation et la haine. Le prix de l’humiliation, c’est la haine, et cette situation peut aller dans tous les extrêmes. Vaut-il mieux, tenir sous couvert d’un silence malsain, face à l’essentiel, ou bien provoquer l’avalanche?

C’est vieux comme le monde, les femmes entre elles parlent des hommes, et les hommes parlent des femmes. Laissons de côté ces grands vantards affichant sans retenu leurs prouesses sexuelles qui se vantent de leurs conquêtes, l’amour ce n’est pas la chasse à l’orignal, et encore moins la recherche du « trophée ». Comme vous le mentionnez souvent, c’est un peu plus compliqué que cela. Sur ce sujet, les discussions entre hommes à propos des sentiments, sont souvent très intéressantes et révélatrices.

Les mots désirs et séductions seraient devenus aujourd’hui suspects? Je pense qu’on n’a jamais tant parlé de séductions et de désirs et on ne cesse d’écrire sur ces sujets. Ce qui dérange, c’est l’aspect éphémère de la relation comme la vie qui a une fin certaine, rien de moins certain que le désir et la séduction. Ce qui ressemble à la santé, qui est un état précaire qui ne présage rien de bon. Est-ce que cela vaut la peine de se faire humilier pour se faire du mal? En cela, je reprendrais cette petite phrase toute simple de Jankélévitch: «L’amour n’a pas besoin de contrat, le mariage si.» Difficile d’établir une pérennité dans l’ordre des sentiments, et ce n’est pas parce que vous décidez d’aimer une personne, qu’elle vous le rendra en retour. Les désirs et les sentiments possèdent ce désastreux pouvoir de torpiller notre lucidité.

Vous l’avez merveilleusement bien dit :
«On passe son temps d'abord à souffrir de ne pas posséder ce que nous désirons mais ensuite, et peut-être surtout, à souffrir de ne pas désirer ce que nous possédons. L'amour est sans cesse creusé d'un écart irréductible entre la réalité perçue et l'irréalité rêvée. »

Comment en arrive-t-on à se complaire dans la possession de l’autre?

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Posséder une personne, n’est-ce pas un Mythe? À ce chapitre même si je ne suis pas un connaisseur, j’aime bien la Mythologie Grec, tous ces dieux, je dirais ces personnages mythiques, qui se détestent, s’affrontent, se trahissent, on dirait une pièce de théâtres sans fin. À ce chapitre, le Mythe c’est refuser une certaine réalité pour se refaire une vision fictive. Chez les Grecs c’étaient les dieux, ce qui allait se transformer plus tard en religion. Nous avons donc inventé les dieux, pour finalement en disqualifier la totalité pour n’en conserver qu’un. Et à chaque fois on trouvait moyen de se justifier. On inventait un Mythe, ou des Mythes, pour passer de la Mythologie Grec à au catholicisme. Prenons La Bible, c’est un livre plein de Mythes, univers moins fabuleux que celui des Grecs. Ne dit-on pas : Le Mythe Fondateur. Nous sommes tellement épris de nos mythes, que nous sommes prêts à les défendre bec et ongle. Faire la guerre pour un mythe, cela nous rappelle-t-il quelque chose? Le mythe du vrai dieu, de la vraie religion, de la race supérieure, de la vraie économie, de la vraie démocratie, du vrai dirigeant, nous pouvons en décrire jusqu’à demain matin, et qui plus est, en inventer d’autres, tellement que notre quotidien nous semblent fade. Sommes-nous au coeur de la fabulation ou de l’imagination? Sommes-nous si malades? Faut-il tout justifier même sans raison? Certes, si on y pense sérieusement, nos sociétés sont édifiées sur des mythes, on a construit sur ces mythes, cela a inspiré maintes artistes, on a édifié des bâtiments, des églises et des cathédrales, sans oublier les monuments consacrés à des mythiques penseurs! N’est-ce pas fabuleux? Nous pouvons comprendre cette recherche des nouveaux conservateurs qui bavent d’envie de se trouver de nouveaux guides, et pourquoi pas de nouveaux mythes, afin de justifier leur nouveau puritanisme. Est-ce que nous sommes en train de nous effaroucher nous-mêmes, au point de craindre notre propre sexualité? Sommes-nous en train de nous étouffer nous-mêmes d’angoisses, que nous avons nous-mêmes élaborés? Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour échapper à nos réalités? Dans ce domaine, l’humain est champion toutes catégories. Qui sait Barbey, du moins ses idéologies ont sans doute de l’avenir avec les nouveaux conservateurs? C’est étrange, nous les voyons venir, et nous restons paralysés dans nos inconsciences. Nous les voyons, mais nous refusons de les regarder; au pire dépourvue d’explication. Serais-ce que nous sommes en train de nous préparer à l’enfer? L’enfer, un autre Mythe, et je crois que les humains croient plus à l’enfer qu’au paradis. C’est véritablement un tour de force, cette peur de l’enfer pour pousser les gens au paradis, on dirait une odeur de manipulation. Mais au fait, cette sorte de manipulation ça mérite quoi, l’enfer ou le paradis? Ne reste plus qu’à se réfugier dans ces mythes de vie éternelle et d’immortalité.

Personnellement cela ne me fait pas rêver!

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Mes propos sont choquants, mes questions déstabilisantes et s’accordent parfaitement avec cette lecture violente d’Hubert Aquin sans doute son meilleur ouvrage : L’antiphonaire, qui relate l’histoire d’un couple dont le mari est épileptique avec des tendances très violentes, mais Christine son épouse l’aime et le supporte, malgré toutes les volées qu’elle reçoit. Elle finit par le quitter pour sauver sa vie et aller soigner ses blessures chez un pharmaciens qui la violera. Elle retombera dans les méandres d’un vieil amour sur le retours, mais son ex-mari viendra mettre un terme dans une tentative d’assassinat en tirant à bout portant sur son amant, puis pendant que son amant sera entre la vie et la mort, elle couchera avec le médecin qui traite son amant. C’est une histoire tordu, comme toutes les histoires d’Aquin, qui ne s’en cachait pas en avouant à tous, et cela depuis son adolescence, qu’il voulait réussir un beau suicide. Aquin finira par réussir son suicide.

Bien sûr, c’est un fiction, mais elle se rapproche implacablement de la réalité et nous rappelle des histoires dont on a été les témoins. Christine décide chaque fois que l’occasion se présente de s’enfoncer dans un érotisme brutale et toxique en toute connaissance de cause. Conclusion, son maris va se suicider, l’amant de Christine va décéder dans son comas, et cette dernière se donnera la mort. Bravo pour les sentiments et l’amour; on repassera.

Le genre humain aime bien sa sordidité; on dirait que c’est son invention chéri, par laquelle il essaie de trouver sa raison de vivre. Plus on se donne de misère, meilleur on est. Lorsque les gens s’ennuient dans leur quotidienneté, on dirait qu’ils font exprès pour provoquer un déraillement.

« Si vous n’avez pas lu ces pages absconses, aussi valable et aussi noire que l’ombre lointaine que les connaisseurs discernent au fond des tableaux du grand Léonard de Vinci. Mon ombre vaut mon obscurité, et vive-versa; et cela vaut ceci. La noirceur du passé n’est qu’un effet de la perception que nous avons, car, si on veut le voir selon une perspective lucide, ce tas de noirceur ressemblera, peut-être à une agglomération d’étoiles scintillantes où à un entrepôts de saints-ciboires. »
Hubert Aquin
L’antiphonaire
Page -209 et 210 -

Peut-être que de toute cette histoire d’Aquin, on pourrait transformer le tout en Mythe? C’est étrange lorsque je regarde une reproduction artistique de La Méduse, je trouve qu’elle ne semble pas dangereuse, je dirais même, que c’est elle qui a peur avec ses grands yeux!

Ce roman : L’antiphonaire a été publié en 1969, il est très difficile de le trouver, coup de chance j’ai pu mettre la main dessus.

Bonne fin de journée Carmilla et merci pour vos textes.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Que les hommes parlent entre eux des femmes, je n'en doute pas.

Mais peut-être de manière évaluative, voire dépréciative: "Elle est bien ou mal fichue celle-là".

Je suis moins sûre, en revanche, qu'ils s'entretiennent, entre eux, de leurs affaires sentimentales et peines de cœur (ce que les femmes ne cessent de faire).

Toute une vieille éducation, quasi ancestrale, fait qu'ils répugnent à s'exprimer, qu'ils sont des taiseux. Ce n'est pas forcément un défaut mais ça alimente bien la guerre des sexes.

C'est en fait là-dessus que j'insiste. Je crois, malgré tout, à la différence incontournable des sexes. On ne cesse en effet, aujourd'hui, de proclamer que le sexe n'est qu'une construction de l'éducation, que l'on peut même choisir son sexe, masculin ou féminin.

Je crois quand même que ça n'est qu'une vue de l'esprit et que la condition humaine rencontre tout de même certaines limites, la mort et la différence sexuée notamment.

Et puis, si on supprime l'altérité, il n'y a plus de mystère, plus de risque, rien qu'une exaltation narcissique de soi-même.

De désir et de séduction, je crois quand même qu'on en parle justement de moins en moins aujourd'hui et c'est inquiétant. C'est jugé inconvenant, prédateur, une agression mentale et physique. C'est peut-être la fin du désir et un nouveau moralisme est en train de s'installer. La littérature contemporaine traduit déjà cette sinistre évolution.

C'est une rupture avec toute la mythologie (qui ne parlait que des relations compliquées entre les hommes et les femmes) et avec tout l'Art du roman depuis le 19ème siècle.

On est en train de façonner un monde sinistre et profondément ennuyeux. Un monde dans lequel on sera immortels (transhumanisme), ni homme ni femme (transgenre) et même ni homme ni bête (anti spécisme). On devient des démiurges.

C'est pourquoi j'en appelle aux puissances de la littérature et des mythes pour retrouver ce qui limite notre condition.

Merci pour m'avoir indiqué Hubert Aquin et son Antiphonaire que je ne connaissais pas.

Bien à vous,

Carmilla

Nuages a dit…

Un endroit de rêve que le Cotentin, où j'irais bien, mais pas seul...

Ces canicules à répétition sont insupportables. Heureusement, à Avioth, je peux m'abriter dans une petite bibliothèque fraîche, et y lire (comme le dernier livre que j'ai lu : "La femme aux cheveux roux" d'Orhan Pamuk).

Et ici, à Bruxelles, je vais au cinéma. Dernier film vu : "Utama", impressionnant film bolivien qui se passe sur l'Altiplano.

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Qui sommes-nous? Est-ce que nous le savons encore? Votre dernier commentaire est poignant d’inquiétude sur le devenir de cette humanité qui emprunte un sentier aléatoire, et il y a de quoi. On peut modifier son corps, mais l’on sent que l’esprit ne suit pas. Est-ce que nous sommes entrain de construire de la vulnérabilité à coup d’ignorance Si ce n’est pas de l’ignorance crasse, alors c’est de l’inconscience. Vous avez raison, il est surprenant que les femmes et les hommes puissent encore échanger dans ce climat délétère où tout tourne à l’affrontement. La moindre petite peccadille tourne au vinaigre. Comment les hommes et les femmes peuvent-ils se rencontrer après toutes ces disputes? Ce qui ressemble à un mystère insoluble. La désolation est des deux côtés, et les rapprochements sont de plus en plus difficiles. Est-ce encore une errance évolutive? Les événements se sont bousculés depuis que nous sommes descendus de l’arbre. Ils vont nous secouer encore. Effectivement, nous avons échappé quelque chose, mais nous n’arrivons pas ni décrire et ni à expliquer ce qui nous a glissé des mains. Nous n’arrivons plus à reprendre notre souffle.

« Poussé à l’excès, l’idéal du prévisible mène à l’état d’extrême vulnérabilité. Personne ne sera jamais à l’abri d’un événement imprévisible. Et l’utopie démentiel d’une réalité parfaitement contrôlable, intégralement ennuyeuse, ne fait qu’anesthésier notre capacité d’y faire face. »
Giuliano da Empoli
La peste et l’orgie
Page 121

La peste et l’orgie a été publié en 2007, ce qui date tout de même. Ce petit livre de 150 pages n’exige que quelques heures de lecture, mais lorsque vous refermez le livre, il a de quoi nourrir ses pensées pendant plusieurs jours. Nous sommes peut-être dans ces eaux troubles depuis plus longtemps que nous le croyons.

Oui les hommes ont leurs peines de coeur, et croyez-moi, lorsqu’ils ouvrent les écluses vous risquez d’être submergé, ce qui dépasse largement la simple évaluation physique d’une femme. Des hommes, oui, ça pleurent. Cela fait parti de la souffrance humaine. Situation qui peut être très émouvante, et les plus émouvants se sont ceux qui ne pleurent pas souvent.

Sommes nous en train, comme vous l’écrivez : « Est-ce qu’on est en train de façonner un monde sinistre et profondément ennuyeux? » Je peux comprendre vos appréhensions. Ce qui vous incite à plonger dans cet univers du mythe, de l’histoire et du récit. Votre dernier voyage près de la mer s’inscrit dans cette vague. Le mer, c’est un bel endroit pour s’échapper spirituellement, lieu sans obstacle pour la réflexion. Cette région de la Manche, c’est un grand lieu chargé d’histoires, bien des humains ont transité par-là! Sur le fond, c’est à nous de repousser ce monde sinistre parce qu’on n’en a rien à faire de l’ennuie. À regarder vos photos, je sens qu’il y a plus que de simple clichés, elles sont très évocatrices, débordantes de mythes!

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je crois, en effet, que le Cotentin vous conviendrait tout à fait.

- La région, du moins dans sa partie Nord, est miraculeusement préservée des hordes touristiques.

- Le climat est agréablement frais et venteux en été. Encore plus qu'en Bretagne. Revers de la médaille: il faut être courageux pour se baigner.

Il est très intéressant de longer la côte depuis Saint-Vast-la-Hougue jusqu'à Barneville-Carteret. C'est particulièrement sauvage.

Pour se nourrir, il faut aimer le poisson et les fruits de mer. C'est vraiment extraordinaire et assez bon marché.

Je vous recommande, pour ma part, le film de Christian PETZOLD: "Le ciel rouge".

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Effectivement le département de la Manche, c'est plus que des paysages. C'est toute une Histoire qui engage les relations de la France avec l'Angleterre. D'ailleurs les Anglais considèrent que la Normandie, c'est un peu l'Angleterre.

Une multitude de châteaux porte les traces de ces relations souvent belliqueuses.

Et puis, il y a des paysages vraiment sauvages et inspirants. C'est un peu une ambiance des sœurs Brontë.

Enfin, je ne pense pas être pessimiste mais je m'interroge. On ne cesse de repenser et repousser aujourd'hui les limites ou les frontières de l'homme: celles de la différence des sexes, celles de la vie et de la mort, celles de l'humanité et de l'animalité.

Mais est-ce que ce n'est pas un formidable leurre, un refus du Réel ? Ce Réel contre le quel on finit toujours, un jour, par se cogner (Jacques Lacan). Il faut peut-être aussi savoir accepter que la condition humaine est limitée, bornée par la Mort. C'est aussi ce qui fait sa grandeur et sa beauté.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Vous ne pensez pas être pessimiste, mais j’ai senti dans vos deux derniers textes, du moins, une certaine inquiétude. Remarquez que c’est une impression toute personnelle, et je vous comprends, parce qu’il y a de quoi à s’interroger face à ces changements déstabilisants.

Vos photos sont magnifiques, c’est un véritable plaisir de les regarder. La mer me manque. Il y a longtemps que je n’ai pas nagé en eau salée. Et puis 17 degrés c’est très confortable pour la natation.

J’ai retenu deux photos qui m’ont vivement intéressées.

J’ai remarqué que sur la photo 27, ces deux bateaux protégés par un brise-lames. Ce qui indique que dans la Manche les marées semblent fortes. Ce n’est pas un petit mur de protection, on peut constater sa dimension par la personne qui y marche accompagné de son chien et la taille des deux bateaux. On dit que la mer est particulièrement mauvaise sur la Manche lorsqu’il fait tempête, c’est du moins ce que j’ai lu.

Pour la photo 33, ce n’est pas les fleurs qui m’intéressent, mais le mur de pierres derrière. Grosses pierres, alternent avec des petites pierres, et ça tient debout… N’est-ce pas formidable! J’ai toujours aimé les constructions en pierre, monter un mur ainsi, c’est de l’art. Moi qui habite un pays de pierres, j’ai toujours rêvé d’habiter une maison de pierres. Je me demande comment ils réussissent à chauffer ces bâtiments. Il n’a pas l’air d’avoir beaucoup de bois de chauffage dans les environs. Je n’ai aucun mal à imaginer que lorsque le vent provient de la mer, ces genres de constructions doivent être difficile à chauffer. Qui plus est, les constructions en pierre ont tendance à conserver l’humidité, et en plus, il y a la mer à proximité!

La photo 28 est tout simplement magnifique, je ne pense pas qu’on puisse appeler cela un château, mais c’est une belle grosse demeure avec ses tours qui ajoutent à sa beauté. C’est un endroit idyllique, mais un peu trop vaste pour mes besoins modestes. Vous me voyez faire le ménage de cet intérieur? Et, je n’ai pas encore évoqué le reste de l’intendance…

Pas besoin de s’éloigner pour faire un beau voyage!

Bonne fin de journée

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

J'ai vu aujourd'hui le film "Le ciel rouge" de Christian Petzold. Impressionnant.
Deux mots me viennent à l'esprit au déroulé de l'histoire : tension et humiliation.

Du même réalisateur, j'ai beaucoup aimé "Barbara" avec Nina Hoss.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Mes photos ne sont que des photos souvenirs sans prétention artistique. Avec les technologies actuelles, on aboutit à des résultats presque impossibles autrefois. Encore faut-il savoir cadrer, composer.

J'essaie simplement de m'appliquer et puis j'ai du bon matériel. Je travaille encore avec des appareils photo ce qui devient rare aujourd'hui. J'ajouterai que les jeunes femmes ukrainiennes sont généralement férues de photographie. Je ne sais pas pourquoi, c'est culturel mais presque toutes se baladent avec un appareil photo.

La Manche, c'est en effet un département très beau et très sauvage.

Concernant la photo 27, il s'agit de Port-Racine. C'est, dit-on, le plus petit port de France. Situé au pied de hautes falaises, il est tout juste capable d'accueillir une petite dizaine de petits bateaux.

Les marées sont effectivement importantes. Ca permet surtout une importante pêche à pied. Il y a ainsi un mollusque, abondant et très bon marché, dont je raffole: les couteaux. Et puis, il y a tous les crabes et coquillages.

La photo 28, c'est effectivement un manoir comme il y en a beaucoup dans le département. Savez-vous qu'il est assez bon marché d'acquérir un château dans une grande partie de la France ? Pour 500 000 euros, vous pouvez avoir déjà quelque chose d'intéressant. C'est deux fois moins cher qu'un appartement parisien. Après, évidemment, il faut envisager les travaux, l'entretien et les taxes. Mais c'est quand même exaltant de vivre dans une demeure qui a au moins deux ou trois siècles.

La photo 33, c'est la maison natale du peintre Millet, notamment célèbre, dans toute la France, pour son "Angélus".

Les maisons sont, en effet, généralement construites en pierre. C'est très prisé en France. Je trouve ça effectivement très beau. Le problème de l'humidité, je crois qu'il est, en partie, résolu avec des soubassements. Il y a généralement une cave sous la maison. Quant au chauffage, effectivement ... Mais l'hiver normand est plutôt doux, rien à voir avec le Québec.

Enfin, des forêts, il n'y en a guère, en effet, dans le département mais je peux me tromper.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Christian Petzold est, en effet, un remarquable cinéaste.

Il y a d'ailleurs un excellent cinéma allemand trop peu connu en France. On y sent toujours l'empreinte d'une sorte de romantisme noir un peu étranger au classicisme français.

J'aime ainsi beaucoup la chaîne de télévision Arte qui me permet de découvrir régulièrement quelques pépites. Ca m'intéresse énormément parce que c'est très différent des films français (même les films policiers).

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Jean-François Millet est et demeure une grande inspiration pour moi. On m’a offert, il y a longtemps une reproduction des (glaneuses), et à chaque fois que mon regard se pose sur cette reproduction, j’ai de l’admiration pour ces femmes, qui glanaient de ce qui restait dans les champs après la récolte. C’est une génération qui savais la valeur du travail, où rien ne devait être perdu. Il ne fallait pas avoir mal au dos pour passer ses journées plié en deux pour ramasser quelques graines. Dans d’autres endroit en France à la même époque, les propriétaires terriens permettaient de faire brouter des moutons ou des chèvres dans leurs champs après la récolte. Ça c’était de la vraie écologie, pas juste des paroles en l’air. On ne gaspillait rien! C’est mon vieux passé terrien qui me revient en mémoire.

Je ne connais pas les couteaux, je n’en ai jamais mangé, mais si l’occasion se présente un jour, je n’y manquerai pas.

Vraiment 500,000 euros pour un château, ici avec l’inflation et la demande inconsciente, les gens ont acheté des maisons pour $500,000 dollars, qui n’avait rien à voir avec des châteaux. Avec les taux d’intérêts qui augmentent continuellement, il y en a qui commencent à grincer des dents. Que cela ne tienne, je n’ai plus envie de posséder, je suis en phase détachement depuis longtemps. Une bonne cabane dans le fond des bois ferait amplement l’affaire! Ce que c’est de se sentir libre…

À l’époque du débarquement, il y a deux facteurs qui ont donnés beaucoup de difficulté aux alliés, les marées, parce qu’il fallait arrivé juste à forte marée haute afin d’éviter les pièges, et aussi être porté le plus loin possible sur les plages; et puis il y avait les bocages, ces lignes d’arbres et de pierres qui bordaient les prairies, aujourd’hui, avec les grandes cultures tout cela à changé, se sont maintenant des champs ouverts, mais ce n’était pas le cas à l’époque. Après avoir franchi une ligne d’arbres ou de broussailles, c’était à recommencer dans les champs voisins. Il leur en aura fallu du temps aux alliés pour nettoyer les allemands de cette région!

Tant qu’aux conditions météorologiques, il y a des fois que les conditions sont très désagréables sur La Mer du Nord, je me souviendrai toujours des quelques jours que j’ai vécu en une certaine fin de novembre à Amsterdam, où le vent provenait du nord, poussait des averses de neiges très humides, marcher dans les rues d’Amsterdam avec 15 cm de neige mouillée, cela n’avait rien à envier au Québec.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Et bien Jean-François Millet est un enfant du pays puisqu'il est né à Gruchy (aujourd'hui Gréville-Hague), un tout petit village près de l'extrême pointe de la Hague, avec des paysages maritimes spectaculaires et magnifiques.

Il est à noter que ses parents étaient des propriétaires terriens plutôt aisés et surtout éduqués. On peut donc visiter sa maison natale et se promener dans son village (heureusement fermé à la circulation automobile): des maisons en pierre bordées d'hortensias (une plante qui n'existait pas du temps de Millet).

En effet, l'immobilier en province n'est pas très cher en France. C'est ce qui explique que Britanniques et Hollandais ont massivement investi certains villages. Mais acheter un manoir ou une vieille maison, ça suppose à la fois une passion et des compétences techniques. Il faut être capable de comprendre et diriger les travaux nécessaires. Sinon, ça devient vite la catastrophe d'autant que c'est vraiment la croix et la bannière pour trouver des artisans en France.

La mer se retire effectivement très loin dans la Manche. C'est déjà beaucoup moins prononcé dans la Mer du Nord et quasi inexistant dans la Baltique. Il peut bien sûr faire mauvais temps en Mer du Nord mais la neige à Amsterdam, ou même Berlin et Varsovie, ça devient rare.

Bien à vous,

Carmilla