samedi 13 décembre 2008

"Le Sphinx des Glaces"














Ellen KOOI

Non loin de chez moi, se trouve, rue Médéric, la Svenska Kyrkan, l’église suédoise de Paris, à quelques pas, étrangement, de l’église orthodoxe de la rue Daru. L’église suédoise, c’est un petit morceau de Suède, fiché en plein cœur de Paris avec son architecture détonante de briques rouges.














Aujourd’hui 13 décembre, grande animation, c’est la Sainte Lucia, la fête de la lumière… des jeunes filles en aube blanche, des couronnes de bougies. On boit du glögg toute la journée.

Ici, on ignore presque tout de la Suède. Ce qui est étonnant, c’est à quel point l’imaginaire historique diffère d’un pays à l’autre. Je n’ai rencontré presque personne en France à qui les batailles de Varna (1700) et de Poltava (1709) disaient quelque chose. Pourtant, à cette époque pas si lointaine, il s’en est fallu d’un cheveu que l’on assiste à une recomposition radicale de l’Europe qui aurait eu la Suède pour pivot (plus de Russie, plus de Pologne, plus de Prusse). Moi, les « lumières du Nord » m’ont toujours fascinée.

J’aime d’abord la reine Christine, reine démissionnaire de son plein gré, par simple lassitude, qui s’était aliénée la noblesse par ses excentricités, son mépris des convenances et ses dépenses fastueuses.

















Christine érudite, qui recevait des leçons de Descartes, chaque matin à 5 heures. Le philosophe écrivit pour elle le très curieux « Traité des Passions » avant de s'éteindre d'épuisement à Stockholm au bout d'un an.

Christine ensuite grande voyageuse, reine ambulante, sportive, aux mœurs sulfureuses. Des rumeurs sur son lesbianisme terrifient le pape qui accueille néanmoins avec faste cette convertie au catholicisme. A Rome, elle s'entiche d'un marquis avec qui elle se rend à la cour du jeune roi de France, Louis XIV. Elle y rencontre des femmes de sa trempe, Ninon de Lenclos et Mlle de Montpensier.

Un jour, au château de Fontainebleau, Christine aurait fait exécuter à l'épée son dévoué marquis, peut-être parce qu'il se serait moqué d’elle. Admirable !

Christine enfin qui termine sa vie à Rome, devenue ascète, mystique. Elle est inhumée dans la basilique Saint Pierre.

Et puis j’adore Charles XII à qui Voltaire a consacré une biographie. Charles XII, véritable héros au sens lacanien du terme : celui qui ne cède jamais sur son désir. Charles XII, le roi adolescent qui aimait la neige, les deuils et le soleil froid. Eperdu de fêtes sanglantes et lugubres. D’une témérité sans frein, il a choisi de vivre dans un monde glacial, inexorable, purgé de toute douceur féminine, sans tendresse, sans apitoiement. Il est un roi noir, fatal, d’autant plus redoutable qu’il est un ascète et lit inlassablement la Bible et la vie d’Alexandre.




Van der Stappen


Charles XII, « punk héroïque et boréal », qui contemple impassible, à Narva, les interminables colonnes de soldats russes qui rendent, humiliés, leurs drapeaux.

Charles XII méprisait les russes mais favorisera indirectement l’éclosion de leur puissance. Il sera en effet balayé quelques années plus tard par Pierre le Grand, à Poltava, dans les plaines de la lointaine Ukraine.

Désirée DOLRON

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