dimanche 22 avril 2012

La Pompe à Phynances et la machine à décerveler



Vous allez peut-être voter aujourd’hui.

Vous avez sans doute l’impression d’un large choix et d’un large éventail politique.


En réalité, comme l’a souligné récemment Mathieu Lainé dans « le Monde », il y a un point commun à tous les candidats, c’est leur hostilité, voire leur haine, affichée à l’encontre du libéralisme et des idées libérales.


Faire confiance à l’individu, à son initiative et à sa responsabilité, c’est complètement étranger à l’esprit politique français. C’est tout de même curieux dans un pays qui a vu naître la philosophie des Lumières. C’est un contraste immense avec les mentalités en Europe Centrale où on a eu le temps d’apprendre à détester le bonheur collectivisé.


La proportion du vote totalitaire et populiste en France est vraiment effrayante. Ca m’apparaît un peu bizarre dans un pays volontiers donneur de leçons en matière de démocratie, surtout quand il s’agit de la Russie et de ses anciens satellites.


On ne raisonne ici qu’à coups de grandes interventions publiques dont seul le niveau différencie finalement les candidats.

Et puis on ne s’embarrasse pas de subtilités pour analyser les choses. Si ça va mal, vous dit-on avec des accents nauséabonds, c’est de la faute aux autres : les riches, les banques, les financiers, l’Europe, la Chine, l’immigration.


C’est sûr que tout ça, c’est bien rance, bien moisi.

On nous promet un gouvernement des purs qui est en fait un gouvernement de la peur reposant sur un clientélisme des bas instincts.


Tocqueville, le premier, n’avait pas exclu que la démocratie se transforme insidieusement en tyrannie. Outre le conformisme et le nivellement généralisé de la pensée, le principal danger, c’est que la passion de l’égalité, très forte en France, ne se traduise par une exacerbation des envies et des haines.


On préfère alors « l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté ».

Et ce choix rencontre celui des gouvernants, naturellement disposés à « acheter » les peuples.


L’ « achat » des peuples, il se fait très simplement en usant d’un instrument bien pratique : la monnaie. Rien de plus facile, du moins dans un premier temps, que d’inonder les marchés de fausse monnaie.

Ca correspond aussi à une idéologie : celle de la consommation qui définirait le bien être et qui serait le moteur de la croissance économique. C’est le choix du court terme, de la satisfaction immédiate, contre le long terme, l’investissement.


Inutile de rappeler que les gouvernements occidentaux ont utilisé cet instrument dans des proportions éhontées avec l’assentiment des peuples. On a même forcé la dose, ces deux dernières décennies, en manipulant à outrance les taux d’intérêts, artificiellement maintenus à des niveaux ridiculement bas.


Le prêt à intérêt, ça a été l'une des grandes inventions du monde occidental. C'est ce qui a permis son expansion commerciale à la fin du Moyen Age lorsque le christianisme a commencé à considérer que les usuriers pouvaient eux aussi accéder au Royaume des Cieux.


Mais aujourd'hui, les intérêts, on les veut les plus bas possible et on n'est plus très loin de la banque islamique à taux zéro; on croit que c'est entièrement positif et peu de gens semblent percevoir que c’est une absurdité. On est convaincus que c’est le seul moyen de soutenir l’activité économique même si des pays comme le Japon font, depuis 20 ans, du sur place alors que le coût de l’argent y est insignifiant.


Comme ça, on déverse des milliards d’euros pour alimenter des bulles qui éclateront inévitablement à la grande surprise de ceux qui ont joué avec. L’idée la plus difficile à admettre aujourd’hui, c’est qu’on puisse être débiteur de quelque chose. La dette, financière ou morale, on refuse d’en assumer la responsabilité et on cherche à ruser avec en reportant infiniment ses échéances.


Mais, malgré cette pluie de milliards qu’on fait tomber, rien ne va, rien ne redémarre, tout cahote quelque temps avant de s’éteindre à nouveau. On a alors beau jeu, dans un étrange retournement, de se prétendre victimes et de désigner des boucs émissaires : les marchés, la finance, les spéculateurs.


Pour expliquer le présent état des choses, rien de mieux que de relire Alfred Jarry et sa description d’une machine infernale, LA POMPE À PHYNANCE, l’engin privilégié de la tyrannie du Père Ubu.



« La pompe à phynance est l’outil économique préféré du Père Ubu, son petit Breton-Woods personnel, son cycle de Doha, si vous voulez. La pompe à phynance fonctionne d’ailleurs de pair avec la machine à décerveler, avec laquelle elle travaille selon le principe des vases communicants. Le principe est simple: plus la pompe à phynance s’active, plus il y a de décervelage. Plus on décervelle, mieux la pompe à phynance se porte.


Le principe est vieux comme le monde, mais il est fascinant de voir à quel point il est toujours actuel. Que ne décervelle-t-on ces temps-ci pour tenter de réactiver la pompe à phynance. Ou, pour prendre la chose autrement, les efforts incroyables consentis sur notre dos à tous pour réactiver la pompe à phynance se font, sans conteste, à grands coups de décervelage, outrageusement médiatique. Et ça fait mal à l’intellect de ceux qui ont encore une dose de cynisme rancunier envers ces salopes de rentiers qui nous ont mis dans ce merdier. »


Il s’agit ici d’un extrait du blog du Père Castor. C’est d’une troublante actualité. L'imbécilité croîtrait à proportion de l'expansion de la dette. C'est comme ça, dans cette fuite perpétuelle de l’endettement, qu'on rencontre un jour un tyran. On n’en est bien sûr pas encore là mais la montée du populisme en France est un signe précurseur.


Qu’est-ce qu’on peut faire alors ? Comment stopper la "Pompe à Phynances" pour retrouver les chemins de la démocratie ? J’ai cru comprendre que le pire crime aujourd’hui, c’était de spéculer contre la dette française. Ce n’est pas mon avis. Je crois au contraire que la dégradation de la dette française et la remontée des taux pourraient être salutaires. Alors faites comme moi : vendez massivement les obligations françaises.


Photographies parisiennes d’Alice Lemarin, extraites de sa série : « La mort par l’ennui ».

Je vous conseille enfin, plutôt que de vous abrutir à la soirée électorale, d’aller voir « Twixt » de Francis Ford Coppola. C’est très beau, très poétique.

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