samedi 6 juillet 2013

De l'amour et du désir



L’amour, on voudrait aujourd’hui qu’il repose sur une absolue transparence. On devrait être capables de tout se dire, de ne rien se cacher et l’amour serait la plus belle expression de la sincérité et de la vérité. Comme ça, dans un couple, on serait sans aucune zone d’ombre et on se connaîtrait complètement. Ce serait la félicité garantie puisque l’autre, il me sécuriserait entièrement, il n’aurait rien d’imprévisible.


Les choses les plus vilaines, ce seraient l’hypocrisie, le mensonge, la dissimulation.


C’est ce que nous rabâchent les professeurs de bonheur, psychologues, magazines féminins, éducateurs, politiciens. Pour être heureux en amour, il faudrait être sain et sincère, blindé de certitudes.


Le problème, c’est que ce n’est peut-être pas ça qu’on recherche dans une rencontre. La sécurité, la certitude affective, la terreur de la vérité, il n’y a en fait rien de tel pour tuer et l’amour et le désir.


Disons le même tout net : les gens bien, les gens normaux, les gens parfaitement prévisibles, ça ne nous intéresse absolument pas sur le plan émotionnel.


On préfère mille fois les gens qui sont cruels avec nous, qui nous font souffrir, nous font des coups pendables, nous racontent des bobards, nous mentent et nous trompent. Bref, en amour, on préfère toujours les crapules aux gentils.


Parce que ce qui nous attire chez quelqu’un, ce ne sont pas ses qualités. Les gens parfaits sont insupportables et ennuyeux. Que peuvent-ils nous apprendre qu’on ne sache déjà, tout ce que les gardiens des bonnes mœurs nous serinent sans cesse ?


Ce qu’on recherche chez un autre, ce sont plutôt ses failles, ses défauts, ses faiblesses. Tout ce qui fait sa béance, son inachèvement et qui semble l’aspirer, l’entraîner inexorablement au-delà de lui-même, de sa simple identité; bref tout ce qui fait qu’il est imparfait mais humain et constitue le carburant de sa vie, une vie jamais figée, statique (celle d’un fonctionnaire), mais toujours en évolution-rebondissements.


Ce que peut m’offrir quelqu’un, ce qu’il peut m’apprendre, me faire découvrir, ce n’est pas sa perfection, ce sont ses insuffisances, ses manques. Et c’est ça qui m’aspire, moi aussi, me bouleverse et provoque en moi un vertige. Dans le vacillement de mes certitudes, j’ai le sentiment de me remettre en jeu moi-même.


L’état amoureux, c’est donc un état d’insécurité. C’est la prise de risques, la remise en cause de ce que l’on croit être son identité.


Et ça n’est surtout pas beau. C’est la rencontre de deux salopards qui entament les jeux du mensonge, de la haine, de la jalousie, de la curiosité, de l’asservissement. Parce qu’il faut bien le dire, il n’y a jamais d’égalité dans ce jeu et pour en sortir sinon vainqueur, du moins intact, il faut parvenir à être le plus crapuleux des deux.


Tableaux d’Alain Bonnefoit (né en 1937)

Sur le thème de l’amour et du mensonge, je rappelle le film bulgare « Ave » de Konstantin Bojanov. L’héroïne, une jeune fugueuse de 17 ans, est menteuse et mythomane. Mais « plus elle ment, plus on l’aime », c’est le message principal du film.



Et puisqu’on est dans le cinéma, il faut absolument aller voir, en ce moment, outre le film de Sofia Coppola déjà évoqué : « La fille du 14 juillet » d’Antonin Peretjako et « La grande Belleza » de Paolo Sorrentino.

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