samedi 18 janvier 2014

J'ai lu


Jared DIAMOND : « Le monde jusqu’à hier – Ce que nous apprennent les sociétés traditionnelles ». Par l’auteur d’ « Effondrement » et « De l’inégalité parmi les sociétés ». Un livre qui est le fruit des nombreux séjours de l’auteur (depuis le début des années 60) en Nouvelle-Guinée (ou Papouasie-Nouvelle-Guinée) qui, jusqu’à une époque très récente, abritait de nombreuses sociétés ayant vécu à l’écart de la « civilisation ». 


C’est un bouquin qui nous conduit à réévaluer et relativiser beaucoup de nos comportements et certitudes : les amis, les ennemis, la guerre, la justice, l’éducation des enfants, le traitement des personnes âgées, le multilinguisme … Rien n’est évident, rien ne va de soi. C’est un très bon bouquin d’anthropologie; en plus, c’est américain, donc  ça ne vole pas trop haut et c’est facile à lire. Un seul regret : près de 600 pages quand même, ça aurait pu être plus synthétique.



Timothy SNYDER : « Le prince rouge ». Par l’auteur de « Terres de sang ».  Un livre extraordinaire mais que je ne conseillerais peut-être pas à tout le monde : il faut être fana d’histoire de l’Europe Centrale. Au-delà du destin hors du commun de Guillaume de Habsbourg qui s’était pris de passion pour l’Ukraine,  ce livre pose plein de questions : on a complétement détruit, après la 1ère guerre mondiale,  l’Autriche-Hongrie et l’Empire des Habsbourg et il est de bon ton, aujourd’hui de railler cet Etat conservateur, voire réactionnaire. 


Pourtant, l’Autriche-Hongrie, c’était aussi une grande réussite : le pays-phare de la culture européenne (non, non !  ce n’était pas du tout la France) avec des génies comme s’il en pleuvait, le triomphe des arts et des sciences ; un Etat multi-culturel dans lequel on parlait une bonne dizaine de langues et où toutes les communautés arrivaient à vivre ensemble ; des villes magnifiques (Vienne, Prague, Cracovie, Lemberg, Budapest) avec une architecture homogène; une grande qualité de vie (des cafés, de la musique, une certaine frivolité). A l’heure du triomphe des Etats-nations, l’Autriche-Hongrie, ça peut donner à réfléchir.


Michel FOUCAULT : « La société punitive ». Il s’agit de cours professés en 1973. Ca se lit plus facilement que ses écrits théoriques et c’est plein d’idées lumineuses (en particulier, cette vision d’une guerre civile originelle). Moi, ça m’intéresse beaucoup, parce que je crois vraiment que la société punitive, la société disciplinaire, c’est bien notre réalité, on est en plein dedans  et ça se renforce sans cesse. 


Le pire, c’est que ça s’appuie sur les institutions « bienfaisantes » : l’école, les hôpitaux, la justice. Aujourd’hui, les choses ont évolué et c’est évidemment l’écologie et internet qui constituent les pivots de la nouvelle domination.


Jack El-HAI : « Le nazi et le psychiatre ». Un récit étonnant : celui de la rencontre entre un jeune psychiatre américain, Douglas Kelley, et les criminels nazis jugés à Nuremberg. Il s’agissait de déterminer si les principaux dignitaires nazis n’étaient pas atteints de troubles mentaux (et s’ils pouvaient donc être jugés) et s’il existait une personnalité nazie. Les analyses de Kelley ont été sans équivoque : les nazis étaient des gens d’une absolue « normalité », sûrement pas des fous. Ca rejoint les thèses d’Hannah Arendt sur la banalité du mal, c’est d’autant plus effrayant. Une incroyable galerie de portraits très vivante, en particulier de Göring mais aussi de Hess, de Ribbentrop, de Frank, de Kaltenbrunner. Un livre essentiel et très troublant. Une conclusion tragique : 10 ans après le procès de Nuremberg, Douglas Kelley s’est suicidé en ingérant …une capsule de cyanure (i. e. en choisissant la même mort que Göring).


Roman SENTCHINE : « Les Eltychev ». Voici un vrai roman de la province russe, bien glauque et bien sinistre. Une famille minable dans un village minable, en plein hiver, avec l’alcool et la pauvreté pour seuls horizons. Roman Sentchine, né en 1971 dans la République de Touva, est une figure montante de la littérature russe.



Owen MATTHEWS : « Moscou Babylone ». L’exact contrepoint du livre précédent. Moscou dans les années 90. Une vie à la Dostoïevsky, d’orgies et de résilience. Par l’auteur des « Enfants de Staline ». « En Russie, j’ai aimé et j’ai tué. Et j’ai découvert que, des deux, c’est l’amour qui est le plus terrible ».



Images de Zbigniew CHROSTEK, peintre polonais (né en 1958 à Katowice).


Au cinéma, je recommande absolument : « La vénus à la fourrure de Roman Polanski, « Nymph()maniac » de Lars Von Trier et le tout récent « Pour ton anniversaire » de Denis Dercourt. J’insiste même sur ce dernier film qui est un extraordinaire condensé de la culture allemande. L’un des meilleurs films de ces derniers mois.

  

Aucun commentaire: