dimanche 15 mars 2015

Des petits plaisirs de la vie


Il y a d'abord la vie, la vie intense, avec ses événements marquants: une succession un peu effrayante de grandes joies et de chagrins, voire de souffrance. C'est ce qui fait le fil de notre existence, ce qu'on en retient principalement. C'est elle qui alimente notre biographie.



Et puis, il y a la vie courante, quotidienne, beaucoup moins exaltante, morne et répétitive. Celle-la, on n'a presque rien à en dire. Pourtant, c'est 98 % de notre vécu. Un long fleuve plus ou moins tranquille dont rien ne semble émerger.


Pourtant, cette vie banale est, elle aussi, traversée d'éclairs, de moments d'illumination. Ce sont toutes ces petites joies, ces petits plaisirs, ces moments humbles que l'on organise plus ou moins et qui nous structurent profondément. Que la vie serait triste si elle n'était rythmée que par les grands événements ! On a tous besoin de la répétition régulière, ordonnée, de ces petits instants qui organisent notre bonheur. C'est un peu conservateur, un peu popote, mais on ne peut pas vivre continuellement dans l'exceptionnel ou la transgression.


Ce sont souvent de toutes petites choses, presque immatérielles: le rouge purpurin dont on balafre ses lèvres ou ses ongles, le piquant, presque nauséeux, du parfum que l'on vient de découvrir, le contact sur sa peau de vêtements soyeux, le crissement de ses bas, le plaisir de tripoter ses cheveux qui sentent le frais, la cambrure de sa cheville, la caresse du vent qui soulève votre robe, les escarpins trop hauts qui vous font vaciller, les flocons de neige qui émaillent votre visage, la pluie qui tombe à torrents quand vous rêvez dans votre lit, une chanson entêtante. 

Et puis tous ces autres mondes qui s'entrouvrent brusquement à vous: les sous-entendus, graveleux ou poétiques, des conversations; et surtout, les dizaines de regards échangés, chaque jour, dans la rue, dans les transports, porteurs d'espoirs, d'inconnu, de promesses, immédiatement déçus mais qui vous vrillent quand même le bas ventre.


Ce sont aussi des lieux que l'on aime hanter. Pour moi, c'est le samedi quand je suis délivrée de mon boulot et c'est le Parc Monceau dès son ouverture (7 H), baigné dans la lumière matinale; c'est aussi l'église suédoise et l'église orthodoxe de la rue Daru. J'y traîne beaucoup, j'y rencontre toujours plein de connaissances avec qui je bavasse. Après, je vais prendre un petit déjeuner au café Courcelles ou au Café de La Paix, place de l'Opéra. Le menu importe peu, ce qui me plaît c'est la contemplation du spectacle de la rue et puis, surtout, de me sentir regardée, étudiée, déshabillée. C'est comme ça que je mesure ma jeunesse et mon pouvoir de séduction. Je me flinguerai le jour où on ne me regardera plus et ne me draguera plus dans un café.


Et puis, les petits plaisirs, ça peut aussi être complètement trivial. Ce sont les magasins que je dévalise: les Galeries La Fayette pour les fringues, la Fnac des Ternes pour les bouquins et les appareils électroniques.


Encore plus trivial: la bouffe. J'apprécie d'abord la bière  que je m'autorise le vendredi soir après ma semaine de labeur(une Jenlain ambrée ou une Pelforth brune). Et puis, je suis une furieuse ichtyophage: alors, j'invite, le samedi soir, mes copains/copines à se baffrer avec moi de langoustines, d'ormeaux, de violets, d'oursins islandais, de bulots, de tourteaux, de foie de morue, de thon rouge. Ça nous rend tous d'une étrange gaieté.


Tableaux de Marguerite Burnat-Provins (1872-1952). L'énigme, pour moi, c'est qu'elle est quasi inconnue. Mais il est vrai que son oeuvre la rattache plus au 19 ème qu'au 20 ème siècle.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Eh bien nous avons un point commun :je suis une furieuse ichtyophage! cru ,délice! cuite,une aile de raie quelle somptuosité !c'est cela qui vous donne ce chic pour dénicher des artistes absolument inconnus et intéressants ? pas mal ,la Dame-peintre de cette semaine ,de l'humour ; où est-elle exposée ?
D'autres encore ,bien sûr . Lola

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Lola,

L'aile de raie, c'est en effet délicieux. Vous me donnez l'idée d'en acheter une samedi prochain.

Je crois qu'il y a les mangeurs de poisson et les mangeurs de viande. Ce ne sont pas les mêmes personnalités. Mais je ne sais pas si manger du poisson donne davantage d'idées. Ce qui me désole, c'est qu'il est de plus en plus difficile de trouver des poissonneries et surtout de bonnes poissonneries.

Marguerite Burnat-Provins a toujours été un peu inactuelle. Elle a aussi été écrivain et poète. Son oeuvre picturale est, je crois, disséminée entre la Suisse (pays de son premier mari) et le sud de la France.

Bien à vous

Carmilla