samedi 23 juillet 2016

A lire !



Petite mise à jour de mes lectures. Voilà ce que j'ai aimé ces dernières semaines. Un point commun à la plupart de ces livres. Ils traitent de sujets souvent graves mais sont, aussi, empreints d'humour, autodérision.

Vladimir VERTLIB: "L'étrange mémoire de Rosa Masur". Un chef-d'oeuvre. L'histoire d'une famille juive de Biélorussie durant tout le 20 ème siècle; Leningrad; l'Allemagne. Un livre qui évoque le grand romancier Isaac Bashevis Singer. Le livre est, curieusement, écrit en allemand mais son auteur est bien né en Russie.


Velibor Colic: "Manuel d'exil - Comment réussir son exil en 35 leçons". Un autre grand bouquin écrit en français par un Bosniaque. Un sujet d'actualité brûlante traité avec un humour ravageur. Dans ma liste, c'est peut-être le bouquin que je recommanderai en premier lieu: vous le lirez d'un trait.


Stephan ORTH: "Derrière les portes closes Mes aventures en Iran". Les livres sur l'Iran sont généralement encombrés d'une érudition historique et culturelle qui les rend abstraits et ennuyeux. Rien de tel dans ce bouquin qui constitue, pour moi, la meilleure introduction à l'Iran moderne. L'auteur visite le pays en pratiquant le "couchsurfing". C'est très drôle, plein de rencontres étonnantes et révélatrices.


Marina DE VAN: "Rose Minuit". Je suis grande admiratrice de la cinéaste Marina De Van ("Dans ma peau", "Ne te retourne pas") mais je ne suis pas sûre qu'on la comprenne bien. Elle est aussi écrivain. J'avais adoré son dernier livre: "Stéréoscopie".  Celui-ci décrit le relation d'un père et de sa fille; il est également fascinant de noirceur.


Marie DARRIEUSECQ: "Etre ici est une splendeur - Vie de Paula-Modersohn Becker". Un très beau livre consacré à une peintre méconnue en France mais très célèbre en Allemagne. Elle a connu Rilke, a vécu à Paris et s'est inspirée de Gauguin, Cézanne. Elle aurait initié l'expressionisme et surtout aurait été la première femme à peindre des nus féminins.


Katia ASTAFIEFF: "Comment voyager seule quand on est petite, blonde et aventureuse". Comment voyager dans le delta du Mékong sans être Duras ? Comment se faire des copines qui aiment Poutine ? Comment se débarasser d'un Indien plus collant qu'un naan au fromage ? Comment passer pour une fille volcanique dans un cratère panaméen ? Comment être invitée à une boum dans les steppes de Mongolie ? Comment dormir sur le canapé d'une Chinoise acariâtre à Singapour ? Comment dormir dans une résidence universitaire de la banlieue russe ? 
J'ai trouvé ça drolatique et ça exprime une revendication essentielle (surtout pour une femme), à laquelle je souscris entièrement: l'importance et l'intérêt de pouvoir voyager seule. Il y a là-dessus un sacré tabou dont je reparlerai probablement.


Sophie CHAUVEAU: "La fabrique des pervers". Un témoignage ahurissant sur l'inceste. D'ordinaire, ce genre de bouquin me hérisse tant il s'inscrit dans la victimologie contemporaine. Celui-ci est d'abord bien écrit et, surtout, il décrit, de manière très convaincante, une grande famille qui, sur plusieurs générations, développe et reproduit des comportements incestueux entre tous ses membres. Troublant parce que c'est vrai que l'idéologie familialiste actuelle et l'effacement des générations font que les familles sont de plus en plus incestueuses, si ce n'est physiquement du moins psychiquement.


Nellie BLY: "Le Tour du Monde en 72 jours". En novembre 1889, Nellie Bly entreprend un Tour du Monde avec l'appui du journal "New York World". L'objectif: faire mieux que Phileas Fogg, le héros du roman de Jules Verne. Elle part seule, chargée d'un unique sac à main. C'est, pour nous, une découverte du monde à la fin du 19 ème siècle et ça en apprend aussi beaucoup sur la condition de la femme au 19ème siècle. Une étonnante rencontre avec Jules Verne en personne. C'est aussi plein d'humour et d'autodérision.


Claire BEREST: "Bellevue". L'extraordinaire pétage de plombs d'une jeune femme qui vient d'avoir 30 ans. Une errance hallucinée, délirante, dans Paris. Malgré tout, c'est très gai et on éprouve un extraordinaire sentiment de liberté en lisant ce livre étonnant. Un livre nomade qui pourrait être une illustration des bouquins de Gilles Deleuze. J'ai adoré !


Michel LARIVIERE: "Femmes d'homosexuels célèbres". Elsa Triolet, Marie Bonaparte,  l'épouse de Lord Mountbatten, l'épouse de Gide, de Goethe, de Jouhandeau, d'Oscar Wilde, de Verlaine, de Jules Verne. 16 portraits de femmes ayant épousé un homosexuel. Un livre intéressant et politiquement incorrect à une époque où l'on a tendance à célébrer la félicité d'être homosexuel. C'est beaucoup plus compliqué que ça et c'est fait, aussi, de beaucoup de souffrances.


Tableaux de Paula MORDERSOHN-BECKER (1876-1907). Une vie trop brève ! De son vivant, elle n'a quasiment vendu aucun tableau et son mari, et même Rilke, trouvaient sa peinture affreuse. Il y a, en ce moment, à Paris, une exposition qui lui est consacrée, jusqu'à fin août, au Musée d'Art Moderne (avenue du Président Wilson). Je vous invite, bien sûr, à vous y rendre. Ou mieux: allez jusqu'en Allemagne dans les villages de Worpswede et Fischerhude ainsi que dans la ville de Bremen (où un musée est consacré à Paula Becker). Vous ne regretterez pas ce voyage.

Et puis, puisque l'ambiance est estivale, je vous incite à vous reporter, sur You Tube, au clip du groupe PAPOOZ (il y a aussi un CD): "Anna Wants to dance". Je n'arrête pas de danser là-dessus. C'est bête mais c'est comme ça. Ça vous donnera une idée de mon humeur actuelle !

Enfin, si vous voulez aller au cinéma, je vous conseille: "Une nouvelle année" de Oksanna Bychkova. C'est très différent des films russes habituels (métaphysiques et barbants) mais il est vrai que la réalisatrice est ukrainienne. On découvre, surtout, un Moscou moderne et concret. Je signale, aussi, que ce film est, actuellement, projeté au Louxor, le plus beau cinéma de Paris et, probablement, du monde. Il faut, absolument, l'avoir visité.

4 commentaires:

Richard a dit…

Bonsoir Dame Carmilla.

l'importance et l'intérêt de pouvoir voyager seule. Il y a là-dessus un sacré tabou dont je reparlerai probablement.

Ce petit bout de phrase m'a accroché.

Oui, partir en solitaire, sans compter sur personne, sans rien attendre d'autre que l'aventure du hasard.

Peu importe, homme ou femme, la liberté à fond la caisse. Je viens de lire le dernier livre de Sarah Marquis, (Sauvage par nature) faut le faire traverser la Sibérie et la Chine pour se retrouver en Australie, à pied. Je lui lève mon chapeau, autant que j'ai un profond respect pour Mylenne Paquette qui a traversé l'Atlantique à la rame.

Avant d'être des hommes et des femmes, nous sommes des humains, peu importe notre sexe nous pouvons tout faire. Aucune limite pour personne.

J'ai vraiment hâte de vous lire sur ce (sacré tabou). Je pense que cela sera très intéressant.

D’autre part sur le livre de Michel Larivière, je me demande comment une femme fait pour épouser un homosexuel ? Je pense que c'est une lecture qui m'intéresse. Cela pose la question, que tout le monde passe sous silence : Serions-nous tous bisexuels? Comment ces femmes ont fait pour vivre avec ces hommes? Nous n'avons pas fini le creuser le sujet, mais on dirait qu'on n'est pas pressé de creuser. Nous avons peut-être peur de découvrir ce que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes ?

La fabrique des pervers m'intéresse.

Pour l'heure j'émerge de : Histoire socialiste de la Révolution française. Tout un voyage anthropologique. Formidable j'ai aimé, malgré que j'ai ramé bien souvent.

Grande nouvelle, j'ai trouvé:Capitalisme, histoire d'une révolution permanente. Il a fallu que je m'attache pour ne pas dépasser la première page, car je voulais terminer ce plat de résistance de Jaurès, le temps que j'en finisse avec Robespierre et Danton Je pense que je vais me régaler avec Appleby. Nous avons des atomes crochues. Merci pour la suggestion. Pour ceux qui voudrons le lire en français, il est publié aux éditions Piranha.

En terminant, vous ne vous êtes pas commis à ma question de la semaine dernière.

Oui, terminé les nations, mais on les remplace par quoi ?

C'est toujours un plaisir de vous lire.

Bonne nuit et rêvez bien !

Richard St-Laurent

nuages a dit…

C'est frappant : je ne connais aucun des livres dont vous parlez, et je n'ai rien entendu à leur sujet. De belles découvertes en perspective. C'est toujours savoureux et intéressant de lire vos chroniques littéraires.

Je ferai très bientôt ma propre recension de livres et films. Je suis en train de lire un livre d'Antoine De Baecque : "La traversée des Alpes. Essai d'histoire marchée". Jusqu'à présent, c'est très bien.

Carmilla Le Golem a dit…

Bonjour Richard,

Effectivement voyager seul(e), ça suscite l'étonnement. On vous prend tout de suite pour quelqu'un de bizarre ou d'excentrique surtout quand on est une femme.

C'est pourtant moins dangereux qu'on ne le pense et ça permet de découvrir, différemment, un pays: on fait d'autres rencontres. Personnellement, je ne suis quand même pas si aventurière que ça et si je voyage souvent seule, je sais, par avance, où je mets les pieds. Et puis, généralement, je me débrouille dans la langue du pays et c'est ça qui est important. Il y a quand même des pays où je n'ai pas trop envie d'aller seule par crainte du harcèlement mais je me trompe peut-être.

Le livre "Capitalisme, histoire d'une Révolution permanente" est effectivement un grand livre à garder, précieusement, au sein d'une bibliothèque. Cette idée d'un capitalisme révolutionnaire est féconde. Il vaut quand même mieux lire ce livre en anglais si on le peut.

Par quoi remplacer les nations ? Chez nous, c'est par l'Europe. En Amérique du Nord, je ne sais pas.

Bien à vous

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

En règle générale, les livres que je recommande sont récents, voire très récents. J'ai tendance à être très accro à l'actualité éditoriale et littéraire. C'est sans doute critiquable mais j'ai l'impression (sans doute illusoire) d'être ainsi davantage en prise avec le monde. Et puis, il y a quand même, chaque semaine, de bonnes choses qui sortent.

Dans ma liste, je vous recommande particulièrement les livres de Vertlib, Colic, Orth et Astafieff. Je suis sûre qu'ils vous plairont.

Bien à vous

Carmilla