dimanche 26 novembre 2017

La recherche du pouvoir


Il faut le reconnaître: on aspire tous à l'exercice du pouvoir! On est convaincus que les gens qui ont du pouvoir sont  heureux parce qu'ils concentrent l'attention et bénéficient de davantage de considération.  


C'est pour ça qu'on se démène pour faire carrière, qu'on se tue à passer des examens, des concours, pour accéder, ensuite, à des responsabilités élevées, quitte à sacrifier sa vie personnelle pour ça.


En fait, on a complètement intégré tous les schémas de la hiérarchie et de la domination sociales. C'est même profondément ancré en nous. Toutes les belles considérations démocratiques et égalitaires n'y changent pas grand chose. Le phénomène ne semble d'ailleurs pas propre à la société française. Partout, on ajuste notre attitude en fonction de la situation sociale de notre interlocuteur. Et partout, les gens les plus malheureux, ce sont ceux qui se sentent privés de toute forme de pouvoir. 


Pour preuve: il y a tous les "humiliés", les "offensés", qui se vengent:  les innombrables "petits chefs" qui exercent une effroyable tyrannie: boutiquiers, gardiens, videurs de boîte de nuit, agents administratifs... On est souvent d'autant plus odieux qu'on est petit et qu'on vous concède une parcelle d'autorité. Le pouvoir, ça semble vraiment une aspiration humaine essentielle.
  

Le pouvoir, je connais ça un peu: j'ai eu la chance de réussir (je ne sais pas comment) des concours un peu prestigieux. Donc, quand on connaît un peu mon C.V., on est toujours gentil, souriant, aimable avec moi. Quand je demande quelque chose, je sais qu'on va chercher à me donner rapidement satisfaction. Si j'ai besoin d'un médecin, je suis tout de suite reçue par l'un des meilleurs spécialistes. C'est bien sûr affreux mais comment refuser ça ? Est-ce que je vais attendre 3 mois comme tout le monde ? Et si j'avais des enfants, est-ce que je ne m'arrangerais pas pour qu'ils étudient à Louis-le-Grand ou Henri IV ?


Le copinage, la corruption (l'esprit d'entraide), ça existe dans tous les pays (pas seulement en France). On aime se vanter d'avoir "le bras long". Mais que serait une société sans aucune corruption ? Une société où l'on appliquerait, implacablement, les règles du droit ? Ce serait sûrement invivable ! Qui n'a jamais recommandé un ami, un parent ?


Oui ! C'est vrai que c'est pas mal d'avoir un peu de pouvoir. C'est une satisfaction narcissique ! On peut croire, de brefs instants, que l'on est quelqu'un d'exceptionnel.


Mais ça a un prix exorbitant !


On est assaillis de multiples demandes contradictoires aux quelles on ne sait pas répondre. On ne s'en sort pas, on est crevés, épuisés! On ne fait pas 35 heures par semaine, mais 35 heures par jour. Toutes nos nuits sont hantées par le boulot. Mais tant pis pour nous, on n'a pas à se plaindre, on est payés pour ça.


Bien sûr! Mais contrairement à ce que l'on imagine, on ne nous aime pas du tout. On nous épie continuellement, on scrute notre vie personnelle ! Et puis, régulièrement, on nous traîne dans la boue ! La solitude du pouvoir, c'est un thème très banal mais très réel.


En plus quand on est une femme, c'est le blocage sexuel complet. C'est le contraire du harcèlement autorisé aux mâles. Qui va oser se taper la directrice ?


Et puis je sais que quand je quitterai ma boîte, quand je n'aurai plus de pouvoir, tout ça sera effacé !
Je ne serai plus rien pour la plupart parce que je n'aurai plus de pouvoir d'influence.
Ça permet du moins de compter ses véritables amis.

C'est peut-être triste, dommage, mais c'est la vie ! Ça  n'a pas non plus de réelle importance !
Parce que je ne saurais, de toute manière, échanger ma vie, qu'elles qu'en aient été les difficultés, la souffrance. Elle n'appartient qu'à moi, dans sa beauté et son angoisse.


Je continue avec mes petites photos parisiennes. Tant pis pour leurs imperfections. Je précise qu'elles ont été principalement prises dans le 5ème (square Scipion, église Saint-Médard, rue du Pot-de-Fer, Collège des Irlandais). La 1ère image, c'est évidemment le Parc Monceau et la dernière, la gare d'Austerlitz.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Carmilla,
votre billet est stimulant!
Sur la première photo, une ombre traduit sûrement la présence du photographe. J'apprécie la sixième, en lumière et en contraste, donnant l'impression que les deux pans de la place n'ont pas reçu le même peintre.
Ce qui m'a gêné avec l'exercice du pouvoir, c'est que le dominant s'enferre dans le cercle de la domination qu'il pense avoir défini pour lui-même et pour les autres, quelles qu'en soient les raisons et les motivations. Tout cela est évidemment très personnel, mais sa vie se sclérose dans un cercle social circonscrit par la longueur de corde de ses titres et autres actes officiels de reconnaissance. Et sans un coup de serpe tranchant, il aurait pu y agoniser bien avant la mort.
C'est l'anonymat qui l'a sauvé des morsures du pouvoir, de son isolement, du dénigrement, de ses propres abus et impostures. Il a disparu.

Bien à vous.

Alban

Richard St-Laurent a dit…



Bonjour dame Carmilla

Sans aucun doute dans mon esprit l'un de vos meilleurs textes qui se prolonge dans la suite des événements de cet automne tumultueux partout sur la planète, après les délations, les mensonges, les manipulations, et les cachotteries qu'on pourrait résumer en pouvoir, sexe et argent.
Personnellement j'aime le pouvoir pour le contester, le manipuler, et le démolir.
Il n'y a rien comme se lever dans une assemblée générale pour planter le président ou son secrétaire général.
Ce fameux pouvoir, pour ceux qui sont appelé à l'exercer, exige tout un art que peut d'hommes ou de femmes arrivent à maîtriser. C'est ce que j'ai retrouvé cet automne en relisant une biographie de Charles-Maurice de Périgord, mieux connu sous le nom de Talleyrand, qui était un véritable maître du pouvoir. Il aura servi l'église, la monarchie, la révolution, l'empire, pour finalement se retrouver à Vienne pour négocier le traité de paix entre la France et les alliés. Faut quand même le faire. Ça c'est le véritable pouvoir. Pour le reste des sous-fifre, c'est de la vulgaire domination bas de gamme. J'ai bien aimé relire cet ouvrage, l'auteur Emmanuel de Waresquiel a bien cerné le personnage sans oublier cette savoureuse citation en quatrième de couverture.

«C'était un personnage étrange, redouté, considérable; il s'appelait Charles-Maurice de Périgord; il était noble comme Machiavel, prêtre comme Gondi, défroqué comme Fouché, spirituel comme Voltaire et boiteux comme le diable»
Victor Hugo

Ce qui est étrange avec ce fameux pouvoir, c'est que ceux qui l'exercent ne sont pas heureux; et ceux qui n'en n'ont pas sont malheureux. J'ai envie de reprendre la chanson de Gilles Vigneault, intitulée: Tout le monde est malheureux.

De vos photos, il y a une chose qui m'étonne toujours à cette période de l'année parce que je l'ai vécu lors de mes voyages à Paris. Il y a encore des feuilles dans les arbres. Ici, ça fait des lustres que les arbres sont nus. Nous avons eu une bordée de neige dimanche dernier et ce matin, il fait moins quinze degrés.
Pour vous cela sent le voyage, c'est le cas de le dire: Bon vent dame Carmilla!
Richard St-Laurent

KOGAN a dit…

De nos jours et de façon assez percutante, le pouvoir s’exerce en termes de domination extrême, d’autorité entre gouvernants gouvernés, et groupes sociaux .

Relations d’autant plus difficiles qu’elles s’inscrivent dans une situation mondiale ultra "speed" inquiétante.

Non merci pour moi j'ai jeté l'éponge...maintenant je fais de la méditation la tête en bas les pieds au mur...

Quant à Talleyrand en effet oui...quel talent de véritable homme de pouvoir et d'intelligence , toute notre nouvelle "bleusaille politique" manipulatrice ne lui arrive pas à la cheville...

Comme le disait Francis BACON "le vrai pouvoir c'est la connaissance" et "c'est en même temps l'envie de toutes les passions humaines la plus constante"

"Mais que serrer trop fort le pressoir...donne un vin qui sent le pépin!!!"

Grâce à Dieu il reste la bière.


Bien à vous.
Kogan le cynique

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Alban,

Je suis d'accord.

Ceux qui détiennent, à un moment, le pouvoir ont rarement conscience que cela peut être éphémère et que leur position est rarement liée à leurs seules qualités. C'est souvent un simple concours de circonstances qui permet d'accéder au pouvoir et il n'y a donc pas de raison d'en retirer un quelconque sentiment de supériorité. C'est ce que vous appelez bien le "cercle de la domination".

S'agissant des photos, c'est bien sûr moi la photographe mais je ne vois vraiment pas mon ombre sur la première.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Vous révélez, dans votre message, votre esprit contestataire. Mais je ne pense pas que vous soyez bien féroce.

Talleyrand est effectivement un personnage fascinant !

Vous soulignez à juste titre que le pouvoir rend tout le monde malheureux: ceux qui en ont et ceux qui n'en ont pas !

En effet, les arbres ont encore quelques feuilles à Paris. Mais, quoi qu'en pensent les Français, le climat est très doux et les hivers quasi inexistants. Il gèle rarement à Paris. Quant à la neige, je n'en ai jamais vu.

Mais toute l'Europe est affectée par le réchauffement climatique. Je pars la semaine prochaine à Moscou mais il n'y a pas encore de neige et il fait à peine froid.

Bien à vous

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Oui, mais vous évoquez surtout le pouvoir sous sa forme étatique ou entre groupes sociaux.

Il y a aussi les relations de pouvoir entre individus souvent très amères.

Mais je comprends tout à fait votre désir de vous soustraire à tout cela (même si vous vous déclarez cynique, ce qui est une forme d'exercice du pouvoir).

Bien à vous

Carmilla


KOGAN a dit…

Bonjour Carmilla.... Vous êtes en train de me dire qu'avec mon cynisme déclaré ...je suis comme Macron? Oh my god!!! Bon week-end bien à vous.

Kogan le cynique

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Mais je ne pense vraiment pas qu'Emmanuel Macron soit cynique.

Il a au moins le courage d'énoncer quelques vérités dérangeantes dans un pays hanté par le populisme.

Bien à vous

Carmilla

Paul a dit…

c'est votre exercice qui vous isole, ça n'est pas tant un pouvoir quelconque (les enfants, la télécommande est tombée à fracas : "mais ce n'est pas moi, c'est ma grande soeur qui a des pouvoirs"). votre propos vous isole, nul ne viendra vous interrompre. pas ceux qui se satisfont d'une métrique, d'un bel accord ou d'une coda résolue. c'est entendu. pour ce qui est de concourir, vous omettez largement de nous dire la prépa ad hoc.. combien parmi vous sont muets parfois n'est-ce pas, même au piano et même sur la distrayante coda réussie à la perfection, c'est juste. est-ce juste. le pouvoir. le pouvoir ? le seul pouvoir qui est, c'est l'exercice du poème (souvent réussi dans l'adjonction photographique que vous faites avec succês). j'ai bien noté la facilité d'accês aux soins et c'est à mon sens un moindre mal :) néanmoins ce que vous faites tiens beaucoup au fait que vous ne vous embarassez pas d'influences - séductrices. et pourtant, votre texte est abominablement suffisant.