samedi 11 août 2018

Du Bleu de Delft au Bleu de Prusse



La semaine prochaine, c'est la rentrée littéraire d'automne. Pour que la période printemps/été 2018 ne s'efface pas complétement, je récapitule donc aujourd'hui ce que j'ai aimé ces derniers mois:

- "Tumulte" de Hans Magnus ENZENSBERGER. Une espèce d'autobiographie du grand écrivain allemand. Passionnant car on voyage beaucoup: l'URSS d'Est en Ouest, les Etats-Unis, Cuba... Un livre formidable.

- "Les guerres perdues de Iouri Belaïev" de Pierre SAUTREUIL. Le meilleur livre, de très loin, écrit sur l'Ukraine et le conflit dans le Donbass. C'est juste, précis, sans manichéisme et ça repose sur une présence directe sur la ligne de front. Pierre Sautreuil est un jeune (25ans) journaliste du "Nouvel Observateur".  Son livre évoque un peu le "Limonov" d'Emmanuel Carrère mais il est peut-être supérieur. Impressionnant! Pierre Sautreuil a tout compris. Dommage qu'on n'ait pas davantage parlé de son bouquin mais il est vrai qu'on préfère la propagande pro-russe (cf. Cédric Gras: "Anthracite").


- "Là où se mêlent les eaux" de Laurent GESLIN et Jean-Arnault DERENS. Un grand voyage, d'abord en bateau puis par voie terrestre, qui nous conduit de la pointe de la botte italienne aux Balkans (Slovénie, Croatie, Monténégro, Albanie) puis la Grèce, la Turquie, la Georgie, l'Abkhazie, un morceau de Russie,  l'Ukraine et la Crimée, la Moldavie. Un livre très bien écrit, très érudit (j'ai appris énormément de choses) qui nous permet, surtout, de découvrir, redécouvrir, une foule de minorités oubliées. Je recommande vivement ce livre.


- "Keila la Rouge" d'Isaac Bashevis SINGER. Un grand roman inédit (il n'était paru qu'en feuilleton). Immense plaisir de retrouver cet immense écrivain. L'un des écrivains majeurs du 20 ème siècle à mes yeux. Il ressuscite de manière très vivante, avec ses drames, sa poésie, sa cruauté, le monde juif de l'Europe Centrale.


- "Toucher le cœur des hommes" d'Anne-Marie SCHWARZENBACH. Les éditions Payot rééditent en ce moment les textes de cette grande journaliste suisse. La prose est magnifique et permet de découvrir un Orient disparu, celui des années 30, de Trébizonde à Kaboul, Peshawar, Téhéran.

- "La vie quotidienne de Freud et de ses patients" de Lydia FLEM. Une jolie réédition d'un très bon livre paru dans les années 80. Même si vous êtes allergique à la psychanalyse, ce bouquin vous passionnera. Je précise également que Lydia Flem est l'une de mes écrivains belges préférés ("La reine Alice" est bouleversant). A découvrir.


- "La langue géniale 9 bonnes raisons d'aimer le Grec" d'Andrea MARCOLONGO. Ce livre a été un grand succès en Italie et on le comprend tout de suite. Vous êtes peut-être comme moi: je n'ai jamais fait de grec. Cependant, j'ai été passionnée par ce bouquin qui montre bien comment chaque langue est une grille d'appréhension du monde. On ne perçoit jamais de la même manière le temps, l'espace, les genres, on ne compte pas de la même manière, on n'a pas la même perception, la même sensibilité. Du bonheur du plurilinguisme.

- "L'été d'Olta" d'Ornela VORPSI. Ornela Vorpsi est une femme fascinante. Une très belle Albanaise mais qui écrit en Italien et en Français. Qui est aussi plasticienne et photographe. Dérangeante, provocatrice, elle reconnaît ne pas être très appréciée des féministes. Ce livre parle de son enfance en Albanie dans les années 70 et de son éveil au désir, à la sensualité.


- "Bleu de Delft" de Simone van der VLUGT. Vous voulez visiter la Hollande ? Lisez ce roman captivant décrivant le parcours d'une femme forte, une femme artiste au siècle d'or néerlandais (le 17 ème).

- "Bleu de Prusse" de Philip KERR. Je ne lis qu'exceptionnellement des romans policiers mais il faut reconnaître que les bouquins de Philip Kerr constituent une source d'information prodigieuse sur l'Allemagne nazie. Ce livre se passe principalement à Berchtesgaden, le nid d'aigle du Führer. C'est sans doute l'un des meilleurs livres de Philip Kerr. C'est, hélas, aussi son dernier puisqu'il vient de décéder prématurément.


Tableaux de Adolf Hiremy Hirschl (1860-1933). Il est classé parmi les peintres académiques mais je vous assure que chacun de ses tableaux, en  original", est un choc.

Le premier tableau, "Aphrodite", sert d'affiche à une exposition consacrée à la mer au MUMA (musée André Malraux) du Havre. Elle est placardée un peu partout dans la ville y compris sur les bus. Nul doute que les Havrais la remarquent et s'en souviennent

4 commentaires:

Nuages a dit…

Grâce à vos conseils de lecture, je suis en train de lire "Les guerres perdues de Youri Beliaev", de Pierre Sautreuil. Excellent ! Ce jeune auteur écrit très bien et, en outre, le fait que tout cela soit un récit - au fil des rencontres avec le personnage principal - est encore plus impressionnant. Ça me donne aussi envie de relire "Anthracite" de Cédric Gras, que vous aviez détesté, pour faire des parallèles.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages,

Je trouve vraiment dommage que l'on ait si peu évoqué ce livre qui n'est pas seulement un reportage (qui a réclamé beaucoup de courage)mais qui a aussi de réelles qualités littéraires.

"Anthracite", j'ai eu le sentiment d'un livre "fabriqué", reprenant les idées dominantes en cours et sans connaissance de la réalité.

Je vous conseille d'essayer de voir, en parallèle, le film culte "Brat" (le frère) d'Alekseï Balabanov, diffusé en 1997. On le trouve facilement sur internet et il me semble qu'il existe des versions sous-titrées en français. Ca donne une bonne idée des mentalités au lendemain de l'effondrement de l'URSS.

Bien à vous,

Carmilla

nuages a dit…

J'avais vu "Brat" il y a longtemps. Je n'ai pas réussi à le trouver en DVD, avec des sous-titres français, mais je vais essayer sur le Net. Je pense que Nicolas Sautreuil parle de ce film dans son livre.

Carmilla Le Golem a dit…

Effectivement, Nuages, c'est de ce film ("Brat") que parle Nicolas Sautreuil. Il a peut-être été diffusé en Belgique mais, en France, je ne crois vraiment pas. Mais tous les Russes le connaissent et s'y reconnaissent.

Il y a aussi le film très récent "Frost" du Lituanien Sharunas Bartas avec Vanessa Paradis qui illustre bien la guerre en Ukraine.

Bien à vous

Carmilla