vendredi 25 décembre 2020

"Le convive des dernières fêtes"

 

Aujourd'hui, c'est Noël. L'occasion de récapituler 2020.

D'abord, et surtout, tout ce que je n'ai pas fait :

- Je n'ai pas du tout voyagé. Sûrement une première dans ma vie.

- Je ne suis quasiment pas allée au cinéma ou au musée.

 - Je n'ai presque pas pratiqué la natation.

- Nouvelles rencontres amicales, amoureuses, sexuelles, c'est juste un peu plus que zéro.

* Voilà pour les "moins". Vraiment pas brillant même si c'est largement la conséquence du Covid.

  Pour les "plus" et en compensation, voilà ce que j'ai fait :

- J'ai marché comme une folle, souvent deux heures, trois heures, quatre heures, dans les rues d'un Paris déserté. Ça m'a un peu calmée.


 - J'ai stressé comme une dingue avec deux petits problèmes de santé, dont une intervention chirurgicale. Mais il faut dire que je suis devenue une grande hypocondriaque.

 - J'ai perdu 4 à 5 kilos. Je me demande comment c'est encore possible. Je n'arrête pas de devenir aérienne. Comment font ceux qui grossissent ? Du coup, je deviens encore plus redoutable en course à pied mais je ne veux pas relancer ça. Je vais finir par impressionner avec mon apparence.

- J'ai alimenté mon blog imperturbablement : un post par semaine. Ça ne m'était encore jamais arrivé mais est-ce que ça ne devient pas un peu vain ? Je me pose de plus en plus la question.

-  J'ai découvert la littérature scandinave contemporaine. Kim Leine, Carsten Jensen (Danemark), Lina Wolff (Suède),  Laura Linstedt (Finlande), croyez-moi, ça vaut le détour. Ça change d'une littérature française totalement prévisible et bien pensante, qui se veut de plus en plus en phase avec les "grands problèmes de société". Au secours ! Deux exceptions toutefois : Mathias Enard et le tout récent prix Goncourt, Hervé Le Tellier ("Anomalie").

- La Bourse a fait de jolies montagnes russes. Il fallait prendre la vague au bon moment.


 A part ça, j'ai quand même organisé un Réveillon de Noël en comité ultra-limité. Avec un grand sapin (c'est mon côté gamine). Au menu, d'abord des trucs slaves avec des écrevisses et une carpe accompagnées d'un borchtch (que, pour une fois, j'ai très bien réussi). C'est sanglant, répugnant, sacrificiel, croyez-moi, quand vous devez assassiner, préalablement, une pauvre carpe frétillante et châtrer des écrevisses. Heureusement, je peux toujours compter sur des cœurs insensibles qui se chargent de la basse besogne. 

Et en accompagnement, des trucs français (mais pas de viande) avec des huîtres, des couteaux, des ormeaux, des bulots, des tourteaux, des bouquets, des oursins. Les fruits de mer, ça n'est pas du tout apprécié en Europe Centrale mais, sur ce point, je déroge complétement. Pour finir, le gâteau "Ispahan", tellement évocateur (un voyage à lui tout seul), de Pierre Hermé.

Surtout, je perpétue, à l'occasion du Réveillon de Noël, une coutume slave que je trouve merveilleuse. On réserve toujours un couvert pour un éventuel visiteur imprévu. Même un inconnu qui frappe à votre porte, on se doit de l'accueillir. Quel qu'il soit : connu ou inconnu, riche ou misérable, bandit ou saint.


Ça peut réserver de sacrées surprises. Qui peut-il être, en effet, ce convive imprévu ? L'ethnologie (Claude Lévi-Stauss) nous apprend que le repas de Noël, c'est une espèce de "Banquet des Morts". En offrant des cadeaux aux enfants, les parents (les survivants) leur demandent d'intercéder en leur faveur auprès des morts et des dieux pour qu'ils leur consentent encore un répit dans leur misérable existence, pour qu'ils en suspendent son amertume. 

 Le visiteur inconnu qui vient s'asseoir à votre table, ça peut alors être aussi bien un Bienfaiteur, qui va vous apporter Bonheur et Fortune, que la Mort elle-même qui vient vous signifier votre dernière fête.

 Photographies réalisées par moi-même, à Paris, en des lieux que je fréquente de manière habituelle.Vous remarquerez qu'on peut rencontrer des rennes même sur la Place Vendôme.

Les dernières images sont prises chez moi pour vous montrer mon sapin avec ses décorations russes. Vous pouvez constater que j'aime bien les miroirs mais, qu'en bonne vampire, je ne m'y reflète pas.

"Le convive des dernières fêtes", c'est une nouvelle de Villiers de l'Isle Adam extraite des "Contes cruels". C'est remarquable (célébré notamment par Borges qui l'a préfacée) mais ça n'a rien à voir avec le repas de Noël.

17 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Il vous faudra sans doute chercher beaucoup pour trouver un exemplaire de : Nous les noyers de Jensen, qui a été édité en 2006. J'ai attendu six mois avant de pouvoir mettre la main sur cet ouvrage, et encore par un prêt entre bibliothèque. L'autre facteur qui rebutera plus d'un lecteur, c'est un livre à la Richard St-Laurent, un ouvrage de mille pages, excellent pour cette époque de réclusion. Cependant, ce long voyage en vaut la peine.

Qu'est-ce qui s'offrait comme avenir aux jeunes hommes, après les coups de garcettes de Isager ? Pour la vaste majorité de ces humains, c'était soit devenir paysans comme leurs parents, ou bien, s'embarquer, devenir mousse comme le capitaine Albert Madsen. Il est clair que tous les mousses ne devenaient pas capitaine. Madsen lui, a eu cette chance. Il est resté envie après deux naufrages. Il avait recherché son père, qui avait abandonné sa famille, dans l'immensité du Pacifique. Je ne vous en dit pas plus, juste pour vous mettre l'eau à la bouche. Jensen possède une bonne vision de la nature humaine que je partage avec lui. Qui plus est, c'est plus qu'un simple roman, c'est une étude sociologique du Danemark sur un siècle de 1848 à 1945.

Je dirais de cet ouvrage, que c'est un livre de la classe de Moby Dick. Un récit qui m'accroche comme un harpon qui pénètre dans le corps de la baleine. Leurs misères me rapprochent de ce que j'ai vécu. Croyez-moi, cette misère est loin d'être inutile. Je me dis souvent que je suis devenu aviateur parce que le ciel est plus vaste que les océans, sans oublier que les hydravions c'est aussi de la marine. Je crois que je vais relire Moby Dick encore une fois. Oui, j'aurais pu devenir marin, je suis devenu autre chose pour savourer ces moments uniques, que lorsque tu foules à nouveau ta terre natale après avoir échappé aux dangers, tu te sens plus vivant que tu ne l'as jamais été dans ta vie. C'est un frisson que tu n'oublies pas, pour le pire comme pour le meilleurs que tu veux revivre. Le véritable danger commence après cette limite. Albert Madsen avait une bonne tête, un jour il est resté à terre. Terminé de s'embarquer pour deux ans pour aller voir à l'autre bout du monde. Ce n'est pas donner à tous, il faut savoir tirer sa révérence, quitter la scène, parce que vient le moment de vérité. En cela, nous sommes tous des noyers en puissance.

À tous ceux qui ne sont jamais revenu

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Le long de cette rivière, par ce matin de cette étrange journée du 25 décembre 2020, c'est le festival des pygargues. J'en ai un perché face à ma porte fenêtre et deux autres sur l'autre rive de la rivière, deux adultes et un juvénile, qui surveille les espaces libres de glace, qui malgré les 15 degrés en plein midi, n'a pas encore réussi à se débarrasser de mon manteau de glace. J'ai bien écrit +15 degrés, ce qui ajoute au mystère, après avoir connu la semaine dernière des températures sous moins 20 degrés. Mais, je tiens à rassurer tout le monde, ce n'est pas exceptionnelle ici en Estrie de se retrouver un 25 décembre sur la terre nue. En moins de deux jours la neige a fondu. Nous avons reçu beaucoup de neige depuis le début du mois de novembre dernier, mais à chaque fois, après des froids vifs, les redoux sont revenus. Ici, nous trouvons que cette année 2020 aura été bien étrange et pas seulement à cause de la crise sanitaire. Les humains semblaient égarés. L'hiver n'a pas demandé son reste bien avant que le printemps ne s'installe. Nous sommes tombés entre deux raisons. Ce n'était ni froid, ni chaud. C'était indéfini. On a pensé qu'on aurait un beau printemps, mais ce ne fut pas le cas. Nous avons connu des gelées dans la première semaine de juin alors que les pommiers étaient en fleurs, résultat la récolte de pommes a été médiocre. Après, s'est installé une longue sécheresse jusqu'à la fin de septembre. Puis le vent a tourné, du jour au lendemain, il s'est mis à pleuvoir, nous sommes passés de la poussière à la boue. Par contre la chasse aux chevreuils aura été excellente et la viande est savoureuse. Puis sont venus les giboulées de neige mouillée, les froids, les redoux, entre grisaille et quelques maigres percées de soleil. Oui, une bien étrange année, alors qu'un pygargue vient d'attaquer un autre pygargue, duel dans les airs, ailes toutes déployées. De force égale, il n'y a pas eu d'affrontement mortel, juste une passe dans une leçon de voltige, où l'un des oiseaux est venu proche du décrochage. Pendant ce temps-là, les deux autres pygargues sont demeurés perché dans leur arbre sur l'autre rive de la rivière. Un bien étrange 25 décembre sous la pluie, avec en prime un spectacle de pygargues sous un ciel gris, un chemin désertique, dans une humidité inconfortable avec cette vie qui ne recule pas malgré la souffrance et tous nos morts. La leçon est rude et malgré tous nos déboires, nous avons beaucoup appris. Au final c'est tout ce qui compte. Je me demande ce que 2021 va nous servir comme leçon ?

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla !

Perdre 5 kilos c'est beaucoup dans votre cas. À ce rythme-là vous allez vous transformer en ombre du vent. Lorsque votre mutation sera terminée vous me ferrez signe. J'installerai des capteurs d'ombre sur Signal Hill à Terre-Neuve, peut-être avec beaucoup de chance je vous attraperai ?

Vous avez bien alimenté votre blog et ça fait plaisir de vous savoir vivante. Je dirais même que vous lui avez insufflé plus de substances, il y a une progression dans vos écrits, vos sujets sont plus fouillés, vous lui avez apporté plus de concentration.

Pour moi aussi, la découverte de la littérature scandinave aura été une joie. Est-ce parce que je m'y reconnais ? C'est peut-être cette manière de regarder les réalités en face qui me touche. Dans : Nous, les noyers, je reconnais une certaine parenté avec ce qu'était le Québec au cours des 150 dernières années. Ça remue quelque chose en moi.

La tradition de réserver un couvert pour l'étranger de passage, un survenant de la dernière minute, est une belle tradition. Elle exprime que sa porte est ouvert, et peu importe qui se présente. Ceci n'est pas unique à la culture slave, c'est universel. J'ai trouvé ce même état d'esprit chez les nations indiennes.

C'est qui ce type qui vient de s'asseoir à votre table ? Est-ce la mort ou bien la vie ? Le commencement ou la fin d'une chose ? Certains diront que c'est de la superstition, moi je dirais que c'est simplement du mystère. Ce qui m'a rappelé cette arrivée du Survenant chez la famille Beauchemin dans le Chenal du Moine (région de Sorel au Québec) décrit par Germaine Guèvremont dans son récit Le Survenant. J'entends encore Didace Beauchemin dire au Survenant : « Approche Survenant, tires-toi une assiette on est pas ici pour te servir. » Ce personnage du Survenant m'a toujours fasciné. Il est une de mes grandes inspirations. Cette histoire s'est sans doute déroulé aussi en Russie et ailleurs dans le monde. Dans le récit de Guèvremont, Le Survenant portera le surnom de Grand-Dieu-Des-Routes.

Bonne nuit Carmilla !

Richard St-Laurent

Nuages a dit…

Votre appartement est, en tout cas, meublé avec beaucoup de goût. Les petits fauteuils, en particulier, sont très beaux.
A la droite du sapin, posé sur ce qui semble être un baffle, serait-ce une version miniature de l'église Basile-le-Bienheureux, sur la place Rouge ?

Michael a dit…

"... un peu vain ? Je me pose de plus en plus la question."

Vain ? Pas du tout ceux et celles qui, comme moi, puisent dans vos billets hebdomadaires le réconfort d'une substantifique moelle et bien d'autres plaisirs.
En ce soir de Noël (avec le retard d'une traversée transatlantique), je vous adresse un grand merci.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

J'ai commencé à faire des recherches sur le livre de Jensen et ça ne semble pas facile en effet. Et puis, 1 000 pages, j'avoue que ça me rebute franchement.

Le Danemark, c'est un petit pays auquel peu de gens s'intéressent. Son histoire est pourtant passionnante et on a oublié qu'il a été une grande puissance européenne. Il a en fait dominé toute l'Europe du Nord (y compris la Suède, la Norvège, le Groenland, l'Islande, les îles Féroé). Danois et Suédois, que l'on a tendance à ranger dans le même sac, continuent en fait de se considérer avec méfiance. Je crois qu'il y a 4 dates importantes dans l'histoire du Danemark: les incendies de Copenhague, le règne du Roi fou, Christian VII, la perte de la Norvège, les guerres du Schleswig.

C'est vrai que depuis 2 ans environ, je développe beaucoup plus mes posts. Je m'attachais à une forme courte autrefois. Mais je me demande si cette nouvelle orientation n'est pas une erreur. Les lecteurs d'un blog recherchent avant tout rapidité et concision, il me semble.

Être maigre n'a pas que des avantages. On est certes plus vif et endurant mais on est plus sensible au froid et être assis n'est pas très agréable (on manque de rembourrage).

Vous m'avez enfin fait découvrir les pygargues.

Bien à vous,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci Michael,

Bien que je m'attache généralement à ne pas me poser trop de questions, je suis quand même quelquefois assaillie de doutes. Vos messages sont donc toujours réconfortants.

Joyeuse fêtes !

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci Nuages,

Non, ce n'est pas l'église de la Place Rouge qui est posée sur une baffle. C'est une petite "Szopka Krakowska", une crèche de Cracovie (l'autre grande ville de Galicie avec Lviv). La crèche n'y est pas représentée devant une étable mais devant une église de Cracovie. Certaines "szopka" (ou plutôt "szopki" en bon polonais)sont de véritables œuvres d'art et ont une grande valeur.

Quant à mes fauteuils, ils sont surtout l’œuvre d'un remarquable tapissier parisien.

Joyeuses fêtes

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla !

De l'attention en passant par la brièveté de la concision.

Nous convenons dans une très grande majorité, que cette époque trouve sa raison d'être dans la rapidité, la concision, le résumé. Lorsque le temps s'allonge, d'une moins dans une certaine perception, arrive ce qui se produit présentement, les humains perdent leurs repères, ils ne savent plus quoi faire de leurs dix doigts. L'époque nous sculpte ainsi. Nous fuyions nos interrogations dans des ennuies morbides. Nous refusons les remises en question. L'attente et la recherche nous pèse. Nous enfermons notre attention dans le placard. Une devise se grave dans le fond de nos mémoires : « Faut passer à autre chose. »

Notre manque d'attention devient remarquable. Depuis des décennies, les gens refusent d'entretenir de longues discussions, de lire des ouvrages denses, ils préfèrent s'écraser devant la télévision, ou encore jouer à des jeux stupides devant des écrans. Lorsque des gens jouent à des jeux de société, cela révèle que la discussion n'existe plus. À moins qu'on refuse de creuser un sujet. Nos existences vides, nous pèsent-elles, au point de refuser tout effort intellectuel ? Il devient plus difficile d'enseigner, de capter l'attention d'une salle, de suivre tout simplement des ordres, ou des consignes. Nous craignons les grand discours parce que nous refusons la représentation. Nous parlons avec des mots, mais les mots nous parlent aussi, ils nous façonnent. Nous refusons de comprendre qu'une langue influence un esprit. Un français ne pensent pas comme un anglais, et un anglais doit déployer des efforts pour comprendre un russe. Cela joue dans les conceptions profondes de la vie. Aujourd'hui, il faudrait tous parler anglais que nous transformons en novlangue. Le moins de mots possibles, donc cette pauvreté débouche sur moins de conceptions. À quoi peut bien servir un ventre plein et un esprit vide ?

Il appert, que la lecture d'un grand livre requière de l'attention, du temps et sans doute une bonne dose de silence. Pour plusieurs humains ces exercices révèlent leur incapacité et surtout la crainte d'accéder à autre chose que des banalités. C'est le propres de humains de redouter la perte du peu qu'ils s'imaginent posséder. Nous pensons que la destination doit toujours prendre la teinte du temps présent, que les valeurs contemporaines doivent être coulées dans un immobilisme éternel. Ne bougeons plus et surtout évitons l'opportunité de nouveaux chemins ténébreux, diminuant l'opportunité de nouvelles découvertes.

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Le mur !

Carmilla nous frappons un jour ou l'autre, un mur, accident de terrain de tous les créateurs, des écrivains en passant par les peintres pour aboutir aux inventeurs et aux ingénieurs qui se heurtent à cette barrière du vide. J'entends ces phrases ; je ne trouve plus mon inspiration, rien ne vient, le plaisir de la création me fuit. Les sentiments obscures occupent tout l'espace.

Le doute s'installe, mais ce doute est fait de quoi ? Est-ce que le doute porte en lui la révélation d'une renaissance ? Des fois oui, d'autres fois non. Pourquoi on arrête soudainement une activité qui jadis nous apportaient plaisirs et satisfactions, qui soudain prend la teinte de la platitude ? Un métier ou une profession soudain amputé de sa vocation d'origine ?

Une quinzaine d'années à tenir un blog cela fait un bail. La duré dans le temps, cette ténacité que vous tenez bien à bout de bras, je trouve qu'il y a quelque chose d'admirable dans ce geste généreux de dispenser du plaisir intelligent.

Peut-être que vous êtes à la croisée des chemins et que vous n'en savez rien pour le moment ? C'est à la fois excitant et désarçonnant ?

La nouvelle année 2021 qui se pointe sera peut-être révélatrice à ce chapitre ? Ce que nous venons de vivre n'est peut-être qu'une entrée en la matière ?

Je n'ai pas de réponse, je n'ai que des questions.

Sous une belle petite neige. Il semblerait que les pygargues n'ont pas pris l'air aujourd'hui. Je me suis levé en même temps que le soleil, puis le ciel s'est ennuagé au cours de l'avant-midi, maintenant la neige tombe et je ne me lasse pas de la regarder. Le Sasquatch que je suis est tout admiration devant cette beauté pure qui tombe.

Bonne nuit

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Vous avez, en grande partie, raison: nos sociétés ont soif d'immédiateté, de rapidité; c'est au prix d'un appauvrissement de la vie.

Mais la synthèse et la concision sont également indispensables. Il se trouve que j'ai aussi travaillé dans un Ministère et, là, c'était impératif: pas question, sous peine de se la voir retournée, de rédiger une note de plus d'une page. C'était très formateur. Surtout, quand vous travaillez dans la finance, vous devez avoir, absolument, l'esprit de synthèse : ne pas se perdre dans une multitude de chiffres, pouvoir cerner, en leur sein, le problème essentiel.

L'une de mes rares qualités, c'est peut-être, en effet, la persévérance. Quand je commence quelque chose, on ne m'arrête plus et j'en fais trop. J'ai comme ça plein de tocades (le sport, la littérature, les voyages, les langues, la mode)qui peuvent beaucoup énerver les autres parce qu'ils ne partagent évidemment pas toujours mes goûts.

Quant à mon blog, il ne me pèse pas, je n'ai pas de difficultés à l'alimenter ni de panne d'inspiration. Mais je sais aussi que je peux être ennuyeuse et je me dis qu'une 14 ème année, ça commence à faire beaucoup.

Quant à la météo parisienne, elle est toujours aussi désespérément douce et pluvieuse. Voilà vraiment quelque chose que j'aimerais voir changer : le climat en France avec, enfin, du froid et de la neige.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

« Vous croyez au progrès, capitaine Madsen. Alors pourquoi vous ne saluez-vous pas cette évolution ? Parce qu'elle change le monde que vous connaissez si bien ? Mais, si j'ai bien compris, c'est dans la nature du progrès de rendre le monde non seulement meilleur, mais méconnaissable. N'est-ce pas ? »
Anna Egidia Rasmussen
Tiré de : Nous, les noyés
Page -445-
Par : Carsten Jensen

Citation qui m'a rappelé nos nombreuses discussions sur l'évolution, le progrès, la science etc.

Plus j'avance dans cette lecture, plus je constate la finesse de cet auteur sur cette société danoise, mais qui n'est pas exclusive parce qu'elle nous ramène à l'universel. Ce que je retrouve dans ce Québec qui a la base ressemblait beaucoup à la société danoise. Les marins danois partaient souvent pour deux ans, donc les femmes demeuraient seules avec leurs enfants, ce qui me rappelle les québécois qui partaient pour bûcher dans les chantiers. On partait au mois de novembre et l'on revenait en mai de l'année suivante. Nous oublions souvent que plusieurs changements sociologiques ont été lancés par des femmes. Gilles Vigneault l'a chanté et raconté souvent cette vie où les hommes partaient pour l'hiver au chantier. Il y a des couples qui ont vécu ainsi pendant des décennies. En conclusion cela a donné des sociétés évoluées et je ne pense pas comme québécois que je serais dépaysé au Danemark.

Mon attente en valait la peine. J'ai attendu six mois pour recevoir ce livre et j'en suis très content. Lecture inspirante et très accessible sans compromis sur la concision. J'ai une vieille édition Stock 10/18, c'est peut-être une bonne piste. Je suis surpris que ce livre n'a pas été réédité. Il le mériterait.

Bonne chance dans vos recherches

Bonne nuit

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla !

»Les femmes aimaient les hommes qui faisaient rire. Mais elles tombaient amoureuses d'un homme qui les faisait pleurer. Elles respectaient seulement uniquement ce qu'elles ne comprenaient pas. C'était ça, le respect. Il avait suffisamment bourlingué pour savoir que ce n'était pas l'amour qui permettait aux hommes de supporter la vie. C'était le respect, et dans le respect, il se cachait toujours une pointe de frayeur. »

Carsten Jensen
Nous, les noyés
Page -772-

Nous retrouvons dans cet ouvrage des réflexions assez coriaces sur l'amour, les hommes et les femmes. On ne se fait pas de quartier.

Est-ce que les relations ont changé depuis cette époque ?

Les femmes tombent encore amoureuses des hommes qui les font pleurer.

Jensen n'épargne personne, surtout pas ses lecteurs.

Bonne nuit Carmilla !

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je ne connais pas le Québec mais un peu les pays scandinaves. J'imagine que les mentalités sont en effet assez proches façonnées, en partie, par un climat assez rude (ça n'est plus le cas au Danemark depuis quelques décennies).

Les sociétés scandinaves m'apparaissent à la fois séduisantes et désespérantes. C'est bien sûr le triomphe de l'esprit démocratique mais les mentalités sont aussi d'un prosaïsme et d'un utilitarisme déconcertants. Mais je dis peut-être aussi des bêtises.

Au chapitre des bêtisiers, les livres de Malene Rydhal, qui ont un certain succès en France et nous expliquent,inlassablement, que les Danois sont les plus heureux du monde (ce qui est candide).

A l'inverse, il y a un roman russe au vitriol sur la société danoise : "Le voyage de Hanumân" de Andreï Ivanov paru en 2016 en France aux éditions Le Tripode. C'est décapant.

Quant au progrès, j'y crois bien sûr profondément. Il est pour moi évident que l'on vit sans cesse mieux. Quoi qu'on en dise, on est à la fois plus riches et plus éduqués. Mais c'est bien sûr au prix d'un bouleversement continuel des situations acquises. Ce qui explique que beaucoup préfèrent le maintien de l'ordre existant. "Le capitalisme révolutionnaire" (entrevu par Marx lui-même) a toujours, heureusement, un temps d'avance sur ses détracteurs.

Bonne année,

Carmilla

Carmilla Le Golem a dit…

Dernier point, Richard,

L'attirance de nombreuses femmes (sûrement pas moi) pour des hommes qui les font pleurer (des voyous,des brutes, des crapules) est bien connue.

Développer sur ce sujet entraînerait trop loin. Mais il faut reconnaître qu'hommes et femmes préfèrent souvent l'Enfer au Paradis. L'attrait du Mal est irrésistible, la littérature (Dostoïevsky en particulier) est, en grande partie, construite là-dessus.

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla !

« Nous n'avons pas l'habitude de tenir une comptabilité exacte des morts dans notre ville. Mais je sais que Marstal a perdu bien plus de ses fils sur la route de Terre-Neuve ou pendant la Première Guerre. C'est le sort des noyées. Ils ne peuvent jamais reposer en terre. »

Carsten Jensen
Nous, les noyés
Page -971-

Je vous souhaite de lire ce livre un jour, ce n'est pas donné, parce que nous sommes tous des noyés.

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je vais essayer de lire ce bouquin de Jensen.

On est bien sûr tous des noyés potentiels. Mais avant d'en arriver là, on surnage tout de même quelque temps.

Bien à vous,

Carmilla