samedi 11 septembre 2021

"Au printemps des monstres"

 

Jusqu'à une époque récente, je croisais régulièrement Eric Zemmour, faisant, comme moi, la queue dans l'attente de l'ouverture de notre piscine du 8ème.


Eric Zemmour, je précise, à l'attention de mes lecteurs étrangers, qu'il est une figure de l'extrême droite française, probable candidat aux prochaines élections présidentielles. Il faut reconnaître qu'il est plutôt moins inculte que les militants de son bord mais il n'arrête quand même pas de théoriser sur le "Grand Remplacement" et il rêve de bouter les Musulmans hors de France et de restaurer l'ordre viril et patriarcal (qu'à la manière d'un Goebbels, il a vraiment peine à incarner).

Je me tenais bien sûr coite mais je devais bien constater qu'Eric Zemmour, à ma grande perplexité, se présentait plutôt favorablement. Pas du tout replié sur lui-même mais au contraire ouvert, souriant, discutant et plaisantant avec tout le monde. En bref, que ce soit une attitude jouée ou sincère, Eric Zemmour apparaissait presque comme un bon copain, peut-être vite lassant mais, quand même, franchement sympathique. Et d'ailleurs, plein de gens, dans la file d'attente, se sentaient séduits et honorés d'engager, avec lui, une conversation.

C'est évidemment troublant. On préférerait, bien sûr, que les choses soient plus simples : qu'on puisse immédiatement repérer les crapules, qu'elles soient d'emblée odieuses dans leurs comportements privés. 

Que penser, en particulier, de Hitler ?  La compassion n'était sûrement pas sa première qualité, mais vis-à-vis de ses proches, chauffeurs, gardes du corps, domestiques, il n'en est pas un qui n'ait gardé le souvenir de  son attention et de sa courtoisie à leur égard. Et ils sont tous demeurés fidèles à sa mémoire. Il faut lire à ce sujet le témoignage de sa secrétaire, Traudl Junge : "Dans la tanière du loup" (facile à trouver en poche). 

Et puis dans sa jeunesse, il n'était pas complétement antipathique : son côté rebelle, ses aspirations artistiques, son goût pour la musique, sa vénération pour les livres, sa vie de bohême. Il ressemblait vraiment aux étudiants moyens d'aujourd'hui, cools et déjantés, glandouillant en fac de lettres ou aux Beaux-Arts. Il était simplement paresseux-laborieux, obtus, coincé, sans aucun génie.

Il a été le plus grand criminel de l'Histoire mais il n'a jamais tué directement quelqu'un et n'a jamais visité un seul camp de concentration. Il n'était probablement pas un sadique, simplement un "criminel de bureau", déléguant à d'autres, en toute indifférence, les basses besognes.

Et ça vaut d'ailleurs pour toute la société allemande. On a publié récemment, sous la supervision de Timothy Snyder, des lettres à leur famille de soldats de la Wehrmacht envoyés sur le front Est. C'est sidérant ! On y apprend qu'ils ont froid, qu'ils sont fatigués, qu'ils mangent mal, que leur famille leur manque mais qu'ils ont heureusement d'excellents camarades. Mais des atrocités commises, des massacres perpétrés, pas un mot ! Une société de somnambules, d'indifférence et de conformisme.


Pour en revenir à Hitler, il faut aussi reconnaître qu'il exerçait une forte séduction sur certaine femmes. C'étaient les folles du "Führer"; des femmes qui ne daignaient sans doute pas, autrefois, lui accorder un regard quand il était étudiant désœuvré, mais devenaient sensibles, sinon à sa virilité, du moins à son pouvoir et son autorité. Là encore, les témoignages sont unanimes : avec les femmes, Hitler se montrait toujours extrêmement respectueux et poli. Il se plaisait en outre à organiser les mariages et à conforter la paix des ménages (celui de Magda Goebbels, notamment). Mais ses relations avec les femmes étaient, en fait, d'une extrême banalité. Il n'était sûrement ni asexuel, ni pervers, comme en témoigne sa relation avec Eva Braun, son épouse morganatique. Il était simplement névrosé-inhibé comme tous les hommes et femmes de sa génération.

 

Les relations de Hitler avec les femmes ont quand même été marquées par deux sombres "affaires" : 

- celui du suicide, en septembre 1931 (soit 18 mois avant qu'il n'accède au pouvoir) de sa jeune nièce (23 ans), Geli Raubal, qu'il hébergeait, pour lui venir en aide (?), dans son vaste appartement de Münich. Il la tyrannisait sans doute et exerçait sur elle une implacable emprise en la retenant quasiment prisonnière mais on n'a jamais pu démontrer qu'il entretenait avec elle une relation incestueuse. 


- le suicide également, mais partiellement raté, de Unity Mitford (1914-1948), une jeune aristocrate anglaise, folle d'amour pour Hitler dont elle devint une intime. Cette association d'une grande aristocrate britannique et d'un démagogue, d'un bateleur populiste, était, pour le moins, singulière. Unity Mitford ne put supporter l'entrée en guerre de la Grande-Bretagne contre l'Allemagne nazie et se tira une balle dans la tête dans un jardin de Munich, en septembre 1939. Elle survécut pendant près de 9 ans, dans des souffrances terribles, avec la balle restée logée dans son crâne. 


 Ces histoires sentimentales tragiques ont-elles ébranlé Hitler ? Peut-être plus qu'on ne l'imagine parce qu'il était aussi un anxieux, un angoissé, obsédé par la maladie et la mort (ce qui explique son "hygiène" alimentaire draconienne étrangement moderne). Mais au total, Hitler était sinistrement normal, ni fou, ni pervers, ni paranoïaque, simplement ultra-rigide, engoncé dans une carapace, dévoré par les interdits sociaux.

Il incarnait ce qu'Hannah Arendt  nommait la banalité du "mal". On voudrait croire que le Mal est exercé par des bêtes furieuses, des fous, des sadiques. Mais on se rend souvent compte que le Mal ne réside pas dans des actes isolés, insensés, mais dans la simple quotidienneté, dans les petites choses, dans l'application à exécuter des tâches machinalement. 


Le Mal, c'est souvent le comportement des gens ordinaires, des "braves gens". Des personnes "sans qualités", incapables d'agir par eux-mêmes ou ne voulant pas avoir une éthique propre. Ce sont toutes ces personnes, en apparence estimables, que Louis-Ferdinand Céline a su décrire dans toute leur noirceur, une noirceur dont il n'était pas lui-même exempt.

On valorise de plus en plus le "Peuple" aujourd'hui, comme s'il avait conservé une pureté originelle, comme s'il n'abritait aucun vice, ceux-ci étant l'apanage de la seule bourgeoisie. Je ne crois pas en cette fable : les "braves gens", les gens-z'honnêtes", savent aussi être des monstres.  

Il faut lire les bouquins d'enquête criminelle de Philippe Jaenada : "Sulak", "La petite femelle" (son chef d’œuvre à mes yeux), "la Serpe".

Son tout dernier livre qui vient d'être publié ("Au Printemps des monstres") renverse toutes les perspectives. Les criminels deviennent innocents et les innocents se révèlent criminels. Mais c'est finalement la société qui est criminelle. J'ai ainsi été très intéressée par la description que fait Philippe Jaenada de la France des années 60. Je crois que c'est une décennie que les Français idéalisent beaucoup, pour la quelle ils éprouvent une grande nostalgie : celle du "bon vieux temps" et de la découverte de la société de consommation. 


 Mais Philippe Jaenada révèle une toute autre réalité : un pays encore pauvre, dans le quel beaucoup vivent d'expédients, de "magouilles", de petits boulots; un faible niveau d'éducation qui vous range dans l'élite si vous avez le baccalauréat; et surtout une rigidité des mentalités, un conformisme général, une violence sociale et une intolérance effrayante. Bref une société "monstrueuse" qu'il n'y a aucune raison de regretter.

Photos principalement d'Helmut Newton (1920-2004). Un photographe controversé, généralement détesté, aujourd'hui, par les féministes. Personnellement, j'aime bien parce qu'il donne plutôt, à mes yeux, une image positive des femmes : conquérantes, dominatrices. Ça ne correspond pas aux clichés machiste. Il faut surtout préciser qu'il était, par son père, juif-allemand et a toujours abhorré les idéologues. Je trouve ainsi remarquable la photo qu'il a prise de Jean-Marie Le Pen (ancien leader de l'extrême-droite française). Il a piégé Le Pen en le prenant avec ses chiens. Mais Le Pen ne savait pas que les Allemands l'associeraient alors tout de suite à Hitler (qui adorait être pris en compagnie de son berger-allemand). Le Pen a, paraît-il, essayé ensuite (sans succès) d'empêcher la publication de cette photo.

Photographies, par ailleurs, de Hitler en compagnie de Geli Raubal et Unity Mitford.

Parmi les livres que je recommande, je ne recense bien sûr pas tous ceux qui sont consacrés à Hitler. Je me limite à ceux que j'ai aimés récemment :

- Volker ULLRICH : "Adolphe Hitler - Une biographie". Pour moi, la meilleure biographie d'Hitler, passionnante et très bien construite. Je précise toutefois qu'il ne s'agit que d'une première partie et que celle-ci totalise près de 1 000 pages hors annexes. Mais moi qui déteste les livres trop longs, ça ne m'a pas gênée. La deuxième partie, en cours de traduction, devrait paraître prochainement.

- Thomas SNEGAROFF : "Putzi". Un livre récent dont on trop peu parlé. Formidable ! Putzi , c'est Ernst Hanfstaengel, un singulier germano-américain qui fut, pendant l'ascension d'Hitler, son confident et son pianiste. Était-il un simple bouffon ? Une incroyable galerie de portraits évoquant, outre Putzi, les sœurs Mitford, Thomas Mann, Carl Jung et... Romy Schneider.

- James WYLLIE :"Femmes de nazis"

- Anja KLABUNDE : "Magda Goebbels"

- Philippe JAENADA : "Au Printemps des  Monstres". Plus que le crime, c'est la société au sein de la quelle il a été perpétré qui est intéressante. Un excellent livre mais tout de même 749 pages. Ça aurait pu être élagué largement parce qu'il y a des parties franchement ennuyeuses.



11 commentaires:

Richard a dit…

Bonjour Carmilla

Vous avez une remarquable représentation canine. Je m’y connais très peu en maladie mentale; mais j’ai une bonne connaissance de terrain en ce qui concerne les chiens. J’en ai élevés, transportés, soignés, et abattu un certain nombre.

Habituellement, les gens qui possèdent des Dobermans ou des Bergers allemand, ou encore, des Rottweilers, des Pitbulls, sans oublier des Bulldogs, se révèlent par leur manque de confiance en eux. Lorsque ses personnes sont seuls, elles rasent les murs, se font discrètes; mais dès qu’elle tienne la laisse de leur Doberman, soudain leur manque de confiance disparaît. Peu importe, que se soit un homme ou une femme, c’est toujours la même histoire, le même manque de confiance. Ces chiens en disent beaucoup sur leurs maîtres.

Ce qui me rappelle l’époque où j’habitais la ferme, j’avais des voisins qui possédaient ces races de chiens. Ils appelaient cela leurs chiens de garde. Un chien aurait suffit, mais certains en gardaient quatre ou cinq! Qui plus est, je n’avais pas besoin de fouiller dans leurs garde-robes pour savoir qu’ils étaient armés jusqu’aux dents, fusils et carabines de chasse pullulaient. Chiens de garde, plus armes, égal manque de confiance en soi. C’était une situation dangereuse. Nous avertissions les enfants, n’allez jamais dans telle ferme, parce qu’il y a des chiens dangereux. Et, ce n’était pas des avertissements en l’air.

Je ne suis pas surpris de la photo de Le Pen en compagnie de ses dobermans. Vous connaissez les personnages mieux que moi, pas besoin d’en rajouter.

Hitler avec son chien comme vous le mentionnez si bien, était un angoissé et un anxieux. Il cachait relativement bien son manque de confiance en lui. Ses relations avec les femmes semblaient difficiles. Il y a tout un chapitre sur ce sujet dans Mein Kampf. C’est un ouvrage qu’il faut lire une fois dans sa vie. Ce n’est pas très agréable, c’est loin de la littérature, mais c’est très instructif, tout y est, il ne lui manquait plus que le pouvoir. Cependant, il faut le lire en se bouchant le nez. Il est venu bien près d’atteindre tous ses objectifs. Voilà ce que ça peut faire, une personne qui manque de confiance en elle.

J’espère que Zemmour n’a pas de chien. Je le vois mal comme président de la République. Il me semble qu’il ne serait pas à sa place. Je devrais peut-être me garder une petite gêne, à l’époque vers 1925, personne ne voyait Hitler comme Chancelier du Reich. Les gens de l’extrême droite ne sont pas tous des : (idiots utiles). Macron devra surveiller ses arrières.

Ici, la campagne électorale fédérale bat son plein. J’ai voté hier par anticipation. Je n’ai pas besoin d’une campagne électorale pour me faire une idées. Nous saurons le 20 septembre prochain qui sera aux affaires à Ottawa.

Bonne fin de journée Carmilla

Richard St-Laurent

Richard a dit…

Quelques nouvelles d’Amérique

Je vais délaisser les chiens et les personnes en manque de confiance pour vous parler de mes dernières lectures et celles en cours.

Enfin j’ai reçu une de vos suggestions que j’attendais depuis longtemps :

Guillaume de Rubrouck
Envoyé de saint Louis
Voyage dans l’empire Mongol.

Voilà un ouvrage qui a tout pour me plaire. Une vraie œuvre d’anthropologie sur les Mongols que nous connaissons si peu. Ce qui m’a rappelé un autre ouvrage que j’ai lu le printemps dernier : À travers de la Mongolie interdite par Ferdinand Ossendowski.

Une lecture tout à fait d’actualité : Réactiver le sens commun par Isabelle Stengler. Lecture pertinente en temps de crise, surtout celle que nous vivons présentement, qui oppose les scientifiques à ceux qui baignent dans la pensée magique, lorsque ce n’est pas dans le refus.

Claude Lévi-Strauss : Nous sommes tous des cannibales.
Toujours d’actualité. Il y aura toujours d’autres façons de voir le monde. Nous pouvons faire les choses autrement, mais nous sommes souvent trop lâches pour nous engager dans les changements.

Corine Pelluchon
Pour comprendre Levinas
J’ai lu quelques pages. Je pense que je devrai cesser mes autres lectures pour comprendre ce livre.

Christiane Taubira
Baroque sarabande
Dans cet ouvrage, Christiane Taubira rend hommages aux livres et aux écrivains qui l’ont façonnée.

« Quoi que vous cherchiez à savoir ou à ressentir, à comprendre ou à percevoir, à saisir ou à entrevoir, quelque part un livre répond à votre quête. En procurant plaisir, volupté, félicité.
Lire. Toute l’énergie, la passion, le bien-être et le tourment d’une vie ardente »
Christiane Taubira

Je suis un inconditionnel de ceux qui me parlent de leurs lectures!

Finalement une relecture de Wild par Cheryl Strayer.
C’est le périple de cette jeune femme, qui a parcouru en trois mois, 1700 km sur la (Pacific Crest Trail). Ça date un peu, publié en 2014, mais c’est toujours aussi intéressant. J’ai eu beaucoup de plaisir à la relire. Comment un personne peut se lancer dans un tel périple sans préparation. Que dire, il y a peut-être un peu de Rubrouck dans Cheryl Strayer. On peut trouver dans la collection 10/18

J’attends avec impatience vos prochaines suggestions de lectures.

Merci Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

Je traverse à peu près tous les jours le Parc Monceau et c'est, chaque matin, le lieu de rendez-vous des chiens et de leurs propriétaires du quartier. Comme c'est un endroit chic, on a droit à plein d'extravagances. Je rencontre même un lévrier afghan et des Barzoï, des chasseurs carrément dangereux pour leurs congénères.

C'est un lieu idéal pour faire de la sociologie ou de la psychologie. Il faut éviter de tirer des conclusions hâtives mais on peut s'interroger en effet sur ceux qui entretiennent des molosses. Ou alors des jeunes filles qui ont un chien. Ca correspond en effet, probablement, à une insécurité affective. C'est peut-être triste finalement parce qu'avoir un animal, ça vous prive de beaucoup d'autres activités compte tenu du temps qu'il faut lui consacrer. Quant à Hitler, il adorait les bergers allemands, un chien effectivement impressionnant.

Freud, lui, aimait les chows-chows. Mais c'était la différence homme-animal qui le passionnait. J'avoue que c'est aussi ce qui m'intéresse. J'ai maintenant ainsi cinq merles installés en permanence dans mon jardin (beaucoup d'"enfants" sont restés sur place et n'ont pas quitté leurs parents) et j'adore observer leur comportement. Ils ont même un petit langage entre eux.

Le livre de Guillaume de Rubrouck est effectivement extraordinaire. C'est l'un des premiers documents d'anthropologie. Ossendowski, l'authenticité de ses récits est parfois contestée mais il connaissait quand même, indubitablement, parfaitement l'Asie Centrale.

Corinne Pelluchon, Levinas, c'est une référence à Heidegger. Il y a des "fans" absolus mais j'avoue que ça ne me touche pas beaucoup.

J'ai compris, en effet, que Trudeau était en difficultés. Mais il y a une détestation qui se développe aujourd'hui des politiciens jeunes, diplômés, modernes. C'est probablement inquiétant.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla
Trudeau en difficulté? Je ne pense pas. Ce qui risque de se passer, c’est qu’on se retrouve encore une fois avec un Gouvernement minoritaire. Donc, ces élections ne seront que du temps perdu, genre élections inutiles. Alors pourquoi Trudeau a provoqué des élections? C’est dans l’espoir d’avoir un gouvernement majoritaire. L’opposition aurait pu renverser ce Gouvernement minoritaire à maintes occasions. Alors, pourquoi ils ne l’ont pas défait? Simplement parce qu’il n’y a aucun parti de l’opposition n’est capable de le prendre ce fameux pouvoir présentement. Je me demande même, s’ils sont intéressés vraiment, tellement leurs chefs sont ternes. De plus, il semble que leurs caisses électorales sont vides. Seul le parti Libéral est bien pourvu à ce chapitre. Alors Justin Trudeau a joué, tant qu’à avoir des adversaires au tapis, aussi bien nettoyer le plancher. Ce qui se présente comme une stratégie pour liquider ses adversaires. Mais, les choses ne se présentent pas comme le prévoyait Justin, parce que les électeurs ne voulaient pas d’élection. Le fardeau de la preuve présentement, il faut bien le reconnaître, il est sur les épaules de Justin Trudeau, c’est lui qui est allé voir la Gouverneure Générale pour dissoudre la Chambre. Habituellement, les Gouvernements minoritaires attendent que se soit l’opposition qui les défait, alors c’est eux qui portent le fardeau de la preuve, ils se doivent de justifier devant l’électorat les raisons pour lesquelles ils ont défait le Gouvernement. Monsieur Trudeau est pris avec sa décision qu’il a bien des difficultés à justifier. Mais, la semaine dernière, il a fait une sortie à la Trudeau, non pas en suppliant, mais en évoquant directement :  Je la veux la (job), je suis capable de la faire, je suis fait pour cela. Et croyez moi, ça c’est du Trudeau tout craché, provocateur à souhait. À l’image de son père qui ne faisait pas dans la dentelle. Je crois que Justin a été bien éduqué. Les grandes leçons politiques, il les a reçu de son paternel. Certes, il y a un côté gambleur, parce que c’est lui qui a provoqué ces élections. Il le sait et il prend un risque et il savait que ses adversaires n’étaient pas prêts. Mais en politique une semaine c’est long, très long, il peut se passer beaucoup de choses avant le 20 septembre. C’est une campagne courte (37 jours), et vous n’avez pas droit à l’erreur. Les Canadiens en général et les Québécois en particulier, partagent cette idée, que je trouve déplorable, de ne pas tenir compte des bilans de leurs représentants. Personnellement, je trouve que compte tenu des circonstances Justin Trudeau a un bilan honorable. Le passé est souvent garant de l’avenir. Il s’est dépêtré de toutes sortes de crises depuis qu’il est Premier Ministre, autant au niveau international, qu’au niveau intérieur. Il a cette faculté de foncer, mais aussi de pouvoir avaler des couleuvres; mais ne pensez pas que Justin Trudeau va bouffer des couleuvres à la semaine longue. Il y a du Machiavel dans ce type. C’est un homme qui a beaucoup maturé au cours des dernières années. Il ne l’a pas eu facile. On le sait, le pouvoir ça use, surtout dans les circonstances que nous vivons présentement. Qu’on se le dise, la politique est loin d’être un long fleuve tranquille, et si tu fais de la politique, fais-là totalement, entièrement, n’essaie pas de plaire à tout le monde, dis ce que tu as à dire, et nous les électeurs, nous jugerons. Je n’en n’ai rien à branler de ces petits politiciens (séducteurs-menteurs), qui passent leur temps à nous enfumer. Ce qu’on a besoin, se sont des personnes responsables avec des visions d’avenir, qui savent dans quoi qu’ils s’embarquent lorsqu’ils s’engagent en politique. Reste à savoir si les électeurs vont sortir en masse. Ça, c’est l’autre inconnue. Je ne m’en fais pas pour Justin Trudeau, s’il perd, il pourra retourner chez lui dans le privé la tête haute. Il aura fait ce qu’il avait à faire. Je pense que sa carrière politique est loin d’être terminée.

Bonne nuit Carmilla

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

On parle hélas très peu des actualités canadiennes dans les médias français.

J'ai néanmoins une très bonne opinion de Justin Trudeau : jeune, dynamique, éduqué, il donne une bonne image du Canada à l'international.

Mais évidemment, les gens trop brillants suscitent aussi haines et jalousies. C'est le cas notamment d'Emmanuel Macron qui est souvent comparé à Justin Trudeau.

Je me suis également intéressée au père de Justin, Pierre Elliot, et à sa mère, Margaret, qui était une femme très peu banale, carrément étonnante.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla

Vu que vous aviez évoqué Justin Trudeau, l’occasion était belle pour donner quelques nouvelles. Moi aussi, je déplore le manque d’intérêt pour les nouvelles internationales. Ce qui n’est pas juste le cas de la France, mais de beaucoup de pays dans le monde. C’est pareil pour les USA et La Grande Bretagne. Les véritables médias qui touchent à l’international se font rares. Il y a quoi? Le Monde Diplomatique, Le Courrier International, où l’on peut trouver des textes de fonds intéressants, des fois des penseurs brillants. Ici, c’est Le Devoir et L’Agora, qui jouent dans ces lignes-là, sans oublier Radio-Canada. Mais, c’est loin de remplir ma soif inextinguible d’informations et de connaissances.

Les gens qui carburent à la haine et à la jalousie, c’est de la perte de temps. Envier quelqu’un à cause de sa richesse, et pire encore, à cause de son intelligence, c’est vraiment bas de gamme. Je dirais même que c’est minable. On peut juste leur répondre : « Allez, bâtissez-vous en une vie ». Pas de temps à perdre avec de tels individus, j’ai trop à faire dans une journée.

Tant qu’à nos représentants qui occupent des postes de pouvoir, et je le souligne, que nous avons élu, ils méritent le respect et surtout la sécurité physique, c’est une des raisons pour laquelle nous sommes en démocratie. Justin Trudeau a reçu des pierres au cours de sa campagne électorale. Je sais qu’il va y avoir des accusations de porter, mais pour l’instant, je n’en sais pas plus. Pierres qui provenaient de manifestants, anti-vaccin et anti-passeport sanitaire. Oui, ici aussi nous avons nos stupides.

L’histoire entre Pierre-Elliot et Margaret fut une grande histoire d’amour, mais aussi, comme toutes les histoires d’amour avec ses creux et ses désastres. Il ne faut pas l’oublier, Margaret était dépressive. Ce ne fut pas une histoire facile. Lui avait 51 ans lorsqu’il s’est marié, elle était au début de la vingtaine. Je me demande encore comment il se fait qu’ils soient tombés en amour? Pierre-Elliot avait une réputation de séducteur qui était amplifié par les médias, à mon avis surfaite. J’ai lu l’intéressante autobiographie de Margaret. Mais, c’est leur histoire et ça leur appartient, comme de quoi, que, le vedettariat, ce n’est pas toujours ce que nous imaginons. Les envieux peuvent mettre cela dans leur pipe et fumer pendant un bout de temps.

Bonne fin de nuit.

Merci

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

La critique des gouvernants est une pratique universelle.

Ce qui m'étonne, cependant, c'est que la virulence est souvent la plus forte dans les sociétés démocratiques.

Par exemple, beaucoup d'imbéciles sont persuadés de vivre sous une dictature, aujourd'hui en France. Ces gens là m'inquiètent beaucoup car ils ne sont, eux, nullement démocrates.

Ce qui me sidère également, c'est que personne ne doute de sa propre capacité à exercer des responsabilités politiques importantes. L'immodestie est la règle. On croit que c'est très simple et qu'on ferait forcément beaucoup mieux. Je pense pourtant que ça réclame des compétences pointues dans de nombreux domaines : droit, économie, affaires internationales. On abhorre les élites aujourd'hui, mais je crois qu'on en a bien besoin.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla.

Entre la critique, le débat, et la lapidation, il y a une gradation. La critique, le débat, font partis de la démocratie. Nous ne pouvons pas être tous de la même idée et c’est parfaitement normal. Par contre, le vandalisme, et surtout la lapidation, pour me limiter à ces sujets, ce n’est pas la démocratie. Cela apparaît souvent comme virulent, mais il faut tenir compte que c’est amplifié par les médias, et que d’autre part, habituellement, c’est le lot de quelques groupuscules marginaux. Dans nos pays démocratiques, c’est une petite minorité. Et cela, s’applique à La France comme à beaucoup d’autres pays démocratiques. Certes, la vigilance est de mise, mais l’angoisse n’a pas sa place. Faites-moi rire, La France une dictature? Ceux qui se plaisent à tenir de tels propos, ignorent ce que c’est qu’une véritable dictature. Ils n’ont jamais vécu sous un régime dictatorial. Ils n’ont même pas connu de guerre, ni famine, ni véritable crise économique et encore moins politique. Ces gens-là, comme vous dites, s’ils étaient obligés de se soumettre à une dictature, seraient les premiers à crier pour revenir sous un régime démocratique. Nous sommes présentement en élection au Canada; vous allez être en élection en 2022 en France, je ne pense pas qu’il va y avoir de grand bouleversement.

En ce qui concerne les gérants d’estrades, ceux qui se vantent d’avoir toutes les solutions, habituellement, ces gens-là ne se bousculent pas aux portillons pour se présenter comme candidats aux élections. Bien souvent, ils n’exercent même pas leur droit de vote. Ils n’y croient pas. Certains votent, en lançant des pierres.

Être aux affaires comme on dit ici, tout d’abord cela requière une vaste culture générale, ce qui permet de comprendre des dossiers rapidement, de se faire une opinion lorsque tu rencontres une leader étranger. Il faut aussi savoir s’entourer, et si on n’a pas les compétences dans un domaine avoir l’humilité de consulter, ses ministres, ses fonctionnaires, voir des spécialistes. Oui, être compétent dans plusieurs domaines, mais nous ne pouvons pas être compétents dans toutes les spécialités. Nous avons pu le constater au cours de cette crise sanitaire. Les élus ont été obligés de se retourner vers les scientifiques, les responsables de la santé publique, parce que c’était la première fois depuis un siècle qu’on allait affronter une pandémie. Ils ont été soumis à prendre de nombreuses décisions rapidement, maintenir l’état de droit, l’ordre, les lignes de ravitaillements. Ce qui fait, qu’on n’a pas manqué de nourriture, ni d’énergie, et que notre sécurité a été protégée. Alors, si tout cela s’appelle une dictature, je ne m’appelle plus Richard!

Au plaisir de vous lire et bonne nuit Carmilla.

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

On vit une période de moquerie généralisée envers les "politiques", moquerie généralement entretenue par les médias. C'est à la fois sain et dangereux.

Il faut aussi rappeler qu'exercer des responsabilités (maire, député, ministre) est également un enfer : constamment traîné dans la boue, une inquiétude permanente et privé de toute vie personnelle. Cela pour une rémunération très modeste.

Bien à vous,

Carmilla

Richard a dit…

Bonsoir Carmilla!

Certes, nous vivons une époque de moqueries, mais tant que cela se réduit à la moquerie, je passe l’éponge, surtout si celui qui est la victime de moqueries possèdent des convictions fortes qu’il défend ardemment. Ce qui signifie que ses adversaires n’ont pas beaucoup d’arguments pour vous attaquer. Si les moqueries vous affectent, c’est que vous n’avez rien à faire en politique. Il faut être dur, impitoyable, coriace, pour faire de la politique. Il ne faut pas craindre les débats acerbes. Pour ceux qui s’abreuvent à cette source et qui en jouissent, s’ouvrent devant eux des défis formidables. Cela peut être très enrichissant pour ces genres de personnages.

Si l’amour pour les êtres humaines s’avère compliqué, la démocratie est beaucoup plus compliquée. J’ajouterais qu’elle est souvent plus satisfaisante que les sentiments, surtout lorsque vous faites passer un projet de loi qui vous tenait à coeur par la peau des dents.

Il appert, qu’on nen devient pas riche en faisant de la politique. La satisfaction est ailleurs. Vivre en politique, c’est vivre intensément.

Vous avez tout à fait raison lorsque vous évoquez les maigres rémunérations, surtout pour les conseillés municipaux et les Maires. À ce chapitre, je crois que le situation n’est pas meilleure en France qu’au Québec. Cela tient presque du bénévolat. Tant qu’aux débutés, du moins ici au Québec comme au Canada, les rémunérations sont honnêtes, sans plus.

Reste le sacrifice de sa vie personnelle, s’ajoute à cela, sa vie professionnelle qu’il faut mettre sur pose. La politique, c’est un job à plein temps. Chaque jour commence avant huit heures du matin et se termine souvent après 23 heures. Comme on l’affirme chez-nous, il ne reste pas beaucoup de temps pour le reste. Les gens qui sont mariés à de conjoints ou des conjointes qui œuvrent en politique en savent quelque chose. Reste que le commun des mortels qui vote, ne réfléchit pas souvent à ce que vivent les élus. Nous pouvons comprendre que les longues carrières politiques qui perdurent dans le temps sont rares.

La politique, ce n’est pas un métier, c’est une vocation, dans nos sociétés démocratiques, c’est un domaine à part. Je pense ici à René Lévesque, Jean Chrétien, Pierre Elliot-Trudeau, comment ne pas se souvenir de Jean Drapeau qui a été maire de Montréal pendant de nombreuses années. Que reste-t-il de ces hommes qui ont vécu pour défendre leurs convictions? Je constate que nous sommes en train des oublier.

Cette semaine, nous sommes partis du printemps des monstres, et nous voilà à l’automne des souvenirs, de ceux que nous avons côtoyé en pensant qu’ils étaient des monstres. Peut-être que nous pourrions y réfléchir en silence.

Merci pour tous vos commentaires pertinents Carmilla.

Bonne fin de soirée

Richard St-Laurent

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Richard,

C'est un problème que je connais assez bien parce que j'interviens pas mal également auprès de structures publiques, des villes notamment, sur leurs problèmes financiers.

Beaucoup de gens sont candidats à une élection en croyant qu'avec un peu de bonne volonté et "en écoutant les gens", ils feront d'excellents maires. Quand ils sont élus, je les vois, au cours des semaines qui suivent, se décomposer et traverser une période d'angoisse terrible parce qu'ils sont dépassés par la technicité de la fonction et continuellement harcelés de toute part. En plus, ils sont, en France, pénalement responsables d'une multitude de choses. Il faut donc avoir des nerfs très solides et être physiquement très résistant pour pour participer à une multitude de réunions, cérémonies, fêtes, manifestations sportives, inaugurations, toute la journée, nuit et jour, et toute l'année.

Quant à la rémunération, elle est très médiocre : 2 100 € pour une ville de moins de 10 000 habitants, 4 200 € pour une ville de moins de 100 000 habitants, 5 600 € au-delà. Même Paris, Lyon, Marseille, ça n'est pas mirobolant : un peur plus de 8 000 €.

Je crois donc qu'en effet, un peu de respect des élus n'est pas superflu. Du bon temps, ils n'en ont pas beaucoup, contrairement à ce qu'on imagine.

Bien à vous,

Carmilla