Israël, le Moyen-Orient...., il n'est pas de conflit qui suscite plus de réactions émotionnelles et outrées.
Au point que c'est un sujet quasi impossible à aborder avec des proches et même des amis. Le meilleur moyen de se fâcher définitivement avec eux.
Mais aujourd'hui, il y a quasi-unanimité à défendre le fantastique, le merveilleux Plan Trump de retour à la Paix au Moyen-Orient. Ce Plan qui aurait dû lui valoir le Prix Nobel de la Paix.
Et comme en 1922, on se garde, bien sûr, de consulter les populations concernées. On s'en remet à un seul Grand Chef cuisinier, amateur d'immangeables burgers, Donald Trump. Pourtant, reconnaître, a priori, un Etat de Palestine, c'est peut-être s'acheter une vertu, se dédouaner de son inertie passée, mais ça ne le fera pas exister.
On s'embarque, plutôt, dans un manège que l'on a déjà fait tourner longtemps: celui de négociations sans fin dans les quelles personne n'est disposé au moindre compromis. C'est devenu d'autant plus difficile que chaque peuple est désormais enfermé dans la mémoire du 7 octobre d'une part et dans celle du "génocide" de Gaza d'autre part.
Et le bétonnage des esprits est tel que personne ne voit d'autre solution que celle de deux Etats géographiquement délimités : un Etat Juif d'une part, un Etat musulman d'autre part.
Il est vrai que c'était, en grande partie, celle prônée par les accords d'Oslo en 1993. Cette feuille de route repose, malgré tout, sur une vision manichéenne, celle d'un conflit de territoire et de religion. Il s'agirait des "racines" mêmes, géographiques et spirituelles, de deux civilisations.
On se plaît à radoter, ressasser, les fables de l'Histoire parce que l'Histoire, c'est bien connu, est faite pour être falsifiée. A défaut de la guerre sur le terrain, le Hamas est ainsi en train de gagner la guerre idéologique. Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'Espagne est la première à dénoncer le génocide, comme si l'ombre sinistre de 1492 continuait de planer sur elle.
Et il ne faut pas, à ce sujet, tourner autour du pot: l'antisémitisme est un et indivisible et il n'a qu'un objectif: la destruction des Juifs.
La Palestine serait une terre islamique et les Juifs auraient envahi et occupé, au 20ème siècle, les terres ancestrales des Arabes. Il s'agit maintenant de mettre fin à l'invasion sioniste, de restituer la Palestine aux Palestiniens.
On oublie que les premiers et vrais Palestiniens, ce sont, historiquement, ...les Juifs. C'est du moins sous ce nom que les désignait l'Empereur Hadrien au 2ème siècle (les Philistins). Et il n'y a ensuite jamais eu d'Etat Palestinien ni d'identité palestinienne. Simplement des populations arabes relevant de l'Empire Ottoman.
Cet Empire que Français et Britanniques se sont attachés à dépecer au lendemain de la 1ère Guerre Mondiale pour y éradiquer l'influence germanique qui y était très forte. Dans le découpage opéré (accords Sykes-Picot), la région Palestine a alors été placée sous mandat britannique avec pour objectif la mise en place d'un "foyer d'accueil" pour le peuple juif.
Mais qu'importe ! Avec ces arguties identitaires, ces bagarres pour un bout de territoire, on ne s'en sortira jamais.
Parce que l'Histoire compte tout de même. Vouloir imposer deux Etats, tracer une ligne, une séparation, entre Palestiniens et Israéliens, ça n'aboutira jamais à la Paix.
Ce qui est terrifiant, c'est que, dans ce conflit, on ait totalement évacué l'Esprit des Lumières et son Universalisme. Il est vrai que c'est immédiatement assimilé à la pensée occidentale, notamment européenne, et que l'Occident, aujourd'hui, on ne cesse de le vilipender, de l'accuser de tous les maux: le colonialisme, la décadence, la dépravation. Etre occidental, c'est désormais vivre sous "la tyrannie de la culpabilité".
Mais tout n'est pas perdu ! Il y a un espoir de sortie du conflit et des oppositions tranchées. Et cet espoir, c'est Israël qui le porte parce que c'est un pays qui est, tout de même, une grande démocratie et une incarnation de l'esprit européen.
Quand je m'y suis rendue en 2018, j'ai été émerveillée par la modernité de ce pays absolument cosmopolite. Modernité pas seulement technologique mais mentale, culturelle. L'audace et la créativité, matérielle, spirituelle, ce sont les moteurs d'Israël, même s'il faut reconnaître que la menace intégriste, celle des Hassidims, se fait croissante.
Et puis, il faut bien considérer une réalité: il existe une forte proportion de Palestiniens qui ont acquis la nationalité d'Israël. Ils sont peut-être discriminés mais ils coexistent, tout de même, infiniment mieux avec leurs concitoyens juifs que s'ils vivaient sur le territoire de Gaza.
Ce qui est urgent aujourd'hui, c'est de désarmer les haines. Et pour cela, il ne suffira pas de se débarrasser de Nétanyahou et du Hamas et de prôner une solution à deux Etats.
Comment répondre aux exigences profondes de deux peuples ? L'idée d'un seul Etat est-elle absolument inconcevable ? Un Etat qui pourrait être binational, ou une Fédération ou une Confédération.
Je n'en sais rien, bien sûr. Mais au printemps dernier, j'ai passé quelques jours dans une petite ville bretonne (Tréguier) et j'y ai découvert un de ses enfants, Ernest Renan (1823-1892). On le considère, généralement et injustement, comme une vieille barbe mais il a tout de même écrit un bouquin, "Qu'est-ce qu'une Nation ?" qui m'apparaît vraiment d'actualité et pourrait s'appliquer au conflit actuel Israël/Palestine. A l'époque, Renan critiquait vivement la conception allemande de la Nation.
Et contre l'Allemagne, sa Kultur, son sang, il soulignait :
Une Nation, ça n'est surtout pas une religion, ni, non plus, une langue ou une culture et encore moins un territoire ou une race. C'est plutôt un principe spirituel reposant à la fois sur un héritage passé (un legs de souvenirs), qu'il s'agit d'honorer, et sur la volonté présente de la perpétuer (le désir de vivre ensemble). Une nation, c'est donc un contrat reposant sur la volonté de continuer à faire valoir l'héritage historique qu'on a reçu.
Images de quelques peintres juifs: Marc Chagall, Natan Altman, Felix Nüssbaum, Jules Pascin, David Olère, Chaïm Soutine, Jules Adler.
Je recommande:
- Parmi les nombreux écrivains d'Israël contemporains, j'apprécie particulièrement Zeruyah Shalev et Eskhol Nevo.
- Sur l'histoire du Moyen-Orient, je recommande le bouquin passionnant, paru l'an dernier, d'Olivier Guez: "Mesopotamia"
- Et enfin un livre d'Histoire, à nul autre pareil, de Simon Sebag Montefiore: "Le Monde - Une histoire familiale de l'humanité". Ca vient de sortir et on ne dispose que du 1er tome. C'est étonnant: tous les événements du monde sont interconnectés à travers les vies de familles, les intrigues de palais, les guerres, les épidémies, les migrations, les religions.