samedi 27 décembre 2025

La nuit des Morts


C'était Noël !

Une fête entièrement paradoxale.

Affichée sous le signe de la Joie et de l'espérance.

Mais teintée souvent, aussi, d'amertume et d'une effroyable nostalgie.

D'abord parce que cette Nuit de Noël est en fait, le plus souvent, une nuit hantée. 

Une nuit hantée de Morts, de tous nos morts, de tous ceux qui participaient à ces grands banquets familiaux de notre enfance mais qui ne sont plus là. 

L'ethnologue Lévi-Strauss a bien démontré que Noël ne commémorait guère la Naissance du Christ (qui d'ailleurs s'en soucie vraiment aujourd'hui en France ?) mais était plutôt la survivance d'une fête primitive, celle du banquet des Morts.

Lors du repas du Réveillon, on ne peut s'empêcher, en effet, d'évoquer, aussi loin que peut remonter notre mémoire, tous ceux qui ont précédé. Et c'est ainsi que sont conviés tous nos disparus. D'ailleurs, dans les pays slaves, il est de tradition, de réserver un couvert au visiteur inattendu. Ca n'est donc pas si gai que ça, c'est même sinistre.

Et pourquoi s'offre-t-on des cadeaux (surtout aux enfants) ? Ca n'est pas entièrement désintéressé. On espère surtout que ceux qui les recevront intercèderont, en notre faveur, auprès des puissances de l'au-delà. Pour qu'ils rendent notre vie moins amère !

Le Banquet des Morts, l'appellation s'applique évidemment d'abord à l'Ukraine. Je viens de lire que le pays détenait deux records du monde. Celui du plus fort taux de mortalité et celui du plus faible taux de fécondité. A ce rythme, combiné aux émigrations massives, le pays qui comptait 50 millions d'habitants au lendemain de son indépendance ne devrait bientôt plus en compter que 25 millions. Ca devient l'angoisse du vide.

Et enfin, il faut évoquer un autre aspect des grands repas familiaux de Noël. Bien souvent, ça se passe mal, ça se termine dans une explosion de colères et de reproches.

Parce que souvent, les enfants devenus adultes espèrent, à l'occasion de ce banquet supposé apporter la joie et la paix, obtenir réparation des injustices et brimades qu'ils estiment avoir subies de la part de leurs parents et de leurs frères et sœurs. Mais ça ne se passe jamais comme ils l'attendent parce que les autres ne cèdent pas, se rebiffent et se justifient. Et ça se termine généralement par une grande déflagration, un règlement de comptes sanglant. Parce que la vie est cruelle et la réparation impossible.

Joyeuses fêtes quand même !

A lire, peut-être, en ce moment:

- Nicolaï Gogol: "Veillées d'Ukraine".

- Auguste de Villiers de l'Isle-Adam: "Le convive des dernières fêtes". Un grand écrivain du 19 ème siècle admiré notamment par Jorge Luis Borges.

- Joyce Carol Oates: "Terres amères". Une des grandes et prolifiques autrices américaines. Son défaut à mes yeux: ses bouquins sont généralement d'énormes pavés. Celui-ci est, heureusement, un recueil de 16 nouvelles courtes et décapantes. Toutes cruelles et brutales. Une bonne initiation à Joyce Carol Oates


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