samedi 23 février 2008

La Sainte Russie, la Sublime Porte, Belgrade et la philosophie des Lumières








L'impératrice rouge



Catherine la Grande s’est passionnée pour la philosophie des Lumières, même si elle a plus tard rejeté et abhorré la Révolution française. Correspondance fournie avec d’Alembert et Voltaire, réception, pendant de longs mois, de Denis Diderot à Saint Petersbourg.

Même si elle était d‘origine allemande, Catherine incarnait bien, comme Pierre le Grand, la mentalité russe : la blessure certes d’un sentiment d’infériorité mais surtout, en compensation forte, sa volonté de modernité à tout prix. Etre absolument moderne, cette devise s’est perpétuée jusque dans la prise du pouvoir par les bolcheviques mais plus encore aujourd’hui. Allez vous promener rue Tverskaïa à Moscou et vous me comprendrez tout de suite lorsque vous aurez croisé ces jeunes gens sublimes, aériens qui n’escomptent rien que d’eux-mêmes. Il n’y a que les français pour croire que le train de la modernité va les attendre.


Mais il n’y a pas que la modernité, il y a aussi l’archaïsme de l’âme russe, c'est-à-dire l’orthodoxie et le césaro-papisme. Au nom de ce mélange détonnant, Catherine va initier ces nombreuses guerres contre la Turquie qui aboutiront, plus d’un siècle plus tard, à la libération d’une grande partie de l’Europe du joug ottoman et à la renaissance des états des Balkans. Formidable victoire étrangement passée sous silence, surtout en France.

La Sublime Porte, l'Asie Centrale, l'Afghanistan...., le choc des civilisations..., la Russie l’a pratiqué et assumé. Etrangement, durant la guerre de Crimée à Sébastopol, la France et l'Angleterre avaient en revanche déjà soutenu l'obscurantisme ottoman contre la Russie.

Aujourd’hui, la vieille Europe et les Etats-Unis soutiennent le Kosovo ou plutôt la tête de pont européenne d’un grand axe américano-turc.
Washington : de Tirana à Astana, la création d'un tampon entre la Chine et la Russie, jusqu’au bout de l’Asie Centrale, partant de Pristina-Tirana vers Samarkand et Tachkent, via Istanbul, Bakou, Achkhabad, Astana, Bichkek. Toutes villes et pays peu réputés pour leur modernité et leur esprit démocratique.

Les Albanais qui ont composé avec l’occupant turc en se convertissant à l’Islam pour des motifs purement économiques. Les Serbes magnifiquement fiers qui ont résisté pendant plus de cinq siècles.

Allez à Belgrade, car c’est là qu’est l’Europe; déambulez dans la rue Strahinjicala ou la rue piétonne de Knez Mihajlova, admirez ses gourmandes bimbo- girls aux tenues affolantes, allez de cafés en cafés, de restaurants en restaurants de Kneza Mihaila ou de Skandarlija dans le Montmartre belgradois, explorez les multiples librairies, pillez les marchands de disques puis les boutiques d’antiquaires, terminez enfin votre journée dans l’une des innombrables et folles boîtes de nuit. "Belgrade by night" déchiré, non par les bombes de l'Alliance du printemps 1999, mais par les lasers des boîtes de nuit en plein air.
"Ne rien faire que boire, chanter, mater les gens et danser toute la nuit. Parler pour ne rien dire... Une vie de non-sens, quoi !" Ville électrique, explosive, où les regards s’entrecroisent, où s’imprime la brûlure instantanée des rencontres.
La densité de la vie, l'égalité des femmes c'est à Belgrade que vous l'éprouverez et non dans les villes de l'axe américano-turc.

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