samedi 1 novembre 2008

Le Tango de la Tueuse



Oui ! Voilà la fête des morts et je suis transportée de joie. Le 1er novembre est pour moi le plus beau jour de l’année. J’ai la nostalgie des cimetières en Pologne ou en Russie, inondés par un fleuve de feu, la flamme vacillante de milliers de bougies, et recouverts de fleurs éclatantes se mêlant aux premières neiges. Le village entier qui passait la journée avec les morts, dialoguant avec eux, partageant même un repas, une pomme, un verre de vodka.
 

En France, on a peur des morts, on ne veut pas être en contact avec eux, les cimetières sont tristes et vides. Dernière tendance : on se fait de plus en plus souvent incinérer, officiellement par esprit laïc ou pour des raisons sordidement matérielles et écologiques, en réalité par haine de son entourage et esprit de vengeance posthume.

Je trouve très bien que les religions orthodoxe, musulmane et juive continuent d’interdire la crémation. Que penser d’une culture incapable d’affronter la mort ? Se souvenir de Hegel : la liberté implique et présuppose la mort et la mort est en ce sens le mobile premier de l’Histoire.


Le 1er novembre, j’en rajoute encore et je m’habille hyper sexy en surlignant mon maquillage. Ah ! ces balafres fétichistes de mon visage, le rouge absolu de mes lèvres et le khôl noir et gris de mes yeux. Je vais même jusqu’à mettre ma lingerie la plus ravageuse avec l’intention de l’exhiber inopinément. Mauvais goût sans doute mais comment oublier que la mort est sexy ?

Je sors, une rose rouge dans une main; dans l’autre, mon pistolet d’alarme. Le revolver surréaliste d’André Breton rêvant de tirer au hasard dans la foule.

Dans le métro, je chante à tue-tête, mon I-Pod rivé sur les oreilles. J’adore prendre le métro, pour le simple plaisir d’accrocher le regard de mes voisines et de les glacer ensuite jusqu’aux tréfonds lorsqu’elles s’aventurent à me répondre. Mais aujourd’hui, je crois que je ne passe vraiment pas inaperçue. Il faut dire que je me suis hyper shootée et pas seulement au Red Bull.

Alors, je descends au pont de Bir Hakeim et je m’en vais courir, telle Maria Schneider dans « le dernier tango », sous le viaduc ferroviaire. Ce long tunnel que forment les colonnades métalliques est à la fois oppressant et énergisant. Le parcourir est une charge érotique très forte.

C’est l’image même de la vie, de son glissement heurté… sans que l’on sache si, à la fin, on débouchera sur la pleine lumière ou sur un puits noir et sans fond.









J'ai terminé ma journée en allant pleurer sur quelques tombes qui m'étaient chères : Delphine Seyrig, Joris-Karl Huysmans, Roger Caillois à Montparnasse; Sadegh Hedayat au Père Lachaise; Cyprian Norwid à Montmorency.

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