samedi 10 avril 2010

Du masochisme


Alors oui ! Cette année, j’ai enfin repéré les lieux qu’avait fréquentés Sacher Masoch à Lvov (Львов, Львів, Lwów) : l’immeuble où il vivait, les salons d’un hôtel (où il aurait écrit « la Vénus à la fourrure »), des cafés brillants à proximité de l’Opéra. Tout cela revit aujourd’hui et n’est peut-être pas si différent de l’ambiance de la fin du 19ème siècle. Et puis à proximité de Lvov, des villes d’eaux au pied des montagnes, les Carpates urkrainiennes aussi appelées la Ruthénie subcarpathique.


Masoch était l’un des écrivains célèbres de Lvov. Il écrivait bien sûr en allemand mais il maîtrisait aussi parfaitement la langue ukrainienne. Il portait en lui l’affrontement de la culture autoritaire et paternaliste autrichienne et du monde slave, maternel et plus permissif.



Evidemment, le masochisme c’est incompréhensible et presque inconcevable. Comment peut-on prendre plaisir à souffrir et à avoir mal ?


C’est pourtant une clé de compréhension du désir humain et de la perversion. Toujours le roc incontournable d’une loi et d’une autorité qui constituent soit un appel à la transgression pour le sadique soit un support de manipulation pour le pervers.



Freud a donné une interprétation étonnante du masochisme dans un texte célèbre : «On bat un enfant ». Le masochisme, ce serait de l’homosexualité refoulée. Dans la punition, ce serait toujours l’autorité paternelle qui s’exprimerait. Comme on n’ose désirer directement le père, on le désire indirectement à travers la mère fouetteuse, substitut du père.



Quelle drôle d’idée, sans doute façonnée par l’esprit sado-paternaliste de son temps !!!


Gilles Deleuze, dans sa remarquable préface à « la Vénus à la fourrure », a heureusement donné une interprétation autrement plus convaincante. Il redonne à la mère son rôle premier. Elle n’est pas une simple doublure du père. C’est elle que l’on désire et redoute avant même le père. Le masochisme, ce serait donc l’accomplissement de notre désir le plus primitif, l’inceste avec la mère, mais sans en supporter la culpabilité.


Le plaisir et le crime sans la culpabilité, c’est cela qui est fascinant ! Criminel en toute innocence : un idéal probablement inatteignable mais qui est le ressort du jeu pervers.

Le masochisme serait-il aussi une passion slave ? On le dit souvent. Difficile d’avoir une opinion tranchée mais c’est sûr que les femmes slaves sont plus souvent dominatrices face à des hommes insignifiants.


A voir ! En tous cas, Masoch sort maintenant de l’ombre en Galicie. On vient même d’ouvrir, à Lvov, un café Masoch. C’est un endroit fascinant, ni glauque ni vulgaire, très sympathique même, fréquenté par des lolitas vertigineuses aux tenues affolantes. J'y ai évidemment passé plusieurs après-midi avec des copines. Un lieu proprement renversant, d'exhibition et de séduction féminine à mille lieues de la retenue française.



Ce qui enfin est étonnant, c’est que l’on rencontre, quelques années après la mort de Masoch (1895), dans la même ville de Lvov, le plus magnifique illustrateur de la passion masochiste : Bruno Schulz, immense écrivain et dessinateur. Son influence, non reconnue, sur des artistes comme Klossowski et Balthus, est évidente. Peu importe ! Avec Schulz, je trouve la confirmation que la femme exerce bien, là-bas tout là-bas, un fantastique pouvoir de fascination. C’est ce qui explique que je m’y sente tellement bien, moi Carmilla la vampire.




Dessins de Bruno SCHULZ, photos de Carmilla le Golem

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