dimanche 18 décembre 2011

Les tribulations de la grande ourse



J’ai suivi, bien sûr avec attention, les commentaires relatifs aux événements post-électoraux en Russie.


Ca m’a bien sûr énervée parce qu’on ressassait cette rengaine : des Mongols à aujourd’hui, les Russes ont toujours vécu sous un régime autocratique et ils sont trop habitués à ce système. Mieux, ils aiment ça et d’ailleurs le mot « slave » ne vient-il pas d’esclave ? Leur caractère fantasque et vénal les rend, de toute manière, inaptes à la démocratie. Le knout, les oukases, mots étrangement passés dans la langue française, c’est ce qui leur convient.


Il faudrait peut-être réviser ces conceptions de l’histoire : l’âme slave, ce sont des bêtises et il n’y a plus que les touristes et les clients des agences matrimoniales pour y croire encore. Le goût pour l’autorité n’est de toute manière pas inscrit dans les gènes et les Russes, pas plus que les autres peuples, n’aiment la répression. Quant à la démocratie, aucun pays ne peut vraiment s’en prévaloir parce ce n’est pas un état stable mais une remise en jeu continuelle.



Alors pourquoi cette énigme ? Pourquoi la Russie n’est-elle toujours pas, vingt ans après, un pays démocratique ?


Voilà mes petites idées sur la question.


- Il y a d’abord, il faut bien le reconnaître, une responsabilité propre de l’Occident. Gorbatchev et Eltsine avaient entamé un rapprochement de la Russie avec l’Ouest. Une évolution politique démocratique se profilait à cette époque. Mais on a rapidement adopté une politique dure vis à vis de la Russie : on l’a rejetée et on lui a, absurdement, fermé la porte de l’Europe (j’aimerais d’ailleurs qu’on me dise en quoi la Russie n’est pas européenne).


Sans doute, les Etats-Unis redoutaient-ils un rapprochement Russie-Europe qui aurait bouleversé l’échiquier mondial et on a donc préféré perpétuer la politique d’affrontement entre blocs, à l’anglo-saxonne. C’est comme ça que les Etats-Unis ont cherché à encercler la Russie en prenant position sur tout l’axe turc, des Balkans à l’Asie Centrale (jusqu’à Bakou, Achkhabad, Samarkand, Bichkek, Astana). Comment s’étonner ensuite de la résurgence du nationalisme en Russie, accentué, il est vrai, par les guerres tchétchènes ?


- Le second problème est interne. Il n’existe aucun leader d’opposition crédible en Russie. Kasparov et Limonov sont sympathiques mais folkloriques. Quant à Mironov (Russie Juste), Jirinovski (Parti Libéral-démocrate), Ziouganov (Parti communiste), Iavlinski, Dounaïev, Sémiguine, Gryzlov, c’est carrément l’horreur. C’est sûr que ce vide total de l’opposition a été organisé par Poutine lui-même mais c’est justement en train de se retourner contre lui. Les Russes n’ont pas supporté l’arrogance avec la quelle il avait organisé sa réélection pour 8 années supplémentaires.


- Le dernier problème, c’est la malédiction du pétrole. L’avènement de Vladimir Poutine, en l’an 2000, a coïncidé, il faut le rappeler, avec une extraordinaire envolée des prix du pétrole. Ca s’est traduit bien sûr par un boom économique un peu artificiel (immobilier en particulier) et une hausse spectaculaire du niveau de vie et de la consommation. Les grandes villes russes n’ont plus grand-chose à envier aujourd’hui, il faut le reconnaître, avec les capitales occidentales.


Mais tout ça s’est fait sans effort, sans réorganisation sociale et industrielle, en puisant simplement dans le pactole pétrolier. Et cet argent qui coule à flots, ça donne bien sûr lieu à une immense corruption et à une confiscation de la richesse par une caste de privilégiés et oligarques. Il est ainsi encore assez facile de faire rapidement fortune en Russie avec quelques opérations de rapine et un bon entregent.


Ca n’a rien à voir avec l’esprit entrepreneurial d’un homme d’affaires, c’est de la simple spéculation et du détournement de fonds qui n’apportent rien à l’économie du pays. Le sentiment général est ainsi que la Russie est aujourd’hui administrée par une classe de voleurs et que le pouvoir ne se maintient que par un pacte des corrompus. C’était la signification des récentes manifestations. Le peuple russe ne lâchera probablement pas mais c’est sûr que la bataille sera rude parce qu’un certain nombre de gens ont une peur terrible d’un renversement du système.


Tableaux de Victor Safonkin, peintre surréaliste russe.

6 commentaires:

nuages a dit…

Cela me surprend un peu que vous mettiez un certain nombre d'hommes politiques dans le même sac. Iavlinski et son parti Iabloko, ou Boris Nemtsov, ou Serguei Kirienko, ne trouvent-ils pas grâce à vos yeux ?

Carmilla Le Golem a dit…

Vous avez raison, Nuages, je simplifie trop. Il y a quand même d'authentiques démocrates dans l'opposition. Le problème, c'est leur extrême dispersion.Enfin, on verra le 4 mars prochain, jour de l'élection présidentielle.

Carmilla

agence matrimoniale a dit…

C'est drôle mais c'est exactement ce que je pense aussi. Bzzz. J'aime votre façon de présenter les choses et votre style. Les infos sont vraiment pertinentes, intéressantes. Cela donne envie d'en savoir plus ! Clair que je vais en parler autour de moi. Super blog!
agence matrimoniale

Carmilla Le Golem a dit…

Grand merci, Agence Matrimoniale, pour votre sympathique message.

Il est important de mieux faire connaître la Russie souvent perçue en France à partir de clichés et d'idées toutes faites.

Carmilla

Anonyme a dit…

J'ai lu un peu votre analyse sur la Russie, et il me semble que tout cela manque cruellement de bonnes infos.
D'une part, lors de l'élection de Poutine, la Russie de Eltsine subissait un pillage en ordre des sociétés stratégique. Gorbatchev qui a initié la péréstroïka, était un socialiste utopique, qui a cru dans les promesses de fin de guerre froide avec les EU.. il a ouvert son pays à l'économie de marché et dès lors, les fonds vautours anglo-saxons, ont voulu piller le pays. Quand Gorbatchev a vu son erreur, il a voulu garder la main sur son pays et c'est ainsi qu'il a été renversé par un coup d'état.. C'est ensuite Eltsine qui a été placé là, par la diaspora russe... sous Eltsine le pillage a repris et notamment la société de pétrole nationale qui a été bradé à Kodorovsky.. un membre actif du Groupe Carlyle (mafia financière étasunienne). C'est le KGB qui est alors intervenu pour se débarasser de Eltsine et mettre Poutine au pouvoir. La 1ère chose que Poutine a donc faite, c'est de reprendre la société Lookos à Kodorovsky. Pour cela, le gouvernement russe a soumis kodorovsky a un contrôle fiscal et l'a redressé. Comme kodorovsky ne pouvait payer les milliards au fisc russe, ce dernier s'est payé en lui reprenant la société Lookos... c'est du fait que la Russie pouvait à nouveau profiter des recettes du pétrole, que son économie s'est redressée.. il ne s'agissait pas d'une flambée des prix, mais de l'encaissement par l'état des profits.
Quand au relation avec l'UE, Poutine vendait son gaz à l'Ukraine avec une forte remise.. cela tenait du fait des accords de Sebastopole.. le gaz moins cher contre le port de crimée en location... Toutefois, l'Ukraine revendait son gaz à l'UE en se faisant du bénéfice dessus, et l'UE profitait de prix moins élevés. En 2009 quand Poutine s'est aperçu de la supercherie, il a coupé le gaz à l'Ukraine et a menacé l'UE des mêmes sanctions...
Poutine est de fait devenu un "dictateur" aux yeux de tout ceux qui n'ont pas pu se jouer de l'économie russe...
Poutine est un libéral-conservateur... c'est à dire qu'il est au antipode du communisme et qu'il est aux antipodes de la liberté des mœurs. Il privilégie la liberté d'entreprendre, le droit à la propriété, le droit naturel et la préservation des traditions... il veut un peuple qui prospère sous la protection d'un état régalien... C'est exactement, le contraire qui se passe dans notre europe communiste..
Poutine ne veut pas que son pays se fasse dévorer par la finance anglo-saxonne, car il sait que cette finance, est la forme la plus dangereuse du bolchévisme. Hegel a déjà averti le monde là dessus..
La finance anglo-saxonne a financé : Hitler (wall street), Staline (la City) et Daesh (pétro-dollar)...

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Anonyme pour votre commentaire,

Je n'ai évidemment pas ces informations,

Mais êtes-vous sûr qu'on puisse tout imputer à la finance anglo-saxonne, coupable de tous les maux ? La théorie du complot, la haine de la finance, des Etats-Unis et du Royaume-Uni, c'est une position ambiguë.

Par ailleurs, je ne suis pas sûre que Poutine privilégie le droit à la propriété et la liberté d'entreprendre.

Bien à vous

Carmilla