samedi 13 octobre 2012

That teardrop hour was so precious




Ca fait quelque temps que je ne vous ai pas parlé de mes lectures alors, évidemment, la pile a gonflé :


Timothy SNYDER : “Terres de sang”. J’ai déjà évoqué cet ouvrage mais j’insiste sur la nécessité de sa lecture. Il renouvelle vraiment notre compréhension de l’histoire de l’Europe. Le seul récit de la famine en Ukraine, avec le développement d’un cannibalisme à grande échelle, est hallucinant.


Ian KERSHAW : « La fin-Allemagne 1944-1945 ». Je ne suis pas historienne mais le nazisme, c’est pour moi une source inépuisable de réflexions sur le mal, le pouvoir, la psychologie. Kershaw, l’un des grands historiens du nazisme, essaie ici de répondre à cette question essentielle : comment se fait-il que les Allemands, alors qu’il était évident, dès le mois de juillet 1944, que la guerre était perdue, aient combattu jusqu’au bout, contre toute logique, au prix d’un anéantissement complet ? La terreur exercée par les nazis n’est pas une explication suffisante. Il y avait bien une adhésion massive de la population allemande au national-socialisme avec une fascination exercée par la personnalité de Hitler. Un livre malheureusement ardu, trop universitaire,  mais dérangeant et éclairant.



Daniel COHEN : «Homo Economicus, Prophète (égaré) des temps nouveaux ». J’aime beaucoup Daniel Cohen (« Nos temps modernes », « La mondialisation et ses ennemis », « La prospérité du vice »). Il choisit ici de parler principalement du bonheur, ce qui peut sembler présomptueux de la part d’un économiste. Ce qui est sûr, c’est que l’âge démocratique ne s’est pas traduit par une amélioration des indices de satisfaction. L’affirmation de l’individu libre et responsable, ça conduit aussi au développement des envies et des rivalités et ça plonge tout le monde dans une compétition effrénée. En fait, l’économie modèle maintenant tous nos comportements. Un bouquin stimulant et agréable où on se promène dans la Rome antique et dans le Pékin d’aujourd’hui et où on scrute les bouleversements de la société numérique.


J. Maarten TROOST : « La vie sexuelle des cannibales ». Moi qui déteste les endroits paradisiaques, j’ai été comblée par ce livre. C’est féroce et hilarant ! De quoi vous faire renoncer définitivement à tous vos projets de vacances sur une plage de sable chaud en plein Pacifique. Un humour ravageur qui évoque irrésistiblement le regretté Eric Newby.


Aurélien BELLANGER : « La Théorie de l’information ». Le grand roman de la rentrée. J’ai adoré parce que c’est en prise directe avec notre monde concret, celui de l’économie, du travail, des réseaux sociaux. La déstructuration-restructuration des rapports humains dans la société de l’information. Jusque dans sa sécheresse, son manque de chair, de désir, sa neutralité. C’est sans doute pour ça que le bouquin n’a pas plu à la critique traditionnelle. A rapprocher évidemment de Michel Houellebec et d’Eric Reinhardt.




Julie OTSUKA : « Certaines n’avaient jamais vu la mer ». Le sort tragique de ces Japonaises qui, au début du XXème siècle, ont quitté leur pays pour épouser, aux Etats-Unis, un homme qu’elles n’ont pas choisi. La déception et la détresse sont évidemment immenses. La misère de l’exil, la violence sexuelle, le gouffre culturel, l’humiliation des Blancs, le rejet de leur culture.


Ferdinand Von SCHIRACH : « Coupables ». Après « Crimes », on retrouve dans ce recueil de 15 nouvelles l’écriture au scalpel de l’avocat berlinois. On a tous l’âme, simultanément, d’un criminel et d’un juge et on est pareillement fascinés par ces deux figures. L’envers et l’endroit : qu’est-ce que l’écriture désincarnée, objective, de la procédure judiciaire parvient à dire d’une vie qui bascule tout à coup dans la violence et l’horreur ?




Patrick DEVILLE : « Peste et choléra ». Quand l’aventure scientifique rejoint l’aventure humaine : « Ce n’est pas une vie que de ne pas bouger ». On fait donc le tour du monde. Paradoxalement, on ne décolle pas de ce bouquin.



Serge DELAIVE : « Carnet de Corée ». En 2008, j’avais visité la Corée. Malheureusement, j’avais été un peu déçue. C’était la première fois que j’éprouvais ça au cours d’un voyage. J’avais été rebutée par la laideur globale des villes. Mais, dans tout cet océan de laideur, il y avait aussi des instants magiques et des lieux préservés avec des éclats de beauté. Je n’avais pas compris qu’en Corée, la beauté est dans l’éclat, le fragment. C’est ce que traduit bien ce petit livre, qui est un carnet de voyage et qui est constitué, à petites touches, d’impressions, d’images, de couleurs, d’objets, de lieux, de mots, de gestes. Rien de totalisant, une simple succession d’émotions.


André BOLZINGER : « Portrait de Sigmund Freud ». C’est une démarche complètement nouvelle : la vie de Freud reconstituée à partir de sa correspondance. Il faut dire que celle-ci est immense puisque Freud écrivait plusieurs lettres par jour. On découvre des facettes nouvelles du personnage, plus complexe et plus humain : «à la fois philanthrope et misanthrope, insoumis et résigné, prudent et impulsif, juif et athée, germanophile et antiprussien ».



Willa CATHER : « La nièce de Flaubert ». C’est une petite curiosité qu’on lit en une demi-heure mais c’est fascinant. C’est le récit de la rencontre, en 1930, de la grande écrivain américaine, Willa CATHER, et de Caroline, la nièce de Flaubert, qui, je ne le savais pas, a été élevée et éduquée par lui.


Patrick BESSON : « Contre les calomniateurs de la Serbie ». Une réédition, avec des compléments,  des textes de Patrick Besson durant les guerres de Yougoslavie. Ca frappe fort et avec justesse et ça dénonce avec férocité et justesse la propagande occidentale anti-serbe.


Tableaux de Gerhard Richter, le très grand peintre allemand qui a d’abord vécu, rappelons-le, à Dresde (R.D.A.).


Je vous recommande en outre, sans réserve, les films suivants :

« A perdre la raison » de Joachim Lafosse
« Después de Lucia » de Michel Franco
« Dans la maison »  de François Ozon
« Like someone in love » de Abbas Kiarostami
" Sous la ville" d'Agnieszka HOLLAND - un film puissant et horrible, bien supérieur à "la liste de Schindler".

4 commentaires:

Anonyme a dit…

belle découverte ,les tableaux de G.R.Je vais aller un peu plus loin ; vous avez un appétit d'Ogre ,comment avez-vous le temps de respirer et de lire autant ! c'est ...épatant . J'ai des amis coréens et je vais me jeter sur le petit livre que vous recommandez ; ils sont partagés entre traditions et modernisme grande vitesse , très secrets .N'oubliez pas de respirer ! Lola

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Lola ! Mais... je respire, je respire.

Je consacre mes loisirs à plein d'autre chose que la lecture : je fais du sport, je me promène, je fais les magasins, je vais au cinéma, je sors.

Simplement, je crois que je lis beaucoup plus vite que la moyenne. Et puis c'est la nuit (normal pour une vampire) ou dès que j'ai une minute. De plus, je ne regarde pratiquement pas la télévision.

S'agissant de la Corée, je conseille quand même vraiment d'y aller. C'est un pays très facile et les gens y sont très sympathiques. Quant à la cuisine, j'adore. Le plus simple, c'est d'y aller en individuel. Ca ne pose vraiment aucun problème.

Carmilla

Anonyme a dit…

Vous n'avez rien , c'est vrai, d'un vampire qui sent l'antimite !il faut aller en corée au printemps ou à l'automne , gor-geous ! il y a un excellent livre (
omnibus) qui donne des textes de voyageurs depuis le 16°siècle ...je regrette de n'avoir pu voir l'expo GR ( genou fracassé)
merci pour votre sélection qui donne une furieuse envie !à plus,lola qui marche sur un pied .

Carmilla Le Golem a dit…

Pour la Corée, c'est comme pour le Japon. Il y a, à mes yeux, deux périodes magiques pour y aller : aux alentours de la première semaine d'avril (pour les cerisiers en fleurs)et durant la première quinzaine de novembre (pour les couleurs d'automne). Tout est transfiguré et sublimé, la nature et les gens.

Carmilla