dimanche 8 février 2015

Lettonie


C'est fini ! C'est triste, je viens de rentrer de mes vacances en Lettonie. Malgré la quasi-absence de froid et de neige, j'ai adoré; c'est un pays où je pourrais vivre sans aucune difficulté. Enfin, il y a quand même les tensions entre Russes et Lettons. Fichu problème! C'est sûr que la Lettonie est un pays miraculé et que la condition de sa survie est de ne rien concéder aux Russes.


A Riga, j'ai trouvé une nourriture qui me convient. Je suis revenue avec une valise pleine à craquer de poissons fumés, de tout ce que j'adore et qu'on ne trouve pas à Paris: de l'anguille, du flétan, de l'esturgeon, du poisson-chat, du saumon. Et puis aussi, évidemment, du crabe de la mer d'Okhostk et du caviar. De quoi organiser plusieurs fêtes avec les copines, enfin du moins avec celles qui apprécient ce genre de trucs.



A par ça, Riga, comme je l'ai déjà dit, c'est d'abord la capitale de l'Art Nouveau. A cet égard, la ville a été largement remodelée par Mikhaïl Eisenstein, le père du célèbre cinéaste. Il était un grand architecte et y a réalisé de nombreux immeubles, presque délirants et d'une beauté saisissante notamment dans les rues Alberta et Strelnieku. 


L'Art Nouveau, ça a été une période imaginative, flamboyante, mais très courte (1890-1910). Rapidement, ce style est apparu le symbole de l'art bourgeois.


Ce qui est intéressant, c'est que Sergueï Eisenstein, le futur cinéaste, n'éprouvait aucune admiration pour l'oeuvre de son père et la méprisait même carrément. Il considérait que ce n'était que d'affreuses pâtisseries. Il a en fait toujours considéré son père comme le prototype de l'infâme bourgeois, odieux et arrogant. 


La révolution bolchevique lui a alors offert une opportunité idéale d'entrer en conflit ouvert avec son père en combattant même, avec les Rouges, contre les armées blanches dans les quelles s'était enrôlé son père. Par la suite, il a toujours été un bolchevique intransigeant et inconditionnel qui a même réussi la performance de n'être jamais "épuré" par Staline.


On ne peut bien sûr pas trancher concernant ce conflit familial mais je défie néanmoins quiconque de ne pas être ému par les immeubles de Riga réalisés par Mikhaïl Eisenstein. Je vous en livre ici, bien sûr, quelques images.




Un vertigineux escalier dans un immeuble Art Nouveau de Riga.






En allant en Lettonie, je souhaitais aussi réaliser l'un de mes vieux rêves: visiter le château de Rundale.


Rundale, c'est un château fantastique qui a été réalisé au 18 ème siècle, par le célèbre architecte Bartolomeo Rastrelli.  Quand on découvre Rundale, on est stupéfaits, on n'en croit pas ses yeux: depuis un tout petit village de campagne, on voit, tout à coup, surgir l'exacte copie du Palais d'Hiver de Saint-Pétersbourg.


J'ai donc pu réaliser ce rêve. Ce qui était très étrange, c'est que je pouvais avoir l'impression que l'on avait ouvert cet immense palais pour moi seule. Nous n'étions que deux visiteuses. Enfin...ça change des queues de Versailles.


Rundale, ça se réfère aussi à l'histoire des barons baltes. Les barons baltes, il faudrait tout un livre pour en parler. Disons simplement qu'il s'agissait de nobles de langue allemande, descendants des chevaliers teutoniques. Jusqu'au lendemain de la première indépendance de la Lettonie (1920), ils possédaient la quasi totalité des terres de Courlande et y avaient fait édifier une multitude de châteaux. Beaucoup de ces châteaux ont été détruits pendant la période soviétique mais il en subsiste quand même un grand nombre.


D'ailleurs, si vous ne savez pas quoi faire de vos prochaines vacances, je vous conseille ça: visiter les châteaux des barons baltes en Courlande. C'est beaucoup moins fréquenté que les châteaux de la Loire et surtout la région est complètement vierge: du temps de l'occupation soviétique, les Russes ont coupé la Courlande du reste du monde. Vous trouvez donc des forêts quasi primitives, des lacs qui sont le domaine des canards et des oiseaux migrateurs et des plages au sable immaculé.


Pour vous initier à la Courlande, je vous conseille de lire le court roman de Marguerite Yourcenar: "Le coup de grâce". Ce qui est bizarre, c'est qu'elle a écrit ce livre sans avoir jamais mis les pieds là-bas mais elle parvient à restituer, de manière sans doute très juste, l'ambiance psychologique de la région.


Surtout, il faut voir l'adaptation cinématographique de ce livre par Volker Schlöndorff et Margarethe Von Trotta. Un monde sombre traversé par l'ambiguïté des passion sexuelles et politiques.


Il faut aussi lire l'écrivain de langue allemande Eduard Von Keyserling (1855-1918) qui a appartenu au monde des barons baltes. Ses livres (que l'on trouve aux éditions Actes Sud) expriment toute la mélancolie de la déchéance.




Photos de Carmilla Le Golem en Lettonie. Les touristes ne se retrouveront peut-être pas dans mes photos mais il est vraiment très difficile de claquer des images par un temps qui, à une journée près, était très sombre, voire lugubre.

Si l'on s'intéresse aux pays baltes, il faut absolument lire: "Les âmes baltes" de Jan Brokken, grand écrivain hollandais. Ce livre regorge d'histoires merveilleuses. J'ai en particulier été marquée par le récit de la jeunesse de Marc Rothko à Daugavpils. C'est curieux, on considère Rothko comme un peintre complètement américain mais Jan Brokken montre bien qu'on ne peut comprendre son oeuvre sans cette référence essentielle à la culture juive et russe du début du 20 ème siècle.

On lira aussi, avec intérêt, le récit sentimental de Jean-Paul Kauffmann: "Courlande" (2009).

2 commentaires:

nuages a dit…

Merci pour ce récit de voyage, joliment illustré.
L'absence de soleil, précisément, confère une atmosphère mélancolique et poétique aux images.

Quant au film de Volker Schlöndorff et Margarethe von Trotta, j'ai vu avec plaisir qu'il était disponible dans les réserves de ma médiathèque préférée, et j'ai demandé son emprunt.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Nuages pour ces appréciations positives.

C'est vrai qu'on peut parvenir à faire de bonnes photos par temps sombre. Mais c'est quand même beaucoup plus compliqué parce que tout apparaît sans relief et indistinct.

Trouver le film "Le coup de grâce" est presque un coup de chance, si j'ose dire. Il me semble en effet qu'il remonte aux années 70.

Carmilla