dimanche 8 novembre 2015

La fièvre de l'Or


L'argent, ça semble complètement neutre, le simple instrument des échanges. Mais il faut bien constater qu'on entretient tous, avec lui, des relations ambiguës, passionnées, même sous une apparente indifférence. Surtout, l'argent, c'est, souvent, le support, aujourd'hui, de notre identité dans les relations sociales. Dis-moi combien tu gagnes !

Dans les couples, c'est, déjà, le principal fauteur de troubles. De sinistres relations d'assujettissement s'établissent, comme ça, dans les quelles l'argent est vecteur de reconnaissance ou de déni. Il y a un gagnant et un perdant; il y en a toujours un qui tient les cordons de la bourse et qui humilie l'autre pour son insuffisance ou son impécuniosité. 

Dans les simples relations sentimentales, vous n'avez évidemment rien à dire si vous n'avez pas de fric: vous êtes, de toute manière, prêts à tout, même à vous faire violenter, si vous êtes inscrits à Pôle-Emploi..

Mais ça n'est pas facile, non plus, si vous êtes un peu riche et une fille. On s'acharnera, bien vite, à vous démonter. Votre fric, c'est, de toute manière, incongru, accidentel ! Et on vous fuira ou vous dégommera. Il n'y a que les nazes qui s'accrocheront. Peu importe !


A titre personnel, les gens les plus détestables, c'est d'abord les avares, les Harpagons. Ils sont aussi affreux que les écologistes (mais c'est, en général, très lié, l'écologie, ça n'est jamais que la forme moderne, sordide, de l'avarice). Les avares, ils croient, d'abord, à la valeur absolue de l'argent (c'est leur grille de lecture, unique, du monde). Ensuite, ce sont des jaloux (et les jaloux sont, aussi, des avares). Les jaloux, les avares, je les ai en horreur avec leur désir de possession exclusive et l'incapacité de partager. Et puis, ils vivent dans la suspicion permanente des autres. Les autres, ils comploteraient, sans cesse, pour déposséder et les avares et les jaloux. C'est la défiance permanente, l'incapacité totale d'amour. Pour les grippe-sous, les jaloux, il s'agit d'abord de soutirer le plus que l'on peut à autrui et pour cela de ne pas hésiter à le duper. Un avare, un jaloux, ça me fait vomir, je voudrais tous les flinguer !


Il y a aussi les envieux qui me terrifient. Ils sont différents des avares et des jaloux. Ils n'ont, pas forcément, pour préoccupation première l'accumulation. Ce sont les personnes que je rencontre le plus ! Ils me pompent, me harcèlent ! Je suis sans cesse courtisée par des envieux. Il faudrait que je leur consacre tout mon temps, que je baise, sans hésitation, avec eux. Pitié ! Arrêtez ! Foutez-moi la paix et je sais bien, d'ailleurs, que vous me plaquerez, instantanément, si, un jour, je me casse la gueule et c'est d'ailleurs ce dont vous rêvez.

Les envieux, ils vivent dans la compétition, la rivalité. Les envieux, ils fantasment moins sur l'argent que sur celui qui le possède. Ils sont prêts à le dévorer. Ils supposent que le riche éprouve une jouissance dont ils sont exclus. Les envieux, ils veulent être moi, exercer ma puissance supposée. Ils croient au pouvoir de l'argent. L'argent, il ouvrirait à une infinité de plaisirs. C'est notamment la vision du Marquis de Sade: on jouirait d'autant plus qu'en serait exclue la multitude.


Chaque jour, comme ça, je suis confrontée à des regards qui me signifient que l'on ne veut pas seulement me baiser, ce qui est anodin, mais surtout être moi, épouser, sans scrupules, mon identité, ma saloperie, mes horreurs, pourvu que l'on puisse jouir comme moi. Tout ça, parce que j'ai un peu de fric. C'est terrifiant, effroyable !


L'argent, c'est pourtant de ça dont j'ai cherché à me libérer dans ma vie. J'ai toujours voulu que ce ne soit pas un problème: ne pas avoir à compter, calculer, faire des budgets. Pouvoir aller à Tokyo ou à New-York quand la fantaisie m'en prend, m'acheter la bagnole, les bouquins ou les fringues dont j'ai envie. Ne pas être soumise, surtout, à un imbécile qui se croira plus riche que moi. Vis à vis de l'argent, j'ai, donc, choisi l'indifférence absolue.C'est donc, probablement, pour ça que j'ai choisi, d'une manière qui peut sembler paradoxale, d'exercer des fonctions dans la finance.


Je vais peut-être choquer mais je ne consulte, à peu près jamais, mon compte en banque. Je suppose que c'est suffisant. Idem pour mes positions en Bourse. J'achète, un jour, plein d'actions d'une société et, après, je m'en désintéresse. C'est seulement au bout de quelques mois que je commence à regarder où ça en est. C'est peut-être une méthode bizarre mais ça marche très bien aussi. 

De toute manière, pour gagner, il faut être sûr de ne jamais être déçu!  Il y a l'argent que je gagne par mon travail et il y a l'argent somptuaire que je peux accepter de perdre entièrement.

N'être jamais déçu, ça peut être un principe général de conduite de sa vie. Et pour gagner un jour, il faut, croyez-moi, ne jamais calculer, être absolument indifférent à la perte ou au gain. C'est comme ça qu'on se sent hors d'atteinte, inaccessible au malheur ou au triomphe, être capable de devenir, tour à tour, sans émotion aucune, riche ou pauvre.







Images de la Sécession Viennoise et, évidemment, de Gustav KLIMT et Koloman MOSER, tableaux évidemment inspirés par la représentation de l'or.

Je recommande par ailleurs le livre récent et très intelligent de Patrick AVRANE: "Petite psychanalyse de l'argent".

Je me suis, enfin, évidemment réjouie de l'attribution du prix Goncourt à Mathias Enard pour "Boussole".J'avais évoqué son bouquin dans mon post du 4 octobre dernier. C'est très puissant, étonnant, troublant et surtout ça donne une autre vision de l'Orient, porteur de rêves, de sensualité et de raffinement !

2 commentaires:

Thierry Mattart a dit…

Interessant cet article sur le veau d'Or ... Notre société ou l'argent est statut sociale et surout pouvoir !
Je suis entièrement d'accord avec cette notion de liberté...
Mais certain en sont devenu parano... La peur de tout perdre!
Allez je ne suis ni jaloux, ni envieux, ni radin ... Je cesse de signer en tant qu'anonyme!
THIERRY

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Thierry,

Je crois cependant qu'on n'est jamais taillés d'un seul bloc. On est tous très complexes.

On peut aussi se montrer, tour à tour, avares, désintéressés, jaloux, flambeurs.

Bien à vous

Carmilla