dimanche 5 février 2017

"OSTALGIE"



Cette année, c'est le centenaire de la Révolution d'Octobre en Russie. Je ne sais pas si ce sera célébré mais ce qui est sûr c'est que les 70 ans d'expérience communiste qui ont suivi sont largement effacés de la mémoire collective. Il est vrai que presque plus personne ne sait ce qu'a été le communisme puisque ceux qui l'ont véritablement connu sont de moins en moins nombreux; ils ont tous, aujourd'hui, plus de 50 ans.

"Le mur de Berlin", qu'est-ce que c'est que ce truc de vieux  ?


Et puis, on laisse entendre, surtout à l'Ouest, qu'il y aurait maintenant une nostalgie générale de l'ancien système (une "Ostalgie"), que c'était finalement le bon temps et qu'on ne vivait pas si mal.

Étrange falsification ! Je puis vous assurer que presque personne à l'Est (sauf les Russes qui préfèrent être pauvres mais puissants et redoutés) ne regrette l'ancien système.


La période communiste est abhorrée. La raison est très simple: le niveau de vie a triplé ou quadruplé depuis près de 30 ans grâce... au capitalisme. La Pologne, l'Ukraine, la Russie, des années 90 et d'aujourd'hui, ça n'a, strictement, rien à voir.


Il devient urgent de rappeler ce qu'était la société communiste, cette vie de caserne infantilisante, grotesque et humiliante, ce monde du Père Ubu, cruel et ridicule. Ça tempérerait peut-être les ardeurs de certains candidats "de gauche" à une certaine  élection présidentielle.


Je me réfère bien sûr, moi-même, à mes parents mais la "finance", tellement honnie en France, c'est sûr qu'elle avait été éradiquée (même pas de banques) et l'argent aussi. Il ne circulait qu'une monnaie de singe qui ne permettait de s'acheter à peu près rien: des flacons de vinaigre, des cornichons, des soutiens-gorge est-allemands taille 105, des chaussures tchécoslovaques pointure 45, de multiples chapkas synthétiques. La seule denrée constamment disponible, la vodka. A par ça, rien de rien: pas de cafés, de restaurants, de lieux de rencontre, de loisirs. Il n'existait qu'une monnaie reconnue: le dollar et, à défaut, le mark.


Les rapports marchands avaient été abolis. Plus rien ne valait plus rien ! Les prix, ça n'existait pas ! Grâce à ça, la qualité des produits était désastreuse. L'U.RS.S., c'était un grand cloaque, un pays sale, crasseux,  où rien ne marchait, rien ne fonctionnait. Tout était de guingois, de travers, tout s'effondrait !


On n'osait pas appuyer sur un bouton électrique, ouvrir un robinet, aller dans des toilettes publiques ! Un téléviseur, c'était un appareil très dangereux, parce que ça explosait, souvent, inopinément. Un frigidaire, ça chauffait plus souvent que ça ne refroidissait. Une voiture, ça tombait, systématiquement, en panne. Les besoins essentiels, l'eau, l'électricité, les transports, l'alimentation, ça n'était pas assuré. Le téléphone, ça n'existait quasiment pas. Tout était infect, immangeable, imbuvable, en déliquescence !


Sur le plan économique, c'était le tiers-monde ! On était, absolument, misérables ! On était, juste, logés pour rien (on vivait, même, dans des appartements surchauffés en hiver) et on avait un emploi minable garanti à vie. Indéfiniment peinards dans la médiocrité !


La survie économique, on l'assurait avec autre chose: des trafics, des magouilles, de petits business minables.


Mais c'est vrai que le système avait aussi des aspects séduisants. Contrairement à l'image habituellement diffusée à l'Ouest, le système communiste ne reposait pas, simplement, sur une répression policière féroce, la surveillance généralisée des uns par les autres.


Mais non! c'était une dictature molle, bonasse (du moins après Staline), avec la quelle on pouvait conclure d'inavouables arrangements. La corruption, la petite corruption, était généralisée. Le Droit, on ne savait pas ce que c'était, ça n'existait tout simplement pas. Et puis, la corruption, ça n'était pas si  désagréable que ça: tout pouvait s'arranger et ça permettait de développer les liens sociaux, d'entretenir des relations cordiales.


Surtout, on ne foutait absolument rien ! Le stress du boulot, on ne connaissait pas. Le revenu universel, prôné par Messieurs Hamon et De Villepin, a, ainsi, déjà été expérimenté, avec grand succès, dans le monde communiste. On faisait semblant de travailler pour un semblant de salaire.


Il y avait aussi la solidarité et l'égalité: tous les pauvres étaient riches et tous les riches étaient pauvres ! Un rêve Mélenchonno-Pikettiste !


Et d'ailleurs, on vivait dans une innocence absolue. Pas d'angoisse, d'interrogations ! Si on était minables, ce n'était pas de notre faute,  c'était celle du Grand Autre, le Parti, l'Etat, sur lequel on pouvait taper à loisir (je signale à ce propos que la parole était beaucoup plus libre qu'on ne l'imagine). Ça vous structurait et on n'était coupables, responsables de rien. 


Enfin, c'était la grande convivialité, ces innombrables soirées à se saouler, à échanger, à refaire le monde. C'est à ça que je suis demeurée le plus sensible et dont je suis la plus nostalgique.


Finalement, pour qui aspirait à la sécurité et entretenait des rêves modestes, le système convenait très bien. Il garantissait une vie tranquille, sans trop de soucis, mais qui était bien loin de l'esprit révolutionnaire.


Affiches des années 20 des célèbres frères STENBERG, Vladimir (1899-1982) et Georgii (1933). Nés à Moscou, ils ont épousé la cause de la Révolution et participé au Constructivisme. Je trouve ça, personnellement, extrêmement fort, presque indépassable. On n'a jamais su mieux composer une image.


17 commentaires:

Unknown a dit…

Ce n'est pas moi qui vous dirai le contraire chère Carmilla !

Merci de nous rappeler ces périodes désastreuses et souhaitons qu'elles ne soient pas complètement oubliées.
Dans ma famille, les jeunes parents ont à coeur d'en parler à leurs enfants, et c'est une bonne chose.

Et quand vous évoquez cette "ostalgie", j'ai envie d'hurler, parce que je vois venir le moment où cette légende pourrait bien envahir notre pays, surtout quand on voit ce qui se passe en ce moment...c'est à pleurer.

Bon dimanche à vous, Carmilla.

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Ariane pour votre message !

On assiste effectivement, aujourd'hui, à une montée générale des populismes, de droite et de gauche. Il y a, en outre, une inculture économique générale qui permet de promettre n'importe quoi.

C'est bien inquiétant parce que les lendemains ne chantent pas toujours.

Bien à vous

Carmilla

KOGAN a dit…

Merci CARMILLA... pour les plus de 50 ans....il en reste encore quelques-uns et encore debouts...j'en fait partie....

Voici mon melting pot

J'ai un souvenir d'enfance de cette époque à la télévision (noir et blanc) en octobre 1962 concernant entre autre la crise des missiles de CUBA.

Les soviétiques voulaient peut être fêter à leur manière l'anniversaire de la révolution ? mais je comprenais difficilement à cet âge-là ce que pouvait endurer le peuple.

Je consulte de temps en temps le site SPUTNIC sur lequel beaucoup d'informations sur la RUSSIE circulent et que les médias Français n'évoquent pas...(il ne faut surtout pas effrayer le péquin)

On peut y voir par ailleurs une surenchère de fabrications et de ventes d'armes de plus en plus sophistiquées, chinois compris.En FRANCE nous ne sommes pas non plus à la traîne( 3eme rang) Mais quand les grandes puissances se réarment , ce n'est pas bon signe...Le taux de mortalité mondial par ces moyens et des pauvres types qui les utilisent, risque de fortement augmenter dans un avenir proche.

Chez nous aussi ce n'est pas bon signe mais là, c'est "cérébralement" chez nos hommes politiques, nous vivons une véritable " Bérézina ",un incroyable chaos sur le plan électoral ...du jamais vu et assez inquiétant... comme aux USA avec ce nouveau "président" relevant d'un traitement psychiatrique à long terme.

C'est le signe qu'au-delà des combats d'une campagne perdue d'avance pour certains, les Français "ne savent vraiment plus où ils habitent"... avec le risque que l'on connaît et qui sont incapables de voir juste, si on y ajoute les scandales financiers et arrangements entre amis bien persistants depuis plusieurs décennies...

Et comme BRUXELLES veut...MACRON...of course...alors "wait and see"
mais c'est préférable aux chasseurs d'étoiles en culottes courtes et autre hologramme...



Bien à vous
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Je n'avais nullement l'intention, bien sûr, de froisser les plus de 50 ans. Mais il est vrai que la mémoire de ce que fut le monde communiste s'estompe de plus en plus et qu'ils deviennent les seuls dépositaires de ce passé.

Cela dit, la souffrance véritable, c'était jusqu'en 1953, la mort de Staline. Après, c'était une dictature molle et un vaste foutoir. C'était surtout désespérant.

Je conseille en effet vivement la lecture de Sputnik que je consulte moi-même de temps en temps. Cela donne une très bonne idée de ce que sont la presse et l'information, aujourd'hui, en Russie: une propagande énorme et grossière mais qui finit par imprégner les mentalités. On retrouve aussi la tradition du mensonge propre au système soviétique. Ca permet enfin de découvrir que la Russie a de nombreux "réseaux" en France.

Quant au résultat des élections présidentielles en France, il est totalement imprévisible mais c'est sûr que le débat économique est caricatural. Espérons, surtout, que le populisme ne va pas triompher.

Bien à vous,

Carmilla

KOGAN a dit…


J'ai de la chance , je ne fais pas mon âge ...je mets beaucoup d'antirides.

Question mensonge et abus ce n'est pas si mal non plus en FRANCE du côté de nos hommes politiques et principalement avec la langue de bois ou novlangue largement pratiquée par les leader de "l'EUROPE".
On va tous y laisser des plumes!!! quoi qu'il arrive...grâce à DIEU j'ai encore tous mes cheveux!!!

Bien à vous.
Jeff

Unknown a dit…

"Envahir notre propre pays", dixit A.Grammaticopoulos, Ahah! Ahah? Ahah...

Une sorte de procès Scopes de la pensée, version 2017. On a tous quelque chose en nous de Tennessee...

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Raymond pour votre message!

Mais ce que dit Ariane est-il risible?

Est-ce qu'il n'y a pas, effectivement une effrayante montée des populismes et de la démagogie ?

Est-ce qu'il n'y a pas une attirance majoritaire pour le totalitarisme?

Mélenchon + Le Pen + Hamon (dont je ne distingue pas bien les programmes),ça fait, tout de même plus de 50 % des électeurs en France.

Bien à vous,

Carmilla

Anonyme a dit…

Risible non, je fus juste un peu interpellé par la formulation. Ca m'avait tellement estomaqué (et fait rire) d'entendre des gens dire en 1981, et le plus sérieusement du monde : "mon Dieu Mitterand est élu les chars russes seront à Paris dans quinze jours".

Mélenchon + Le Pen + Hamon = Populisme et démagogie? Admettons. Quid de Macron et Fillon, ils ont disparu de l'addition?

Un des gros problèmes de la démagogie, c'est son analyse critique à géométrie extrêmement variable. Les électeurs trouvent généralement démagogues les candidats que ne correspondent pas à leurs critères philosophiques, économiques, sociaux etc.

C'est tellement simpliste qu'on a envie d'en pleureur, mais cela me semble être un lot relativement commun, ne trouvez-vous pas Carmilla?

Raymond.L

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Raymond,

Je crois qu'il y a quand même une gradation de la démagogie.

Personnellement, je suis très pragmatique et ne juge les personnalités politiques que sur leurs propositions économiques.

L'économie constitue tout de même, quoi qu'on en pense, une discipline scientifique mais je suis effarée de constater que presque tout le monde se croit autorisé à raconter n'importe quoi en la matière. A cet égard, les programmes de Mélenchon, Hamon, Le Pen sont un tissu d'absurdités. Affirmer cela ne relève pas d'une position qui serait de droite ou de gauche. C'est le simple problème d'un minimum de culture et de bon sens économiques. On peut avancer l'excuse que le trio susvisé est ignare mais je crois plus simplement qu'ils sont démagogues car ils savent très bien que leur programme est absurde. L'important, c'est de proposer des mesures qui plaisent !

Macron est infiniment moins démagogue et il est un cran au-dessus.

Quant à Fillon, je ne l'aime pas mais il faut reconnaître que son programme économique a le mérite de ne pas être démagogue.

Bien à vous

Carmilla

KOGAN a dit…

Pour faire simple , MACRON ne serait-il pas le cheval de TROIE de François HOLLANDE...(ils se font la bise)...et François BAYROU le tonton flingueur d'Emmanuel MACRON?... "façon puzzle", je fais abstraction dans ce constat du phénomène économique et financier bien réel et édifiant du tourbillon de notre époque.

Souvenez-vous de "l'élection" de Jacques CHIRAC en 1995, qui elle, était purement politique avec ses belles trahisons...et ses petits meurtres entre amis, tous partis confondus.



Bien à vous
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff !

Malheureusement, je n'ai pas de souvenirs de l'élection de Jacques Chirac en 1995. Je ne la connais que par ouï-dire.

Macron pourrait donner, à mes yeux, une nouvelle image internationale de la France: jeune, moderne, ouverte. Finie l'image de pays-musée ou de pays de vieux.

Je l'avoue, je soutiens Macron à fond.

Bien à vous

Carmilla

KOGAN a dit…

Tout ce que je souhaite, s'il arrive à être élu, c'est qu'il change le RSI dare dare !!!(complètement meurtrier) ce qu'il a annoncé au début de sa campagne, mais je n'ai rien vu de cette ébauche dans son programme d'hier?

Entre les belles promesses électorales et la réalité de leurs applications, jeunes ...et vieux, c'est la même symphonie.

La majorité des Français n'est hélas pas encore très moderne j'en conviens, comme coupée en deux, inconsciente des réalités du XXIeme siècle, et le troisième âge s'accroche...

Bien à vous
Jeff

Carmilla Le Golem a dit…

Merci Jeff,

Vous me posez des questions ultra-pointues aux quelles je ne sais trop que répondre.

Aux dernières nouvelles, le RSI serait supprimé, l'idée générale étant que tous, salariés et individuels, bénéficieraient des mêmes droits. Ça m'apparaît un progrès !

C'est sûr qu'être indépendant, aujourd'hui, c'est le comble de l'injustice !

Bien à vous

Carmilla

paul a dit…

remarquable note de page, et donc illustrations

paul a dit…

bonsoir carmilla, prenez soin de considérer que mon précédent commentaire est redondant avec ceci. je m'intéresse à l'affiche la plus rose (malheureusement) dans la série que vous proposez (le visage quasi selfié), je sollicite de votre part et si vous le voulez bien, quelques sources : une éventuelle traduction des différents syntagmes verticaux, et si vous le pouvez une date. je vous remercie par avance

Carmilla Le Golem a dit…

Bonjour Paul,

Ça veut dire : Barbara Liamar au cinéma Kartin et le titre c'est Milord Mac Grew.

La transcription de noms de famille du russe au français et inversement est souvent difficile et approximative.

Quant à la date, je ne sais pas précisément mais c'est sûrement fin des années 20, début des années 30.

Bien à vous

Carmilla

paul a dit…

bonsoir carmilla, merci à vous. c'est fascinant. il y a un siècle on lançait des films noir et blanc et muets & censurés n'est-ce pas, comme ça, à l'est. je ne l'aurais pas cru.. quels génies de l'affiche !